Communication scientifique
Session of 11 février 2003

Syndrome de Turner et mosaïcisme

Turner’s syndrome and mosaicism

J. Battin

INTRODUCTION

Le syndrome de Turner (ST), dont la fréquence est estimée à une fille née vivante sur 2000, est une dysgénésie gonado-somatique de phénotype féminin liée à l’absence complète ou partielle d’un chromosome X dans la totalité ou une partie des cellules [1]. Dans sa description originale en 1938, Henry Turner décrivait chez sept femmes l’impubérisme, le cou palmé, le cubitus valgus et la petite taille qu’il avait essayé de traiter sans succès avec de l’hormone de croissance bovine. Il croyait aussi à tort que l’absence d’ovaires était due à un déficit hypophysaire, alors qu’il s’agit d’un hypogonadisme hypergonadotrophique. Par la suite, le phénotype dysmorphique et malformatif s’est enrichi d’une pléiade de manifestations.

Durant ces dernières années, la vision du ST s’est transformée avec l’identification de nombreuses variations du spectre clinique, les formes partielles l’emportant sur les formes complètes qui étaient seules reconnues initialement. Parallèlement, le ST ne peut plus être considéré comme le handicap dévalorisant qu’il a été grâce aux acquisitions thérapeutiques, le traitement par l’hormone de croissance biosynthétique permettant d’éviter le nanisme, la féminisation étant mieux assurée et la maternité possible par don d’ovocytes et FIV, grâce aussi à une prise en charge précoce et multidisciplinaire [2]. Ainsi, on a pu dire que le ST n’était plus ce qu’il était, il y a encore peu de temps. Il bénéficie désormais d’une vision optimiste, encourageante pour les patientes.

Au niveau chromosomique, le ST n’est pas homogène, car à côté de la monosomie 45,X, longtemps considérée comme prédominante, il a été trouvé d’autres caryotypes, anomalies de structure telles que délétions, isochromosomes, anneaux et mosaï- ques diverses.

Le ST doit être distingué des dysgénésies gonadiques pures de caryotype homogène 46, XX, des dysgénésies gonadiques à caryotype XY, des dysgénésies gonadiques mixtes et des pseudo hermaphrodismes dysgénétiques qui comportent une ambiguïté sexuelle [3]. Enfin, il faut se garder de toute confusion avec le syndrome de Noonan, appelé un temps par erreur pseudo-Turner ou Turner mâle, qui est une phénocopie due à une mutation génique dominante touchant les deux sexes.

VARIABILITÉ DU SYNDROME DYSMORPHIQUE

Le diagnostic est classiquement évoqué devant la conjonction de traits dysmorphiques, d’une petite taille, d’une dysgénésie gonadique et d’un lymphœdème. Or l’expression clinique peut varier d’un volumineux hygroma kystique du cou dont la découverte échographique anténatale conduit généralement à l’interruption médicale de la grossesse à une petite taille isolée chez une fille sans autre disgrâce physique [4]. C’est par une observation clinique plus attentive, aidée du caryotype plus systématique que l’on a élargi le spectre du ST à un plus grand nombre de
mosaïques. Les multiples stigmates turnériens peuvent être classés en fonction du mécanisme pressenti, en constatant que les pourcentages respectifs varient beaucoup selon les séries [5]. Ces traits turnériens ont la signification d’une disruptionséquence, c’est-à-dire de malformations secondaires au lymphœdème fœtal.

Anomalies de la croissance squelettique

Elles suggèrent que le ST est une véritable dysplasie osseuse participant au déterminisme de la petite taille. Le cou peut être court par hypoplasie ou bloc des vertèbres cervicales, la tête paraissant enfoncée dans les épaules. Le thorax est bombé avec écartement des mamelons qui sont invaginés. Les quatrièmes métacarpiens et métatarsiens sont courts avec parfois une symbrachydactylie. Le cubitus valgus est souvent exagéré. Le rapport segment supérieur/segment inférieur du corps est modifié. Les radiographies montrent diverses anomalies des mains (signe d’Archibald), des genoux (signe de Kosowicz), une hypoplasie de l’épiphyse radiale inférieure en « casquette », et un aspect grillagé de la trame osseuse. Le retard de la maturation osseuse est plus marqué après 10 ans, en raison de l’insuffisance ovarienne.

Dysmorphie cranio-faciale

Elle est probablement le résultat combiné de la dysplasie osseuse et de l’obstruction lymphatique fœtale. Elle comprend l’orientation antimongoloïde des yeux, un épicanthus témoin du défaut de développement de l’étage moyen, un ptosis, un strabisme, une microrétrognathie, des dents de dimension réduite avec malocclusion et voûte du palais ogivale. L’oreille externe est à examiner en détail. L’implantation des pavillons est basse avec un bord supérieur dépassant la ligne sourcilière et un bord inférieur au-dessous de la ligne de la lèvre supérieure, l’angulation du pavillon oblique en bas et en avant faisant avec la verticale un angle supérieur à 10° ; les pavillons sont décollés et il y a une nette augmentation de l’angle céphalo-conqual.

Le cou palmé en « tête de sphinx » est très évocateur. L’implantation basse des cheveux avec un aspect en trident sur la nuque peut être le seul stigmate du ST chez une fille de petite taille. Pour mieux analyser les traits, il est recommandé comme chaque fois en dysmorphologie de faire une photographie de face et de profil.

L’absence de toute dysmorphie n’est pas un argument pour s’abstenir de déterminer le caryotype d’une fille de taille réduite.

Lymphœdème des mains et des pieds

Il permet un diagnostic précoce dans 20 % des cas. Par la suite, il peut laisser une cutis laxa . Il serait dû à un défaut de connexion lymphatico-veineuse. Le lymphœdème expliquerait également par un mécanisme de compression les malformations viscérales.

Malformations cardiovasculaires

Elles sont présentes dans un tiers des cas et contrairement au syndrome de Noonan, où les anomalies siègent sur la circulation pulmonaire, elles concernent la circulation systémique sous forme d’une sténose de l’isthme de l’aorte (10 %) qui, chez un nourrisson féminin, signifie presque à coup sûr un syndrome de Turner. Il a été décrit aussi des valves aortiques bicuspides (18 %), un prolapsus de la valve mitrale.

La coarctation est la cause majeure d’hypertension artérielle. Elle peut être la cause de décès par hémorragie postopératoire et de la persistance d’une hypertension artérielle chez l’adulte. Le risque de dissection aortique ne concerne pas seulement l’adulte et peut être dépisté par l’échographie périodique de l’aorte. Ces malformations seraient plus fréquentes dans les monosomies que dans les mosaïques (38 % vs 11 %), et plus volontiers associées au pterygium colli .

Malformations rénales

Elles sont révélées dans 25 à 30 % des cas par l’échographie systématique, car elles sont le plus souvent latentes. Le rein en « fer à cheval » est très caractéristique (7 % vs 1/600 à 1/800 dans la population générale), mais il y a aussi des ectopies, des malrotations, des duplications (8 %), des agénésies rénales (2,8 %), des anomalies vasculo-rénales causes d’hypertension artérielle dans 15 % des cas. La véritable uropathie du ST est la sténose de la jonction pyélo-urétérale (2,5 %). Ici encore, la prévalence serait plus élevée dans les monosomies que dans les mosaïques.

Anomalies cutanées

En plus de la cutis laxa , il faut surtout insister sur la valeur d’orientation de la constatation d’un grand nombre de nævi chez une fille de petite taille. Le nombre, la taille, la distribution seront particulièrement surveillés par des photographies.

L’attention a été attirée sur l’extension des nævi sous traitement par hormone de croissance, sans qu’apparaissent de signes de malignité. La propension aux cicatrices chéloïdes est aussi à prendre en considération. Les ongles sont petits et hyperconvexes avec un risque d’ongle incarné.

Anomalies métaboliques

Elles consistent en une intolérance glucidique avec hyperinsulinémie par insulinorésistance en général latente et ne nécessitant pas de traitement, une fréquente adiposité, qui avec des vergetures et la petite taille peut faire évoquer à tort un hypercorticisme surrénalien. Des troubles de la cholestase ont été signalés, ce qui motive une surveillance biologique périodique des fonctions hépatiques.

Maladies auto-immunes

Elles peuvent s’observer au cours de la vie d’une patiente atteinte d’un ST comme dans d’autres aberrations chromosomiques : thyroïdite avec hypo- ou hyperthyroï- die, les anticorps antithyroïdiens devant être surveillés périodiquement en raison de leur fréquente élévation avec l’âge, plus rarement diabète NID ou ID, maladie d’Addison, iléite de Crohn, alopécie et vitiligo.

Anomalies auditives

Elles sont trop souvent méconnues. Plus de la moitié des patientes ont eu pendant leur enfance de très nombreuses otites moyennes avec perforations, pose de drains et aérateurs, certaines ont même été opérées d’antro-mastoïdectomie, de tympanoplastie ou encore d’un cholestéatome. Rares sont celles qui gardent un tympan intact. La conséquence en est un déficit auditif intéressant la transmission entre 40 et 70 db dans un tiers des cas. Une atteinte de la perception intervenant secondairement est constatée une fois sur cinq. Cette hypoacousie est à l’origine de troubles du langage nécessitant une prise en charge orthophonique. Avec l’âge, se produit une perte progressive sur les hautes fréquences, comme par un vieillissement prématuré de l’oreille interne, nécessitant l’appoint d’une prothèse. Les troubles auditifs sont plus accentués avec un caryotype 45, X/46, X, iX (Xq). La déficience auditive est la conséquence du trouble dysembryogénétique du premier arc, petite mandibule, oreilles implantées bas, angulation excessive et dysfonction tubaire. Ils sont en partie évitables par une surveillance précoce et annuelle par un ORL.

Le phénotype psycho-intellectuel

Si les premières séries publiées associaient fréquemment la débilité mentale au ST, c’est probablement en raison de l’image dévalorisée transmise des parents à l’enfant et de la fréquente méconnaissance des troubles auditifs générateurs de difficultés langagières et scolaires [6]. On sait maintenant qu’il n’en est pas ainsi. L’intelligence est considérée globalement comme normale et revendiquée comme telle par les Associations Turner.

Néanmoins, de nombreux travaux ayant évalué les fonctions cognitives avec des tests appropriés (WRAT-R et KEYMATH Diagnostic arithmetic test), ainsi que les capacités visuo-spatiales, la mémoire, ont indiqué que les scores obtenus par les jeunes filles avec ST sont plus faibles que pour les groupes témoins et que les mosaïques ont un niveau intermédiaire entre les monosomiques et les contrôles [7].

Dans le groupe des mosaïques, les tests d’habileté visuo-spatiale sont même corrélés au pourcentage de lymphocytes 45,X. Si le niveau de la lecture et de la compréhension verbale ne diffère pas entre les groupes, en revanche, les performances sont moindres pour l’arithmétique, le calcul mental et numérique, l’organisation spatiale
(géométrie, géographie, dessin) et le raisonnement, l’habileté exécutive qui réclament attention, organisation et mémorisation.

VARIABILITÉ DE LA TAILLE

En l’absence de traitement, la taille finale spontanée est réduite dans toutes les séries de 20 cm par rapport à la population de référence. Il existe de très grandes différences individuelles. Ainsi, dans la plus grande série multicentrique coordonnée par Rochiccioli et al . regroupant 216 cas du sud de la France, la moyenne est de 141,4 cm, tandis que l’écart s’étend de 129 à 161 cm, soit plus de 30 cm entre des nanismes et des tailles normales [8]. Dans la série française de ST traités par hormone de croissance recombinante, la taille moyenne obtenue atteint 150 cm, soit un gain de 8,5 cm, les limites extrêmes des tailles se situant entre 136 cm et 167 cm, soit encore un écart de 30 cm [9]. De même qu’il existe des corrélations entre les tailles de ST non traités et traités avec celles des populations de référence, aussi diverses que japonaise, scandinave, on peut en démontrer avec les tailles parentales, surtout paternelles. D’autres paramètres doivent intervenir. Dans notre expérience, les tailles sont plus faibles dans les monosomies que dans les mosaïques.

VARIABILITÉ DE LA DYGÉNÉSIE GONADIQUE

Le ST est caractérisé par la disparition rapide des ovocytes dans l’ovaire turnérien, réduit ensuite à l’état de bandelettes fibreuses, ce qui explique l’impubérisme et l’aménorrhée primaire, signes qui ne doivent pas être aujourd’hui l’occasion du diagnostic, car trop tardifs. Paradoxalement, la possibilité d’une puberté spontanée était connue avant l’utilisation de l’hormone de croissance recombinante dans 10 à 20 % des cas de mosaïques. Dans la dernière décennie, ce pourcentage a doublé, qu’il s’agisse d’un effet direct de l’hormone de croissance sur les gonades et/ou d’un biais statistique lié à l’augmentation du recrutement de mosaïques turnériennes [10].

Toute la gamme des troubles des règles peut être observée, de quelques cycles conduisant à une aménorrhée secondaire à une activité ovarienne normale.

Si la stérilité est habituelle, on connaît des cas de fertilité spontanée. En 1988, j’ai rapporté à l’Académie nationale de médecine 12 grossesses chez 5 turnériennes en mosaïque recrutées à la consultation de génétique de la Maternité du CHR [11]. En 1993, une publication a rassemblé 167 grossesses chez 75 femmes dont 18 % de monosomiques et 82 % de mosaïques [12]. Le risque pour ces grossesses est d’ailleurs élevé avec 32 % d’avortements spontanés, 10 % de mort-nés et 20 % de malformations parmi lesquelles trisomie 21 et transmission de ST mère-fille. Il n’y a que 38 % d’enfants normaux, c’est pourquoi le diagnostic prénatal est justifié dans ces grossesses à haut risque [11], dont le pourcentage serait passé en 20 ans de 2 à 8 %.

CORRÉLATION PHÉNOTYPE-GÉNOTYPE

Une certaine corrélation caryotype-phénotype a été notée jusqu’ici dans les anomalies de structure du chromosome X. Un chromosome X en anneau non inactivé par perte du centre d’inactivation du second chromosome X entraîne une dysmorphie faciale majeure et un important retard mental. Un isochromosome X augmente le risque de thyroïdite auto-immune et d’hypoacousie. Une délétion terminale des bras courts et long de l’X s’accompagne volontiers d’aménorrhée secondaire après une période plus ou moins longue de règles normales. La délétion du bras long du chromosome X s’accompagne de taille finale spontanée significativement plus élevée de 10 cm que celle des autres caryotypes.

Si la recherche de corrélation phénotype-génotype a jusqu’ici échoué, c’est probablement en raison du nombre trop restreint de mitoses analysées en cytogénétique, de la difficulté à établir le pourcentage des clones impliqués dans les mosaïques, lesquelles peuvent varier selon les tissus. Si l’on se contente d’analyser une quinzaine de mitoses, le pourcentage de monosomies atteint 60 %. Pendant la période où le laboratoire de cytogénétique du CHR était sous notre responsabilité, une centaine de lymphocytes était analysée dans chaque ST, ce qui a fait monter le taux de mosaïques à 85 %, presque autant qu’avec les techniques de biologie moléculaire.

EFFET DE DOSAGE GÉNIQUE

Le dosage génique est la détermination du nombre de copies d’un gène. Si l’hémizygotie du seul chromosome X actif dans le sexe masculin n’a pas d’effet délétère, cela signifie qu’il y a des gènes actifs en double dose dans la région pseudoautosomale des chromosomes X et Y. Celle-ci est une zone d’appariement et de recombinaison durant la méiose ; elle est située à l’extrémité télomérique des bras courts des gonosomes sur une longueur de 2,6 mégabases et échappe à l’inactivation [13]. Une corrélation entre la taille adulte et le nombre de copies représentées par les chromosomes sexuels est d’ailleurs évidente. La taille moyenne augmente en allant des caryotypes 45,X ; 46,XX ; 47,XXX, de même pour 46, XY ; 47, XXY et 47, XYY [14]. Le ST apparaît maintenant comme un syndrome d’haplo insuffisance de gènes du développement , parmi lesquels a été identifié le gène SHOX (pour Short

Stature Homeobox-containing gene X) en X p. 22 et Y p. 11.3. La variabilité du phénotype turnérien dépendrait donc du pourcentage de copies de ces gènes en simple et double dose, autrement dit du taux de cellules monosomiques dans les mosaïques tissulaires.

MODÈLE DES MONOZYGOTISMES DISCORDANTS

Nous avons contribué à l’étude d’un couple de jumelles monozygotes discordantes pour le ST, objet d’une publication en 2002 dans Prenatal Diagnosis , car c’est probablement la première fois que cette situation a été reconnue in utero [15]. L’une des jumelles avait un phénotype turnérien complet, l’autre était normale. La jumelle turnérienne au caryotype sur sang fœtal avait un mosaïcisme 45, X/46, XX (2/23) ;

après la naissance 7/40 sur 47 lymphocytes, tandis qu’il y avait 100 % de cellules 45,X sur 50 fibroblastes cutanés. La jumelle phénotypiquement normale avait un caryotype fœtal normal 46,XX sur 25 lymphocytes, puis après la naissance un mosaïcisme sanguin 45, X/46, XX (5/40) et sur 80 fibroblastes cutanés 2 cellules monosomiques/78. A l’âge de six ans, après correction chirurgicale de la sténose de l’isthme aortique et du pterygium colli chez la jumelle atteinte de ST, la discordance phénotypique est toujours frappante, mais les tests psychométriques n’ont pas permis de mettre en évidence des différences cognitives.

Reiss et al . ont rapporté l’observation de jumelles monozygotes discordantes plus âgées ayant toutes deux un QI normal, mais celle ayant le ST avait un quotient de performance inférieur de 18 points à celui de sa sœur, tandis que le quotient verbal ne faisait apparaître que 3 points de différence entre les deux sœurs [16]. D’autres différences étaient notées dans le domaine visuo-spatial, visuo-moteur, dans l’attention et l’anxiété de la jumelle affectée de ST. Chez cette dernière, le volume du LCR était augmenté de 26 % avec une diminution de la substance grise de la région frontale pariéto-occipitale droite et une augmentation de volume du quatrième ventricule et de la grande citerne.

Nous avons retrouvé dans la littérature 8 autres cas de jumelles monozygotes discordantes [15]. L’observation de 3 triplées discordantes pour le ST est encore plus signifiante [17]. Le caryotype sanguin postnatal est similaire chez les 3 triplées avec 6 % de cellules monosomiques sur 200 lymphocytes, tandis que la corrélation est étroite entre le phénotype et la lignée fibroblastique. La fille avec ST complet a 99 % de cellules 45,X sur 200 fibroblastes, celle avec ST modéré 57 % sur 200 fibroblastes et celle qui paraît normale 3 % sur 200 fibroblastes. Une mosaïque identique dans le sang des triplées peut s’interpréter comme un chimérisme lié aux anastomoses vasculaires dans le placenta mono chorial.

CONCLUSION

Les progrès thérapeutiques dont a bénéficié le ST ont modifié l’approche clinique. À côté des formes classiques, très dysmorphiques et malformatives, plus nombreuses sont celles limitées à quelques stigmates dont le retard de croissance. La variabilité phénotypique paraît liée à la plus grande place accordée aux mosaïques. Le modèle du monozygotisme discordant démontre que le mosaïcisme et la corrélation
phénotype-génotype sont mieux reflétés par l’analyse des fibroblastes, que par celle des lymphocytes, et que l’expression phénotypique est un effet de dosage génique lié au degré de l’haplo insuffisance.

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DISCUSSION

M. Géraud LASFARGUES

Nombre de fœtus turnériens sont éliminés durant la grossesse. Quels sont les facteurs connus qui permettent la poursuite de la grossesse d’un fœtus présentant un syndrome de Turner ?

En effet, la monosomie du chromosome X a été reconnue dans 10 % des avortements spontanés précoces et l’on estime que 99 % des fœtus 45,X meurent avant 28 semaines de grossesse. Pourquoi ? Non pas à cause des malformations viscérales, cardiaques entre autres , ni par un défaut de la stéroïdogenèse placentaire, un temps évoqué. Toutes les monosomies sont létales, y compris la 45,Y. Si la monosomie du syndrome de Turner ne fait pas exception, ceci voudrait dire qu’un certain degré de mosaïcisme est nécessaire pour la survie une fois sur 2 000 naissances féminines. Autrement dit, il faut qu’il y ait une population suffisante de cellules normales 46,XX par rapport à celles qui n’ont que 45,X.

M. Claude JAFFIOL

Vous avez dit qu’une thyroïdite pouvait survenir dans le syndrome de Turner. Les maladies auto-immunes sont-elles fréquentes dans ce syndrome ?

La prévalence élevée de thyroïdite auto-immune a été prouvée par de nombreuses études au cours du syndrome de Turner, de même que l’augmentation des anticorps antithyroïdiens avec l’âge de ces patientes, 15 % dans la première décade, jusqu’à 30 à 48 %, selon les séries, dans la troisième décade. L’hypothyroïdie sub clinique est le trouble le plus fréquent, l’hyperthyroïdie est plus rare. Il convient donc d’évaluer périodiquement les anticorps anti-thyroïdiens et la fonction thyroïdienne avec TSH et FT4. Ceci est important chez l’enfant car un déficit thyroïdien s’opposerait à l’action de l’hormone de croissance recombinante. Une autre association a été signalée avec la colite inflammatoire de Crohn. Le diabète insulinodépendant ne semble pas avoir de prévalence significative. Cette prédisposition aux maladies auto-immunes est également retrouvée dans le syndrome de Klinefelter, 47, XXY, probablement sous l’effet du déséquilibre génique.

Mme Marie-Odile RETHORÉ et M. Pierre CANLORBE

La constitution XY/X est particulièrement intéressante à étudier car elle entraîne un risque particulier de gonadoblastome. Existe t-il une corrélation entre la taille et l’origine du chromosome X ?

Y a t-il un rapport entre les résultats du traitement par l’hormone de croissance et l’origine paternelle ou maternelle du chromosome X perdu ?

L’intérêt de la biologie moléculaire est de mettre en évidence un clone Y échappant à la cytogénétique classique, ce qui conduit à enlever les bandelettes fibreuses ou streak gonades qui peuvent développer un gonadoblastome longtemps enclos. Il a été trouvé une corrélation positive entre la taille finale spontanée ainsi qu’après traitement par
l’hormone de croissance et la taille maternelle. Cette donnée peut être rapprochée du fait que, dans 60 à 70 % des cas, le chromosome X présent chez la jeune fille avec syndrome de Turner est d’origine maternelle, l’X perdu étant celui du père. Mais l’on connaît aussi des cas de filles turneriennes avec un père grand qui ont une taille finale supérieure à celles qui ont la malchance d’avoir un père petit !

M. Michel ARTHUIS

Je voudrais savoir si les qualités d’apprentissage sont préservées dans le syndrome de Turner et s’il y a des différences dues au mosaïcisme ?

Cette question engage l’avenir scolaire et professionnel de ces jeunes filles. Certaines autrefois ont pu faire croire à une débilité, en réalité une fausse débilité due le plus souvent à une hypoacousie méconnue à l’origine de difficultés du langage et de la compréhension. La mésestime de soi devait intervenir également dans les difficultés scolaires et affectives. Les facultés intellectuelles de ces jeunes filles ne sont plus contestées et la courbe de leur quotient intellectuel est gaussienne, comme celle de la population générale. Avec les progrès de leur prise en charge, plus précoce et multi — disciplinaire —, on a vu les performances s’améliorer, « les cols blancs et bleus » devenir plus nombreux ainsi que les diplômes supérieurs. Toutefois, de nombreux travaux ayant évalué les fonctions cognitives ont montré que les scores obtenus par les jeunes filles avec syndrome de Turner sont plus faibles que ceux du groupe témoin et que les mosaïques ont un niveau intermédiaire entre celles qui sont considérées comme monosomiques et les contrôles.

Les données de Skuse et al ( Nature , 1997, 705 ) demandent à être vérifiées. Les filles avec

ST ayant hérité le chromosome X de leur mère auraient pas plus de difficultés d’apprentissage que celles ayant reçu l’X de leur père.

M. Michel BOUREL

Des corrélations peuvent-elles être mises en évidence entre certains mosaïcismes et les anomalies phénotypiques que sont le cubitus valgus et le pterygium colli ?

Ce sont encore des projets de recherche. Les mosaïques étant complexes, avec deux, trois ou plus populations cellulaires de constitution chromosomique différente, lesquelles de surcroît varient selon les tissus, c’est finalement le pourcentage global de clones 45, X de l’organisme qui doit moduler le phénotype. Ces études fines de corrélation ont été entreprises, mais je sais que certaines ont été interrompues par manque de personnel, car elles sont longues et délicates.

M. Christian NÉZELOF

Sur des coupes sériées des gonades dites agénésiques, j’ai découvert assez souvent des ovogonies et des follicules primordiaux pouvant expliquer l’établissement différé de cycles.

Ce tissu fût l’objet d’études caryotypiques par Jean de Grouchy. Celles-ci ont confirmé le mosaïcisme. Que vaut le test de Barr dans ces Turner incomplets ? Le syndrome de Milroy fait-il partie des formes partielles du syndrome de Turner ?

Le test de Barr, de la chromatine sexuelle correspondant à l’X inactivé, à été abandonné.

Mais, il est vrai que sur un frottis de cellules buccales par exemple, on pourrait avec de la
patience, établir le rapport entre les cellules Barr + (46,XX) et les cellules Barr-(45,X) ce qui donnerait une idée du mosaïcisme de ce tissu facilement accessible. Quant au syndrome de Meige-Milroy, c’est un lymphœdème isolé et limité aux membres inférieurs, qui est dû à une mutation génique dominante à pénétrance incomplète.

M. Gabriel BLANCHER

La petite taille est un élément constant du syndrome de Turner. Quels sont les résultats du traitement par l’hormone de croissance ? Peut-on porter au départ un pronostic au sujet de la taille définitive ?

On a gagné huit centimètres et demi de taille adulte en France dans ce syndrome. Ces résultats correspondent à l’époque où l’on a commençé à traiter ces patientes avec des doses trop faibles d’hormone de croissance bio synthétique. Avec l’uniformisation depuis 1997 à une unité/kg/semaine, et en commençant plus tôt le traitement comme cela a été démontré dans un essai clinique, on devrait optimiser la taille finale. La taille cible parentale intervient comme pour tout enfant en croissance.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 2, 359-370, séance du 11 février 2003