Résumé
catégories de sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine. Au nombre de ceux-ci, ceux qui appartiennent à la catégorie 3 et qui après un traitement conforme à la réglementation sont dénommés « protéines animales transformées », doivent être considérés comme « propres à être utilisés directement en tant que matières premières pour aliments des animaux ». C’est dire que le statut sanitaire de certains sous produits d’abattoirs, désormais sécurisés, s’est considérablement transformé. De ce fait, l’Académie nationale de médecine propose qu’une réflexion soit ouverte au sein des instances administratives et professionnelles, nationales et communautaires, en vue d’une réhabilitation dans l’alimentation des animaux sous certaines conditions préalables d’ordre réglementaire, des protéines animales transformées, strictement issues des sous-produits sécurisés.
Summary
In late 2002, the use of Bone and Meat Meals (BMM) in animal feeds was prohibited in France and, soon after, in the EU. Bovine meat consumers’ confidence was soon restored. However, the BMM ban raised problems of an economic, technical, environmental and ethical nature. Since this time, the situation has changed drastically, with new rules adopted in the EU to make slaughterhouse by-products of a bovine, ovine and caprine nature safer. Among these rules, the most relevant were « Risk Specified Material » (RSM) withdrawal, and systematic slaughterhouse screening for the BSE agent in cattle aged more than 24 months (France) or 30 months. Screening for scrapie in ovine and caprine species is also required, by testing all neurologic cases and by sampling animals (100 000 tests a year) in slaughterhouses and rendering plants. The original herds of positive animals are stamped out and destroyed under some conditions. Animal by-products are now classified according to a new regulation (EC 1774/2002) ; those collected from slaughtered animals recognised as safe for human consumption are classified in category 3. After certified treatment, these category 3 by-products are named Transformed Animal Proteins (TAP) and are considered suitable for direct incorporation in animal feed. These new regulations create a special category of sage animal by-products, especially regarding the risk of Transmissible Spongiform Encephalopathies (TSF). Consequently, the French Academy of Medicine suggests that a debate should be opened should be opened at the national and European administrative and professional levels, in order to examine the possible rehabilitation of PAT in animal feeds, and the necessary regulatory conditions.
L’Académie nationale de médecine et l’Académie des Sciences, ayant pris en compte les raisons qui ont conduit les pays de l’Union européenne à décider la suspension de l’utilisation des FVO et de certaines graisses d’origine animale dans l’alimentation des animaux (décisions 2000/766/CE et 2001/9/CE), à savoir :
— Leur implication dans l’apparition de l’épizootie d’Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) : il est admis que l’infectiosité de tissus animaux entrant dans la préparation des FVO animales distribuées aux
bovins dans leur alimentation, a été à l’origine de l’épizootie d’ESB ainsi que de cas d’Encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) dans d’autres espèces de ruminants et chez certains félidés.
— L’apparition chez l’homme de la variante de la maladie de Creutzfeldt-
Jakob (v CJD) : il est établi que la v CJD est associée au prion bovin (BSE
PrP sc).
considérant, d’une part :
—
La nécessité d’adapter régulièrement les mesures de prévention ou de précaution à l’évolution des situations et des connaissances, —
Les mesures prises en France et préconisées dans l’Union euro- péenne en vue de la sécurisation des denrées d’origine bovine destinées à la consommation humaine, lesquelles imposent que :
• les organes et tissus qualifiés de « matériels à risque spécifié » ou MRS (tels que les organes du système nerveux central, les yeux, les organes lymphoïdes, les intestins…) parce que susceptibles d’héberger le prion pathogène chez l’individu infecté, soient systématiquement retirés des carcasses des bovins, ovins et caprins reconnus propres à la consommation humaine (Arrêtés des 28 Juin et 17 Septembre 1996, réactualisés par les arrêtés du 03 Novembre 1997 et des 10 Juillet et 10 Novembre 2000).
• tous les bovins âgés de 24 mois et davantage, destinés à la consommation humaine, fassent l’objet d’un test individuel de dépistage du prion pathogène, en vue d’éliminer les animaux contaminés (Arrêté du 02 Janvier 2001).
— Les mesures visant à l’éradication de la Tremblante (Scrapie) des petits ruminants **, à savoir :
• la surveillance active à l’abattoir et à l’équarrissage d’un échantillonnage d’ovins et de caprins au moyen de tests rapides de détection du prion pathogène (100 000 échantillons par an sont prévus), • le génotypage de tous les ovins des troupeaux où un cas de Tremblante a été dépisté et le marquage des animaux dont le génotype (gène PrP) est reconnu comme associé à un état de sensibilité génétique ; ces animaux sont abattus dans un délai maximum d’un mois et leur cadavre est détruit.
Leur remplacement ne peut se faire qu’avec des individus génétiquement résistants (Arrêté du 15 Mars 2002).
• l’abattage systématique et la destruction des cadavres de tous les caprins des troupeaux dans lesquels cette ESST est reconnue, les relations entre le génotype et la sensibilité ou l’état de résistance étant mal connues dans cette espèce (Arrêté du 27 Janvier 2003).
** la transmissibilité à l’homme de cette ESST n’a jamais été démontrée ; ces mesures ont été mises en œuvre dans l’hypothèse, non confirmée à ce jour dans les conditions naturelles, selon laquelle l’agent de l’ESB pourrait se transmettre aux petits ruminants.
Le règlement CE 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2002 définit dans son article 6, des matières de catégorie 3 au nombre desquelles figurent les parties d’animaux reconnus propres à la consommation humaine mais qui ne sont pas destinées à cette consommation pour des raisons commerciales. Ce même règlement, dans son annexe I, donne la définition spécifique des « protéines animales transformées (PAT) » lesquelles sont issues entièrement de matières de la caté- gorie 3 et, après traitement conforme au même règlement, peuvent être directement utilisées dans l’alimentation des animaux. Seules ces PAT, doublement sécurisées, pourraient entrer dans l’alimentation des animaux.
d’autre part :
Les conséquences que la suspension de l’utilisation des FVO dans l’alimentation animale a entraînées dans les domaines :
• de l’économie ; les coûts directs et indirects (substitution d’ingrédients dans l’alimentation animale, préjudice subi par les filières de production du fait de l’interdiction de la valorisation des sous-produits animaux…) générés par les mesures de suspension des FVO au niveau de l’Union européenne ont été chiffrés en 2002 à 6 milliards d’euros environ et à 585 millions d’euros pour l’Etat français, pour les seuls stockage et incinération. Il convient d’y ajouter le préjudice qui résulte de la distorsion de concurrence vis-à-vis de pays tiers non prohibitionnistes et les risques commerciaux créés par une situation de dépendance vis-à-vis de pays producteurs d’ingrédients de substitution.
• de l’alimentation animale, du fait de leur remplacement par des protéines et des graisses végétales, • de l’alimentation humaine, du fait de la présence possible de contaminants (chimiques, bactériens, fongiques) dans les produits végétaux de remplacement incorporés à l’alimentation animale et pouvant se retrouver dans les denrées animales consommées par l’homme, • de l’environnement, du fait :
— du transport, du stockage et de l’incinération des FVO désormais inutilisées (environ 700 000 tonnes de FVO sont produites chaque année en France ; fin 2002 le stock s’élevait à 670 000 tonnes), — de l’exploitation excessive de ressources piscicoles en vue de la fabrication d’aliments (farines de poissons) destinés à une aquaculture en forte augmentation, • de l’éthique, notamment du fait du détournement, dans les pays en développement, de terres agricoles traditionnellement destinées à des cultures vivrières, au profit de productions végétales destinées à l’alimentation animale (soja…).
constatant, d’une part, — que les mesures prises par les pouvoirs publics dans notre pays, en sécurisant les denrées d’origine animale, notamment bovine, vis-à-vis de
l’agent de l’ESB, sont de nature à assurer une totale innocuité des sous-produits d’abattoir puisque ceux-ci proviennent d’animaux reconnus propres à la consommation humaine et que les MRS sont systématiquement retirés et détruits, d’autre part, — que des imprécisions demeurent dans nos connaissances de l’origine et des voies de transmission des ESST et, — que des failles pourraient subsister dans l’application de certaines mesures mises en œuvre en vue de la maîtrise des risques de transmission. De telles insuffisances pourraient être à l’origine, entre autres hypothèses, des cas d’ESB apparus chez des animaux nés après l’interdiction des FVO dans l’alimentation des bovins, décidée en 1990 (cas dits NAIF) ou après l’interdiction de l’incorporation des cadavres et des saisies d’abattoirs ainsi que des MRS dans l’alimentation animale, en 1996 (cas dits super NAIF).
formulent les recommandations suivantes :
Il convient de :
— Confier à un organisme scientifique indépendant l’évaluation du rapport coût/efficacité des diverses mesures qui ont été prises en vue de la maîtrise du risque de transmission des agents des ESST ;
— Evaluer l’acceptabilité par la société de l’utilisation dans l’alimentation animale des sous produits bovins, ovins et caprins, sécurisés par la mise en œuvre des nouvelles mesures sanitaires, ainsi que des sous produits de porcs et de volailles, espèces pour lesquelles aucune preuve de l’existence d’ESST n’a pu être fournie.
Cette utilisation serait proposée en priorité dans l’alimentation des espèces non-ruminantes destinées à la consommation humaine (porc, volailles, poissons et crustacés essentiellement).
Dans l’état actuel, elle ne serait pas autorisée dans l’alimentation des ruminants.
Le recyclage de sous-produits animaux sécurisés dans l’alimentation de l’espèce ou du groupe d’espèces dont ils sont issus ne serait pas autorisé.
—
Poursuivre le contrôle de l’efficacité des mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics , notamment celles portant sur :
• les procédures de retrait des « matériels à risque spécifié (MRS) » • l’individualisation des sous-produits animaux destinés à être utilisés dans l’alimentation des animaux, à chaque étape de leur transformation, de leur entreposage et de leur transport.
—
Maintenir et renforcer l’harmonisation au niveau communautaire des mesures réglementaires dans ce domaine.
— Encourager, au niveau communautaire, la réflexion allant dans le sens de la levée, sous certaines conditions, de la suspension de l’utilisation des sous-produits animaux sécurisés dans l’alimentation de certaines espèces animales.
BIBLIOGRAPHIE [1] Rapport de l’AFSSA, Les risques sanitaires liés aux différents usages des farines et graisses d’origine animales et aux conditions de leur traitement et de leur élimination. Avril 2001.
[2] Rapport de la Commission européenne, DG XXIV ; Scientific Steering Committee :
Opinion on the risks of non conventional transmissible agents, conventional infectious agents or other hazards such as toxic substances entering the human food or animal feed chains via raw material from fallen stock and dead animals (including also : ruminants, pigs, poultry, fish, wild/exotic/zoo animals, fur animals, cats, laboratory animals and fish) or via condemned materials. Report adopted on June 24-25th, 1999.
[3] Rapport de la Commission européenne, DG XXIV ; Scientific Steering Committee :
Opinion on the risk born by recycling animal by-products as feed with regards to propagating TSE in non-ruminant farmed animals. Report adopted on September 17th, 1999.
[4] Rapport de la Commission européenne, DG XXIV ; Scientific Steering Committee :
Opinion on the scientific basis for banning animal protein from the feed for all farmed animals, including pig, poultry, fish and pet animals. Report adopted on November 27-28th, 2000.
[5] Rapport de la Commission européenne, DG XXIV ; Scientific Steering Committee :
Opinion on the feeding of wild fishmeal to farmed fish and recycling of fish with regard to the risk of TSE. Report adopted on September 5th, 2002.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 16 mars 2004, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 525-530, séance du 16 mars 2004