Communication scientifique
Session of 2 mai 2006

Traitement de la spondylarthrite ankylosante par les agents anti-TNF α Treatment of Ankylosing Spondylitis with Anti-TNFα Agents

MOTS-CLÉS : . etanercept. infliximab. spondylarthrite ankylosante. spondylarthropathie. tnf
KEY-WORDS : ankylosing spondylitis. etanercept.. infliximab. spondylarthropathy. tnf

Daniel Bontoux, Isabelle Azaïs, Philippe Goupille

Résumé

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) étaient jusqu’à présent les seuls médicaments actifs dans la spondylarthrite ankylosante (SA). Ils sont cependant insuffisants ou mal tolérés chez de nombreux patients, et leur effet sur les lésions structurales de la maladie n’a pas été démontré. Depuis quelques années, des essais contrôlés randomisés et des études ouvertes ont montré l’efficacité spectaculaire de deux agents anti-TNF α (infliximab et etanercept) chez des patients souffrant d’une SA rebelle aux AINS. L’effet porte sur la douleur et la raideur inflammatoires, la fonction, la mobilité et la qualité de vie. La tolérance est satisfaisante, et l’efficacité persiste après plusieurs années de traitement. Les agents anti-TNF α font en outre régresser les lésions inflammatoires aiguës mises en évidence par l’IRM, et une étude radiographique, à deux ans, a montré qu’ils réduisent la progression des lésions structurales. Il est donc possible que ces anti-TNF α soient les premiers médicaments de fond de la SA, mais cela appelle confirmation par d’autres études.

Summary

Non steroidal antiinflammatory drugs (NSAID) used to be the only drugs active in ankylosing spondylarthritis (AS). However, they are inadequate or ill-tolerated in many patients, and have no proven impact on disease-related structural changes. Clinical trials have recently shown the impressive efficacy of two anti-TNF α agents (infliximab and etanercept) in patients with NSAID-resistant SA. These drugs attenuate inflammatory pain, stiffness and functional disability, and improve mobility and quality of life. Tolerability is satisfactory, and efficacy persists during several years of treatment. Moreover, these agents induce regression of acute inflammatory lesions, as demonstrated by magnetic resonance imaging (MRI). A 2-year X-ray study indicates that they also slow the progression of structural lesions. More studies are needed to determine the precise place of anti-TNF α agents in this setting.

La spondylarthrite ankylosante (SA) est un rhumatisme inflammatoire chronique, qui se voit principalement chez des adultes jeunes, plus souvent des hommes que des femmes, et dont les signes principaux sont des douleurs et une raideur inflammatoires du rachis et du pelvis, des enthésopathies et des arthrites des membres, ces dernières inconstantes, touchant en petit nombre les grosses articulations des membres inférieurs. L’évolution est marquée par un enraidissement majeur de la colonne vertébrale et de ses annexes, souvent accompagné de déformation (cyphose), soustendu par des lésions anatomoradiologiques ossifiantes à tendance ankylosante, et à ce titre irréversibles.

La SA se signale par une association très forte à l’allèle HLA-B27 (plus de 90 % des cas). Elle est considérée comme la forme la plus fréquente et la plus grave d’un ensemble de maladies, les spondylarthropathies (SpA), dans lesquelles HLA-B27 a une prévalence moindre, néanmoins remarquable, et où l’atteinte rachidienne est possible, sans être constante : arthrites réactionnelles, arthrites en relation avec une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, certaines arthrites chroniques juvé- niles, certaines formes de rhumatisme psoriasique, et les spondylarthropathies indifférenciées.

La prévalence de la SA en Europe est d’au moins 0,2 %. Sa sévérité est variable, mais, globalement, par la douleur et l’impotence fonctionnelle dont elle est responsable, elle est à l’origine d’une perte de qualité de vie, et de conséquences socioéconomiques traduites notamment par des chiffres très supérieurs à la moyenne pour les arrêts temporaires et les cessations précoces d’activité. L’espérance de vie est également réduite, en partie pense-t-on du fait des complications des traitements anti-inflammatoires.

Le traitement de la SA reste imparfait. Idéalement, il devrait soulager la douleur et la raideur, améliorer la fonction et la qualité de vie, et stopper la progression des dommages structurels pour prévenir le handicap.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) associés aux exercices physiques étaient jusqu’à présent le seul traitement reconnu, mais ils ne permettent d’atteindre que les deux premiers objectifs. Leur effet symptomatique est en outre insuffisant chez plus d’un malade sur deux [1] ou absent chez un malade sur quatre [2]. Ils sont d’autre part souvent mal tolérés et parfois à l’origine d’accidents graves, notamment digestifs. L’usage des inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase 2 (anti-cox2) réduit le risque d’accidents digestifs sans l’écarter complètement, et leur effet sur les
symptômes de la SA, sans être inférieur à celui des AINS classiques, n’est pas nettement supérieur [1]. Parmi les médicaments de fond (DMARDs 1) utilisés pour traiter la PR, seule la sulfasalazine est tenue pour active dans les SpA, mais son effet ne s’exerce que sur les arthrites périphériques.

BASES FONDAMENTALES ET CLINIQUES D’EMPLOI DES MÉDICAMENTS ANTI-TNF α DANS LA SA

L’emploi des anti-TNFα dans la SA et les SpA se justifie par des constatations biologiques et des analogies cliniques. Le TNFα joue un rôle important dans la pathogénie de la PR et de la maladie de Crohn (MC) et des essais thérapeutiques contrôlés ont clairement établi l’effet puissant d’infliximab dans l’une et l’autre de ces maladies [3, 4] et d’etanercept dans la PR [5]. Or, si la SA est nosologiquement très distincte de la PR, des ressemblances étroites la rapprochent de la MC. Des patients atteints de SA et de SpA ont une inflammation infraclinique de l’intestin qui ressemble, quant à l’histologie, à celle de la MC [6], et certains de ces patients développent ultérieurement une authentique MC [7, 8]. Le rhumatisme psoriasique (RPs) enfin, qui est reconnu comme faisant partie des SpA, bénéficie également des médicaments anti-TNFα [9]. En outre, l’ARN messager du TNFα (TNFα-mRNA) est présent en abondance dans le tissu synovial biopsié de la sacro-iliaque de patients atteints de SA [10]. De même le TNFα est exprimé dans le tissu synovial de patients atteints de SpA [11, 12]. Plusieurs travaux ont aussi mis en évidence chez ces patients des taux sériques élevés de TNFα [13, 14]. Un modèle animal de souris portant un transgène d’où résulte une surexpression de TNFα développe une spondylite qui ressemble à la SA [15].

RÉSULTATS

Trois molécules dirigées contre le TNFα ont été utilisées dans la SA et les SpA :

Infliximab (Rémicade®), anticorps monoclonal chimérique IgG1 ; Etanercept (Enbrel®), protéine de fusion portant deux molécules du récepteur soluble p75 du TNFα sur un fragment Fc d’IgG1 humaine ; Adalimumab (Humira®), anticorps monoclonal pleinement humanisé anti-TNFα.

Les essais cliniques ont été réalisés à l’aide d’outils d’évaluation aujourd’hui universellement admis, rendant compte de l’activité inflammatoire : le Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index , BASDAI [16] (tableau 1) ; de la fonction : le Bath

AS Functional Index, BASFI [17] ; de la mobilité : le Bath AS Metrology Index ,

BASMI [18] ; l’échelle d’amélioration symptomatique de l’ASsessments in Ankylosing Spondylitis (ASAS) Group [19] (tableau 2). Dans toutes les séries les patients inclus souffraient d’une SA répondant aux critères diagnostiques de New York 1. Disease modifying antirheumatic drugs.

TABLEAU 1 Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index

Sur 6 échelles visuelles analogiques (EVA) horizontales de 10 cm, orientées :

aucun ——————————————————————————————————– très sévère le malade indique, pour la semaine passée, l’importance de :

(1) la fatigue éprouvée (2) la douleur inflammatoire du cou, du dos, des hanches (3) la douleur et/ou le gonflement des autres articulations (4) l’inconfort lié aux zones sensibles au toucher ou à la pression (5) la raideur matinale en intensité (6) la raideur matinale en durée (0 à 120 minutes) BASDAI = [somme des valeurs des items (1) à (4) + moyenne de (5) et (6)]/5 = 0 à 10 TABLEAU 2 Estimation de la réponse selon l’ASAS Working Group 4 critères évalués avant traitement et lors du contrôle :

(1) la fonction, par le BASFI (0-100) (2) la douleur, par EVA (0-100) (3) l’opinion globale du patient, par EVA (0-100) (4) l’inflammation, par la moyenne des critères (5) et (6) du BASDAI (0-100) ASAS20 = amélioration J20 % et J10 unités de 3 critères sans aggravation du 4ème ASAS50 = amélioration J50 % et J10 unités de 3 critères sans aggravation du 4ème Rémission partielle = valeur <20/100 de chacun des 4 critères à la fin de l’essai modifiés [20] (tableau 3) et restant évolutive sous AINS (BASDAI J4), ou étaient intolérants aux AINS.

Effets symptomatiques des médicaments anti-TNF α

Premier médicament anti-TNFα à avoir été essayé dans cette indication, infliximab s’emploie par voie intraveineuse sous forme d’une perfusion lente de deux heures.

Mise en évidence dans une dizaine d’études ouvertes, l’efficacité d’infliximab dans la SA est établie par deux essais contrôlés randomisés comportant 70 [21] et 279 patients [22]. La dose perfusée est de 5 mg/kg, semblable à celle utilisée pour traiter la MC, et donc supérieure à la dose de 3 mg/kg en usage pour traiter la PR. Le traitement d’attaque comporte après la perfusion initiale une deuxième et une

TABLEAU 3 Critères de New York modifiés 1 — Critère radiologique (obligatoire) :

(a) sacroiliite de grade J 2 si bilatérale (b) sacroiliite de grade J 3 si unilatérale 2 — Critères cliniques (au moins 1 doit être présent) :

(a) lombalgie et raideur lombaires de plus de 3 mois, améliorées par l’activité physique et non soulagées par le repos (b) limitation de la mobilité du rachis lombaire dans le plan sagittal et le plan frontal (c) limitation de l’expansion thoracique par rapport aux valeurs des sujets de même âge et de même sexe troisième perfusion deux et six semaines plus tard, puis, chez les patients répondeurs, de nouvelles perfusions à intervalles divers, toujours de plusieurs semaines.

Dans l’essai contrôlé multicentrique « ASSERT » [22], les critères ASAS, à la douzième semaine, sont améliorés d’au moins 20 % (ASAS20) chez 61 % des malades recevant infliximab contre 19 % de ceux qui reçoivent le placebo. L’effet est souvent puissant : 47 % des patients traités ( vs 12 %) atteignent le score ASAS40, et une rémission partielle suivant les mêmes critères s’observe dans 22,4 % des cas traités vs 1,3 % sous placebo. Une amélioration significative est également constatée pour l’activité de la maladie (BASDAI50 atteint ou dépassé chez 51 % des patients traités vs 10 %), l’état fonctionnel apprécié par le BASFI, le nombre de sites d’enthésite, la qualité de vie, les valeurs de CRP et de VS, et, à un moindre degré la mobilité évaluée par le BASMI. Le nombre de sites d’enthésite, le nombre d’arthrites des membres quand elles existent diminuent aussi nettement. Les résultats de l’autre essai contrôlé [21] sont en tous points comparables.

Les effets d’infliximab sont précoces, souvent constatés dès les premiers jours suivant la première perfusion, et en tout état de cause avant la deuxième perfusion de J 15. Ils se maintiennent tant que dure le traitement, avec à présent un recul de quatre ans [23]. La durée de l’effet rémanent après la troisième perfusion est variable, et deux options existent : nouvelle perfusion à la demande sur constatation de signes de rechute, ou perfusion de principe toutes les six ou huit semaines.

Etanercept s’utilise par voie sous-cutanée à la dose uniforme de 25 mg deux fois par semaine.

Son action sur la SA a été étudiée dans quatre essais contrôlés randomisés [24-27], d’une durée de trois à six mois.

Dans l’essai de Davis et al . [24], qui comporte 277 patients, le score ASAS20 est atteint ou dépassé, à la douzième semaine, chez 59 % ( vs 28 %) des patients recevant etanercept, et chez 57 % ( vs 22 %) à la vingt-quatrième semaine. Les scores ASAS50 et ASAS70 sont atteints chez environ 40 % et 25 % des malades traités, pour des taux négligeables sous placebo. Une rémission partielle est observée dans 17 % des cas ( vs 4 %). Les valeurs moyennes de BASDAI, BASFI, mesures de mobilité rachidienne,

CRP et VS s’améliorent significativement chez les patients sous etanercept, mais non sous placebo. Les résultats des autres essais contrôlés sont similaires, notamment ceux de l’étude de Calin et al . [27] qui recourt à une méthodologie identique. Le

BASDAI50, évalué dans une étude [25] est atteint chez 57 % des patients traités, vs 6 % sous placebo.

Le nombre de sites d’enthésite diminue de manière très significative sous etanercept [25, 26]. Il en est de même des arthrites, mais le résultat par rapport au placebo n’est pas significatif. Cela traduit peut-être la faible sensibilité du critère « nombre d’articulations gonflées », qui relève de la règle du tout ou rien, dans une maladie oligo-arthritique où le score initial est toujours faible.

À la différence d’infliximab dont on a recherché la meilleure dose par perfusion et le meilleur espacement des perfusions, etanercept n’est pas l’objet de discussions en ce qui concerne la dose et l’espacement des injections sous-cutanées. Après interruption du traitement, une rechute se produit dans un délai moyen de six semaines chez dix-huit des vingt-quatre patients qui ont bénéficié d’une prolongation d’étude pendant près d’un an [25], et dans un délai moyen de douze semaines chez neuf des dix malades d’une autre série [28].

Ces résultats font des inhibiteurs du TNFα les médicaments les plus actifs dont on dispose pour agir sur les symptômes de la SA. Obtenus chez des patients qui résistent aux AINS, ils permettent d’atteindre un résultat significatif plus fréquent et un effet plus marqué qu’avec les AINS utilisés en première intention. Le score ASAS20, admis aujourd’hui comme preuve d’un effet clinique significatif, a été testé retrospectivement à partir de cinq essais contrôlés d’AINS vs placebo [29] ; il n’était atteint que dans 49 % des cas. Or on a vu infliximab et etanercept assurer des pourcentages supérieurs d’au moins dix points dans des cas par définition plus sévères.

On a pu d’autre part mettre en évidence, chez les patients ainsi traités, une réduction notable de la durée annuelle d’hospitalisation et, chez les malades en activité professionnelle, une réduction des jours d’arrêt de travail [30], constatation qui n’avait pas été établie avec les médications précédentes.

Adalimumab, injecté par voie sous-cutanée à raison de 40 mg une semaine sur deux, semble promettre des résultats voisins de ceux observés sous etanercept, mais on ne dispose pas encore d’essai contrôlé publié.

Effet des anti-TNF α sur les lésions structurales

Seul un médicament exerçant un effet sur les lésions structurales de la maladie peut être tenu pour un médicament de fond (DMARD). L’imagerie est le moyen le plus
propre à déceler et à suivre ces lésions du rachis et des articulations sacro-iliaques, dont il existe deux catégories : les lésions aiguës et les lésions chroniques.

Les lésions aiguës, d’identification récente, sont celles dont on connaît le mieux l’évolution. Elles n’apparaissent pas sur les clichés radiographiques et ne sont mises en évidence qu’à l’IRM par les séquences STIR, T2 avec saturation des graisses et T1-gadolinium, sous forme d’un ou plusieurs foyers d’hypersignal médullaire (traduction de l’œdème), accompagné ou non d’érosions. Plusieurs travaux décrivent leur évolution lors du traitement par infliximab [31] ou etanercept [28,32,33]. Un index d’évaluation a, là aussi, été proposé [33].

Dans des essais contrôlés, deux d’etanercept [32, 33], un d’infliximab [34], on a observé avec cette méthode de gradation une réduction significative de l’indice d’inflammation spinale des malades sous produit actif alors que les lésions des patients sous placebo sont stables ou s’aggravent. Le résultat est observé dès la douzième semaine et persiste, en s’améliorant après deux ans de traitement, tant avec etanercept [35] qu’avec infliximab [36]. L’amélioration concerne aussi les articulations sacro-iliaques [28], mais elle ne serait pas significative [32].

La portée de ces constatations n’est cependant pas très claire ; le sort des lésions n’a pas été étudié lors de l’évolution naturelle de la maladie, ni après institution de traitements de première intention par AINS ; la corrélation de leur évolution avec l’amélioration clinique n’a pas été démontrée ; et quelle que soit l’ampleur du résultat, elles ne disparaissent pas complètement sous traitement.

Les lésions chroniques — érosions, ostéosclérose, syndesmophytes, squarring, ankylose osseuse — plus anciennement connues car appréciables par la radiographie (elles se voient aussi, mais sans bénéfice supplémentaire, à l’IRM en séquence T1 [37]) sont les plus attendues, car elles sont considérées comme irréversibles, et une nette corrélation a été démontrée [38] entre ces modifications radiographiques et l’altération de la mobilité rachidienne, qui sous-tend le handicap fonctionnel. Des méthodes d’analyse sont disponibles pour en suivre l’évolution : Bath Ankylosing Radiology Index (BASRI) [39], Stoke Ankylosing Spondylitis Spine Score (SASSS) [40, 41], mais ces méthodes ne permettent de déceler des changements significatifs qu’à des analyses espacées de deux ans, et l’ASAS Working Group a recommandé de n’inclure la radiographie du rachis que dans les protocoles de surveillance à long terme.

Un travail récent [42] fait état du suivi des lésions radiologiques après deux ans de traitement chez quarante et un patients traités par infliximab, comparés à quarante et un issus d’une cohorte de patients traités par méthodes conventionnelles ; la progression des signes radiographiques est moindre chez les patients traités par infliximab, mais avec une différence non statistiquement significative. Des constatations similaires ont été faites par les mêmes auteurs chez des patients sous étanercept [43].

Pour bien mesurer ce qui serait un avantage majeur des anti-TNFα, il importe de confirmer cet effet par d’autres études, d’autant plus qu’il n’est pas certain que les AINS soient totalement dépourvus d’effet sur les lésions structurales. Un travail
récent [44] où l’on compare, sur deux ans, l’effet d’un traitement AINS continu à celui d’un traitement à la demande a montré que le traitement continu réduit, significativement par rapport à l’autre, la progression des lésions radiographiques, ce qui implique une action des AINS sur les lésions structurales.

Effet des agents anti-TNF α sur les autres spondylarthropathies.

Dans le rhumatisme psoriasique, des résultats comparables à ceux obtenus dans la SA sont observés tant avec etanercept [9] qu’avec infliximab [46, 47].

Dans les SpA indifférenciées — que l’on distingue des SA parce qu’on n’y trouve pas les lésions radiologiques sacroiliaques qui permettraient de remplir les critères de New York, mais qui les rempliront souvent ultérieurement [48] — des essais ouverts ont été conduits chez des patients résistant aux AINS. Ces essais montrent une amélioration spectaculaire des paramètres étudiés (douleur, BASDAI, BASFI, CRP) chez cinq sur six patients traités par infliximab [49] et huit sur dix traités par etanercept [50].

TOLÉRANCE DES ANTI-TNF α DANS LA SA

Les accidents infectieux sont les complications les plus préoccupantes des traitements par agents anti-TNFα, non tant les infections bénignes des voies respiratoires supérieures (les plus fréquentes mais signalées aussi en nombre à peine moindre chez les patients témoins) que les infections sévères, notamment tuberculeuses. Ces dernières sont d’autant plus redoutables qu’elles revêtent des formes systémiques, de diagnostic difficile, d’évolution parfois mortelle. Elles sont plus à craindre avec infliximab : chez cent sept spondylarthropathiques traités par ce médicament, on relève deux tuberculoses systémiques, une ostéomyélite à staphylocoque et trois abcès rétropharyngiens, toutes infections ayant cependant guéri [45], alors qu’aucune infection grave n’a été signalée chez les patients qui recevaient etanercept.

Il y a lieu de remarquer que grâce à l’expérience acquise, la recherche systématique de tout foyer infectieux et l’application stricte des recommandations de l’AFSSAPS relatives à la tuberculose, le risque d’infections graves, qui doit toujours rester présent à l’esprit, parait aujourd’hui correctement maîtrisable.

Les autres accidents signalés de ces médicaments se rencontrent lors du traitement de la SA avec la fréquence constatée lors des autres indications : réactions générales lors des perfusions d’infliximab, signalées en faible nombre dans la moitié des séries publiées, et qui peuvent justifier l’arrêt du traitement ; réactions au point d’injection sous-cutanée d’etanercept, fréquentes — environ 30 % des cas [24, 27] — mais sans conséquences.

L’apparition d’anticorps antinucléaires s’observe dans une proportion de cas qui peut être élevée, notamment avec infliximab, mais il s’agit rarement d’anti-ds-DNA, et des signes cliniques associés (rash lupique, arthralgies), entraînant l’arrêt du traitement, sont exceptionnels.

ÉTAT DES RECOMMANDATIONS

Compte tenu des dangers des antagonistes du TNFα, de leur coût élevé 2, de l’inexpérience de leur effet comme traitement de première intention, et de l’incertitude de leur qualité de DMARDs, la conférence internationale de consensus de 2003 [51] a recommandé d’en réserver l’usage à des patients souffrant d’une SA de diagnostic avéré suivant les critères de New York, restant active (BASDAIJ4) malgré l’essai, pendant un minimum de trois mois, d’au moins deux AINS, et en l’absence de contre-indication (infection — notamment tuberculose — grossesse ou lactation, sclérose en plaques, lupus, cancer). Plus récemment, les recommandations françaises [52], à l’instar des recommandations canadiennes [2], ont proposé d’élargir ces indications aux SpA ayant la signification d’authentiques SA avec radiographies de sacro-iliaques normales, qui ne satisfont pas de ce fait aux critères de New York, mais dont les signes inflammatoires du rachis et/ou des articulations sacroiliaques sont vérifiés par la tomodensitométrie ou par l’IRM. Le respect strict des critères d’activité de la maladie et de résistance aux AINS reste évidemment nécessaire dans tous les cas. Il importe de même de renoncer au traitement quand la preuve de son efficacité manque au terme de douze semaines.

CONCLUSION

Les anti-TNFα représentent un progrès considérable pour le traitement de la SA.

Les règles de leur utilisation sont codifiées. Il est trop tôt pour dire si leur indication devra être élargie, s’il y aura légitimité d’un traitement précoce, préventif des lésions invalidantes, et si cela se fera ou non en partage avec les anti-inflammatoires utilisés suivant des schémas nouveaux. Il importe pour cela de suivre le plus longtemps possible, et notamment par l’imagerie, des cohortes de patients traités par les anti-TNFα, mais aussi d’appliquer pour comparaison les mêmes méthodes de surveillance aux patients bénéficiaires du traitement classique par AINS.

BIBLIOGRAPHIE [1] DOUGADOS M, BÉHIER JM, JOLCHINE I et al. — Efficacy of celecoxib, a cyclooxygenase 2-specific inhibitor, in the treatment of ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum., 2001, 44 , 180- 185.

[2] MAKSYMOWYCH W., INMAN R., GLADMAN D. et al. — Canadian Rheumatology Association consensus on the use of anti-tumor necrosis factor-α directed therapies in the treatment of spondyloarthritis. J. Rheumatol., 2003, 30 , 1356-1363.

2. Le coût annuel d’un traitement par Remicade® (5mg/kg/6 semaines) avoisine 20.000 k, celui d’un traitement par Enbrel® (25mgx2/semaine) 13.000 k.

[3] MAINI R., ST CLAIR E., BREEDVELD F. ET al. — Infliximab (chimeric anti tumor necrosis factor alpha monoclonal antibody) versus placebo in rheumatoid arthritis patients receiving concomitant methotrexate : a randomized phase III trial. ATTRACT study group. Lancet , 1999, 354 , 1932-1939.

[4] SANDBORN W. — Anti-tumor necrosis factor therapy for inflammatory bowel disease : a review of agents, pharmacology, clinical results and safety. Inflamm. Bowel Dis. , 1999, 5 , 119-133.

[5] MORELAND L., BAUMGARTNER S., SCHIF M., et al. — Treatment of rheumatoid arthritis with a recombinant human tumor necrosis factor receptor (p75) Fc fusion protein.

New Engl. J. Med. , 1997, 357 , 141-147.

[6] MIELANTS H., VEYS E. — HLA-B27 related arthritis and bowel inflammation : sulfasalazine in HLA-B27 related arthritis. J. Rheumatol. , 1985, 12 , 287-293.

[7] MIELANTS H., VEYS E., DE VOS M. et al. — The evolution of spondylarthropathies in relation to gut histology. I- Clinical aspects.

J. Rheumatol. , 1995, 22 , 2266-2272.

[8] DE VOS M., MIELANTS H., CUVELIER C. et al. — Long term evolution of gut inflammation in patients with spondylarthropathy.

Gastroenterology , 1996, 110 , 1696-1703.

[9] MEASE P., GOFFE B., METZ J. et al. — Etanercept in the treatment of psoriatic arthritis and psoriasis : a randomized trial.

Lancet , 2000, 356 , 385-390.

[10] BRAUN J., BOLLOW M., NEURE L. et al. — Use of immunologic and in situ hybridization techniques in the examination of sacroiliac joint biopsy specimens from patients with ankylosing spondylitis. Arthritis Rheum. , 1995, 38 , 499-505.

[11] GROM A., MURRAY K., LUYRINK L. et al. — Patterns of expression of tumor necrosis factor α, tumor necrosis factor β, and their receptors in synovia of patients with juvenile rheumatoid arthritis and juvenile spondylarthropathy. Arthritis Rheum ., 1996, 39 , 1703-1710.

[12] CANETE J., LIENA J., COLLADO A. et al. — Comparative cytokine gene expression in synovial tissue of early rheumatoid arthritis and seronegative spondylarthropathy.

Brit. J. Rheumatol ., 1997, 36 , 38-42.

[13] GRATACOS J., COLLADO A., FILELLA X. et al. — Serum cytokines (IL-6, TNFα, IL-1β and IFNγ) in ankylosing spondylitis, : a close correlation between serum IL-6 and disease activity and severity. Brit. J. Rheumatol. , 1994, 33 , 927-931.

[14] SONEL B., TUTKAK H., DUZGUN N. — Serum levels of IL-1β, TNFα, IL-8 and acute phase proteins in seronegative spondylarthropathies. Joint Bone Spine , 2002, 69 , 463-467.

[15] CREW M., EFFROS R., WAOFORD R. et al. — Transgenic mice expressing a truncated Peromyscus leucopus TNFα genemanifest an arthritis ressembling ankylosing spondylitis. J. Interferon

Cytokine Res. , 1998, 18 , 219-225.

[16] GARRETT S., JENKINSON T., KENNEDY L.G. et al. — A new approach to defining disease status in ankylosing spondylitis : the Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index.

J. Rheumatol. , 1994, 21 , 2286-2291.

[17] CALIN A., GARRETT S., WHITELOCK H. et al. — A new approach to defining functional ability in ankylosing spondylitis : the development of the Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index.

J. Rheumatol. , 1994, 21 , 2281-2285.

[18] JENKINSON T., MALLORIE P., WHITELOCK H. et al. — Defining spinal mobility in ankylosing spondylitis (AS). The Bath AS Metrology Index.

J. Rheumatol. , 1994, 21 , 1694-1698.

[19] ANDERSON J., BARON G., VAN DER HEIJDE D. et al. — Ankylosing Spondylitis Assessments

Group preliminary definition of short-term improvement in ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum. , 2001, 44 , 1876-1886.

[20] VAN DER LINDEN S., VALKENBURG H., CATS A. et al. – Evaluation of diagnostic criteria for ankylosing spondylitis : a proposal modification of the New York criteria.

Arthritis Rheum. , 1984, 27 , 361-368.

[21] BRAUN J., BRANDT J., LISTING J. et al. — Treatment of active ankylosing spondylitis with infliximab : a randomised controlled multicentre trial.

Lancet , 2002, 359 , 1187-1193.

[22] VAN DER HEIJDE D., DIJKMANS B., GEUSENS P. et al. — Efficacy and safety of infliximab in patients with ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum. , 2005, 52 , 582-591.

[23] BARALIAKOS X., LISTING J., BRANDT J. et al. – Persistent clinical response in patients with ankylosing spondylitis after 4 years of treatment with monoclonal antibody infliximab.

Ann.

Rheum. Dis. , 2005, 64 (supplt III), 322.

[24] DAVIS J., VAN DER HEIJDE D., BRAUN J. et al. — Recombinant human tumor necrosis receptor (etanercept) for treating ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum. , 2003, 48 , 3320-3336.

[25] BRANDT J., KHARIOUZOV A., HAIBEL H. et al. — Six-month results of a double-blind, placebocontrolled trial of etanercept treatment in patients with active ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum ., 2003, 48 , 1667-1675.

[26] GORMAN J., SACK K., DAVIS J. — Treatment of ankylosing spondylitis by inhibition of tumor necrosis factor α. N. Engl. J. Med. , 2002, 346 , 1349-1356.

[27] CALIN A., DIJKMANS B., EMERY P. et al. — Outcomes of a multicentric randomised clinical trial of etanercept to treat ankylosing spondylitis.

Ann. Rheum. Dis. , 2004, 63 , 1594-1600.

[28] MARZO-ORTEGA H., MCGONAGLE D., O’CONNOR P. et al. — Efficacy of etanercept in the treatment of the enthesal pathology in resistant spondylarthropathy.

Arthritis Rheum. , 2001 ;

44 , 2112-2117.

[29] ANDERSON J., BARON G., VAN DER HEIJDE D. et al. — Ankylosing spondylitis assessment group preliminary definition of short-term improvement in ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum.

2001, 44 , 1876-1886.

[30] LISTING J., BRANDT J., RUDWALEIT M. et al. — Impact of anti-tumour necrosis factor α treatment on admissions to hospital and days of sick leave in patients with ankylosing spondylitis. Ann. Rheum. Dis. , 2004, 63 , 1670-1672.

[31] BRAUN J., BARALIAKOS X., GOLDER W. et al. — Magnetic resonance imaging examinations of the spine in patients with ankylosing spondylitis, before and after successful therapy with infliximab. Arthritis Rheum. , 2003, 48 , 1126-1136.

[32] BARALIAKOS X., DAVIS J., TSUJI W. et al. — Magnetic resonance imaging examinations of the spine in patients with ankylosing spondylitis before and after therapy with the tumor necrosis factor α receptor fusion protein etanercept. Arthritis Rheum. , 2005, 52 , 1216-1223.

[33] RUDWALEIT M., BARALIAKOS X., LISTING J. et al. — Magnetic resonance imaging of the spine and the sacroiliac joints in ankylosing spondylitis and undifferentiated spondyloarthritis during treatment with etanercept. Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 , 1305-1310.

[34] VAN DER HEIJDE D., LANDEWE R., HERMANN K. et al. — The effect of infliximab therapy on spinal inflammation assessed by magnetic resonance imaging in a randomized, placebocontrolled trial of 270 patients with ankylosing spondylitis. Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 (supplt

III), 317.

[35] BARALIAKOS X., RUDWALEIT M., LISTING J. et al. — Two-year follow up of etanercept therapy in active ankylosing spondylitis. A clinical and magnetic resonance imaging study.

Ann. Rheum.

Dis. , 2005, 64 (supplt III), 322.

[36] BARALIAKOS X., LISTING J., BRANDT J. et al. — Persistent reduction of spinal inflammation as assessed by magnetic resonance imaging in patients with ankylosing spondylitis after two years of treatment with the anti-TNF agent infliximab. Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 (supplt III), 323.

[37] BRAUN J., BARALIAKLOS X., GOLDER W. et al. — Analysing chronic spinal changes in ankylosing spondylitis : a systematic comparison of conventional × rays with magnetic resonance imaging using established and new scoring systems. Ann. Rheum. Dis. , 2004, 63 , 1046-1055.

[38] WANDERS A., LANDEWÉ R., DOUGADOS M. et al. — Association between radiographic damage of the spine and spinal mobility for individual patients with ankylosing spondylitis : can assessment of spinal mobility be a proxy for radiographic evaluation ? Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 , 988-994.

[39] MACKAY K., MACK C., BROPHY S. et al. — The Bath Ankylosing Spondylitis Radiology Index (BASRI). A new, validated approach to disease assessment.

Arthritis Rheum. , 1998, 41 , 2263- 2270.

[40] AVERNS H., OXTOBY J., TAYLOR H. et al. — Radiological outcome in ankylosing spondylitis : use of the Stoke Ankylosing Spondylitis Spine Score (SASSS).

Br. J. Rheumatol. , 1996, 35 , 373- 376.

[41] CREEMERS M., FRANSSEN M., VAN’T HOF M. et al. — Assessment of outcome in ankylosing spondylitis : an extended radiographic scoring system.

Ann. Rheum. Dis. , 2004, 64 , 127-129.

[42] BARIALAKOS X., LISTING J., RUDWALEIT M. et al. — Radiographic progression in patients with ankylosing spondylitis after 2 years of treatment with tumour necrosis factor α antibody infliximab. Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 , 1462-1466.

[43] BARIALAKOS X., LISTING J., BRANDT J. et al. — Decreased radiographic progression in patients with ankylosing spondylitis after 2 years of continuous anti-TNF-α therapy.

Ann. Rheum. Dis. , 2005, 64 (supplt III), 323.

[44] WANDERS A., VAN DER HEIJDE D., LANDEWE R. et al. — Nonsteroidal antiinflammatory drugs reduce radiographic progression in patients with ankylosing spondylitis.

Arthritis Rheum. , 2005, 52 , 1756-1765.

[45] BAETEN D., KRUITHOF E., VAN DEN BOSCH F. et al. — Systemic safety follow up in a cohort of 107 patients with spondylarthropathy treated with infliximab : a new perspective on the rôle of a host defence in the pathogenesis of the disease. Ann. Rheum. Dis. , 2003, 62 , 829-34.

[46] ANTONI C., DECHANT C., HANNS-MARTIN L. et al. — Open-label study of infliximab treatment for psoriatic arthritis : clinical and magnetic resonance imaging measurements of reduction of inflammation. Arthritis Rheum. , 2002, 47 , 506-512.

[47] SALVARINI C., CANTINI F., OLIVIERI I. et al. — Efficacy of infliximab in resistant psoriatic arthritis.

Arthritis Rheum. , 2003, 49 , 541-545.

[48] MAU W., ZEIDLER H., MAU R. et al. — Clinical features and prognosis of patients with posible ankylosing spondylitis. Results of a 10-year followup.

J. Rheumatol. , 1988, 7 , 1109-1114.

[49] BRANDT J., HAIBEL H., REDDIG J. et al. — Successful short term treatment of severe undifferentiated spondyloarthropathy with the anti-tumor necrosis factor-α monoclonal antibody infliximab. J. Rheumatol. , 2002, 29 , 118-122.

[50] BRANDT J., KHARIOUZOV A., LISTING J. et al. — Successful short term treatment of patients with severe undifferentiated spondyloarthritis with the anti-tumor necrosis factor-α fusion receptor protein etanercept. J. Rheumatol. , 2004, 31 , 531-538.

[51] BRAUN J., PHAM T., SIEPER J. et al. — International ASAS consensus statement for the use of anti-tumour necrosis factor agents in patients with ankylosing spondylitis.

Ann. Rheum. Dis. , 2003, 62 , 817-824.

[52] PHAM T., GUILLEMIN F., CLAUDEPIERRE P. et al. — Elaboration de recommandations pour la pratique clinique pour l’utilisation des biothérapies dans la spondylarthrite ankylosante.

Rev.

Rhum. , 2004, 71 , 930.

DISCUSSION

M. Georges SERRATRICE

L’utilisation des anti-TNF alpha dans la spondylarthrite est-elle justifiée par des mécanismes génétiques comme, par exemple, dans certains syndromes dits ‘‘ anti-inflammatoires ’’ au cours desquels existe une mutation du gène de récepteur du TNF (qui normalement s’oppose à l’effet procytokine pro-inflammatoire du TNF) ?

Je n’ai pas connaissance qu’un mécanisme génétique de cette nature ait été cité comme argument pour l’utilisation des anti-TNFα dans la SA.

M. Raymond BASTIN

Pourriez-vous nous préciser les éventuels effets secondaires des anti-TNF α ?

Les effets secondaires les plus redoutés des anti-TNFα sont les infections, notamment la tuberculose qui s’exprime ici sous la forme d’atteintes sévères et souvent atypiques. Les antécédents de tuberculose, à plus forte raison une tuberculose en évolution sont des contre-indications absolues. Toutefois l’application stricte des règles édictées par l’AFSSAPS (IDR systématique, traitement antibiotique préalable dès lors que la réaction dépasse 5mm de diamètre) restreint considérablement le risque d’activation d’une tuberculose latente. Toute infection non tuberculeuse en évolution contre-indique de même l’usage des anti-TNFα. Les autres effets secondaires sont des accidents d’hypersensibilité, qui peuvent être sévères avec infliximab ; ils sont fréquents mais bénins avec etanercept (érythème au point d’injection sous-cutanée).

M. Pierre GODEAU

Quelle est l’action des anti-TNF alpha sur les localisations extrarhumatismales : oculaires, rénales, pulmonaires, cardiaques ? La présence d’une atteinte cardiaque est-elle une contreindication, notamment en cas de cardiomyopathie ?

L’effet favorable des anti-TNFα dans la prévention de l’uvéite antérieure est établi. Nos collègues berlinois (BRAUN et coll.) ont mis en évidence une différence significative de la fréquence des poussées d’uvéite entre les malades recevant infliximab ou etanercept et les malades sous placebo. Infliximab serait même un peu plus efficace qu’etanercept, mais sur ce point la différence n’est pas significative. Pour le rein, le poumon et le cœur, je n’ai pas d’information.

M. Michel BOUREL

Existe-il une différence de résultats entre les deux types d’anti-TNF α ? Entre les maladies

HLA B27 + et – ? Quelle est la place de l’association Ac monoclonaux avec AINS ?

Tous les essais portent sur une majorité de patients B27 + et quelques B27 —. Il ne me semble pas que la réponse au traitement propre à chacun des deux groupes ait été étudiée.

Aucune différence n’est en tout cas mentionnée. L’association des anticorps monoclonaux (et des récepteurs solubles) avec les AINS est possible, et dans de nombreux essais les patients suivis étaient autorisés à poursuivre leur traitement anti-inflammatoire en cours, à condition de ne pas en augmenter la dose. Après douze ou vingt-quatre semaines de traitement, la plupart d’entre eux ont pu réduire la dose de l’AINS, et environ la moitié ont pu le supprimer totalement.

M. Paul DOURY

La scintigraphie osseuse corps entier peut mettre en évidence des foyers d’hyperfixation multiples, notamment au niveau des enthèses, dont la distribution est très caractéristique de cette affection, même si cet examen n’est évidement pas spécifique. Ne serait-il pas intéressant d’inclure la scintigraphie osseuse pour suivre l’évolution de ces foyers d’hyperfixation isotopique, sous l’influence des anti-TNF alpha ? Y a-t-il, dans la spondylarthrite ankylosant, des cas traités par les anti-TNF alpha qui n’ont pas de reprise évolutive après l’arrêt du traitement, ce qui ferait espérer le possibilité de guérison avec ce nouveau traitement ?

La scintigraphie serait certainement une méthode utile pour objectiver la régression des enthésopathies sous traitement. Oui, des cas ont été signalés où la rechute ne survenait pas après l’arrêt du traitement, dans la limite du temps d’observation, mais ces cas sont peu nombreux.

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

Comment réagissent les enthésopathies ? Il semble que les enthésopathies périphériques ont une réactivité différente des enthésopathies axiales. Existe-t-il des moyens de prédire les ‘‘ non-répondeurs ’’ ? Qu’en est-il des spondylarthrites dont l’évolution est la rémission totale ? Existe-t-il une définition et surtout des critères de guérison permettant d’éviter une poursuite injustifiée d’un traitement potentiellement dangereux et, de toute façon, coûteux ?

Il existe, dans la littérature médicale, des travaux de chercheurs danois qui concluent à l’absence de corrélations cliniques IRM ?

Les anti-TNFα sont considérés comme efficaces sur les enthésopathies, mais dans plusieurs essais les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. À cela deux explications : les malades souffrant d’enthésopathies ne représentent qu’une fraction des groupes traités et ne sont pas toujours assez nombreux pour l’analyse ; et les enthésites sont recensées comme présentes ou absentes, ce qui exclut toute nuance dans l’appréciation de l’effet. On ne peut pas vraiment prédire la non-réponse, mais on a identifié des indicateurs prédictifs d’une réponse favorable : malade jeune, score bas du BASFI, score élevé du BASDAI, valeur élevée de la CRP. Donc, à l’inverse, une SA peu active, mais très évoluée et invalidante chez un patient plus âgé n’est pas une bonne indication. Le meilleur degré de rémission étudié est la rémission dite partielle suivant les critères de l’ASAS group : on peut espérer un tel résultat chez un malade traité sur cinq ou six.

S’agissant des critères de guérison, je ne pense pas qu’il y ait actuellement de réponse à la question : pendant combien de temps faut-il poursuivre un traitement efficace ?


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Service de rhumatologie, CHU de Poitiers ** Service de rhumatologie, CHU de Poitiers *** Service de rhumatologie, CHU de Tours Tirés à part : Monsieur le Professeur Daniel BONTOUX. Article reçu le 8 novembre 2005, accepté le 9 janvier 2006 .

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 981-994, séance du 2 mai 2006