Communication scientifique
Séance du 22 juin 2010

Les accidents chez les adolescents et jeunes majeurs : une population de 350 sujets de 12 à 20 ans. Etude des circonstances de survenue et des facteurs de risque. Proposition concernant le risque de récidive à partir d’une échelle d’évaluation dite ECARR

MOTS-CLÉS : adolescent. évaluation des risques. prévention des accidents. récidive
Accidents in a population of 350 adolescents and young adults : circumstances, risk factors and prediction of recurrence
KEY-WORDS : accident prevention. recurrence. risk assessment

Daniel Marcelli, Pierre Ingrand, Magali Delamour, Isabelle Ingrand ****

Résumé

Problème de santé publique, l’accidentologie des adolescents et des jeunes adultes présente deux caractéristiques principales : une fréquence élevée des accidents due à une pratique sportive ; de nombreuses récidives. Les accidents de sport sont dans l’ensemble d’une relative bénignité, mais ils ont une incontestable propension à la récidive. En outre ces jeunes inscrits dans une pratique sportive ne présentent généralement pas de trait psychologique très différent de ce qu’on observe dans la population générale. Ces divers facteurs tendent à créer un effet de masque sur l’ensemble de l’accidentologie quand on se centre surtout sur les lésions somatiques occasionnées. En revanche, les autres types d’accidents, en particulier domestique et de circulation, semblent présenter des caractéristiques propres : ils occasionnent souvent des lésions plus graves mais surtout ils surviennent chez des individus qui présentent assez régulièrement des traits psychopathologiques perturbés (dépression, anxiété, troubles réactionnels à des évènements de vie négatifs, recherche de sensation). Or ces perturbations de nature psychopathologique sont fortement corrélées avec le risque de récidive ! Il apparait donc souhaitable de pouvoir mieux identifier ces jeunes à risque de récidive(s). Dans ce travail nos présentons une échelle d’évaluation du risque de récidive (ECARR), auto-questionnaire de passation très simple, permettant de mieux évaluer ce risque et par conséquent d’instaurer une prise en charge adaptée réservée à cette population mieux identifiée.

Summary

Accidents among adolescents and young adults are a public health issue, and present two main characteristics: a strong association with sporting activities, and frequent recurrence. Sports accidents are generally relatively benign, but they show a marked tendency to recur. Young people engaging in sporting activities do not generally exhibit psychological traits different from the general population. In contrast, the other types of accident, and particularly domestic and traffic accidents, appear to have specific features: they are often more serious, but above all they are associated with psychopathologic features, including depression, anxiety, disorders due to life events, and thrill-seeking. These psychopathological features are strongly associated with recurrence. The authors describe a simple self-administered questionnaire (ECARR) designed to assess the risk of accident recurrence in this population.

INTRODUCTION

Les accidents représentent un problème majeur de santé publique. Les morts violentes représentent plus des deux-tiers de l’ensemble de la mortalité des 15-24 ans et à eux seuls les accidents de circulation comptent pour la moitié environ [1]. Trois mille jeunes par an, en particulier des garçons, y perdent la vie (INSERM, bureau SC8, http://SC8. vesinet.inserm.fr :1 080). Le taux de mortalité pour cette tranche d’âge est en France le plus élevé d’Europe (36,5 garçons et 10,7 filles pour 100 000), tout comme le taux de morbidité [6, 7]. Logiquement l’accidentologie est la première cause d’hospitalisation à l’adolescence : 20 % des jeunes hospitalisés le sont pour un accident.

Le taux de récidives est élevé : un adolescent sur quatre aura une récidive dans l’année suivant le premier accident. Enfin, parmi ceux qui ont déjà eu plusieurs accidents, le taux de récidive s’élève à 62 % [2-4] ! Cette répétition concerne une sous population particulière : tous les indicateurs de santé publique montrent que les prises de risques sont fréquemment croisées, ce d’autant plus que le sujet est jeune et qu’on retrouve chez ces adolescents des états pathologiques associés tels que la dépression, les pathologies anxieuses, les tentatives de suicide ou la consommation de produits [10, 11].

Pouvoir repérer ces jeunes à haut risque de récidive nécessite une évaluation de première intention simple, facile à faire passer par un non-spécialiste, suffisamment informative pour identifier ces seuls adolescents à risque de récidives pour les orienter vers une consultation spécialisée.

Dans des travaux précédents [9, 10], à partir de ces constatations, nous avons élaboré un premier questionnaire dit ECRA (Évaluation des Conduites de Risques lors d’un Accident), échelle qui discrimine de manière puissante les adolescents avec répétition d’accidents de ceux qui n’ont pas eu d’autre accident : score ECRA de 6,05 en cas d’antécédents et de 2,58 sans antécédents, score significatif à p=0,00000 ! Il existe une excellente validité externe avec une forte corrélation entre cette échelle ECRA et les échelles de dépression (MADRS), d’anxiété (Hamilton et STAI) et l’échelle d’impulsivité de Plutchick.

Objectifs de la recherche actuelle

Il s’agit d’analyser la valeur prédictive de l’échelle ECARR sur une population de 350 jeunes âgés de 12 à 20 ans s’étant présentés aux urgences hospitalières à la suite d’un accident quelle qu’en soit la cause et la gravité. Ces sujets sont suivis par entretiens téléphonique pendant deux ans après leur inclusion dans l’étude (fin de l’étude : juillet 2010).

Nous présentons les caractéristiques de cette population à l’inclusion et les premiers résultats à un an de l’étude prospective.

Méthodologie

Tous les jeunes de 12 à 20 ans qui se présentaient aux urgences hospitalières (CHU de Poitiers, CHG de Châtellerault, clinique La Providence de Poitiers) à la suite d’un accident de quelque nature que ce soit sans tenir compte de la gravité des lésions et qui acceptaient le protocole ont été inclus. Ils sont suivis pendant deux ans en répondant à des entretiens téléphoniques réguliers (à 3, 6, 12, 18 et 24 mois). Par rapport à l’ECRA, l’ECARR (Échelle d’évaluation des Circonstances de l’Accident et du Risque de Récidive) n’a fait l’objet que de très minimes modifications, pour en simplifier la présentation et rendre plus explicites certains items (voir annexe).

Description socio-démographique d’une population de 350 adolescents âgés de 16 ans en moyenne, accidentés, vus aux urgences hospitalières

Ces 350 adolescents sont âgés en moyenne (sd), min-max, de 16,1 (2,3) ans, (12,0- 20,9). Il s’agit de 138 filles (39,4 %) et de 212 garçons (60,6 %) d’âge moyen égal à 15,8 (2,3) ans pour les filles vs. 16,2 (2,3) ans pour les garçons (p = 0,10, NS, test t).

Plus de 85 % des adolescents, filles et garçons, vivent chez leurs parents. 18 des 19 adolescents qui vivent dans un appartement indépendant ont 18 ans ou plus. Il s’agit de 14 garçons et 4 filles. 6,5 % des filles et 8,0 % des garçons sont en échec scolaire (p = 0,60, NS). 5,1 % des filles et 4,7 % des garçons ont au moins un des parents au chômage (p = 0,88, NS). Les garçons jouent plus en réseau que les filles (34,0 % vs. 11,6 % ; p<0,0001).

 

Circonstances de l’accident et nature des lésions

L’accident de sport constitue le motif de consultation aux urgences le plus fréquent tant chez les garçons que les filles (59,4 % vs. 50,7 %). Le sport à l’origine de l’accident est plus fréquemment un sport collectif de ballon y compris pour les filles (31 des 70 filles ayant eu un accident, 44,3 % et 101 des 126 garçons, 80,2 %).

Viennent ensuite les accidents domestiques ou travail (garçons 13,7 %, filles 22,5 %), les accidents de circulation (garçons 14,2 %, filles 8 %), les accidents au collège ou au lycée (garçons 5,7 %, filles12,3 %).

24 jeunes ont dû être hospitalisés après l’accident, plus souvent des garçons que les filles (10,4 % vs. 1,4 % ; p=0,0012) ce qui témoigne d’une gravité plus importante pour 11 d’entre eux (45 %) après un accident de circulation.

La nature et la gravité des lésions sont extrêmement variables puisque nous avions décidé d’inclure sans exclusion tous les types de traumatisme dès l’instant où le jeune se présentait aux urgences. En revanche les facteurs associés à l’accident (mal-être, consommation de produits, conduites externalisées…) différent de façon significative entre les garçons et les filles.

Description des troubles psychiques associés

La notion de troubles psychiques a été définie par la présence durable d’au moins un des troubles suivants : troubles anxio-dépressifs, troubles du sommeil, troubles du comportement alimentaire, tentative de suicide ou scarifications. Les troubles du sommeil concernent sa qualité (réveils nocturnes, cauchemars, sommeil peu réparateur avec fatigue au réveil…), sa quantité (insomnies, hypersomnies, temps de sommeil insuffisant….), un endormissement difficile.

Ces variables sont toutes plus souvent décrites par les filles que par les garçons.

Cependant, il faut souligner que 69,6 % des filles et 58,5 % des garçons disent avoir ressenti un ou plusieurs de ces troubles. Parmi ceux-ci, ce sont les troubles du sommeil qui touchent la plus grande proportion d’adolescents, environ 1 adolescent sur 2.

À noter que trois filles et un garçon rapportent avoir cumulé une tentative de suicide et des scarifications.

Consommation de produits, alcool, tabac, drogues et ivresses

Les garçons sont proportionnellement plus consommateurs de produits que les filles (44,8 % vs. 27,5 % ; p = 0,0011). Ils sont également plus nombreux à avoir une consommation excessive (35,4 % vs. 16,7 % ; p = 0,0001).

Les ivresses sont plus fréquentes chez les garçons que chez les filles (29,7 % vs.

9,4 % ; p<0,0001).

Concernant la consommation de « drogue », celle-ci apparaît nettement sousévaluée [5, 12, 13]. Malgré la précision sur la nature du produit éventuellement consommé (haschich, ecstasy, cocaïne) on est en droit de s’interroger sur la valeur de cette réponse et sur une probable minimisation peut-être en rapport avec le souci de ne pas établir de lien avec l’accident ? A noter que dans les réponses faites, la consommation excessive de drogue est toujours associée à des ivresses, ce qui tendrait à confirmer que les consommations « usuelles », non perçues comme directement en rapport avec l’accident n’ont pas été déclarées.

Troubles du comportement et recherche de sensations

Les garçons sont proportionnellement plus nombreux à avoir des antécédents de bagarres que les filles (26,9 % vs. 15,9 % ; p = 0,017) et à avoir eu des problèmes avec la police (17,5 % vs. 5,1 % ; p = 0,0006) (tableau 3).

Il y a sensiblement plus de fugues chez les filles même si cette différence n’est pas significative.

Évènements de vie familiaux, accidents et décès dans l’entourage

Les adolescents accidentés relatent souvent un climat familial tendu, conflictuel.

Comme dans toutes les enquêtes sur ce thème, les filles déclarent plus de tels évènements que les garçons (filles : 37,7 % ; garçons : 24,1 %).

11,8 % de filles et 8,5 % de garçons déclarent avoir perdu le contact avec l’un des parents ou des proches (frère, sœur) soit par séparation soit par décès.

Au total , cette population d’adolescents arrivant aux urgences hospitalières suite à un accident présente des caractéristiques conformes à ce qui a déjà été retrouvé dans de précédentes enquêtes sur cette population potentiellement à risque. Dans la grande majorité des cas, ces accidents restent mineurs (entorse, contusions simples, plaies avec sutures, lésions musculaires…) mais 8 % des jeunes souffrent de lésions multiples parfois graves. Dans cette population initiale, dès l’inclusion dans l’étude, près de quatre adolescents sur cinq déclarent avoir subi auparavant un accident ayant nécessité une intervention aux urgences, événement qui survient majoritairement dans les deux ans précédant l’accident motivant l’inclusion dans l’étude.

L’échelle ECARR : valeur prédictive à un an

Cette population de 350 jeunes a été suivie pendant deux ans après l’inclusion qui s’est déroulée de nov. 2007 à juil. 2008 au moyen d’entretiens téléphoniques régulièrement renouvelés à 3, 6, 12, 18 et 24 mois après l’inclusion (phase de suivi : de janvier 2008 à juillet 2010).

Le score ECARR à l’inclusion (tableau 1) :

Sur l’ensemble de cette population, le score à l’ECARR est significativement plus élevé chez les garçons que chez les filles (4,56 vs. 3,91 ; p = 0,0010) :

— 40 % des filles ont un score à l’ECARR supérieur ou égal à 5 et 17 % d’entre elles ont un score supérieur ou égal à 6.

— 52 % des garçons ont un score à l’ECARR supérieur ou égal à 5 et 28 % d’entre eux ont un score supérieur ou égal à 6.

Les garçons sont proportionnellement plus nombreux à aimer circuler vite ou « à fond » (65,1 % vs. 40,6 % ; p<0,0001), à consommer régulièrement alcool, haschich, ecstasy ou cocaïne (46,7 % vs. 21,0 % ; p<0,0001), à avoir présenté régulièrement des ivresses dans le mois avant l’accident (26,9 % vs. 9,4 % ; p<0,0001) et enfin à faire des excès quand ils sortent le soir (29,2 % vs. 16,7 % ; p = 0,0073).

Les filles, quant à elles, disent avoir vécu au cours des douze derniers mois plus d’évènements de vie douloureux que les garçons (55,1 % vs. 39,1 % ; p = 0,0035) et qu’il y a un climat tendu chez elles (37,7 % vs. 24,5 % ; p = 0,0085). Enfin, elles sont proportionnellement plus nombreuses à avoir eu le matériel de sécurité au moment de l’accident (79,7 % vs. 68,9 % ; p = 0,025).

L’analyse bio-statistique recoupe ce que la clinique connaît bien : l’accidentologie des filles et celle des garçons ne répond pas aux mêmes corrélations !

Une analyse univariée, ajustée sur l’âge, a été réalisée pour identifier les variables associées de manière significative à l’ECARR, parmi les données sociodémographiques, les troubles psychiques de l’adolescent, et les caractéristiques de l’accident.

Ainsi, le score à l’ECARR a tendance à augmenter avec l’âge, est en moyenne plus élevé chez les garçons, chez les adolescents en échec scolaire, chez ceux qui présentent des troubles anxio-dépressifs réguliers (et d’une durée supérieure à sept jours) ou des troubles du sommeil, chez ceux qui ont fait une tentative de suicide ou des scarifications et qui ont été hospitalisés après la consultation aux urgences, donc pour un accident plus grave. Il a tendance à être plus bas pour ceux qui ont eu un accident de sport.

Corrélation entre score ECARR et récidive(s) d’accidents : résultats à un an À un an, 333 adolescents sur les 350 inclus (95,1 %) ont été contacté pour l’entretien téléphonique des 12 mois : {130 filles (39,0 %) et 203 garçons (61,0 %)]. Leur score ECARR est en moyenne égal à 4,3 (1,8) [1-10].

 

Les adolescents ayant récidivé dans l’année

Sur ces 333 adolescents, 105 (31.5 %) ont été de nouveau admis aux urgences dans cet intervalle. Il s’agit de 36 filles sur 130 (27,7 %) et de 69 garçons sur 203 (34,0 %) (p = 0,23, NS). L’incidence maximum des récidives se situe ainsi entre deux et quatre mois après l’inclusion dans l’étude. Leur score ECARR est significativement plus élevé : 5,0 (1,9) vs. 3,9 (1,7) ; p<0,0001.

Parmi ces 105 adolescents, les trois-quarts d’entre eux soit 80 (76,2 %) ne sont revenus qu’une seule fois consulter aux urgences dans les douze mois qui ont suivi leur inclusion, cependant certains d’entre eux sont revenus deux fois (21 cas, 20 %) voire trois fois (4 cas, 3,8 %) aux urgences.

Il existe une différence significative (p<0,0001, one-way ANOVA)) des scores ECARR dans les trois groupes d’adolescents, ceux qui n’ont pas récidivé dans les douze mois suivant l’inclusion dans l’étude (3,9 (1,7)), ceux qui n’ont fait qu’une récidive (4,9 (1,8)), et qui ont fait deux ou trois récidives (5,6 (2,0)). Logiquement on retrouve des proportions plus élevées de récidives dans les scores ECARR supé- rieurs à 4 (p<0,0001), supérieurs à 5 (p=0,0028), ou supérieurs à 6 (p = 0,0022) (test du Log-Rank).

Comme pour l’inclusion, l’accident de sport est la première cause de récidive (32, 4 %).

Le fait de boire régulièrement de l’alcool en semaine, la présence d’ivresse, le fait de fumer régulièrement plus de dix cigarettes par jour, l’existence d’évènements de vie négatifs (décès d’un pair par accident, un accident dans l’entourage, des relations familiales tendues), enfin des troubles externalisés (scarifications, bagarres, problè- mes avec la police), sont des facteurs significatifs de récidive.

Après analyse multivariée avec ajustement sur le sexe (p = 0,39) et l’âge (p = 0,051) mais sans évaluer les interactions biostatistiques, les facteurs les plus fortement prédictifs de la récidive sont liés à un comportement avec scarifications (p = 0,0008), à des bagarres (p = 0,016), à une consommation régulière d’alcool (p = 0,022), à un divorce parental (p = 0,021).

Valeur prédictive des différents items de l’ECARR

L’étude item par item du sore ECARR montre que plusieurs items (7, 9, 10, 11 et 12 : voir annexe) sont significativement associés à la survenue de la récidive.

Ces résultats peuvent faire envisager le calcul d’un nouveau score ECARR à partir de ces cinq items, ce qui mettrait en valeur les facteurs environnementaux par rapport aux facteurs de l’accidentologie proprement dit et qui serait prédictif de la récidive.

Le test du Log-Rank a montré que les scores calculés uniquement à partir de ces cinq items de l’échelle ECARR différaient de façon encore plus significative entre le groupe de ceux qui n’ont pas présenté de récidive et le groupe de ceux qui ont eu une récidive d’accident (p<0,0001). Cette remarque est essentielle car elle pourrait conduire à proposer une pondération différente de ces items les plus contributifs afin d’augmenter l’écart bio-statistique entre nos deux populations, avec ou sans récidive.

Scores ECARR et origines des accidents lors de l’inclusion et de la récidive

Si on considère l’origine de l’accident à l’inclusion et celle de la récidive, 167 (50,2 %) sujets n’ont eu que des accidents de sport, 33 (9,9 %) que des accidents de la circulation et 133 (39,9 %) des accidents de nature diverse.

Il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les sexes et âges des adolescents qui n’ont eu que des accidents de sport par rapport à ceux qui ont eu des accidents de nature diverse.

En revanche le score ECARR des adolescents n’ayant eu que des accidents de sport est significativement plus faible (3,75 (1,56) vs. 4,81 (1,96) ; p<0,0001). On observe même un gradient progressif entre ces divers groupes :

— Les adolescents qui ont eu un accident de sport unique, sans récidive (score 3,59), — Les adolescents qui ont eu uniquement des accidents de sport (score 4,35), — Les adolescents qui ont eu un seul accident d’une autre origine (score 4,38), — Les adolescents qui ont eu plusieurs accidents d’origine diverse (score 5,38).

Il existe un effet global selon le type d’accident à l’inclusion et un effet récidive significatifs (anova deux facteurs croisés avec test de l’interaction). Le score ECARR des adolescents qui ont eu un accident de sport à l’inclusion sans récidive est significativement inférieur à celui observé dans tous les autres groupes alors que le score ECARR des adolescents qui ont eu un accident de circulation à l’inclusion avec récidive d’accident de la circulation est significativement supérieur à celui observé dans tous les autres groupes.

Le cas particulier des accidents de sport

Lors de l’inclusion dans l’étude, 196 adolescents sur les 350 se sont présentés aux urgences à la suite d’un accident lié à une pratique sportive soit 55 % environ (filles :

50,7 %, garçons : 59,4 %). A un an, 51 des 105 adolescents ayant récidivés sont aussi revenus pour un accident de sport (48,6 %).

La pratique du football (en club ou libre) représentent plus de 20 % des motifs de consultation aux urgences pour les accidents du sport. Plus généralement les accidents semblent liés à la pratique d’un sport collectif de ballon (football, basket, rugby, handball, volley et badminton), soit 71 % des accidents du sport de cette cohorte. Le sport individuel le plus souvent cité est la gymnastique.

 

ANNEXE

Échelle d’évaluation des circonstances de l’accident et du risque de récidive (E.C.A.R.R) nom :

prénom :

date de naissance :

sexe :

adresse :

numéro(s) de téléphone :

Vous avez consulté aux urgences à la suite d’un accident :

de sport J de la circulation J à la maison ou au travail J au collège ou au lycée (sauf pendant le sport) J autre J 1. Cet accident a eu lieu :

J a) en présence d’autres personnes, jeunes ou adultes b) tout seul J 2. Avant de vous engager dans ce comportement :

a) vous avez hésité J b) vous avez agi sans penser au risque d’accident, et même si vous y avez pensé, J vous avez continué 3. Au moment de l’accident :

a) vous avez utilisé le matériel de sécurité, ex : en mobylette, port de casque ; en J voiture, ceinture de sécurité ; en sport, équipement adéquat, casque, genouillères, chaussures adaptées… ; au travail, lunettes de protection, gants…

b) vous n’avez pas utilisé le matériel de sécurité J 4. Au moment de l’accident :

a) le cadre et/ou le lieu ont été respectés, étaient conformes à votre activité, ex :

J accident de la circulation, respect du code de la route ; accident de sport, respect des consignes et du règlement, terrain adapté b) le cadre et/ou le lieu n’ont pas été respectés, n’étaient pas conformes à votre J activité, ex : accident de la circulation, rouler sur le trottoir ou à côté, faire du skate au milieu des voitures ; accident de sport, non respect du règlement ; à la maison, courir dans les escaliers, se pencher excessivement par la fenêtre, autre…

5. Dans les 24 mois qui viennent de s’écouler :

a) vous avez été victime d’un ou de plusieurs accidents, grave(s) ou non (avec ou J sans traumatisme, entorse, fracture, plaie, etc.) de causes diverses : accident pendant une pratique sportive, accident sur la voie publique, à la maison ou au travail b) vous n’avez pas eu d’accident J 6. Aimez-vous circuler vite ou « à fond » ? (en VTT, mobylette, scooter, voiture) a) oui J b) non J 7. Consommez-vous régulièrement l’un de ces produits ? : alcool (bière, apéritif, vin), haschich (joint, bhang, douille), ecstasy, cocaïne :

a) oui J b) non J 8. Si oui à la question précédente, avez-vous consommé l’un de ces produits dans les 3 ou 4 heures avant l’accident ?

a) oui J b) non J 9. Avez-vous régulièrement présenté des ivresses dans les mois avant l’accident ?

a) oui J b) non J 10. Quand vous sortez le soir, faites-vous des excès ? (par ex : bagarres, rentrée à des heures tardives, ivresses, disputes…) a) oui J b) non J 11. Avez-vous vécu au cours des 12 derniers mois des évènements de vie douloureux ? (par ex : déménagement, séparation des parents, décès d’un proche, rupture avec des copains ou un(e) petit ami(e)…

a) oui J b) non J 12. À votre avis, y a-t-il un climat tendu chez vous ? (parent malade, difficultés de communication, disputes, rupture avec un parent, humiliations, violences…) a) oui J b) non J DISCUSSION

Notre population de 350 jeunes accidentés présente des caractéristiques conformes à ce qui est habituellement décrit parmi ces jeunes accidentés [8] : une majorité des garçons (60 %), un âge moyen de 16 ans, une grande diversité des lésions avec une prédominance de lésions plutôt minimes. La pratique d’un sport est à l’origine de plus de la moitié de ces accidents. Viennent ensuite les accidents à la maison ou au travail, les accidents de circulation, les accidents en milieu scolaire, enfin ceux de nature diverses.

Les caractéristiques générales de notre population ont été décrites précédemment, nous n’y reviendrons pas. Ces données proches de ce qu’on retrouve dans les grandes enquêtes en population générale incite à considérer que cette sous population de jeunes accidentés ne présente pas, à l’inclusion, des caractéristiques saillantes permettant aisément de distinguer les adolescents pour lesquels l’accident relève des aléas ou de circonstances malheureuses de ceux qui clairement ont présenté des comportements à risque conduisant plus ou moins directement à l’accident.

En effet, ces adolescents, dans leur majorité, se portent plutôt bien. L’accident paraît relever de causes factuelles voire contingentes et n’est en aucune manière l’expression d’une souffrance psychique.

Mais il existe aussi des accidents qui relèvent à l’évidence d’un mal-être aisément perceptible par l’interlocuteur sans que l’auteur/victime de l’accident en ait forcé- ment conscience et surtout sans qu’il en parle spontanément lors de sa venue aux urgences. En outre, ces adolescents présentent souvent des conduites de risque associées qui mettent en jeu leur intégrité.

Lorsqu’on suit régulièrement pendant un an ces adolescents qui ont eu un premier accident, on constate que presque un sur trois aura au moins une récidive d’accident dans l’année qui suit (105 récidives sur 333 sujets vus à un an : 31,5 %). Si cette récidive n’est pas toujours grave, il arrive aussi que la répétition s’accompagne d’une aggravation des lésions… Ce groupe de jeunes diffère en revanche très sensiblement de ceux qui n’ont pas récidivé : ils consomment plus de produit, en particulier de l’alcool, ont plus souvent des ivresses, ont beaucoup plus souvent des histoires de bagarres, des relations familiales tendues. Enfin ils ont très souvent été confrontés à un accident, parfois mortel, dans leur proche entourage, famille ou ami. Dans une étude précédente [10] nous avions montré que ces jeunes ayant eu plusieurs accidents, essentiellement de circulation, différaient fortement de la population géné- rale, en particulier par l’existence de traits anxieux, dépressifs, et de recherche de sensations. Cependant lorsqu’on prend en considération l’ensemble des accidents, à savoir tous les jeunes qui se présentent aux urgences hospitalières à la suite d’un traumatisme de quelque nature que ce soit, une difficulté majeure à identifier ce sous groupe à risque tient au fait que les jeunes qui ont des accidents de sport représentent plus de la moitié des causes de traumatismes et ne semble pas partager les mêmes profils psychologiques et les mêmes facteurs de risque.

Dans une perspective de santé publique et afin de pouvoir développer une action de prévention plus efficacement ciblée, nous nous sommes engagés dans une recherche d’outil permettant de mieux discriminer sur l’ensemble de la population des jeunes accidentés le sous groupe de ceux qui pouvait être à risque de récidive. Notre première échelle (ECRA) [8, 9] a montré une excellente validité externe, confronté aux échelles classiques d’anxiété, de dépression et de recherche de sensation, tout en étant d’une grande facilité et rapidité de passation. Ceci nous a conduit à entreprendre une étude de validité prédictive avec un instrument très légèrement modifié (ECARR) dont nous présentons ici les premiers résultats à un an de suivi.

L’ECARR (échelle d’Evaluation des Circonstances de l’Accident et du Risque de Récidive) est un auto-questionnaire de douze items, coté 0 ou 1, dont la passation, de préférence en présence d’un professionnel de santé (infirmier, éducateur, etc.) demande cinq à six minutes maximum. Le score moyen chez les adolescents qui ont eu un nouvel accident dans l’année suivant leur inclusion initiale est de 5,0 alors que celui des adolescents sans nouvel accident est de 3,9, différence très significative (0,0001). Plus le score ECARR est élevé plus la probabilité d’un nouvel accident semble forte et cette probabilité est d’autant plus forte qu’on se situe dans les premiers mois du suivi ! Enfin les jeunes qui ont eu initialement un accident de sport puis une récidive mais uniquement de sport (score ECARR moyen : 4,35) ont un score toujours inférieur à ceux qui ont eu plusieurs accidents de nature diverse (circulation, domestique, scolaire, etc.) (score ECARR moyen : 5,38). Cette remarque est importante car les accidents de sport, compte tenu de leur nombre, ont tendance à produire un effet de masque sur l’ensemble de l’accidentologie, diluant en quelque sorte l’importance des facteurs de risque présents chez les adolescents qui ont des accidents d’autre origine. Ainsi un score égal ou supérieur à cinq devrait inciter les professionnels de santé, en particulier les personnels qui reçoivent ces jeunes aux urgences à ne pas limiter leur action de soin à la « réparation » du traumatisme physique, même s’il est minime, mais à prendre aussi en compte le contexte humain.

 

CONCLUSION

Les accidents dans la population des jeunes de 15 à 24 ans doivent faire l’objet d’une attention supérieure à celle qu’il leur est ordinairement accordée du fait de leur propension à la récidive ! Les jeunes qui ont des accidents à répétition présentent des signes de souffrance diffuse, mal exprimée mais à l’origine des conduites à risque et par conséquent à l’origine du risque de répétition. Mieux repérer ces jeunes, leur proposer un accompagnement pourrait être de nature à diminuer la fréquence et la gravité potentielle de ces récidives, problème majeure de santé publique.

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[7] ESPAD (European Study Project on Alcohol and Others Drug), Inserm/OFDT, 1999 et Inserm/OFDT 2003.

[8] Marcelli D., Delamour M., Ingrand I., Ingrand P. — Répétition d’accidents à l’adolescence : étude de l’échelle d’évaluation des circonstances de l’accident et du risque de récidive (ECARR), Neuropsych. Enf. Ado., 2009, 57, 5 , 344-371.

[9] Marcelli D., Kasolter-Pere M.A., Ingrand P. — Proposition pour une échelle d’évaluation du risque de répétition d’accidents chez l’adolescent, Annales Médico-Psychologiques , 2008, 166 , 691-701.

[10] Marcelli D., Mezange F. — Les accidents à répétition chez l’adolescent. Traits anxieux, dépressifs et conduites de risques associés. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 2000, 48 , 163-74.

[11] Marcelli D., Mezange F. — Les accidents à répétition chez l’adolescent. Traits anxieux, dépressifs et conduites de risques associés. Revue de Chirurgie Orthopédique , 1999, 85 , 555-62.

[12] Migeot V., Ingrand I., Defossez G., Salardaine F., Lahorgue M.F., Poupin C., Marcelli D., Texier A., Ingrand P. — Comportements de santé des étudiants d’IUT de l’Université de Poitiers. Santé Publique , 2006, 18 , 195-205.

[13] Migeot V., Ingrand I., Lahorgue M.F., Defossez G., Salardaine F., Poupin C., Chavagnat J.J., Marcelli D., Texier A., Ingrand P. — Programme de prévention des mal-être, dépression, suicide et conduites addictives auprès des étudiants d’IUT de l’Université de Poitiers. Revue française de psychiatrie et de psychologie médicale, 2005, 9, 11-6.

 

DISCUSSION

M. Henri LÔO

Sur le plan psychologique vous avez évoqué la dépression, l’anxiété, la recherche de sensations et l’impulsivité. Ne serait-il pas pertinent d’évoquer l’agressivité, retournée vers soi dans la dépression, et vers l’extérieur dans la recherche de sensations ? Les antécédents psychopathologiques familiaux ont-ils une incidence sur le risque de récidives ? Enfin ne serait-il pas intéressant de corréler votre échelle aux différentes échelles qui évaluent le fonctionnement familial, car il me semble important de prendre en considération la psychopathologie individuelle et l’environnement affectif ?

Effectivement, comme vous l’avez bien remarqué dans notre population de jeunes accidentés, il existe une corrélation assez importante avec les scarifications et les antécé- dents de tentative de suicide. Certes, il existe des échelles d’évaluation du risque suicidaire et d’autres plus récentes concernant les scarifications et l’impulsivité. Dans notre précé- dente étude, nous avions évalué la validité externe de l’échelle ECARR par rapport aux échelles d’anxiété, de dépression et de recherches de sensations. On sait que ces mêmes échelles sont également corrélées du moins en partie aux échelles d’intentionnalité suicidaire. De toute façon, nous sommes sur un terrain largement multi-axial avec des corrélations extrêmement importantes entre divers facteurs. Nous avons donc dans cette recherche plus précisément été guidé par le souci d’une certaine « faisabilité » ce qui nous a obligé à limiter nos investigations. Il en a été de même pour les corrélations avec le milieu familial tant en termes de qualité relationnelle que de niveau socio-économique. Il y a bien évidemment des corrélations dans certaines études mais nous ne pouvions effectuer un bilan qui aurait nécessité plusieurs heures d’entretien. Notre propre bilan dans la recherche précédente exigeait déjà trois heures d’entretien ce qui nous paraissait bien long et nous semblait être le temps maximum au cours d’un seul et unique entretien. Dans la population que nous venons d’étudier, la corrélation avec la qualité des relations familiales est importante et cela va dans le sens de votre question. Mais précisément notre recherche ECARR est construite comme une échelle extrêmement simple (douze questions, cinq minutes de passation) de façon à ne pas exiger, dans un climat d’urgence, des entretiens approfondis qui, bien évidemment, ne peuvent être faits que dans un second temps.

M. Jean COSTENTIN

Le cannabis est si présent dans l’étiologie des accidents des sujets jeunes qu’une analyse objective et systématique aurait pu mettre en exergue cette dimension, alors que la démarche déclarative retenue occulte quasi systématiquement cette responsabilité. Qu’en pensezvous ?

La question concernant les consommations de produits dans les jours ou les heures qui précédent l’accident est notablement sous-évaluée. Il est probable que les jeunes ont été réticents à répondre à cette question compte tenu peut-être des implications qu’elle aurait pu avoir, du moins était-ce ce qu’ils craignaient en y répondant. Là encore, notre souci, à travers cet autoquestionnaire, était de sensibiliser les jeunes aux facteurs de risque entourant leurs conduites accidentelles, disposer d’un instrument de repérage extrêmement simple, puis, dans un second temps, précisément de pouvoir aborder sur le fond ces divers facteurs de risque. Il est évident que, pour les adolescents présentant des cotations à l’ECARR élevées, cette question des consommation de produits est une des plus importantes. Mais là encore pour la mise au point de cette échelle nous ne voulions pas centrer notre investigation sur un point unique.

M. Pierre BÉGUÉ

La question des accidents chez les adolescents vus aux urgences est très importante. Le pronostic de la récidive rappelle ce qui a été développé pour les accidents domestiques des jeunes enfants. Ce test semble facile à appliquer. Comment peut-on organiser cette évaluation et la prise en charge au niveau national et que sait-on de l’adhésion des jeunes à cette évaluation ?

La comparaison avec les accidents domestiques me paraît tout à fait pertinente. On a pu constater qu’une attention systématique sur ces types d’accidents avait eu des résultats très favorables d’une part en attirant l’attention des fabricants de matériel comme des parents, d’autre part en développant des stratégies préventives intelligentes. De ce point de vue, il n’est pas acceptable que, face à un jeune revenant au moins à deux reprises pour des accidents, surtout s’il ne s’agit pas d’accidents de sport, comme j’ai pu le montrer dans ce travail, il n’est pas admissible donc qu’il n’y ait aucune stratégie d’évaluation d’abord, de prévention ensuite. Quand un jeune a plusieurs accidents successifs, en particulier des accidents de circulation, mais aussi à l’école, à la maison, il serait de bonne médecine de pouvoir l’identifier rapidement (ce que me semble-t-il, un logiciel bien conçu pour les patients se présentant aux urgences n’aurait aucun mal à réaliser) et qu’ensuite, une stratégie préventive puisse être développée.

M. Pierre GODEAU

La gravité de l’accident intervient-elle dans le risque de récidive ? En cas d’accident de sport il est certain que la récidive fréquente des entorses (cheville ou genou) est un risque habituel probablement indépendant des composantes psychologiques au sens large du terme. Enfin il est sans doute important de tenir compte de l’évolution du matériel sportif. Exemple pour le ski : les fixations, les chaussures, etc. et la pratique du surf dont les conséquences traumatiques sont différentes.

Dans cette enquête, il nous est apparu que, d’une part les accidents de sport sont très fréquents et que d’autre part, heureusement dans leur majorité, ils ne sont pas les plus graves. Les sports les plus impliqués dans notre étude étaient les sports collectifs, ceux de ballon en particulier. Certains sports étaient quasiment inexistants telle que la natation.

Il est bien évident que les accidents sportifs dépendant en grande partie des sports avec toute la question des sports à risque tels que les nombreux sports de glisse : ski mais aussi rollers, skate, etc. Le matériel utilisé par les sportifs aboutit à des résultats contrastés. En effet, d’un côté les sportifs sont mieux protégés et donc cela peut conduire à une baisse des accidents. En revanche, il peut y avoir un déplacement sur d’autres zones (par exemple comme vous le citez, déplacement de la cheville sur le genou pour le ski) mais il peut y avoir aussi un sentiment de sécurité accru chez le sportif ce qui le conduit à prendre des risques supplémentaires. Toutefois, pour ce qui concerne notre population, il s’agit essentiellement de jeunes adolescents qui d’ailleurs n’utilisent pas toujours, loin s’en faut, de matériel de sécurité.

 

M. Jean-Jacques HAUW

Pourquoi n’avez-vous pas comparé les données obtenues chez les patients sans accident avec les patients accidentés, avec ou sans récidive ? Les patients sans accident constituaient-ils votre groupe de contrôle ?

Cette comparaison a été l’objet de notre première étude avec l’échelle que nous avions nommée ECRA : nous avions comparé un groupe de jeunes ayant présenté des accidents à répétition à un groupe d’adolescents du même âge apparié pour le sexe (il y a bien évidemment une majorité de garçons chez ces jeunes accidentés). Au terme de cette première recherche, la différence entre les jeunes ayant présenté des accidents à répétition et les jeunes tout-venant était apparue comme massive. C’est à partir de cette première étude que nous avons poursuivi nos recherches sur l’ECRA d’abord, l’ECARR ensuite.

M. Bernard SALLE

Avez-vous tenu compte du niveau éducatif et du niveau social des parents ? Dans toute enquête chez l’enfant, ces deux paramètres sont importants.

Bien évidemment, le niveau socio-économique et socio-culturel des enfants comme des familles est un paramètre à prendre en considération mais là encore notre instrument se voulait extrêmement simple et ne pas prendre d’emblée en considération les dimensions socio-économiques qui ont bien évidemment un lien avec l’accidentologie mais un lien extrêmement médiatisé. Il s’agit en particulier de la capacité de chaque individu à prendre soin de soi ce qui est bien évidement largement conditionné par le niveau culturel, social, économique, etc.

M. Jacques-Louis BINET

Pour aller plus loin dans vos conclusions, le critère que vous utilisez (en dehors des accidents de sport) ne pourrait-il pas entraîner le retrait du permis de conduire ? Il est sûrement utilisé par les assurances.

Prenons le cas des jeunes qui ont des accidents de deux roues à répétition. Il est évident qu’il s’agit là d’une population à très haut risque de récidive. On ne peut pas imaginer que les compagnies d’assurance et les mutuelles d’assurance ignorent ce point. Mais il est tout aussi évident que, pour des raisons de confidentialité, ces données ne sont actuellement pas utilisées dans une stratégie qui pourrait apparaître comme passablement contraignante, réduisant la liberté individuelle. C’est la raison pour laquelle, il m’a paru nécessaire de développer des mesures incitatives, des mesures d’accompagnement pré- ventives à partir des résultats obtenus grâce à cette échelle.

 

<p>* Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, CHU et Centre hospitalier Henri Laborit, BP 587 — 86021 Poitiers, e-mail : d.marcelli@ch.poitiers.fr ** Santé Publique, Épidémiologie et Biostatistique. InsermCIC 802. CHU de Poitiers ; Université de Poitiers. *** Psychologue clinicienne, attachée de recherche clinique, CH Poitiers **** Ingénieur Epidémiologie et Biostatistique. INSERM CIC 802. CHU de Poitiers ; Université de Poitiers. Tirés à part : Professeur Daniel Marcelli, même adresse Article reçu le 28 septembre 2009, accepté le 22 février 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 953-968, séance du 22 juin 2010