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Séance du 12 mai 2009

Une introduction à la médecine évolutionniste. L’évolution biologique, grande absente de l’enseignement médical

MOTS-CLÉS : évolution. hypersensibilité.. infection. maladies auto-immunes
Evolutionary medicine an introduction. Evolutionary biology, a missing element in medical teaching
KEY-WORDS : autoimmune diseases. diabetes mellitus. evolution. hypersensitivity. infection. interleukine-10. obesity. sociobiology

Bernard Swynghedauw

Résumé

Le but de cette brève mise au point est d’essayer de réconcilier médecine et évolution biologique et de contribuer à la promotion de ce type d’enseignement. Par médecine évolutionniste on entend tout ce qui résulte du conflit entre notre génome tel qu’il a été façonné par un environnement souvent hostile durant des millions d’années et l’environnement actuel qui a été modifié par l’activité humaine dans ce qu’elle a à la fois de bénéfique mais aussi de délétère. L’évolution biologique est un processus irréversible, en cours, discontinu, caractérisé par des périodes de stase, suivies de ponctuations. Elle a un déterminant, les mutations géniques, et procède de deux manières, par pression sélective Darwinienne et au hasard des dérives génétiques. Le fait médical peut être considéré comme étant le résultat d’un conflit génome/environnement. Il peut n’être que génétique dans certaines maladies monogéniques, ou n‘être qu’environnemental, après un accident grave par exemple. Néanmoins dans la très grande majorité des maladies dites communes le tableau clinique est défini par un conflit entre ces deux critères, le critère génétique étant généralement incomplètement décrypté. Trois exemples en ont été choisis. — Les conséquences médicales de l’effet de serre. L’absence de surmortalité après les récentes vagues de chaleur suggère que l’élément déterminant en a été le coup de chaleur et l’âge. Les effets au long cours de l’élévation globale de la température mettent au premier plan la physiologie de la thermolyse, chapitre mal connu de la physiologie. — L’hypothèse hygiéniste postule l’existence d’un relation inverse entre la diminution des infections et l’accroissement exponentiel de l’incidence des maladies auto-immunes et allergiques. L’un des mécanismes proposé met en cause des éléments contre-régulateurs comme IL-10. — L’épidémie d’obésité et de diabète type 2 qui se développe en ce moment dans nos pays doit être considérée comme résultant d’un conflit entre un environnement trop riche en calories et des variants des gènes régulant l’appétit, variants qui sont en train d’être recensés par « genome-wide analysis », GWA. Considérer le fait médical à la lueur de l’évolution peut être une nouvelle manière d’établir les prémices d’une politique de santé globalisée.

Summary

The aim of this brief review article is to help to reconcile medicine with evolutionary biology, a subject that should be taught in medical school. Evolutionary medicine takes the view that contemporary ills are related to an incompatibility between the environment in which humans currently live and their genomes, which have been shaped by different environmental conditions during biological evolution. Human activity has recently induced acute environmental modifications that have profoundly changed the medical landscape. Evolutionary biology is an irreversible, ongoing and discontinuous process characterized by periods of stasis followed by accelerations. Evolutionary biology is determined by genetic mutations, which are selected either by Darwinian selective pressure or randomly by genetic drift. Most medical events result from a genome/environment conflict. Some may be purely genetic, as in monogenic diseases, and others purely environmental, such as traffic accidents. Nevertheless, in most common diseases the clinical landscape is determined by the conflict between these two factors, the genetic elements of which are gradually being unraveled. Three examples are examined in depth: — The medical consequences of the greenhouse effect. The absence of excess mortality during recent heat waves suggests that the main determinant of mortality in the 2003 heatwave was heatstroke and old age. The projected long-term effects of global warming call for research on thermolysis, a forgotten branch of physiology. — The hygiene hypothesis postulates that the exponential rise in autoimmune and allergic diseases is linked to lesser exposure to infectious agents, possibly involving counter-regulatory factors such as IL-10. — The recent rise in the incidence of obesity and type 2 diabetes in rich countries can be considered to result from a conflict between a calorie-rich environment and gene variants that control appetite. These variants are currently being identified by genome-wide analysis. Biological evolution should be taken into account in future holistic health policies.

INTRODUCTION

Comprendre le fait médical à travers l’évolution biologique, réconcilier la médecine avec ce que la biologie a de plus essentiel est une démarche récente, quelques pionniers l’ont entreprise en jetant les bases d’une nouvelle discipline, la médecine évolutionniste (aussi qualifiée de darwinienne) [1-3]. Néanmoins enseigner l’évolution biologique n’est pas entré dans les mœurs pédagogiques des facultés de médecine en général [4] et des nôtres en particulier. Le but de cette brève mise au point est d’essayer de réconcilier médecine et évolution biologique et surtout de contribuer à la promotion de ce type d’enseignement. Par médecine évolutionniste on entend tout ce qui résulte du conflit entre notre génome tel qu’il a été façonné par un environnement souvent hostile durant des millions d’années et l’environnement actuel qui a été modifié par l’activité humaine dans ce qu’elle a à la fois de bénéfique (suppression des famines, augmentation de la durée de vie…) mais aussi de délétère (suralimentation, effet de serre, pollution…).

« Rien en biologie n’a de sens en dehors de l’évolution » disait Dobzhansky [5] dans un aphorisme célèbre repris par SC Stearns dans son traité [6]. La théorie de l’évolution n’est plus une théorie mais une loi ou, si l’on préfère, un fait [7], et pour le médecin, le problème n’est pas d’émettre une nouvelle théorie évolutionniste comme cela a pu être fait [8-10], mais de replacer le fait médical dans ce cadre pour tenter de hiérarchiser le torrent d’informations biologiques qui nous submerge depuis l’avènement de la génomique [11]. C’est aussi une manière transversale de comprendre le fait médical en isolant les mécanismes les plus anciens et les plus essentiels, démarche riche en conséquences autant pour la pratique médicale que pour la recherche thérapeutique et pharmacologique.

Une vue purement Darwinienne de toute l’évolution basée sur la seule pression sélective et l’adaptation est maintenant difficile à défendre. — L’évolution neutre non adaptative, due au seul hasard, par simple dérive génétique, représente très probablement une partie importante du processus évolutif [12]. — Il y a des maladies génétiques, comme la drépanocytose, qui confèrent à ceux qui en souffrent un certain avantage, mais seulement dans un certain environnement (les pays d’endémie paludéenne pour la drépanocytose). — La complexité des interférences gènes/environnement et gènes/gènes, rend caduque toute tentative de simplification radicale, il faut par exemple tenir compte des symbioses que nous établissons avec les bactéries, parasites et virus qui nous infectent et dont les génomes évoluent et peuvent s’incorporer au génome humain ou en compléter l’activité sur un plan métabolique [13, 14]. — On connaît maintenant des mécanismes, en partie transmissibles, sans altérations de la structure du génome, les mécanismes épigénétiques.

Ils jouent un rôle important dans le développement mais aussi dans nombre d’affections [15, 16].

Pour toutes ces raisons, médecine évolutionniste paraît préférable à médecine Darwinienne (terme généralement utilisé par les anglo-saxons) car, si géniale que fut l’intuition de Charles Darwin, le concept darwinien ne recouvre très probablement pas la totalité du fait évolutif et des relations entre médecine et évolution biologique.

L’évolution biologique en peu de mots

L’évolution biologique repose sur des fondements scientifiques solides et les controverses soulevées par les créationnistes ne sont pas de nature scientifique (voir la discussion in [7 et 17]) nonobstant le souhait de leurs initiateurs. Les preuves en sont nombreuses, la preuve absolue étant l’existence d’un code génétique commun à tous les êtres vivants.

L’évolution est un processus irréversible, en cours, discontinu, caractérisé par des périodes de stase, suivies de ponctuations. L’évolution dépend directement d’un facteur génétique, les mutations, la sélection se faisant soit par la pression sélective Darwinienne, soit par le hasard soit par les deux [12]. L’expression phénotypique est pilotée par trois types de changements environnementaux : les variations climatiques, les grandes catastrophes d’origine volcanique ou météoritique (au moins cinq, la dernière il y a soixante-cinq millions d’années, Ma) qui aboutissent à l’extinction massive de nombreuses espèces, et les mouvements tectoniques des continents. Le temps est ici un facteur majeur. La vie est apparue sur Terre il y a 3,6-3,8 milliards d’années, Ga, et il a fallu encore quelques Ma, pour qu’apparaisse la première radiation, celle qui a donné naissance aux trois grands règnes du vivant, les Archeae, les Bactéries et les Eucaryotes [18]. Il a fallu ensuite plus de 3 Ga pour que se façonnent les premiers mammifères. La très grande majorité des espèces vivant actuellement datent de l’explosion cambrienne (-530 Ma). On peut calculer qu’il faut en moyenne 1 Ma pour qu’apparaisse une mutation fonctionnellement efficace.

Évolution et médecine

Le génotype n’est jamais que la manière dont chacun d’entre nous répond à son environnement, et la maladie n’est jamais qu’un phénotype résultant d’un conflit entre notre génome et son environnement. Le concept de norme de réaction génotypique 1, cher aux biologistes de l’évolution et aux généticiens [19], est un outil que l’on peut adapter à l’étude de la physiopathologie sous l’éclairage de l’évolution.

Pour les biologistes de l’évolution, cet outil permet de quantifier la plasticité d’un phénotype face à des changements d’environnement, comme la température externe, et d’analyser ces effets sur différents génotypes ( Fig 1 b ). En médecine, le phénotype, ce peut être le trait clinique, qui dépend toujours des interactions entre génotype et environnement dont ils ne sont que l’expression, la maladie apparaissant pour un certain seuil ( Figure 1b ).

Il est des conditions dans lesquelles la pression génétique est tellement forte qu’elle détermine d’emblée la maladie pratiquement sans intervention de l’environnement, c’est le cas des maladies monogéniques homozygotes à pénétrance forte. A l’inverse une infection massive tuera par septicémie quelque soit les gènes de résistance que possède l’individu. La médecine de tous les jours ce sont tous les intermédiaires, les maladies dites communes ( Fig 1a ).

Les biologistes de l’évolution ont remarqué que, par exemple, la taille de la tête des Daphnées variait selon la lignée étudiée mais aussi en fonction de facteurs environnementaux comme les saisons. Ils avaient surtout remarqué que la réponse à l’effet 1. Ou « reaktion norm » (Woltereck 1909), on peut en trouver des dizaines d’exemple dans le livre de DeWitt (2004).

 

Fig. 1. — Le conflit génome/environnement est à la base de l’approche évolutionniste. (a) La pathologie courante se situe entre deux extrêmes, le tout génétique comme dans la drépanocytose ou la mucoviscidose, le tout environnemental comme dans la fracture de jambe. Les facteurs génétiques additifs jouent un rôle variable dans la pathologie courante, 60 % dans l’obésité, au moins 50 % dans la plupart des maladies autoimmunes, 30 % dans l’hypertension artérielle, un peu moins dans le cancer, encore moins dans la sensibilité aux infections. (b) Cette courbe schématise une norme de réaction, c’est-à-dire la relation phénotype/environnement propre à chaque génotype. En biologie de l’évolution, de telles courbes sont utilisées par exemple pour analyser les modifications apportées par exemple aux ailes des papillons en fonction de la température externe, ou encore, chez la Drosophile, celles de la forme de l’abdomen en fonction de l’état nutritionnel, il y en a des milliers d’exemples (De Witte 2004). La maladie, le diabète de type 1 par exemple, peut être conçue comme témoignant de l’existence d’un seuil, la dysrégulation du système immunitaire, à partir duquel apparaissent les signes cliniques. Le niveau de ce seuil dépend du génome et de sa structure. C’est l’objet actuel des recherches basées sur la « genome-wide analysis », GWA, qui permettent une analyse de l’ensemble du génome. (c) La triple relation phénotype/environnement/génotype dans le diabète de type 1. L’hypothèse hygiéniste postule que l’élément qui déclenche l’apparition des complications cardiovasculaires, est une dysrégulation du système immunitaire secondaire à la réduction de l’incidence des infections (au sens large du terme) (Bach 2002, Wills-Karp 2001, Yazdanbakhsh 2002). Ces complications n’apparaissent que dans un contexte génétique particulier lequel est en train d’être décrypté et dont quelques éléments sont figurés sur ce schéma (Nejentsev 2007, Todd 2007, The Wellcome Trust 2007).

environnemental n’était pas la même d’une lignée à l’autre. Woltereck [20], le premier, proposa pour décrire ces réponses de dresser des courbes phénotypiques ou normes de réaction (phénotype en fonction de l’effet environnemental pour diffé- rents génotypes). On peut, aussi bien en théorie qu’en pratique, définir, pour une variation environnementale donnée, des cas où les deux génotypes sont insensibles à l’environnement, d’autres où les deux génotypes réagissent de la même manière, d’autres où ils réagissent de façon opposée, d’autres enfin où seul l’un des génotypes réagit et pas l’autre. La nature offre des exemples dans tous les cas d’espèce [21]. On peut facilement transcrire ce type de courbes pour décrire le trépied génotype/ environnement/phénotype (en médecine le phénotype c’est le trait clinique) ( Fig 1c ).

Des changements considérables dûs à l’activité humaine sont survenus dans l’environnement dans lequel nous baignons. Ils sont à la base de la médecine évolutionniste. On en donnera ci-après, quelques exemples en commençant par le plus simple, les conséquences de l’effet de serre, et en continuant par les plus fréquents à savoir l’explosion épidémique des maladies auto-immunes et allergiques et celle de l’obé- sité et du diabète de type 2. Il en est bien d’autres qui ne seront qu’évoqués par manque de place [22].

Conséquences médicales du réchauffement climatique

Données cliques et épidémiologiques

Le réchauffement climatique et son origine anthropogénique ne font plus guère de doute [23]. Ses conséquences médicales en termes épidémiologiques sont assez bien connues (le détail des références se trouve in [24 et 25]). — La simple élévation de la température moyenne du globe s’accompagne, en règle, d’une augmentation de la mortalité et de la morbidité globale. La courbe mortalité/température externe est une courbe en J, mais la pente de la branche chaude du J est plus prononcée que celle de la branche froide, ces données étant très dépendantes du niveau de vie. Une étude récente portant sur cinquante villes a confirmé que la mortalité globale, cardiovasculaire en particulier, augmente aux températures extrêmes. — Les effets des vagues de chaleur comme celle qui a touché la France en Août 2003 [26] et d’autres pays [27], ont fait l’objet de plusieurs études détaillées. Le fait que la mortalité due aux grosses vagues de chaleur d’Août 2003 n’ait pas (ou peu) été suivie d’une diminution de la mortalité ( harvesting effect ) suggère qu’il s’est agi d’un effet thermique direct, le coup de chaleur [28], indépendant du niveau de santé antérieur mais fortement lié à l’âge [29], et que, en d’autres termes, une telle mortalité reflète surtout les limites de nos capacités d’adaptation. — Les variations climatiques ont modifié la répartition (surtout en altitude) et la virulence des agents pathogènes parasites (dengue, paludisme…) et surtout de leurs vecteurs, cette modification a pu revêtir un aspect exponentiel dû à la biologie de certains parasites. — Les effets indirects dûs aux variations extrêmes du cycle de l’eau, aux changements dans la fréquence et l’intensité des cyclones tropicaux, aux changements de la biodiversité et de l’écosystème ont eu et auront des conséquences en termes de pauvreté, facteur de risque médical considérable.

Mécanismes

Ces données posent un certain nombre de questions purement biologiques rarement soulevées. Le métabolisme des êtres vivants a en effet été façonné par un environnement relativement froid et les limites de son adaptation à un changement thermique, brutal à l’échelle de l’évolution, sont inconnues. La régulation de la température interne se fait dans l’immédiat au moyen de la sudation et de la vasodilatation cutanée laquelle en élevant le débit cardiaque peut expliquer les accidents cardiologiques dus à la chaleur. La régulation à long terme dépend essentiellement des nombreux mécanismes de découplage de l’oxydation phosphorylante mitochondriale [30]. A cela s’ajoutent les éléments responsables du coup de chaleur et en particulier la libération de cytokines pro-inflammatoires récemment mise en évidence [28]. Le degré d’adaptabilité de ces mécanismes à une élévation thermique est pour le moment totalement inconnu.

L’épidémie de maladies auto-immunes et allergiques

En réponse à une blessure, une infection ou un stress les tissus mettent en œuvre toute une batterie de signaux dont la finalité est la réparation du dommage causé et le rétablissement de l’homéostasie perturbée [31-34]. L’inflammation a été sélectionnée au cours de l’évolution parcequ’elle est d’abord adaptative, mais la réaction peut avoir des conséquences délétères surtout lorsqu’elle passe à la chronicité dans un environnement différent de celui pour lequel elle a été sélectionnée [34].

Données environnementales

L’incidence de maladies allergiques comme l’asthme, le rhume des foins ou la dermite atopique, et celle des maladies auto-immunes comme le diabète type 1, l’iléite de Crohn et le cadre très général des maladies inflammatoires de l’intestin, la sclérose en plaques a pratiquement doublé ou triplé depuis 1950. Géographiquement, l’incidence des maladies auto-immunes et allergiques diminue du Nord vers le Sud. Ce gradient est attribué à la conjonction statut économique faible + températures extérieures élevées. L’influence de l’environnement y est majeure. Le diabète de type 1 est par exemple une rareté au Pakistan (1 pour 100 000), par contre, il est devenu aussi fréquent chez les immigrants Pakistanais en Grande-Bretagne que chez les Britanniques d’origine (autour de 10-11 pour 100 000). L’incidence du diabète de type 1, comme celle de la sclérose en plaques et de l’asthme, sont très significativement corrélées au Produit Intérieur Brut, et ceci est lié à la qualité des soins et à la prévention des infections. La protection apportée par des infections extérieures, par exemple helminthiques, est également bien documentée. Une étude récente faite en Allemagne, Autriche et Suisse, dans une population rurale, a démontré le lien causal existant entre le contact bactérien et l’incidence des maladies allergiques [35-40].

L’hypothèse hygiéniste repose sur la constatation que l’augmentation récente et massive de l’incidence des maladies auto-immunes et allergiques dans les pays dé- veloppés est associée à la réduction des infections bactériennes, virales et/ou parasitaires. Elle a fait l’objet d’une revue très complète récente. Cette relation est né- gative et réversible. L’anti-parallélisme est à la fois chronologique et géographique et plusieurs mécanismes biologiques, crédibles, ont été proposés pour l’expliquer [35].

Tout le monde ne fait pas d’asthme ou de maladie de Crohn, il faut pour cela posséder un certain nombre de facteurs génétiques que l’on commence à connaître, même si le bilan en est encore incomplet [41]. Donnons-en deux exemples.

Données génétiques

Les maladies inflammatoires de l’intestin (dont la colite ulcérant et l’iléite de Crohn) ont toutes une composante génétique qui semble bien être responsable de la spécificité de l’affection [42-45]. Les progrès effectués en matière d’hygiène favoriseraient ce type d’affection en rendant la barrière intestinale moins préparée aux agressions et aux entrées bactériennes, mais l’association avec un ou plusieurs facteurs génétiques parait indispensable, et leur recensement est actuellement en cours. Les récents développements des techniques de « Genome-Wide Analysis », GWA, ont mis en évidence plusieurs associations fortes avec de nombreux partenaires de la cascade inflammatoire (surtout NOD2, mais aussi le récepteur de l’interleukine 23, IL23R,

MAGUK , OCTN1 et 2 , plusieurs composants du complexe majeur d’histocompatibilité, comme

HLA-DRB1*0103 et DRB1*1502 , certains gènes contrôlant l’immunité innée comme

TLR4, TLR5 et CARD4, ATG16L1 qui fait partie de l’autophagosome, et le récepteur des prostaglandines,

PTGER4 ) [45-48].

Les gènes de susceptibilité liés au diabète de type 1 sont surtout les gènes du système HLA (génotype IDDM1 , pour « insulin dependent diabetes mellitus » , au locus

HLA – DR et – DQ ( chromosome 6p21-31), responsable de 50 % de la susceptibilité, et génotypes

IDDM2 pour le gène insulin , et IDDM12 pour CTLA-4 , responsables de 15 % de la susceptibilité ; la liste n’est pas limitative). Certains de ces gènes peuvent conférer une relative résistance au diabète. Deux études récentes, l’une genome-wide [49], l’autre centrée sur le système HLA [50] ont permis de préciser les gènes de susceptibilité nécessaires et suffisants pour que ce type de diabète apparaisse, HLA-A et HLA-B paraissant, pour l’instant, les plus déterminants 2.

Mécanismes

Le pourquoi de cette relation négative se doit de tenir compte de plusieurs facteurs comme la concentration et de la durée d’exposition, mais surtout il faut également 2. Le même type de résultats a été observé avec l’asthme. Le Lancet a consacré un numéro spécial entier à cette nouvelle manière de considérer cette affection [51, 52].

articuler le facteur environnemental à la composante génétique dont on ne connaît encore que partiellement les déterminants [35-40]. Une dysrégulation des mécanismes responsables de l’homéostasie immunitaire portant sur les mécanismes contre-régulateurs semble être l’explication privilégiée, ce n’est sûrement pas la seule [35, 53-55]. Toute infection chronique ou répétée entraîne la production (par plusieurs types de cellules différents) de composés contre-régulateurs dont le mieux documenté est IL-10 3, mais il en est d’autres comme le monoxyde d’azote, NO et TGF-β. Ces contre-régulateurs vont d’une part réguler la réponse inflammatoire normale et d’autre part empêcher les réponses auto-immunes ou allergiques [37, 39].

La flore intestinale (ou microbiome, l’analyse de son « méta-génome » est en plein développement [13]) est un lieu privilégié pour une telle confrontation, et les cellules intestinales endothéliales sont une des sources majeurs d’IL-10. Les souris chez qui, par exemple, l’expression de cette cytokine a été bloquée par manipulation transgé- nique développent spontanément des inflammations intestinales chroniques en réponse à la flore intestinale normale, tout comme chez l’homme dans l’iléite de Crohn. Deux exemples peuvent en être donné parmi bien d’autres : chez des enfants parasités par les schistosomes il y a parallélisme entre la production de ce contrerégulateur et l’infection parasitaire ; le contenu en IL-10 du liquide de lavage bronchique des asthmatiques allergiques est particulièrement bas ; à l’inverse l’infection helminthique, le BCG augmentent la production de cette cytokine.

Pratiquer une hygiène excessive ou, à l’inverse, vivre par exemple dans une ferme peut, en principe, favoriser ou protéger contre les maladies allergiques mais ceci demande des précisions en termes de durée d’exposition et de type d’agression antigénique. Ces précisions manquent pour le moment. L’hypothèse hygiéniste a d’abord été proposée pour expliquer l’incidence des maladies allergiques, mais récemment il est devenu évident que les maladies auto-immunes et allergiques étaient jumelles et présentes chez un même patient et que leur origine était commune à la fois sur un plan épidémiologique et mécanistique [35, 37, 53, 54, 56] 4.

L’épidémie d’obésité sous l’angle évolutionniste

Données environnementales

Un consensus existe en 2009 pour recommander un régime alimentaire hypocalorique, pauvre en lipides et en sel associé à une activité physique régulière, lesquels sont en bien des points comparables au régime de nos lointains ancêtres, le régime dit 3. La synthèse d’IL-10 par les monocytes, les macrophages, les cellules dendritiques, les cellules T et D est activée par la plupart des bactéries, cette cytokine est un signal « anti-danger » multivalent qui a de nombreux effets régulateurs complexes mais majoritairement anti-inflammatoires agissant à la fois sur les systèmes immunitaires innés et acquits.

4. Il existe par exemple une forte corrélation entre l’incidence du diabète type 1 et l’asthme. « La démarcation entre auto-immunité et allergie devient floue » [59].

« paléolithique » 5. Cette ressemblance semble bien traduire une évolution vers une adaptation de l’environnement alimentaire à notre génome tel qu’il a été façonné par des millions d’années de disette et par l’absence de moyens de transport [57].

Chacun sait combien la nutrition est une discipline complexe, variable selon les cultures, une proie facile pour les charlatans. C’est aussi une science médicale en progrès, le point de rencontre de multiples facteurs psychologiques, familiaux, génétiques. La discipline est une des cibles de la biologie systémique par l’intermé- diaire de la nutrigénomique (voir le numéro spécial de Nutrition, et [58]). En termes évolutionnistes, plutôt que nutrition, il faudrait mieux utiliser thermodynamique et parler ici de balance énergétique régulée par la satiété pour les entrées, par l’activité physique pour les sorties et par le tissu adipeux comme régulateur. Cette balance a, de fait, été complètement modifiée, tout au moins dans les pays développés, les entrées devenant régulières et illimitées voir excessives et les sorties étant réduites. Le tissu adipeux, régulateur du processus, devient prédominant, et l’obésité et toutes ses conséquences sont devenus un problème épidémiologique majeur. L’insulinorésistance est une des conséquences les plus connues de l’obésité [60].

Les nouvelles conditions de la nutrition sont au centre de la médecine évolutionniste. L’homme en 2006 doit se nourrir conformément à son capital génétique non seulement le capital métabolique qui a été sélectionné par le processus évolutif pendant des milliards d’années mais aussi le capital génétique de sa flore intestinale.

Il n’y a pas d’aliments a priori meilleurs que les autres, il n’y a que des aliments que nous sommes à même de mieux métaboliser. On ne connaît ce capital génétique que depuis peu et personne ne s’est encore préoccupé de caractériser nos capacités métaboliques à partir de là.

Par contre, on a une idée assez précise des menus du paléolithique [57, 60, 61]. Les données dites « paléolithiques » sont à la fois issues de travaux faits par les paléontologues (on peut compter les graines ou les ossements animaux sur des sites paléolithiques) et par les ethnologues enquêtant sur des populations dont le mode de vie peut être considéré comme analogue à celui des hommes de l’âge de pierre. Les publications sur le sujet ont porté sur prés de soixante populations technologiquement primitives et ont démontré qu’en moyenne ces populations avaient une alimentation faite de 35 % de viande et de 65 % de végétaux et de quantités très faibles de sel.

Les humains sont les seuls êtres vivants ayant la capacité de domestiquer d’autres vivants à leur usage, minimisant de cette façon l’exercice physique normalement indispensable à la survie. Cette situation s’est aggravée, nous l’expérimentons tous les jours, et représente une donnée évolutive, récente à cette échelle, qui entre en conflit frontal avec la structure d’un génome façonné par des milliards d’années 5. Documenté par des analyses faites d’une part autour des tombes de nos ancêtres, d’autre part par en étudiant l’alimentation de plus d’une cinquantaine de groupes humains vivants encore sur un mode « paléolithique », on trouvera une étude très détaillée dans le travail de référence d’Eaton [57].

d’exercice physique [63]. L’étude des vestiges osseux confirme bien que nos ancêtres, avant l’agriculture, étaient plus robustes, avec un système musculaire et squelettique beaucoup plus sollicité plus par une activité importante 6.

Un modèle bioénergétique a été créé, basé à la fois sur la structure du squelette, l’environnement climatique et les outils disponibles. Ce modèle considère que nos ancêtres avaient une dépense énergétique totale (TEE) de l’ordre de 7.600 kJoules, kJ, pour un métabolisme basal (RMR) de 4.800 kJ, et une activité physique de 76 kJ par kg par jour, ce qui donne un rapport TEE/RMR de 1,6 ; chez l’homme contemporain dont l’activité physique ne dépasse pas les 30 kJ/kg/j ce même rapport est de 1,37 [64]. Les mesures de la consommation maximum d’oxygène à l’effort (VO max) confirment cette façon de voir [61, 65].

2 Les effets bénéfiques de l’exercice physique chez l’homme et en médecine expérimentale sont très bien documentés, aussi bien en prévention primaire pour ralentir le vieillissement, ou prévenir athérosclérose, hypertension artérielle ou cancer, qu’en prévention secondaire et il y a maintenant un consensus indiscutable pour recommander 30 minutes de marche à bon pas tous les jours… toute la vie [63]. C’est clairement le retour aux sources.

Données génétiques

La masse corporelle est en partie héréditaire, avec une héritabilité d’environ 50-60 % [66], et les déterminants génétiques de l’obésité humaine sont aussi nombreux que ceux de la satiété. Les études de liaison génétique ont, par exemple, mis en évidence de façon assez concordante dans deux populations distinctes, l’une mexicaine, l’autre française, une liaison forte entre leptine plasmatique et chromosome 2, c’est le locus où se trouve une des cibles neuronales de la leptine [67]. Par contre les études GWA, et en particulier celle de Framingham [68], utilisant la masse corporelle et portant sur l’ensemble du génome ont identifié de très nombreux loci, ce qui indique que plusieurs gènes ou allèles sont en cause (une quarantaine environ chez l’homme, plus de 70 chez la souris).

Le premier des candidats est bien entendu la leptine ou son récepteur. Ce candidat est souvent le coupable chez la souris, mais pas chez l’homme où les mutations à ce niveau sont exceptionnelles. Il est d’autres gènes candidats, et il existe chez l’homme de nombreuses obésités monogéniques [69]. Bien d’autres gènes ont été identifiés, par exemple FTO , fat mass and obesity associated (étudié chez 38 759 personnes, les 16 % d’homozygotes pour

FTO ont un risque élevé d’être obèses [70].

 

Mécanismes

L’hypothèse évolutionniste est ancienne et postule que l’épidémie d’obésité actuelle résulte d’un conflit entre un patrimoine génétique façonné par des millénaires de 6. Ce type d’activité et d’endurance entraîne une production de chaleur importante, ce qui expliquerait peut-être pourquoi les hommes sont parmi les rares êtres vivants à pouvoir suer.

restriction alimentaire et suréquipé en gènes « économes » [71], et un environnement récent caractérisé par une surabondance alimentaire. Un des sous-types de cette hypothèse concerne le sel et l’hypertension artérielle. Dans ce schéma l’obésité apparaît comme une affection cachée qui se révèle à l’occasion d’un événement nouveau, l’événement nouveau étant la disponibilité alimentaire, l’accès facile aux MacDonald, l’absence d’exercice… Dans nos pays la fréquence de l’obésité est de 15 % chez les hommes et de 22 % pour les femmes (étude MONICA). La prévalence de ce syndrome augmente fortement et son coût global est croissant.

Le risque cardiovasculaire a récemment été sacralisé sous forme d’un syndrome, le syndrome métabolique qui est un conglomérat de signes cliniques ou paracliniques dont l’association est facteur de risque. L’association qui définit ce syndrome [72], et regroupe obésité abdominale, insulino-résistance, hypertension artérielle, et hyperlipidémie. Il existe quelques rares formes héréditaires monogéniques de ce syndrome ainsi que plusieurs modèles expérimentaux [73-76]. On commence à mieux comprendre le déroulement des opérations et à hiérarchiser les quatre éléments qui constituent ce syndrome. Enfin, une voie explicative nouvelle vient d’être ouverte, celle de l’épigénétique [15]. Obésité, syndrome inflammatoire, insulino-résistance et diabète, hypertension, dyslipidémie, oui, mais dans quel ordre?

Inflammation et tissu adipeux

Il est bien entendu utile de subdiviser la médecine en général, et la médecine évolutionniste en particulier, en chapitres, comme nous l’avons fait, cette manière de faire obère le fait que l’évolution ne porte pas sur des fonctions séparées, mais sur des organismes entiers, voire des organismes multiples fonctionnant en symbiose.

Les relations entre obésité et inflammation en sont un exemple parmi bien d’autres.

L’obésité, « maladie inflammatoire » [77], s’accompagne en effet d’une augmentation dans la circulation et dans le tissu adipeux lui-même, de nombreux marqueurs de l’inflammation [78-79].

Preadipocytes et macrophages ont la même origine mésodermique, ils se différencient assez tôt au cours de l’embryogenèse pour suivre, pour le premier, la lignée hématopoiétique, pour le second, le destin des cellules mésenchymateuses. Tous deux sont très sensibles aux agents infectieux et aux cytokines inflammatoires grâce à une nuée de récepteurs dont l’activation déclenche la cascade inflammatoire. Il existe des passerelles dans le sens préadipocytes vers macrophages, la différentiation pouvant être induite par les cytokines secrétées par les adipocytes matures.

Les structures fonctionnelles qui contrôlent les clefs du métabolisme et la fonction immune proviennent d’un ancêtre commun, le corps adipeux de la Drosophile qui contient tout à la fois des structures comparables à celles du foie, du système immun et du système hématopoiétique du mammifère. Durant l’évolution, chez les insectes, ce système immunitaire possède un Toll récepteur pour les agressions bactériennes qui active en cascade la synthèse des différents mécanismes de défense. À un moment

Tableau 1. — Médecine évolutionniste. Quelques exemples Condition

Mécanismes évolutionnistes

Effets bénéfiques de l’exercice physi- C’est le retour aux conditions de vie de nos ancêtres avant l’avèneque (prévention primaire et secon- ment des animaux de trait [63] daire) Effets bénéfiques d’un régime hypo- Le régime dit paléolithique, régime de référence [57] calorique et pauvre en lipides Maladies autoi-immunes et allergi- La diminution des infections libère les mécanismes contre régulaques teurs (IL-10, TNF α. ..) [Hypothèse hygiéniste] [35] Obésité, diabète de type 2, certaines Les épisodes de famine et d’abondance ont alterné longtemps, hyperlipémies sélectionnant des gènes « économes », on a maintenant les gènes mais aussi l’abondance [71] Hypertension artérielle dépendante Le sel a été longtemps rare, sélectionnant des gènes retenant le sel, du sel on a maintenant les gènes mais aussi le sel [86] Insuffisance cardiaque chronique Longtemps infectieuse (Bouillaud, endocardite), l’insuffisance cardiaque était d’origine simplement mécanique. L’augmentation de la durée de vie, la fréquence du diabète, de l’obésité et de l’ischémie myocardique on complexifié le tableau [88] Maladie athéroscléreuse La réaction inflammatoire est, avec la lipidémie, le second élément déterminant ; c’est probablement le reflet d’une réaction immune contre le dépôt lipidique [83] Cancers Certaines mutations activent les processus prolifératifs et ce faisant confèrent aux cellules cancéreuses un avantage évolutif [89].

La réaction inflammatoire est un des nouvelles marques de fabrique [90] Pharmacogénomique Les médicaments sont métabolisés par des mécanismes anciens, sélectionnés depuis longtemps pour métaboliser les toxiques venus de l’extérieur et les substances non protéiques comme les hormones [91] donné de l’évolution les vertébrés ont répartis ce mécanisme d’autodéfense entre le foie et le tissu adipeux 7 [80-82].

Dans le syndrome métabolique, les complications cardiovasculaires de nature athé- roscléreuse sont précédées par un syndrome inflammatoire et les biomarqueurs de l’inflammation ont valeur pronostique, par ailleurs le risque coronarien est accru dans des maladies inflammatoires. « Cholestérol et inflammation sont partenaires du même crime » [83], mais alors que l’on voit bien comment fonctionne le premier, le mode d’action du second est moins évident, et, même si la proximité de la graisse périvasculaire peut favoriser les échanges [84], les données en faveur de cette hypothèse topographique sont encore éparses [85].

Évolution et politiques de santé

Les trois exemples précédents ne sont pas seuls. On trouvera de nombreux autres exemples dans plusieurs ouvrages [2, 3, 22] ainsi que dans le Tableau 1. Réconcilier 7. D’autres arguments renforcent cette vue comme le fait que la résistine, hormone impliquée dans le métabolisme glucidique, a une origine adipocytaire chez les rongeurs, alors qu’elle est secrétée par les macrophages chez l’homme.

la médecine avec l’évolution peut avoir un impact qui peut surprendre, cet impact concerne la politique de santé et les prévisions qu’elle se doit de faire. Les exemples que nous avons donné concernent en effet trois groupe de données de santé public dont on peut prédire sans peine qu’ils seront à la une de nos préoccupations futures.

Sauf changement radical dans les politiques mondiales concernant les émissions à effet de serre, on peut en effet s’attendre à une aggravation des changements climatiques dans les années qui vont suivre, aussi bien la biologie de thermogenèse que la physiopathologie du choc thermique seront rapidement des priorités, ce qu’ils ne sont pas actuellement. L’évolution des résistances bactériennes, parasitaires et virales aux agents anti-infectieux, celle de l’efficacité des vaccins et de l’ensemble d’une politique de l’hygiène se doivent d’être considérés en tenant compte de la dysrégulation du système immunitaire qu’elles ne peuvent manquer d’induire. La prévention de l’obésité et la promotion de l’activité physique régulière sont déjà des objectifs de santé, par contre les facteurs de risque génétiques ne sont-ils pas encore devenus les indicateurs qu’ils pourraient être. L’évolution pourrait constituer le socle scientifique d’une politique de santé plus rationnelle.

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<p>* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine DM, DSc, AIHP, Directeur de Recherches émérite à l’INSERM INSERM U942. Hôpital Lariboisière, 41 Bd de la Chapelle, 75475, Paris Cedex 10 Bernard.Swynghedauw@inserm.fr Tirés à part : Professeur Bernard Swynghedauw, même adresse Article reçu le 15 janvier 2009, accepté le 11 mai 2009</p>

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