Résumé
Les deux nouveaux vaccins contre les papillomavirus (HPV) s’adressent en priorité au cancer du col utérin. Ils sont efficaces à 100 % sur les lésions cervicales de haut grade s’ils sont pratiqués avant tout contact avec les HPV 16, 18. Le dépistage du cancer du col doit donc être poursuivi et amélioré, puisque les deux vaccins couvrant les HPV 16,18 ne protègent que contre 70 % des 15 HPV à haut risque. Le meilleur âge pour vacciner, onze ans ou quatorze ans, est discuté en fonction de l’âge des premiers rapports sexuels et de la durée de protection, établie actuelle- ment pour cinq ans. La mise en œuvre de ces vaccins requiert une surveillance multiple, dont la durée d’efficacité et la possibilité d’éventuels rappels vaccinaux, l’intérêt du rattrapage des femmes plus âgées, la vaccination des garçons, l’épidémiologie des HPV, l’information, particulièrement difficile dans ce domaine, pour les professionnels et le public.
Summary
The two new HPV vaccines (Gardasil® quadrivalent and Cervarix® bivalent 16,11) are both effective against HPV types 16 and 18, which are responsible for 70 % of cervical cancers, and the quadrivalent vaccine is effective against HPV 6 and 11, responsible for genital warts. Their efficacy is 100 % if they are administered before exposure to HPV 16,18. The proven duration of protection against high-grade cervical lesions is currently 5 years, and the need for boosters is unknown. Cervical cancer screening programs must continue, as only 70 % of the 15 high-risk HPV types are targeted. The best age for primary vaccination appears to be 11-12 or 14 years, before the outset of sexual activity. Vaccination of older women is less efficacious, and vaccination of males is being discussed. HPV vaccines should be useful in developing countries, if they can be made available. HPV vaccination campaigns require adequate public information.
Il existe deux groupes de virus HPV à tropisme génital : les virus à bas risque oncogène et les virus à haut risque oncogène (15 génotypes). Les HPV à bas risque sont la cause de condylomes génitaux et de lésions dysplasiques du col de bas grade. Les génotypes les plus fréquents sont l’HPV 6 et l’HPV 11, dont le risque carcinogène est exceptionnel.
Les HPV à haut risque sont responsables de dysplasies du col utérin de haut grade et des cancers du col. Les HPV 16 et 18 sont le plus souvent en cause. Il est actuellement établi que les papillomavirus humains sont les facteurs étiologiques indispensables dans le développement de lésions pré néoplasiques et néoplasiques du col utérin.
Deux vaccins papillomavirus, quadrivalent et bivalent, récemment mis au point, sont maintenant sur le marché. Ils sont tous deux efficaces sur les HPV 16 et 18, responsables de 70 % des cancers du col utérin dans le monde. Le vaccin quadrivalent est également dirigé contre les HPV 6 et 11, responsables de 90% des condylomes génitaux acuminés. Les deux vaccins sont donc confrontés en priorité à la prévention du cancer du col de l’utérus, et les deux problèmes du dépistage de ce cancer et de la vaccination HPV sont donc indissociables.
Épidémiologie
Selon l’OMS, environ 500 000 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus apparaissent actuellement chaque année dans le monde dont plus de 90 % dans les pays en développement [1]. Ce fléau, avec plus de 260 000 morts par an, représente une des atteintes les plus graves à la santé des femmes dans les pays à ressources limitées. Ces résultats contrastent avec celui des pays riches qui ont développé des stratégies de dépistage et de prise en charge thérapeutique efficaces suivies d’une réduction spectaculaire de l’incidence et de la mortalité. Ces tendances sont cependant variables d’un pays à l’autre, en raison des nombreux facteurs qui influencent l’efficacité d’un programme de dépistage. En France, en 2000, le nombre de nouveaux cas de cancers invasifs était de l’ordre de 3 400 (taux standardisé de 8/100 000), ce qui le plaçait au huitième rang de fréquence des cancers féminins [2]. Les décès dûs à ce cancer, pour la même année, étaient d’environ 1 000 (taux standardisé de 1,9/100 000) ce qui le plaçait au cinquième rang des décès par cancer de la femme.
Les vaccins HPV
Les deux vaccins sont des vaccins recombinants issus du génie génétique, formés de pseudo-particules virales (VLP) fabriquées par auto-assemblage de la protéine majeure L1. Le vaccin quadrivalent (Gardasil® Laboratoires Merck) contient 4 VLP des HPV 16, 18, 6 et 11 et le vaccin bivalent (Cervarix® laboratoires GSK) deux VLP des HPV 16 et 18. La réponse immunitaire humorale est constante et plus forte que celle observée après l’infection naturelle. Pour le vaccin quadrivalent tous les anticorps sont présents cinq ans après la vaccination. Pour le vaccin bivalent une étude de suivi prolongé sur quatre à cinq ans démontre que les anticorps HPV 16/18 demeurent très élevés, à des titres dix-sept et quatorze fois plus élevés que ceux de l’infection naturelle pour les types 16 et 18 respectivement [3]. La réponse sérologique est plus forte chez les adolescentes de onze à quinze ans que chez les femmes plus âgées. Sur ces seules données disponibles le recul n’est pas suffisant pour se prononcer sur la nécessité d’un rappel.
Les essais d’efficacité sont peu nombreux mais de grande envergure. Le critère principal de jugement ne peut pas être le cancer du col utérin en raison de la durée trop prolongée d’observation qui serait nécessaire. La FDA américaine a recommandé d’utiliser d’autres marqueurs de substitution, les lésions CIN 2/3, car elles sont les précurseurs du cancer du col. Pour évaluer l’efficacité vaccinale sur le cancer du col utérin on a eu recours à des évènements préalables au cancer, à savoir la surveillance de la primo-infection à HPV 16/18, des lésions histologiques de bas grade et de haut grade : CIS (adéno- carcinome in situ), CIN1, CIN2 et CIN 3 (CIN : néoplasie intra-épithéliale cervicale) et du portage viral prolongé.
L’efficacité du vaccin quadrivalent a été évaluée par quatre études cliniques randomisées, en double aveugle, vaccin contre placebo, chez 20 541 femmes âgées de seize à vingt-six ans, exemptes ou non d’infection préalable par les HPV 6, 11, 16 ou 18. L’analyse des études combinées pour le vaccin quadruple montre une efficacité de 100 % (IC à 95 % : 93 % à 100 %) pour la prévention des marqueurs CIN2, CIN3 et AIS, chez les personnes non infectées et ayant suivi le protocole. Pour la population dite « en intention de traiter », incluant en plus les femmes infectées durant le protocole et ayant reçu au moins une dose de vaccin, l’efficacité diminue jusqu’à 39 % sur les lésions dues aux types vaccinaux [4, 5].
L’efficacité du vaccin bivalent évaluée chez 776 femmes sur cette longue période est de 96,9 % sur la primo-infection, de 94,3 % sur l’infection persis- tante à six mois et de 100 % sur l’infection persistante à douze mois pour la population suivant le protocole (PPE). L’efficacité sur les lésions cytologiques se poursuit sur quarante-sept mois en moyenne après l’entrée dans le protocole, avec un taux de 100 % sur les lésions CIN1+ (CIN 1, 2, 3, ASI, cancer invasif) et CIN2+ (lésions CIN 1+ sauf CIN1). Une extension de la protection aux génotypes 45 et 31 est constatée dans cette étude comme dans une autre étude récente portant sur plus de 18 000 femmes de quinze à vingt-cinq ans [6].
Évolution actuelle des méthodes de dépistage et d’évaluation du cancer du col
Les lésions précancéreuses retrouvées par les frottis ont connu des appellations successives diverses : dysplasies, puis « cervical intraepithelial neoplasia » (CIN) par Richart en 1968 divisés en trois sous-groupes : le CIN1 correspond à la dysplasie légère, le CIN2 à la dysplasie modérée et le CIN3 à la dysplasie sévère et/ou au carcinome in situ. En 1988 une nouvelle classification : The Bethesda System (TBS) distingue deux types de lésions : les lésions de bas grade (Low grade squamous intraepithelial lésions : LGSIL) qui correspondent aux CIN 1 et condylomes plans et les lésions de haut grade (High grade intraépithélial lesions : HCSIL) correspondant aux CIN2 et CIN3.
Le diagnostic des lésions précancéreuses cervicales est histologique, le prélèvement biopsique étant guidé de préférence par un bilan colposcopique proposé après les résultats d’une cytologie évocatrice.
L’apport de la cytologie est essentiel. Les frottis cervico-vaginaux peuvent être réalisés de façon conventionnelle par étalement selon la technique de Papa- nicolaou ou par une méthode en milieu liquide. Malgré son prix de revient plus élevé cette dernière devrait être privilégiée car elle améliore la qualité sémio- logique du frottis et le dépistage des lésions précancéreuses tout en permettant l’utilisation des tests. Les tests HPV (PCR ou hybridation en phase liquide) reposent sur le principe de l’hybridation moléculaire. Leur application est un progrès. Des études portant sur plusieurs milliers de patientes ont permis d’aboutir à deux notions fondamentales. D’une part, la Valeur Prédictive Négative (VPN) du test pour les lésions de haut grade étant supérieure à 99 %, l’absence de papillomavirus exclue presque à coup sûr la présence d’une lésion précancéreuse. D’autre part, le couplage du frottis et du test HPV augmente la sensibilité du dépistage conventionnel. Le test HPV est particu- lièrement intéressant en cas de frottis ambigu (frottis ASC-US, atypical squa- mous cells of undetermined significance) où l’implication virale est d’environ 50 %. Il est recommandé par l’ANAES dans cette indication. Une nouvelle génération de tests HPV apparaît : tests PCR dits multiplex, permettant l’ identification d’une trentaine de types d’ HPV, oncogènes ou non, nouveau type d’ hybridation en phase liquide, détection qualitative de l’ARNm E6 E7, PCR quantitative. La combinaison de la cytologie et de la biologie suggère de nouvelles stratégies de dépistage. Le test HPV pourrait être utilisé en première intention, notamment dans les pays en voie de développement, le test dépistant les femmes à risque tandis que les frottis dépisteraient les lésions intraépithé- liales chez les femmes HPV+. En fait, le test HPV utilisé en première intention devrait, pour avoir toute sa signification, être répété après six ou douze mois ou n’être proposé qu’après l’âge de trente ans, étant donné la fréquence de l’infection avant cette âge et son caractère le plus souvent transitoire.
Les bilans coût/efficacité du dépistage du cancer du col
On se trouve confronté aujourd’hui à l’évaluation du coût-efficacité des nouveaux vaccins HPV de prix élevé dans une problématique du dépistage du cancer du col, également en transformation et qu’il faut maintenir.
La réalisation d’études de coûts/efficacité permettant de choisir une stratégie nécessite pour être convenablement interprétée les conditions suivantes [7] : modalités de dépistage étudiées, valeurs fiables en terme de sensibilité et spécificité des tests, coûts directs et indirects explorés dans un contexte sanitaire défini, description détaillée des données utilisées et des méthodes d’analyse.
Un des problèmes majeurs concernant le frottis cervical est la variabilité observée dans l’estimation de sa sensibilité : une méta-analyse prenant en compte les études les plus fiables dans les pays d’incidence basse, rapporte une variation de 37 à 66 % (intervalle de confiance à 95 %), alors que sa spécificité a une valeur élevée et une homogénéité beaucoup plus grande de 97 à 99 % [8]. Un autre problème important est la disparité du dépistage entre les régions et le niveau socio-économique des patientes.
Le risque de développer un cancer du col diminue régulièrement en France depuis 1980, date des premières estimations d’incidence, d’environ 2,9 % par an ; parallèlement la mortalité diminue de 4,4 % par an avec une stagnation depuis 2 000 à environ sept-cents décès par an.
La diminution d’incidence est due, en grande partie, à la réalisation du dépistage des lésions pré-néoplasiques par le frottis cervical. Ainsi l’efficacité des programmes de dépistage est due à l’existence de lésions précancéreuses curables et d’évolution lente : plusieurs années séparent les lésions initiales de leur transformation en cancers invasifs. Les études anatomo-cliniques ont montré que les lésions de dysplasie légère, classée à l’heure actuelle comme néoplasie intra-épithéliale cervicale de bas grade régressent en grande majorité spontanément, alors que les lésions de haut grade ont une probabilité importante de devenir des cancers invasifs en une dizaine d’années en moyenne [9].
L’essentiel des conclusions des experts européens [10] publiées en 1999 reste d’actualité (HAS 2005) à savoir :
- Le dépistage des cancers invasifs du col utérin s’adresse à toutes les femmes de vingt à soixante-cinq ans, (vingt ans dans certains pays),
- La périodicité optimale est de trois ans, après deux premiers frottis négatifs,
- Il n’est pas recommandé de moduler le rythme des frottis en fonction de l’âge ou de l’existence de facteurs de risque (car ces facteurs ne modifient pas la vitesse de croissance tumorale).
- La recherche de l’HPV est recommandée en cas de lésions ASC-US pour déterminer la conduite à tenir.
La vaccination HPV et le dépistage. Influence sur l’estimation coût- efficacité
La vaccination contre le virus HPV change aussi les conditions car elle devrait diminuer la prévalence des lésions précancéreuses et des cancers et, ainsi, réduire encore la valeur prédictive négative du frottis. Une étude sur les bénéfices attendus de la vaccination réalisée par B. Detournay montre, en fonction d’un certain nombre d’hypothèses, que la vaccination apporte un bénéfice individuel supplémentaire au dépistage. La baisse maximale du nombre de cancers est obtenue en associant dépistage et vaccination avec une couverture de 80 % [11]. Une autre étude française très récente de modélisa- tion médico-économique a comparé quatre stratégies associant ou non le dépistage du cancer du col à la vaccination HPV. Le rapport est bénéfique si la couverture vaccinale est de 80 % chez des adolescentes de quatorze ans et si le dépistage est organisé selon le modèle-type alsacien [12].
Quoiqu’il en soit, le développement de la vaccination va apporter de nouveaux changements, en réduisant la prévalence globale des cancers du col et des lésions précancéreuses ainsi que le pourcentage des frottis anormaux qui deviendra inférieur à 3 %. On peut imaginer que cette réduction soit telle qu’elle remette en cause, à terme, le dépistage cytologique. D’autre part, du fait de la réduction du nombre des frottis suspects ou pathologiques, les anatomopatho- logistes et cytologistes auront moins d’expérience pour reconnaître les anoma- lies d’où une éventuelle réduction de la sensibilité des programmes de dépistages. A long terme le dépistage pourrait s’appliquer à une population à risque, susceptible de développer un cancer, dûment repérée auparavant, ou chez les femmes HPV positives.
Questions posées par la vaccination HPV
Qui vacciner et à quel âge ?
Toutes les études publiées montrent que l’efficacité est proche de 100 % si la vaccination est pratiquée chez des femmes n’ayant pas eu de contact préalable avec HPV 16/18. La plus forte prévalence de l’infection par HPV s’observe en début d’activité sexuelle. L’idéal est donc de vacciner les jeunes filles avant l’activité sexuelle. Or l’âge des premiers rapports sexuels varie selon les pays, les cultures, la société. A l’inverse l’efficacité est très diminuée chez les femmes vaccinées mais déjà infectées par ces HPV. Les vaccins n’agissent pas sur l’évolution des lésions précancéreuses dès qu’elles sont présentes. Leur action est donc seulement prophylactique. Il est donc évident que la stratégie de choix pour les pays occidentaux industrialisés sera la vaccination très précoce des filles avant les premiers rapports sexuels, seule stratégie qui pourra assurer un bon rapport coût-efficacité et une efficience maximale.
Aux États-Unis on recommande de vacciner les filles avant le début de l’activité sexuelle soit à onze-douze ans et un rattrapage est proposé pour les filles et les jeunes femmes de treize à vingt-six ans [13].
En France le Conseil supérieur d’hygiène publique de France recommande le vaccin quadrivalent « dans la perspective de la prévention des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus ainsi que de la prévention des condylomes vulvaires, la vaccination des jeunes filles de quatorze ans, afin de protéger les jeunes filles avant qu’elles ne soient exposées au risque de l’infection HPV ». Cet âge plus tardif que celui retenu par les États-Unis et d’autres pays (Suisse, Grande-Bretagne, Italie) est justifié par l’âge des premiers rapports sexuels en France soit 3 % avant quinze ans et 9 % avant seize ans et par l’incertitude sur la durée de protection [14].
La recommandation de vaccination est également très différente pour les femmes âgées de plus de quatorze ans, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France « recommandant que le vaccin soit également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de quinze à vingt-trois ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard, dans l’année suivant le début de la vie sexuelle, proposition qui pourrait être faite à l’occasion d’une primo-prescription de contraception, d’un recours à une pilule du lendemain, d’une consultation pour tout autre motif ».
Il existe des divergences sur ce rattrapage par la vaccination des femmes plus âgées. La Société américaine du cancer estime que seule la vaccination avant l’âge des premières relations sexuelles, donc à onze-douze ans, procure une certitude d’efficacité. L’efficacité et le bénéfice potentiel au-delà de dix-neuf ans étant beaucoup moins évidents, cette société savante est actuellement réser- vée sur l’intérêt d’une vaccination généralisée au-delà de cet âge [15].
La vaccination des garçons
La vaccination des garçons, en cours d’étude, pourrait permettre l’interruption de la transmission. Cependant des inconnues scientifiques persistent sur la valeur protectrice du vaccin chez le garçon. Taira et al., par une étude de modélisation, estiment que la vaccination conjointe des garçons n’affecterait l’incidence du cancer du col que d’une manière marginale et qu’elle n’est pas efficace sur le rapport coût-bénéfice [16].
Place des vaccins dans la prévention du cancer du col
Le risque d’introduire une vaccination contre le cancer du col est l’abandon du dépistage par une population féminine qui se penserait protégée contre tous les cancers du col. Il serait en effet préjudiciable à la santé publique que cette vaccination qui, dans les meilleurs des cas ne pourra assurer que 70 % de la prévention des cancers du col, fasse négliger le renforcement et l’organisation de ce dépistage en France.
Par conséquent toutes les recommandations actuelles et les publications sur les vaccins HPV insistent sur la nécessité impérieuse de maintenir fermement le dépistage du cancer du col et de le renforcer. La vaccination et le dépistage demeurent donc complémentaires, comme l’expriment le CTV et le CSHPF : « organiser le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus par frottis cervico-utérin sur l’ensemble du territoire, la vaccination contre les papillomavirus 16 et 18 ne pouvant s’y substituer [14] »
Si ces vaccins sont très efficaces chez les femmes vaccinées et non infectées par les HPV des vaccins, leur action reste modeste en cas d’infection préalable à la vaccination, comme le prouvent les essais cliniques randomisés. La mise en place d’une vaccination généralisée des adolescentes ne semble pouvoir être suivie d’un effet sur l’incidence du cancer du col qu’après vingt ou trente ans. A long terme une vaccination largement appliquée permettrait un dépis- tage plus tardif et un espacement des examens systématiques. Plusieurs auteurs soulignent les incertitudes qui existent à long terme, rendant difficiles des études de coût-efficacité valables pour établir une politique vaccinale : les modifications possibles à long terme de l’histoire naturelle des maladies à HPV 16 /18 dont l’impact se réduirait pourrait conduire à espacer le dépistage. La vaccination peut réduire aussi la valeur prédictive positive de la cytologie en réduisant le nombre des prélèvements anormaux réellement positifs [17-19].
Les autres cancers
Le bénéfice des vaccins peut aussi s’accroître par leur action sur d’autres cancers : cancers vulvaires, vaginaux, anaux et peut-être oro-pharyngés.
Les condylomes
L’incidence annuelle des condylomes génitaux a été estimée en France à 107 pour 100 000 habitants ; le vaccin quadrivalent ajoute donc cette prévention, qui n’est pas à négliger en raison de la répercussion de cette affection sur la vie affective des patientes.
La durée de la protection. Les rappels
Une surveillance très prolongée et complète doit s’instaurer sur l’évolution du cancer du col, la protection des femmes vaccinées, la durée de la protection immunitaire. Elle est également indispensable pour répondre sur le meilleur âge de la primo vaccination mais surtout sur la nécessité ou non d’un rappel vaccinal à cinq ans.
Information et Formation
L’information, essentielle, devra concerner les adolescents, les femmes, les familles mais aussi l’ensemble des personnels de santé. L’information des adolescents, selon leur âge doit être particulièrement préparée. Leur accès libre à ces vaccins pose également des questions difficiles par rapport aux parents. Cette information est nécessaire mais difficile pour ce type de message de prévention, qui ne doit amoindrir ni celui du dépistage du cancer du col utérin ni celui du dépistage et de la protection vis-à-vis des autres IST, et en particulier du Sida. Elle devra aussi tenir compte de l’environnement socio-culturel de la population concernée, en fonction de l’âge auquel le vaccin sera proposé (les femmes migrantes, par exemple, qui ont un dépistage du cancer plus faible sont particulièrement concernées par ces vaccins).
Les études faites aux États-Unis sur des populations variées d’adolescentes, de femmes jeunes et d’étudiantes portant sur leur connaissance des papillomavirus humains montrent que leur information est très limitée ou absente, même si elles ont des antécédents de dépistage avec des résultats anormaux [15].
Chez les professionnels de santé cette connaissance sera aussi à perfectionner. Les gynécologues ont une meilleure connaissance de l’histoire naturelle des HPV que d’autres catégories de médecins, tels que les pédiatres ou les généralistes. Des formations spécifiques sont donc souhaitables pour mieux appliquer les recommandations concernant les vaccins HPV.
La vaccination HPV dans les pays en voie de développement
Les pays qui ne disposent pas d’un dépistage organisé du cancer du col utérin sont ceux pour lesquels cette vaccination serait la plus bénéfique. On ne peut cependant pas exiger les mêmes critères de surveillance, très onéreux, que pour les pays industrialisés. La stratégie reste à définir et peut différer selon les pays. La question de l’acceptabilité culturelle de la prévention d’une IST par la vaccination HPV peut poser des problèmes importants de mise en place dans certains pays. La vaccination dirigée vers les filles peut, par exemple, exacer- ber des rumeurs défavorables envers ce vaccin, à l’instar d’autres expériences du passé [20]. L’OMS de la région des Amériques recommande d’obtenir une couverture élevée chez les jeunes filles et de commencer trois ans avant l’âge moyen des premiers rapports sexuels [21].
BIBLIOGRAPHIE
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Recommandations
Deux vaccins papillomavirus récents, bivalent et quadrivalent, sont maintenant disponibles en France. Deuxièmes vaccins contre un cancer humain, après celui de l’hépatite B, ils constituent un progrès important pour la santé publique. Ils s’avè- rent bien tolérés et très efficaces contre les HPV 16 et 18, responsables de 70 % des cancers du col utérin dans le monde et, pour ce qui est du vaccin quadrivalent, contre les HPV 6 et 11, responsables des condylomes acuminés de la sphère ano- génitale. Si leur application apparaît hautement souhaitable, elle doit être néan- moins soigneusement concertée et évaluée.
L’Académie nationale de médecine émet les recommandations suivantes :
Le dépistage du cancer du col utérin en France ne doit pas être remis en cause par la mise en place de la vaccination HPV. Il serait préjudiciable à la santé publique que cette vaccination qui, dans les meilleurs des cas, ne pourra assurer que 70 % de la prévention des cancers du col en raison de la prévalence des sérotypes 16 et 18, fasse négliger le renforcement et l’organisation de ce dépistage en France.
Il sera utile de préciser les conditions techniques du dépistage : cytologie par frottis conventionnels ou en milieu liquide et/ou tests de détection des HPV oncogènes et le rythme du dépistage, qui pourraient, à terme, se modifier sous l’influence de la vaccination.
Reconsidérer l’âge de la primo-vaccination qui a été fixé à quatorze ans au vu de l’âge moyen des premiers rapports sexuels en France et par souci de tenir compte de la durée de protection vaccinale actuellement connue qui est de cinq ans. L’âge de onze-treize ans, retenu par les pays qui mettent en place cette vaccination, offre de bien meilleures chances d’accessibilité et donc de couverture vaccinale élevée néces- saire pour accéder à un rapport coût-efficacité bénéfique. A cet âge l’efficacité du vaccin est très élevée, nettement supérieure à 90 %. Le non remboursement des vaccins avant 14 ans en France limite aussi la pratique de la vaccination chez les préadolescentes et devrait être revu.
La vaccination de rattrapage des femmes de seize-vingt-cinq ans est d’une efficacité nettement moindre, une part importante de ces jeunes femmes ayant eu déjà des rapports sexuels, comme en témoignent les essais vaccinaux publiés. Une étude de cette population suivie d’un message approprié serait nécessaire.
Une surveillance doit s’exercer et des études complémentaires doivent être conduites sur les points suivants :
- Rapport coût-efficacité de la vaccination HPV en France, compte tenu de la conduite simultanée du dépistage du cancer du col et de la vaccination,
- Durée de la protection vaccinale, pour répondre notamment à la question de la périodicité des rappels,
- Âge des premiers rapports sexuels en France, qui sert de critère pour l’épidémio- logie et l’indication de l’âge optimal pour la vaccination des filles.
- Épidémiologie des papillomavirus humains oncogènes pour déceler un change- ment éventuel de la répartition et de la prévalence des divers génotypes suite à la mise en œuvre de la vaccination,
- Évolution des lésions précancéreuses chez les vaccinées,
- Vaccination des garçons : épidémiologie, réponse immunitaire, influence de la vaccination, qui demeurent insuffisamment connues actuellement,
- Vaccination des personnes immunodéprimées, en particulier en cas d’infection par le VIH.
Contenu et Qualité de l’information.
Nécessaire mais difficile pour ce type de message de prévention, l’information ne doit amoindrir ni les messages du dépistage du cancer du col utérin ni ceux du dépistage et de protection vis-à-vis des autres IST, en particulier pour l’infection à VIH. Elle devra concerner les adolescents, les femmes, les familles, mais aussi l’ensemble des personnels de santé, demandant l’attention des autorités de santé publique mais aussi de l’industrie produisant les vaccins. Elle devra aussi tenir compte de l’environnement géographique et socio-culturel des populations concer- nées, en fonction notamment de l’âge auquel le vaccin sera proposé.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 11 décembre 2007, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 9, 1805-1817, séance du 11 décembre 2007