Résumé
La santé et la prévention constituent en prison un enjeu majeur de santé publique en raison des caractéristiques de la population qui y est détenue : fortes prévalences de l’usage de substances psychoactives à l’entrée en détention, précarité sociale, fréquence des troubles psychiatriques. La promiscuité, le manque d’hygiène, la violence et les conditions actuelles de détention contribuent à aggraver ce risque sanitaire. Des données, bien que très anciennes, existent en France sur l’usage de substances psychoactives à l’entrée en détention, mais il n’existe pas de données d’ampleur nationale sur leur consommation au cours de la détention. Des arguments indirects suggèrent cependant la réalité de ces pratiques d’usage et les risques associés. Le principe d’équivalence avec le milieu ouvert prôné par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), adopté en 1994 par la France, est à peu près respecté pour les interventions médicales (accès aux traitements de substitution aux opiacés, aux substituts nicotiniques, aux antirétroviraux et maintenant aux traitements de l’hépatite chronique C ainsi qu’à la naloxone dans la prévention de l’overdose). Au contraire, l’accès aux outils de réduction des risques reste déficient malgré la Loi de Santé de 2016 inscrivant ce principe d’équivalence pour ces stratégies. De plus, dans une optique de santé publique, ces interventions doivent être envisagées de manière globale, incluant soins et prévention pour la dépendance tabagique, la consommation de cannabis mais aussi combinaison des interventions ciblant les troubles psychiatriques, la précarité sociale et aussi et surtout, le contexte, c’est-à-dire les conditions de détention devenues particulièrement difficiles.
Summary
Health and prevention constitute a major public health issue in prison setting because of the characteristics of the population held there: high prevalence of use of psychoactive substances at entry, social precariousness, frequency of psychiatric disorders. Promiscuity, lack of hygiene, violence and current conditions of detention contribute to this health risk. Data on prevalence of substance use at entry are outdated in France and there are no national data on their consumption in detention. Indirect arguments, however, suggest the reality of their consumption inside prison and the associated risks. In terms of care and prevention, if the principle of equivalence with the free world recommended by the World Health Organization and UNODC, adopted in 1994 by France, is more or less respected for medical interventions (access to opioid substitution treatment, nicotine replacement therapy, antiretrovirals treatments and now treatment for chronic hepatitis C as well as naloxone in the prevention of overdose), access to risk reduction tools remains deficient in spite of the Health Law of 2016. In addition, from a public health perspective, these interventions should be considered in a comprehensive way, including care and prevention for tobacco dependence, cannabis use, but also a combination of interventions targeting psychiatric disorders, social precariousness and the conditions of detention.
Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos 1-2, 53-65, séance du 16 janvier 2018