RAPPORT au nom de la Commission XV (Éthique et responsabilités professionnelles) et d’un groupe de travail *
sur la Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
A study of the bill to quality the health system
Denys PELLERIN Dans sa séance du 9 octobre 2001, l’Académie Nationale de Médecine avait à l’unanimité adopté un rapport dans lequel elle formulait ses remarques et certaines réserves sur les Titres I et II du projet de loi de modernisation du système de santé qui lui avaient été adressés pour avis par Madame La Secrétaire d’État à la Santé et aux Handicapés.
Depuis lors, un texte législatif a été adopté par le Parlement et promulgué (Journal Officiel du 5-03-2002) qui porte le titre Loi no 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le projet de loi initial a été sensiblement remanié et complété notamment par un Titre I qui traite de la solidarité envers les personnes handicapées et par un titre IV qui traite de la réparation des conséquences des risques sanitaires. Un titre V concerne les départements et territoires d’outre-mer.
L’Académie Nationale de médecine s’est fait un devoir de reprendre l’étude approfondie de ce texte législatif, d’autant que, pour l’essentiel, elle n’avait pas été associée à son élaboration.
L’Académie nationale de médecine réitère ses réserves précédemment formulées sur l’inspiration de ce texte qui se veut le reflet de l’évolution qui marque en notre société la relation malade médecin.
Elle observe que figurent maintenant comme droits des malades un grand nombre de règles jusqu’alors justement considérées comme devoir des médecins et figurant dans le code de déontologie médicale. L’Académie déplore
qu’un texte législatif contribue à substituer une attitude consumériste de l’usager à la tradition Hippocratique et humaniste de la médecine française.
Le dossier médical
Sans remettre en cause le bien fondé du désir du malade de disposer de son dossier médical, l’Académie nationale de médecine réitère son avis que certaines notes personnelles du médecin devraient pouvoir n’y pas figurer pour ce qui est des informations personnelles, intimes ou familiales confiées au médecin, qui ont pu éventuellement l’aider dans l’élaboration de son diagnostic, mais ne sont pas directement en rapport avec l’affection en cours pour lequel a été ouvert un dossier médical. Une réserve identique particulière s’applique à la médecine psychiatrique.
Le secret médical
L’ANM se déclare profondément préoccupée par les diverses dispositions du texte législatif qui risquent de menacer le respect absolu du secret médical, fondement de toute relation entre le malade et son médecin. Elle observe que le terme de secret médical a pratiquement disparu dans le texte au profit de celui de secret professionnel, certes respectable, mais qui ne saurait avoir la même signification éthique que le secret médical. Celui-ci touche aux données les plus intimes et les plus personnelles de celui qui confie au médecin le secret de sa personne humaine. Cette confusion entre les deux termes trouvera son illustration dans le cadre des Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (art.L.1141-5 & 6). Les représentants des usagers y sont largement représentés, ainsi que des représentants d’établissements et des membres de l’office national d’indemnisation (art. L.1142 & L.1143). Chacun de ces membres peut obtenir communication de tout document y compris d’ordre médical (art L.114-9). Bien que tenus au secret professionnel, rien ne justifie qu’ils aient connaissance de données relevant du secret médical, dès lors qu’ils sont sans rapport avec l’objet du litige.
La réparation des conséquences des risques sanitaires
L’Académie nationale de médecine observe avec satisfaction que sont désormais inscrits dans la loi les principes généraux de l’indemnisation des consé- quences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soins.
Elle se félicite notamment que soit clairement distingués :
— les risques sanitaires résultant d’une faute par manque à l’obligation de moyen mettant en jeu la responsabilité professionnelle et son corollaire impé- ratif d’assurance en responsabilité civile pour l’indemnisation du dommage.
— et l’aléa, sans faute démontrée, justifiant la prise en charge par la solidarité nationale indépendante des assurances professionnelles. Néanmoins l’Académie nationale de médecine aurait souhaité que soient plus claire-
ment formulée dans le texte de loi une définition précise des termes employés, Aléa, Accident médical, Affection iatrogène, Infection nosocomiale. Elle constate que les travaux de l’Académie sur ces définitions indispensables à l’appréciation des faits n’ont pas été pris en compte.
L’Académie nationale de médecine tient à souligner une fois encore que quel que soit le terme employé, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ne met pas nécessairement en cause l’acte médical. Elle considère que l’aléa, événement dommageable inattendu indépendant de l’affection pour laquelle les soins ont été sollicités met en cause toute la chaîne de soins et l’ensemble de l’organisation et du fonctionnement de l’établissement. Il eut été souhaitable d’insister sur la prévention de l’aléa médical par l’exigence d’une chaîne spécifique de qualité et de sécurité des établissements selon des principes aujourd’hui bien établis dans la recherche de la sécurité industrielle ou des transports, mais encore trop absents de la culture hospitalière et au-delà des moyens affectés.
Quelques autres remarques
Sans s’autoriser à mentionner certaines singularités juridiques dans les attributions des commissions de conciliation, l’Académie nationale de médecine souhaiterait que l’autopsie d’un patient décédé, si elle apparaît nécessaire à la compréhension des faits survenus, puisse être demandée d’emblée par le médecin qui constate le décès et pas seulement laissée à la discrétion de la Commission au vu du rapport des Experts. Cette disposition qui imposerait une exhumation au minimum 4 à 6 mois après le décès ne saurait être acceptée.
Le rôle de l’Académie nationale de médecine
L’Académie nationale de médecine observe qu’en dépit de son statut et de sa mission, aucune place (ou presque) ne lui est attribuée dans l’ensemble des dispositions législatives en cause. Il lui serait apparu légitime de figurer de droit au sein du Haut Conseil National de la Santé (art. L.1411-1-3) Elle demande que le Décret en Conseil d’État prévu à l’art. L.1411-1-4 tienne compte de cette observation. L’Académie nationale de médecine a bien noté qu’elle avait toujours à donner son avis sur les actes autorisés aux Masseurs Kinésithérapeutes. Elle s’étonne que ne lui soit pas confié le même rôle indispensable en ce qui concerne les actes autorisés aux chiropracteurs. D’autant qu’elle a pris bonne note des termes de l’art. L.6211-8 qui lui confie la mission nouvelle de donner son avis ‘‘ sur les examens biologiques d’interprétation rapide que les infirmiers et les personnels de soins… sont autorisés à pratiquer en vue du diagnostic de certaines maladies dans les sites isolés des départements d’outre-mer ’’.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 27 mai 2003, a adopté ce rapport à l’unanimité, moins une abstention.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 5, 997-1000, séance du 27 mai 2003