Communication scientifique
Séance du 8 février 2005

Une nouvelle imagerie ostéo-articulaire basse dose en position debout : le systeme EOS

A new 2D and 3D imaging approach to musculo-skeletal physiology and pathology with low-dose radiation and the standing position : the EOS system

Jean Dubousset, Georges Charpak (prix Nobel de physique 1992) consistant à obtenir, Irène Dorion, Xafa Skalli, François Lavaste, Jacques Deguise, Gabriel Kalifa, Solène Ferey

Summary

Close collaboration between multidisciplinary specialists (physicists, biomecanical engineers, medical radiologists and pediatric orthopedic surgeons) has led to the development of a new low-dose radiation device named EOS. EOS has three main advantages : —The use of a gaseous X-ray detector, invented by Georges Charpak (Nobel Prizewinner 1992), the dose necessary to obtain a 2D image of the skeletal system has been reduced by 8 to 10 times, while that required to obtain a 3D reconstruction from CT slices has fallen by a factor of 800 to 1000. — The accuracy of the 3D reconstruction obtained with EOS is as good as that obtained with CT. — The patient is examined in the standing (or seated) position, and is scanned simultaneously from head to feet, both frontally and laterally. This is a major advantage over conventional CT, which requires the patient to be placed horizontally. —The 3D reconstructions of each element of the osteo-articular system are as precise as those obtained by conventional CT. EOS is also rapid, taking only 15 to 30 minutes to image the entire spine.

INTRODUCTION

L’invention de Georges Charpak (prix Nobel de physique 1992) consistant à obtenir des radiographies en économisant considérablement les doses des radiation nécessaire à l’obtention d’une bonne image grâce aux détecteurs gazeux, a conduit une équipe multidisciplinaire comprenant ingénieurs physiciens, ingénieurs biomécaniciens et cliniciens radiologues et orthopédistes à mettre au point et utiliser un nouvel appareil d’imagerie médicale dénommé EOS.

Cet appareil comporte une double innovation, puisqu’il permet d’obtenir des images en 2D, mais aussi en 3D en position debout de l’ensemble du squelette de la tête aux pieds, et ceci grâce à des nouvelles techniques de reconstruction 3D développées conjointement entre le Laboratoire de Biomécanique de l’E.N.S.A.M.

(École Nationale des Arts et Métiers) à Paris LBM-CNRS UMR 8005 (Laboratoire de Biomécanique associé au Centre National de la Recherche Scientifique) à Paris et le Laboratoire de recherches en Imagerie et Orthopédique (LIO) à Montréal [4].

Il en découle de multiples applications, aussi bien en physiologie qu’en pathologie ostéo-articulaire qui amènent un nouveau champ d’investigations et d’applications.

L’avantage majeur du système est la diminution considérable des doses de Rx dont on connaît les risques [1] allant d’un facteur de réduction 10 pour les radios conventionnelles 2D à un facteur de 800 à 1.000 pour les reconstructions 3D obtenues jusqu’alors grâce aux tomodensitométries qui avaient en outre l’inconvé- nient de ne pouvoir être utilisées qu’en position couchée.

BASES PHYSIQUES — LES PREMIERS APPAREILS ET L’ÉVOLUTION JUSQU’AU MODÈLE ACTUEL

En 1996, Georges Charpak et la société Biospace Instruments ont mené une première évaluation de l’intérêt des inventions de Georges Charpak dans le domaine de la radiologie médicale. Les détecteurs gazeux qui lui ont valu le Prix Nobel de

Physique (1992) permettent en effet la conversion, dans un gaz sous pression tel que le Xénon, de photons X en électrons. Ces électrons sont amplifiés par effet d’avalanche, c’est-à-dire une multiplication du nombre des électrons dans le champ électrique et détectés par une chaîne électronique adaptée [2].

Un prototype conçu avec une technologie de détecteurs gazeux de première génération a été installé au C.H.U. St Vincent de Paul, dans le service de radiologie pédiatrique de Léon Gabriel Kalifa. 300 examens radiologiques ont été réalisés.

L’évaluation clinique a été menée sous contrôle du CEDIT (Centre d’Évaluation des Innovations Technologiques) pendant 18 mois, sur un échantillon de 200 enfants et adolescents, dans le cadre d’un protocole soumis au C.C.P.P.R.B. (Comité Consultatif de la Protection des Personnes lors des recherches Biologiques) de Cochin-Port Royal portant sur la dosimétrie, la qualité d’image et l’évaluation clinique de clichés pulmonaires, du bassin et du rachis. Les mesures de dosimétrie ont été effectuées par le C.A.A.T.S. (Centre d’Assurance de qualité des Applications Technologiques dans le domaine de la Santé), organisme indépendant accrédité par la Communauté Européenne pour l’établissement des recommandations relatives à la dosimétrie. Les facteurs de réduction de doses mesurées lors de ces essais par comparaison aux films classiques étaient de 4 à 20, selon les localisations [3].

L’analyse des critères diagnostiques et de qualité a conduit en 1997 à des conclusions très positives en terme de réductions de doses et plus réservés en terme de qualité d’image révélant essentiellement les difficultés d’interprétation par les lecteurs de ces images, d’autant plus nouvelles que peu de services de radiologie étaient à l’époque équipés d’imagerie digitale.

Certains handicaps de l’appareil testé ont également été soulignés à l’époque. Les faiblesses constatées de cette première génération d’équipements concernaient essentiellement :

— La résolution encore faible (1mm) — La lenteur de la prise d’image (8 à 10 secondes pour un rachis) De nouvelles technologies de détecteurs utilisant les circuits imprimés de haute densité et des modifications de l’architecture interne des détecteurs ont depuis ouvert la voie à des résolutions de l’ordre de 250 µm parfaitement adaptées à l’imagerie de l’os. Ces détecteurs permettent en outre d’obtenir des images de très grande dynamique, ou profondeur, c’est-à-dire possédant un nombre de niveaux de gris discernables très important : 30 à 50.000, contre de l’ordre d’une centaine de niveaux avec le film classique. L’affichage sur un écran digital permet de sélectionner la gamme de niveaux de gris d’intérêt pour la lectures. Ces détecteurs sont enfin insensibles au rayonnement diffusé et sensibles à un photon X unique : ils permettent donc l’acquisition d’images de grande qualité radiologique, au prix d’une irradiation patient très faible.

En parallèle, les équipes du LBM et du LIO ont développé ensemble de nouvelles méthodes de reconstruction tridimensionnelle précise de vertèbres, puis progressi-
vement des autres éléments du squelette, à partir de seulement deux radiographies prises sous deux incidences. La méthode de reconstruction consiste à déterminer la forme et la position spatiale de l’élément d’intérêt (vertèbre, fémur, bassin…), en cohérence avec les informations repérables sur les radiographies (contours en particulier).

La démarche générale consiste à positionner approximativement dans l’espace un élément de forme proche (appelé élément générique). Cet élément permet de déterminer des contours radiographiques virtuels. La forme et la position sont alors modifiés jusqu’à ce que les contours virtuels se superposent au mieux avec les contours réels relevés sur la radiographie.

Georges Charpak et la Société Biospace Instruments ont ainsi lancé en 2000 le développement d’un instrument de radiologie utilisant ces nouvelles technologies dans le contexte particulier de l’orthopédie, pour lequel une capacité d’imagerie tête aux pieds, en position debout, est particulièrement nécessaire. L’appareil comprend un détecteur linéaire de largeur 45 cm balayé verticalement en 10 à 20 secondes pour assurer une couverture totale de 170 cm (en hauteur) par 45 cm (en largeur), ouvrant ainsi la voie à une analyse radiographique globale du patient. Deux ensembles orthogonaux composés chacun d’une source de rayon X et d’un détecteur, unis physiquement, permettent la prise de vue simultanée des clichés face et profil quasi systématiquement requis en orthopédie.

L’appareil EOS, opérationnel depuis 2003, permet ainsi la prise de deux clichés tête aux pieds, digitaux, à faible irradiation. Ces clichés sont utilisables tant pour l’examen de zones anatomiques peu denses (zone cervicale par exemple) que pour l’examen de zones très atténuantes (zone lombaire par exemple) grâce à la très grande performance du détecteur en termes de dynamique.

LA VALIDATION RADIOGRAPHIQUE ET LA DOSIMÉTRIE

Il était bien sûr très important de valider la qualité des radiographies obtenues avec EOS, mais aussi la dosimétrie mesurée à la fois pour les clichés 2D et les reconstructions 3D, de manière à les comparer aux appareils d’imagerie conventionnelle radiographique et de tomodensitométrie.

Avec l’agrément du comité d’éthique du C.C.P.P.R.B. (Comité Consultatif pour la Protection des Personnes lors des Recherches Biologiques) de l’Hôpital Cochin, l’étude a été menée sur un examen de routine de radiologie pédiatrique, à savoir le rachis entier des malades scoliotiques. Cet examen a été choisi en raison de l’importance des doses délivrées pour ces clichés de face et de profil, en particulier au niveau des organes sensibles (moëlle osseuse, seins, gonades) mais aussi en raison de la fréquence de ces examens souvent nécessaire, de manière répétitive pour vérifier l’évolutivité avec le temps de ces déformations et leur contrôle après traitement orthopédique ou chirurgical.

L’étude visait la mesure de la réduction de dose et la qualité de l’image obtenue, ainsi que celle des résultats des reconstructions 3D de surface pouvant aussi être obtenue par TDM.

45 enfants ont été étudiés et les résultats obtenus ont été les suivants :

L’irradiation pour les examens classiques face et profil du rachis étaient réduits de 8 à 10 fois par rapport à la radiologie conventionnelle actuelle, comme en témoigne le tableau suivant, au niveau de la peau par exemple.

KVp Dose de peau (µGy) Facteur de Film EOS Film EOS Réduction Face 71 69 1196 127 9,4 (moyenne) Profil 83 84 1618 192 8,4 (moyen) FIG. 1. — Paramètres radiographiques utilisés et dosimétrie au niveau de la peau.

La comparaison EOS / TDM avec reconstruction tridimensionnelle montre que la diminution de la dose absorbée va d’un facteur 100 pour les organes génitaux à plus de 600 pour le thyroïde.

Le tableau de la figure 2 est particulièrement explicite :

RECONSTRUCTION TRIDIMENSIONNELLE

Les données de base de la reconstruction tridimensionnelle se rapportent [5, 6, 7, 8]

Aux images radiographiques calibrées . Dans le système EOS, du fait de la liaison physique entre les ensembles sources détecteurs, la position dans l’espace des capteurs et des sources de rayons X est parfaitement connue : l’environnement radiographique est donc pré-calibré.

La projection de la pièce osseuse radiographiée est comparée à celle d’un objet virtuel dit objet générique qui en a approximativement la forme. Cet objet est défini par les coordonnées d’un nuage de points répartis à sa surface (400 à 9.000 points en fonction de la complexité de l’objet). Il peut être obtenu à partir d’une pièce anatomique d’une reconstruction TDM 3D ou d’un modèle statistique.

Les informations extraites de l’image radiographique permettent d’identifier des repères ponctuels (par exemple centre géométrique de la tête fémorale), ou des contours (par exemple contours associés à la projection des condyles fémoraux).

Certains repères sont identifiables simultanément sur les deux images radiographiques (stéréo-correspondants), et sont associés à un repère anatomique spécifique, d’autres peuvent seulement être associés à une région, la localisation précise dans la région dépendant de l’orientation de l’objet.

Les méthodes de reconstruction sont spécifiques aux objets reconstruits et à l’image radiographique de ces objets. Deux exemples illustreront les démarches possibles :

La reconstruction d’une extrémité distale de fémur : elle commence par le repérage des contours de l’os sur les images radiographiques dans les deux plans orthogonaux. Ces contours ne sont pas nécessairement stéréo correspondants. Ils sont ensuite comparés à ceux d’un fémur virtuel projeté sur ces mêmes images. Le fémur virtuel va être déformé, d’abord par une succession de translations, rotations, homothéties, puis par une déformation non linéaire jusqu’à obtenir une superposition des contours réels et virtuels.

La reconstruction des vertèbres d’un rachis scoliotique

On commence par pointer semi automatiquement quatre repères anatomiques par corps vertébral, sur les images radiographiques des deux plans orthogonaux. Ceci permet de quantifier pour chaque corps vertébral, son volume de confinement dans l’espace, l’inclinaison latérale et sagittale de la vertèbre et de définir la ligne verté- brale qui joint les centres des corps vertébraux. De plus, la rotation vertébrale axiale est estimée à partir des connaissances anatomopathologiques des courbures rachidiennes. Un modèle théorique issu de mesures directes sur 1.628 vertèbres sèches et de reconstruction 3D de 96 rachis est alors construit, puis rétro-projeté sur l’image
radiographique. Semi automatiquement on réoriente l’objet virtuel pour corriger la rotation vertébrale axiale et on rectifie la position des repères rétro-projetés jusqu’à obtenir une bonne adéquation entre les contours réels et les contours virtuels de l’objet modélisé.

L’automatisation complète de ce processus est en cours.

VALIDATION DE LA RECONSTRUCTION 3D

La validation des reconstructions a été effectuée pour des vertèbres, des fémurs et des tibias, d’abord in vitro sur pièces sèches, puis in vivo . Dans chaque cas les reconstructions 3D sont effectuées d’une part à partir de coupes TDM millimétriques (2mm pour des vertèbres scoliotiques), et d’autre part à partir de la simple paire de radiographies fournie par EOS. Chaque reconstruction conduit à la définition d’un nuage de points décrivant la surface enveloppe de l’os considéré (500 à 2.000 points par os). Une superposition de ces deux nuages de points permet d’estimer les erreurs, la TDM étant considérée comme la référence. In vitro, pour 36 vertèbres, 25 fémurs proximaux, 25 fémurs distaux et 7 tibias, l’erreur moyenne est de 0,9 mm, et 95 % des erreurs sont inférieures à 2,4 mm. In vivo, et même dans le cas d’os très déformés (scoliose sévère et genoux arthrosiques), l’erreur moyenne reste inférieure à 1,5 mm.

CONSÉQUENCES

On constate donc la réduction considérable des doses d’irradiation qui peuvent être obtenues avec le système EOS associée aux méthodes informatiques de reconstruction 3D obtenue à partir des simples radiographies face et profil simultanées dont la validation de la précision surfacique comparée à celle de la TDM s’est révélée tout à fait identique.

Quant à la qualité des images obtenues, elle est tout à fait comparable à celle d’une radiographie classique pour, non seulement l’examen de la colonne vertébrale, mais aussi simultanément celui du bassin, du thorax, et des membres inférieurs par exemple.

La possibilité de jouer sur le fenêtrage des images a pour EOS les mêmes caracté- ristiques que celles de la radiographie numérisée évitant une nouvelle irradiation (nécessaire en cas d’erreur technique) comme on le voit dans la radiographie conventionnelle.

L’analyse des tissus de contraste différents (os, muscles, poumons, ligaments) sera peut-être une autre possibilité en cours de validation avec EOS.

APPLICATIONS PRATIQUES EXISTANTES ET POTENTIELLES

Les premières applications pratiques sont les mêmes indications que celles de la radiographie conventionnelle pour ce qui est du système squelettique avec trois avantages majeurs :

— La diminution des doses d’irradiation (de 8 à 10 fois inférieures).

— La non nécessité de refaire des clichés lorsqu’on ne visualise pas bien une région, car on peut jouer grâce au numérique sur les valeurs de gris et faire apparaître l’image avec une précision largement suffisante au niveau intéressé, comme on peut l’avoir avec des radiographies numériques actuelles.

— L’étude se fait en station debout tout à fait fonctionnelle, pour le squelette entier des pieds à la tête et en particulier par rapport aux imageries en coupes (TDM) actuelles qui sont réalisées en position couchée.

Donc tout à fait intéressant en remplacement des examens radiologiques répétitifs et/ou irradiants : bilans répétitifs des affections rachidiennes opérées ou non chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte, bilans squelettiques du bassin et des membres inférieurs chez l’enfant, clichés thoraciques de dépistage.

Les secondes applications pratiques découlent de la possibilité d’obtenir des reconstruction tridimensionnelles aussi fiables que celles obtenues avec la tomodensitomé- trie avec les deux avantages majeurs :

— La diminution considérable des doses d’irradiation (de 800 à 1.000 fois infé- rieures).

— La réalisation de l’examen en position debout ou assise donc fonctionnelle.

Ces éléments sont d’importance majeure pour la pathologie rachidienne

L’exploration globale du corps permet de déceler et de mesurer les compensations qui se produisent au niveau non seulement du rachis, mais de l’ensemble du corps dans l’équilibre et la fonction de l’individu. Une plate forme de force peut être intégrée au système EOS, permettant de connaître la ligne de gravité passant par le centre du polygone de sustentation, et de la rapporter aux données précédentes. La modélisation de l’enveloppe cutanée commence à être réalisée. Les principales indications rachidiennes sont à l’heure actuelle :

• Le suivi évolutif des affections rachidiennes au cours de la croissance et du vieillissement du rachis.

• L’établissement des bilans pré-opératoires, en tenant compte des éléments extra rachidiens (tête, bassin, hanches, genoux), tout autant que du rachis lui-même, en particulier pour le plan horizontal difficile à appréhender sur les radiographies conventionnelles et qui est parfaitement démontré par la reconstruction volumé- trique 3D, par exemple vu d’en haut.

• La surveillance post-opératoire, notamment de l’équilibre global et des compensations immédiates ou à long terme.

• Le contrôle des actions des corsets orthopédiques. Ceci grâce à la reconstruction thoracique qui permet de visualiser dans l’espace la position des appuis et leurs conséquences, de même que l’effet sur le bassin et l’ensemble rachidien depuis la vertèbre céphalique jusqu’à la vertèbre pelvienne.

• La mesure de la capacité thoracique et du volume thoracique pouvant permettre grâce à cette mesure simple et peu irradiante d’éviter certains examens par TDM thoracique à coupes jointes, beaucoup plus irradiantes pour l’évaluation des volumes pulmonaires au cours de la croissance et détecter les effets favorables ou néfastes des divers appareillages.

• L’estimation et la mesure de la déformation rachidienne de façon beaucoup plus réaliste que les mesures et pourcentages de correction donnés par le simple angle de Cobb rachidien qui en réalité ne mesure que l’effondrement rachidien projeté dans un seul plan.

— Cet ensemble de regards nouveaux sur la pathologie rachidienne amènera à n’en pas douter une évolution dans les indications opératoires et même probablement dans les techniques de correction.

Il faut enfin signaler que l’association EOS et mesures spatiales 3D réalisée avec des instruments non invasifs (ultrasons ou palpateurs externes) permet d’avoir une idée assez précise de la mobilité relative à la ligne de gravité élevée à partir du polygone de sustentation, la superposition de cette ligne de gravité de référence rendant l’utilisation des 2 types d’appareils tout à fait valable et complémentaire.

Le début des études sur la morphologie tridimensionnelle en position fonctionnelle debout des divers secteurs et articulations des membres inférieurs est maintenant amorcé.

Au niveau du genou : La concordance morphologique entre les études TDM 3D en décubitus et EOS est bonne, mais l’étude en charge autorisée par le système EOS permet une meilleure étude des déformations qu’elles soient d’origine squelettique, ou des parties ligamentaires et musculaires. Ceci permet déjà de mieux apprécier dans l’espace les déformations au niveau de l’articulation elle-même, mais aussi et surtout de replacer ce genou dans l’ensemble du membre (hanche, genou, pied), mais aussi dans l’ensemble du corps avec en particulier le retentissement d’un côté sur l’autre, de même que le retentissement des altérations morphologiques et fonctionnelles du squelette du tronc.

Au niveau de la hanche : la vision 3D en charge approche de très près la réalité. Le retentissement des éléments sus (bassin, rachis et tronc) et sous jacents (genou, pied) peut être évalué en 3D ce qui est d’une importance considérable dans l’indication et la réalisation des implantations prothétiques par exemple, de même que pour l’évaluation des résultats.

On connaissait l’étude si difficile des phénomènes et des anomalies de rotations des membres inférieurs où les différentes coupes TDM (hanches [tête et col], condyles fémoraux, extrémité supérieure du tibia, cheville, pied) permettait de faire des mesures utiles pour la pathologie et la thérapeutique, au prix d’une certaine irradiation et d’une étude en position couchée.

Il va de soi que grâce au système EOS, non seulement les mêmes renseignements, mais d’autres encore en particulier sur le plan rotatoire 3D beaucoup plus précis à cause des couplages générés par la position debout, seront découverts.

Tout ceci amènera bien sûr à des études sur la pathologie, les remplacements prothétiques , hanche, genou, et autres, cette fois-ci étudiés dans l’espace et non sur les projections uniplanaires données par les radiographies déjà nettement démarrées au niveau des prothèses de genou.

D’où la création peut-être de nouvelles prothèses, en tout cas de nouveaux critères de contrôle de mise en place primitivement et contrôles de détérioration spatiale à distance.

Contingences actuelles

L’appareil EOS existe actuellement en deux prototypes, l’un situé en permanence à l’E.N.S.AM. à Paris, l’autre qui était à l’Hôpital St Vincent de Paul est actuellement en Belgique, une troisième est en cours d’installation au Canada.

EOS fonctionne avec un système informatique basé sur PC.

Son installation réclame une salle de radiographies habituelle avec un sol suffisamment stable et renforcé pour supporter le poids de la machine et éviter les vibrations lors du déplacement de ses éléments mobiles au cours de la prise du cliché.

Son coût est de l’ordre de la moitié de celui d’un scanner de dernière génération.

CONCLUSION

EOS ouvre un ère nouvelle dans l’orthopédie et l’étude des maladies du squelette en faisant exploser l’importance des trois dimensions de l’espace tout en réduisant significativement les effets possiblement nuisibles d’une irradiation excessive.

BIBLIOGRAPHIE [1] BERRINGTON DE GONZALES A., DARBY S. — Risk of cancer from diagnostic X-rays : estimates for the UK and 14 other countries. The Lancet, 363 , 2004, Vol 9406.

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[3] KALIFA G., CHARPAK G., MACCIA C., FERY-LEMONNIER E., BLOCH J., BOUSSARD J.M., ATTAL M., DUBOUSSET J., ADAMSBAUM C. — Evaluation of a new low-dose digital x-ray device : first dosimetric and clinical results in children. Pediatric Radiology , 1998, 28 , 557-561.

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[5] LAPORTE S., SKALLI W., DE GUISE JA., LAVASTE F., MITTON D. — A biplanar reconstruction method based on 2D and 3D contours : application to the distal femur. Comput Methods Biomech. Biomed. Engin. , 2003, 6 (1), 1-6.

[6] LE BRAS A., LAPORTE S., MITTON D., DE GUISE JA., SKALLI W. — 3D detailed reconstruction of human vertebrae from dose digital stereoradiography. European Journal of Orthopaedic Surgery & Traumatology , 2003a, 13 , 57-62.

[7] MITTON D., LANDRY C., VERON S., SKALLI W., LAVASTE F., DE GUISE JA. — 3D reconstruction method from biplanar radiography using non stereocorresponding points and elastic deformable meshes. Medical Biological Engeering & Computing , 2000, 38 (2), 133-9.

[8] POMERO V., MITTON D., LAPORTE S., DE GUISE JA., SKALLI W. — Fast accurate stereoradiography 3D-reconstruction of the spine using a combined geometric and statistic model. Clin Biomech (Bristol, Avon) , 2004, 19( 3), 240-7.

DISCUSSION

M. Georges CHARPAK

Je veux souligner l’importance de la collaboration de disciplines diverses pour notre succès.

— La collaboration de cliniciens a été essentielle. Elle a permis de définir un creneau d’application défini qui justifie un investissement important. — La collaboration avec les ingénieurs de l’ENSAM est une autre illustration de la fécondité de la collaboration entre des disciplines différentes.

M. Claude-Henri CHOUARD

De combien d’appareillages EOS disposez-vous, pour élargir à d’autres zones de l’économie, les applications décrites aujourd’hui pour le rachis ?

Actuellement, il existe un appareillage complet au laboratoire de biomécanique de l’E.N.S.A.M. Celui de l’Hôpital Saint Vincent de Paul est parti en Belgique à l’Université ERASME. Deux autres appareillages doivent être installés à Montréal.

M. Jean PICARD

En tant que spécialiste de l’imagerie, je ne peux rester insensible à la beauté de la présentation que nous venons de voir. Il m’est difficile de suivre une nouvelle technique sans en avoir la pratique. Afin de mieux l’appréhender, nous avons sollicité des auteurs la possibilité d’étudier leur texte et nous les en remercions. Nous avons désiré visiter le site de
l’ENSAM où nous avons été particulièrement bien reçus. Quelques commentaires et questions : tout d’abord nous remercions nos confrères Jean Dubousset et Georges Charpak qui honorent l’Académie en apportant prioritairement ce travail fondamental pour une technique révolutionnaire, encore peu utilisée. Il y a plusieurs types de Prix Nobel en ce qui concerne l’imagerie : celui qui récompense d’une manière concomitante le principe et son application pratique, tels les RX et le scanographe crâne — et celui qui récompense un nouveau principe mais pour lequel la réalisation d’un nouvel appareillage demande quelques années, tels l’IRM et l’EOS que nous venons de voir. Phredi Avni, Chef du Département de Radiologie de l’Hôpital Erasme de Bruxelles, évalue depuis décembre l’appareil qui est à l’origine du travail de Jean Dubousset. Étant donné mes relations amicales avec l’Hôpital Erasme de Bruxelles, j’ai voulu inviter, avec l’accord de notre Secrétaire perpétuel et des auteurs, Danielle Balériaux, neuroradiologue et correspondante de notre Académie ainsi que son patron Phredi Avni. À cette invitation de dernière heure, ils n’étaient pas disponibles.

Phredi Avni m’a autorisé à vous faire part de son enthousiasme, dès ses premiers résultats, pour l’étude des scolioses chez l’enfant, afin de réduire l’irradiation. À ces commentaires, je voudrais poser quelques courtes questions : Vous parlez de clichés thoraciques de dépistage :

pour l’os ou pour l’étude du parenchyme pulmonaire ? Vous dites que c’est la première fois qu’une imagerie voit les structures par le haut. Ayant été l’élève de Frain, je me permets de rectifier. Frain avait créé un appareil de tomographie axiale transverse qui permettait de voir tout le thorax en coupes transversales, par le haut ou par le bas. Le balayage ne se fait pas à la vitesse de 50cm/ seconde puisque pour couvrir tout le corps, il faut 20 secondes. Vous parlez à juste titre de l’intérêt de l’examen en position debout ou assise. D’autres techniques étudient la statique dans cette position, certes d’une façon imparfaite. Dans ce domaine néanmoins, les appareils d’IRM verticaux sont de plus en plus nombreux. Qu’en est-il de la confrontation de ces deux méthodes et de l’avenir de chacune, plus particulièrement de l’IRM verticale qui n’est pas du tout irradiante. Dans l’étude des grandes malformations vertébrales, est-il ou sera-t-il possible au cours du même examen d’étudier le retentissement sur la moelle épinière ? Pour finir quel est l’avenir de la méthode, en fonction de son coût et de l’évolution des autres techniques tout en sachant que le scanner X en position verticale ne semble pas réalisable pour des raisons techniques ? Et enfin pouvez-vous nous préciser la signification des lettres E O S ?

EOS ne signifie rien, seulement le son de ce mot est agréable, on peut y trouver ainsi le E de électronique et le OS du système osseux. Plus important est la question de l’IRM : bien sûr EOS n’a pas pour but actuellement de pouvoir étudier la moelle épinière. Les techniques de double énergie sont prometteuses, mais ne permettent pas encore de voir les parties molles à ce point. Par contre, l’étui du canal rachidien peut parfaitement être visualisé dans les trois dimensions. Donc l’IRM a toujours bien sûr sa place essentielle pour étudier l’axe nerveux et les parties molles. EOS est un complément tout à fait original pour étudier dans l’espace le positionnement d’une articulation par rapport à celles sus et sous-jacentes et leur retentissement par rapport à l’ensemble de l’individu en position debout. Ceci est particulièrement important pour le rachis si on veut bien convenir que l’ensemble du bassin peut être considéré comme la « vertèbre pelvienne » et la tête toute entière comme la « vertèbre céphalique » permettant l’équilibre spatial tridimensionnel dans l’espace de l’individu.

M. Charles-Joël MENKÈS

L’exploration discovertébrale en position debout par une technique non invasive est un énorme avantage. À côté de la mesure de la densité osseuse qui n’est qu’un des éléments du
risque fracturaire, peut-on évaluer la structure osseuse, l’orientation des travées, leur connectivité ?

Les expérimentations en double énergie permettent de penser que l’on pourra vraisemblablement évaluer la structure osseuse et l’orientation des travées, mais cela actuellement en est au stade expérimental.

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

A-t-on étudié, en position debout, les risques radiologiques de l’attitude antalgique que Stanislas de Sèze avait parfaitement décrite ainsi que l’étude dynamique qui montrait un bâillement électif qui est un signe spécifique d’une atteinte discale ?

L’étude dynamique du rachis cervical quelque temps après « le coup du lapin » permet effectivement de déceler le niveau pathologique d’autant que l’attitude antalgique au départ empêche cette dynamique.

M. Jean-Daniel SRAER

Existe-t-il des aides pour développer cette innovation technologique absolument stupéfiante pour un non spécialiste de la pathologie ostéo-articulaire ?

Le problème actuellement est de permettre à l’entreprise qui a développé les premiers prototypes, de se renforcer et de trouver les capitaux nécessaires pour lancer une production industrielle de la machine dont le coût actuel tourne autour de 500.000 euros.

M. Philippe VICHARD

Êtes-vous en mesure d’obtenir un cliché de profil strict du cotyle et de S1 ?

Ceci est parfaitement possible et réalisé facilement car on peut numériquement effacer ou rendre transparent l’aile iliaque ce qui permet d’avoir parfaitement le profil strict du cotyle en même temps que celui de S1.

M. Claude KENESI

La présence de matériel métallique de prothèse ou d’ostéosynthèse risque-t-elle d’apporter des artéfacts ?

Non, car les contours de ces prothèses métalliques sont parfaitement définis et peuvent être parfaitement pris en compte lors des reconstructions.

M. Michel ARTHUIS

Sera-t-il possible d’utiliser cette nouvelle méthode chez les enfants handicapés en position assise pour assurer leur surveillance ?

Oui bien sûr puisque la machine permet d’asseoir un malade sur un siège radio transparent.

M. Jean-Luc de GENNES

Dans cette image unique du squelette, pourrait-on voir les cartilages de conjugaison et intégrer, dans l’image, les bras et les mains chez les enfants afin de pouvoir déterminer l’âge osseux ?

Cela est certainement en rapport avec le développement de la technique de double énergie permettant de visualiser beaucoup plus exactement les parties molles (disques par exemple) et donc les cartilages de croissance. Les bras et les mains peuvent bien sûr aussi être radiographiés et donc leurs cartilages de croissance éventuels étudiés pour en tirer une approximation de l’âge osseux, comme en radio conventionnelle.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 2, 287-300, séance du 8 février 2005