Communication scientifique
Séance du 10 mai 2005

Thérapie génique des déficits immunitaires sévères : preuve de principe d’efficacité et problèmes soulevés. Thérapie génique, déficits immunitaires, rétrovirus, lentivirus, génome

MOTS-CLÉS : déficit immunitaire, syndromes. génome.. lentiviridae. rétroviridae. thérapie génique
Gene therapy of severe combined immunodeficiency disease : proof of principle of efficiency and safety issues. Gene therapy, primary immunodeficiencies, retrovirus, lentivirus, genome
KEY-WORDS : gene therapy. genome.. immunologie deficiency, syndromes. lentivirus. retroviridae

Alain Fischer, Salima Hacein-Bey-Abina, Chantal Lagresle, Alexandrine Garrigue, Marina Cavazana-Calvo

Résumé

Les défauts génétiques de développement des lymphocytes T (déficits immunitaires combinés sévères-DICS) sont apparus comme des maladies modèles pour la thérapie génique. L’utilisation ex vivo de vecteurs rétroviraux a permis l’introduction et l’expression de gènes thérapeutiques dans les précurseurs médullaires des patients atteints de DICS : le DICS lié à l’X et le déficit en adénosine deaminase (ADA). Respectivement 15/16 patients atteints de DICS lié à l’X et 4/4 patients atteints de déficits en ADA ont bénéficié de cette thérapeutique. La correction du déficit immunitaire est observée sur une période s’étendant maintenant sur six ans pour les premiers patients traités. Ces résultats démontrent la remarquable efficacité de cette méthode. Toutefois, trois patients traités pour DICS lié à l’X ont développé une complication sévère caractérisée par une prolifération clonale lymphocytaire s’apparentant à une leucémie. Un des trois patients en est décédé. Le mécanisme de cette complication est lié à l’insertion de la copie provirale du vecteur à proximité de protooncogènes et à l’existence d’un effet enhancer du LTR rétroviral sur ce proto oncogène. Des modifications des vecteurs dans lesquels l’effet enhancer du LTR est inactivé devraient permettre d’utiliser avec la même efficacité cette thérapeutique tout en en réduisant les risques.

Summary

Inherited defects in T lymphocyte development (severe combined immunodeficienciesSCID) are considered the best available models to assess the effectiveness of gene therapy. Retroviral vectors have been successfully used ex vivo to transduce hematopoietic precursors from patients with two forms of SCID, namely X-linked SCID and ADA deficiency. Fifteen out of 16 patients with XL-SCID and 4 out of 4 patients with ADA deficiency have benefited from gene therapy. Correction of the immunodeficiency has been maintained now for 6 years in the first patients to be treated. These results provide clear-cut proof of the principle of gene therapy in relevant clinical models. However, three patients with XL-SCID have developed a severe complication after gene therapy, consisting of leukemia-like clonal lymphocyte proliferation. One of the three patients has died from this complication. It is due to provirus insertion within or close to proto-oncogenes, and to the enhancer activity of the viral LTR on targeted proto-oncogenes. Vector modifications, based mostly on inactivating the enhancer activity of the LTR, should preserve efficacy while improving safety.

Le principe de la thérapie génique consiste en l’introduction d’un gène dont on escompte un effet thérapeutique lié à son expression, au sein de cellules malades.

L’application de ce principe simple s’avère plus complexe qu’initialement envisagé.

En effet, le ciblage cellulaire doit être précis, le transgène convenablement régulé et les conséquences néfastes éventuelles limitées. La correction de maladies héréditaires monogéniques a logiquement émergé comme une application possible de la thérapie génique [1]. Les DICS — maladies rares caractérisées par un défaut génétiquement déterminé en lymphocytes T — sont vite apparus comme des modè- les optimaux. En effet, il s’agit de pathologie létale, dont le traitement par allogreffe de cellules souches hématopoïétiques souffre de multiples imperfections [2] mais dont les gènes responsables et physiopathologiques sont maintenant bien connus [2].

Le fait que les précurseurs des lymphocytes T se divisent intensivement et qu’une fois différenciés, ils aient une longue durée de vie, a permis de concevoir l’hypothèse que même une faible efficacité de correction de précurseurs pourrait se traduire en la différenciation d’un très grand nombre de lymphocytes T à longue durée de vie [2, 3].

Traitement du DICS lié à l’X

Le DICS lié à l’X est provoqué par des mutations du gène codant la chaîne γc commune de récepteurs de cytokines [4]. En son absence, les signaux apportés par l’IL-7 et l’IL-15 nécessaires à la survie et à la prolifération des précurseurs des lymphocytes T et NK ne sont pas transmis. L’introduction à l’aide d’un vecteur rétroviral de γc dans les précurseurs hématopoïétiques permet in vitro de reconstituer la différenciation de lymphocytes T et NK [5] et après transfert du gène ex vivo, la correction du déficit immunitaire de la souris γc (-) [6]. Fondé sur des données précliniques, un essai thérapeutique a été entrepris en 1999. À ce jour, onze patients ont été traités. Parmi les dix pour lesquels le recul est suffisant, neuf ont bénéficié de cette thérapie génique : des lymphocytes T et dans une moindre mesure NK se sont
développés ; le nombre de lymphocytes T est comparable aux valeurs normales et se maintient au cours du temps ; le répertoire des lymphocytes T est diversifié ; les fonctions effectrices des lymphocytes T sont normalement détectables de telle sorte que ces patients vivent dans des conditions normales sans infection sévère et se développent normalement [6, 7]. Il a pu être déterminé un nombre minimal de cellules hématopoïétiques précurseurs transduites à injecter pour observer une correction optimale du DICS. L’étude des sites d’insertion de la copie provirale du vecteur déterminée par une méthode de PCR par ligation a montré qu’en fait, l’ensemble des lymphocytes T présents, malgré la très grande diversité de leur répertoire, provenait d’un petit nombre de précurseurs transduits, de l’ordre d’une centaine [8]. Ce résultat confirme l’hypothèse initiale d’une forte capacité de prolifération de précurseurs lymphocytaires T avant le stade de réarrangement des gènes codant pour la chaîne du récepteur T pour l’antigène (Figure). Il a de plus été observé que certains lymphocytes T partageaient des sites d’intégration dans leur génome, avec des polynucléaires neutrophiles, des monocytes ou des cellules médullaires précurseurs multipotents appelés « LTC-IC » : Long Term Culture-Initiating Cells. Ce fait indique que des précurseurs multipotents, et sans doute, quelques cellules souches ont été corrigés. Ce résultat laisse espérer une efficacité à très long terme de cette thérapeutique ce qu’il faudra bien sûr confirmer. Une équipe Britannique a depuis également rapporté l’efficacité de la thérapie génique du DICS lié à l’X chez six autres patients [9].

FIG. 1. — Schéma de différenciation lymphocytaire T au cours du DICS lié à l’X après transfert du gène γc.

Les autres DICS

Ces résultats incitent à penser que la même méthode devrait sans doute être utilisable pour traiter d’autres DICS, situations où un avantage sélectif est conféré aux précurseurs lymphoïdes par l’expression du transgène.

C’est ce qu’a obtenu une équipe italienne dans le traitement du déficit en ADA chez quatre patients [10]. Ainsi, au total chez 19/20 patients atteints de DICS, la thérapie génique a permis de façon durable de corriger leur déficit immunitaire. Nous travaillons sur la mise au point d’une thérapie génique de trois autres formes de DICS caractérisés par l’absence des lymphocytes T et B : les déficits en protéines Rag-1, Rag-2 et Artemis. Les résultats précliniques obtenus sont encourageants [11].

L’extension à d’autres pathologies du système immunitaire telles que le syndrome de Wiskott-Aldrich ou la granulomatose septique chronique sont aujourd’hui envisagées ou même testées [12, 13]. Cependant, dans ces cas, une chimiothérapie myéloablative devra sans doute être combinée à la thérapie génique proprement dite afin d’obtenir une éventuelle efficacité. En effet, l’avantage sélectif des cellules corrigées est soit moindre (situation du syndrome de Wiskott-Aldrich) soit inexistant (situation de la granulomatose septique chronique). L’utilisation de vecteurs plus efficaces pour transduire les cellules souches hématopoïétiques tels que les lentivirus [14] est nécessaire.

Complication de la thérapie génique du DICS lié à l’X

Trois patients atteints de DICS lié à l’X ayant reçu une thérapie génique ont développé une complication grave, consistant en une prolifération clonale de lymphocytes T d’allure leucémique (tableau et [15, 16]). Cette complication est survenue un peu moins de trois ans après la thérapie génique chez les trois patients. Elle a été fatale par résistance à la chimiothérapie chez un, alors que chez un second, le traitement a été efficace puisque l’enfant, deux ans plus tard, est en rémission complète, va bien et bénéficie toujours de la thérapie génique. Le troisième cas est très récent, mais néanmoins le traitement paraît efficace. La survenue de ces complications a conduit à interrompre cet essai clinique le temps de comprendre le mécanisme de survenue et d’essayer de trouver la parade.

Nous savons aujourd’hui qu’une majorité des sites d’insertion rétroviraux se situent au sein de gènes actifs dans les cellules transduites [17, 18]. Dans ces conditions, le LTR rétroviral peut exercer une activité enhancer, dérégulant l’expression d’un gène de voisinage. C’est d’ailleurs le mécanisme de l’oncogenèse des rétrovirus oncogènes réplicatifs. Un événement similaire est à l’origine des proliférations lymphocytaires clonales survenues chez ces trois patients. Chez deux d’entre eux, l’expression du protooncogène LMO-2 a été dérégulée [15]. Des altérations génomiques secondaires, l’éventuelle activation antigénique de ces clones de lymphocytes T peuvent également participer à l’induction de ce processus. De telles complications n’avaient pas été détectées lors des expériences de transfert de gène effectuées chez la souris. Il est possible que le nombre de souris testés et la durée de l’expérience (un an) n’ait pas suffi à mettre en évidence cet effet. Néanmoins une prolifération similaire a été décrite dans un modèle différent de transfert de gène rétroviral dans des cellules souches hématopoïétiques chez la souris [19]. Il est troublant d’observer que de telles complications n’ont pas été observées à ce jour dans d’autres essais cliniques

TABLEAU. — Caractéristiques de la complication chez 3 patients atteints de DICS lié à l’X après thérapie génique.

P4

P5

P9

Âge au traitement (mois) 1 3 8 Survenue de la complication 30 34 33 (mois après thérapie génique) CD34+γc+/kg 20 18 11 Prolifération clonale T + + + (Tγδ) (Tαβ) (Thymocyte cortical) Translocations 6:13 SIL-TAL-trisomie 10 absente Sensibilité au traitement – + + Oncogene LMO2 LMO2 ?

de thérapie génique utilisant des rétrovirus. Deux explications sont possibles, soit la relative inefficacité de la thérapie génique dans ces essais a en corollaire réduit le risque de mutagenèse, soit l’expression conjointe d’un proto oncogène comme LMO-2 et du gène « thérapeutique » γc induit un effet synergique. Cette hypothèse est confortée par l’observation de deux leucémies murines expérimentales induites à l’aide d’oncorétrovirus, dans lesquels une insertion du provirus s’est effectuée à la fois dans le gène LMO-2 et dans le gène γc au sein du même clone [20]. L’hypothèse de la survenue fortuite d’une telle coïncidence est très improbable. Néanmoins, reste à démontrer le mécanisme moléculaire responsable d’une telle synergie. L’implication éventuelle en serait de limiter le risque de telles complications à des situations pathologiques où un tel effet synergique entre un oncogène et le gène thérapeutique pourrait s’exercer.

Quelle solution ?

L’efficacité de la thérapie génique des DICS incite à poursuivre cette démarche en améliorant la sécurité des vecteurs utilisés. À court terme, trois types d’amélioration sont utilisables : utilisation de vecteurs rétroviraux ou lentiviraux [14] dont le LTR est autoinactivé par délétion d’un élément du LTR 3′, de telle sorte que l’effet enhancer soit aboli. Un promoteur interne est cependant nécessaire pour activer la transcription du transgène. De tels vecteurs lentiviraux ont été élaborés et sont fonctionnels. Reste à démontrer efficacité et sécurité d’emploi lors d’essais cliniques.

Il est également possible d’ajouter un gène suicide, tel que la thymidine kinase herpétique qui transforme une pro drogue en drogue cytotoxique [21]. Cette protection n’est pas parfaite, mais pourrait néanmoins apporter une sécurité supplémentaire. L’effet de l’addition d’élément insulateur de l’ADN [22] capable d’isoler le provirus inséré du génome environnant reste plus hypothétique.

À plus long terme, le ciblage de l’intégration dans des zones « neutres » du génome à l’aide d’une intégrase virale (phage) ciblant de rares séquences du génome humain
[23] constitue une option intéressante mais dont le niveau d’efficacité reste à démontrer. L’utilisation de la recombinaison homologue pour réparer un gène muté est une autre voie, élégante dans son concept, abordable en induisant in situ une cassure double brin de l’ADN à l’aide d’une endonuclease [24] mais encore insuffisamment efficace et spécifique.

La thérapie génique n’a pas à ce jour rempli les promesses imprudemment formulées par certains il y a 10-20 ans. Néanmoins des progrès sensibles ont été obtenus, l’efficacité clinique démontrée dans des circonstances favorables. Les progrès des technologies doivent progressivement permettre son extension au traitement de pathologies génétiques fondé sur un transfert de gène plus sûr au sein des cellules souches du tissu lésé. Le système hématopoïétique devrait pour longtemps rester encore le terrain le plus favorable.

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DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Quels étaient les tableaux de ces trois leucémies T ? Se présentaient-elles avec le même aspect clinique ou thérapeutique ?

Ces trois leucémies avaient des caractéristiques différentes : la première était constituée d’un clone de lymphocytes T matures exprimant le récepteur T de type γδ, la seconde de trois clones de lymphocytes T matures exprimant le récepteur de type αβ, la troisième enfin était constituée de cellules T immatures. Sur le plan clinique, chez le premier patient, on a observé une émergence progressive du clone pathologique, alors que dans les deux autres cas, les manifestations cliniques sont apparues brutalement. La pathologie du premier malade s’est avérée résistante à une thérapeutique par chimiothérapie puis greffe de moelle osseuse, alors que dans les deux autres cas une rémission stable a pu être obtenue aisément. Il est difficile de tirer des conclusions quant aux différences observées entre ces trois cas dans leurs manifestations cliniques, leurs phénotypes et leurs réponses au traitement.

M. André VACHERON

La dérégulation délétère du gène de voisinage génératrice de leucémie semble avoir été retardée. Comment l’expliquer ?

On ne peut pas considérer qu’il y ait eu un retard à la dérégulation délétère du gène au sein duquel s’est inséré le rétrovirus. On a pu en effet observer par analyse rétrospective, que ces clones étaient présents en toute petite quantité au moins déjà un an après la thérapeutique. Il est probable qu’ils aient « bénéficié » d’emblée d’un avantage de croissance lié à l’expression du gène LMO 2, mais qu’ensuite des événements secondaires provoquant d’autres altérations génomiques aient ensuite favorisé leur prolifération.

Dans les deux premiers cas où le phénotype des cellules consiste en des lymphocytes T mémoires, on ne peut exclure que, par exemple, leur participation à une réponse immunitaire ait été impliquée dans ce phénomène.

M. Jean-François BACH

Ne peut-on espérer des autres types de vecteurs viraux (mais nonrétroviraux) ou non viraux ?

Les vecteurs viraux n’induisant pas l’intégration dans le génome cellulaire comme AAV, adénovirus, sont intéressants pour transduire un grand nombre de cellules, dans un contexte ou soit la persistance du gène thérapeutique n’est pas recherchée (ex : cancer) soit pour traiter des cellules qui ne se divisent pas (ex : cellules musculaires). Il en est de même pour les vecteurs non viraux qui ne sont pas intégratifs. La difficulté dans le dernier cas est d’obtenir un ciblage intra cellulaire suffisamment efficace évitant la dégradation par les nucléases cytoplasmiques.

 

M. Jean-Daniel SRAER

Comment expliquer que trois fois sur dix, le vecteur s’intègre dans une région proche d’un proto-oncogène ?

Deux hypothèses peuvent être émises. La première est que le locus du gène LMO 2 soit un « hot-spot » d’intégration du rétrovirus. Cela est extrêmement peu probable. La seconde hypothèse est beaucoup plus plausible. En fait l’intégration dans de nombreux gènes actifs au moment de la transduction des cellules, est survenue. Parmi ceux-ci il y a le gène LMO 2. Il se trouve que lorsque l’intégration induit l’expression de ce gène, un avantage sélectif est conféré aux cellules. Ce processus de sélection dans un contexte de nombreuses intégrations cellulaires est vraisemblablement la bonne explication.

M. Raymond ARDAILLOU

Dans les indications de la thérapie génique pour une maladie donnée quelles sont les places respectives de l’avantage sélectif de prolifération des cellules transduites, du rendement de la transduction et du niveau nécessaire de remplacement de la protéine mutée pour obtenir un résultat physiologique satisfaisant ?

Dans le contexte actuel de système de transduction encore relativement peu efficace, la notion d’avantage sélectif permettant d’obtenir un très grand nombre de cellules à partir de petits nombres de précurseurs transduits associée au fait que ces cellules aient une longue durée de vie est évidemment une donnée essentielle. Le point clef pour beaucoup de pathologies, notamment dans le système hématopoïétique est la capacité de transduire des cellules souches hématopoïétiques. Seuls les vecteurs permettant une intégration dans des cellules non en cycle, comme les lentivirus, permettront d’obtenir des taux de transduction suffisamment élevés pour qu’une efficacité thérapeutique soit observée dans des conditions où l’expression du gène thérapeutique ne confère aucun avantage de croissance. Enfin le niveau d’expression de la protéine thérapeutique est évident un point crucial. Ce niveau doit être ni trop élevé (toxicité), ni trop faible (inefficacité). Cette question doit être approchée dans les études pré cliniques expérimentales (cellules in-vitro et modèles animaux).

 

M. Claude SUREAU

Que pensez-vous de l’éventualité de thérapie génique germinale ?

Je ne pense pas que la thérapie génique germinale soit, sauf exception rarissime, d’un intérêt particulier. En effet, cela reviendrait en pratique à effectuer un diagnostic pré implantatoire pour une maladie génétique connue, étudier les embryons pour savoir lesquels sont atteints et traiter ces embryons atteints. La sélection des embryons sains et leur réimplantation me paraissent une approche beaucoup plus simple de cette question.

Il reste les éventuels cas de pathologies de l’ADN mitochondriale qui impliquent de toutes façons un long temps d’études expérimentales à ce stade de développement de la recherche.

 

M. Francis GALIBERT

La modification des séquences ‘‘ enhance ’’ des LTR pour éviter l’activation des gènes voisins du site d’intégration n’empêchera pas les problèmes dûs aux intégrations. De ce point de vue, la faible efficacité de l’intégration est un avantage mis à profit dans le cas des cellules prolifératives mais gênant dans les autres cas. La seule solution n’est-elle donc pas dans le développement d’anti-stratégies que vous avez évoquées comme le ciblage ?

Utiliser des vecteurs dont le LTR est inactivé, bien sûr ne modifie pas le fait que ces rétrovirus s’intégreront toujours au sein du locus de gènes actifs. Néanmoins, en réduisant ou en abolissant cette activité, ont peut espérer qu’il n’y ait pas induction de l’expression dérégulée, de ce gène. Donc cette solution devrait procurer des conditions de sécurité satisfaisantes. Cela dit, d’autres approches tendant à obtenir une intégration ciblée dans des régions non « dangereuses » du génome méritent certainement d’être étudiées malgré les difficultés de l’approche technologique. Une voie de recherche consiste en l’utilisation de l’intégrase d’un bactériophage qui a la capacité d’induire l’intégration dans un petit nombre de sites du génome humain. Reste à tester l’efficacité réelle de cette méthode et le ciblage cellulaire, ce qui représente des questions technologiquement complexes.

M. Bernard PESSAC

Les single nucléotide polymorphismes (SNP) sont-il identiques chez les jumeaux monozygotes ?

Oui, à la réserve de quelques mutations somatiques qui peuvent être observées sur telles ou telles cellules, tels ou tels tissus, mais c’est un point marginal.

 

* Membre de l’Académie des Sciences. INSERM U 429, Unité d’Immunologie et Hématologie Pédiatrique et Département de Biothérapie — Hôpital Necker Enfants Malades, 149 rue de Sèvres — 75015 Paris. Tél. : 01 44 49 48 22 — Fax : 01 42 73 06 40 — e.mail : alain.fischer@nck.ap-hop-paris.fr Tirés-à-part : Professeur Alain FISCHER, à l’adresse ci-dessus.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 5, 779-788, séance du 10 mai 2005