Information
Séance du 7 janvier 2014

Séquençage des génomes et médecine personnalisée : perspectives et limites.

MOTS-CLÉS : Analyse de mutations d’ADN. Génome humain. Génomique. Modèles génétiques
Genome sequencing and personnalized medicine : perspectives and limitations
KEY-WORDS : DNA Mutational Analysis. Genome, human. Genomics. Models, Genetic

au nom de la commission I (Biologie) **,Patrice DEBRE *, Jean-Yves LE GALL *

Résumé

L’évolution technique du séquençage des ADN s’est faite avec une rapidité exponentielle au cours des dernières années (2001 : première séquence d’un génome humain, résultat de plusieurs années d’efforts de quelques dizaines de laboratoires internationaux et de plusieurs dizaines de millions de dollars ; 2013 : séquençage d’un génome en 24 heures, séquençage d’un exome en quelques heures et pour un coût de l’ordre des centaines d’euros). La diffusion dans les laboratoires hospitaliers des nouveaux appareils de séquençage à haut débit (ou NGS) permet de passer de l’étude ponctuelle d’un gène à une analyse globale portant sur des dizaines ou centaines de gènes ou sur l’ensemble de l’exome ; elle modifie de ce fait les concepts médicaux et les conditions d’exercice, notamment en génétique et en cancérologie. Cette possibilité d’une recherche simultanée de mutations dans la séquence d’un grand nombre de gènes trouve aujourd’hui ses applications dans le diagnostic, éventuellement néonatal, des maladies mendéliennes, dans le dépistage systématique des hétérozygotes et le diagnostic préconceptionnel généralisé ; en outre la sensibilité des NGS est telle qu’elle permet également l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel (cell free fetal DNA ou cffDNA) c’est-à-dire le diagnostic non invasif du sexe fœtal (et des maladies liées à l’X), du rhésus fœtal chez les femmes rhésus négatif, des trisomies et dans un avenir proche des mutations mendéliennes ; dans le cas des maladies multifactorielles, les résultats sont encore préliminaires ; ils devraient conduire à l’identification des facteurs de prédisposition génétique « forts », ayant jusqu’à présent échappé aux études d’associations (« Genome Wide Association Studies ou GWAS »). En oncogénétique constitutionnelle, les NGS réalisent également l’analyse simultanée des gènes impliqués dans les formes « héréditaires » de cancers (21 gènes des cancers du sein, 6 gènes des cancers du colon…). Par ailleurs dans l’ensemble des affections malignes (hémopathies et tumeurs), les NGS identifient l’ensemble des anomalies génomiques (délétions, translocations, mutations) affectant le tissu malade, en s’efforçant de faire la distinction entre mutations « drivers » importantes pour la progression tumorale et mutations « passengers » ou accessoires ; en s’efforçant également d’identifier des mutations « druggable » susceptibles de faire l’objet de thérapeutiques ciblées (imatinib et réaarangement Bcr/Abl, verumafemib et mutation BRAF V600E…..). Enfin le séquençage systématique de l’ensemble des gènes impliqués dans le métabolisme et la réponse aux médicaments est le support d’une pharmacogénétique individuelle. En définitive, le séquençage des génomes tumoraux et constitutionnels, l’identification des mutations somatiques, la détermination des variants pharmacogénétiques, sont les éléments déterminants d’une médecine dite personnalisée. Les premiers résultats de ces indications thérapeutiques ciblées montrent un gain en termes de durée de rémission et de survie ; reste néanmoins posée la question du coût de ces traitements. Ces énormes capacités de séquençage des génomes soulèvent également un grand nombre de questions réglementaires et éthiques.

Summary

DNA sequencing technologies have advanced at an exponential rate in recent years: the first human genome was sequenced in 2001 after many years of effort by dozens of international laboratories at a cost of tens of millions of dollars, while in 2013 a genome can be sequenced within 24 hours for a few hundred dollars (exome sequencing takes only a few hours). More and more hospital laboratories are acquiring new high-throughput sequencing devices (“next-generation sequencers”, NGS), allowing them to analyze tens or hundreds of genes, or even the entire exome. This is having a major impact on medical concepts and practices, especially with respect to genetics and oncology. This ability to search for mutations simultaneously in a large number of genes is finding applications in the diagnosis of Mendelian diseases (including at birth), routine screening for heterozygotes, and preconception diagnosis. NGS is now sufficiently sensitive to analyze circulating fetal DNA in maternal blood (cell-free fetal DNA, cffDNA), enabling applications such as non invasive diagnosis of fetal sex (and X-linked diseases), fetal rhesus among rhesus-negative women, trisomy and, in the near future, Mendelian mutations. Data on multifactorial diseases are still preliminary, but it should soon be possible to identify “strong” factors of genetic predisposition that have so far been beyond the scope of genome-wide association studies (GWAS). In the field of constitutional oncogenetics, NGS can also be used for simultaneous analysis of genes involved in “hereditary » cancers (21 breast cancer genes, 6 colon cancer genes, etc.). More generally, NGS can identify all genomic abnormalities (deletions, translocations, mutations) in a given malignant tissue (hemopathy or solid tumor), and has the potential to distinguish between important mutations (those that drive tumor progression) from “bystander” or accessory mutations, and also to identify « druggable » mutations amenable to targeted therapies (e.g. imatinib and Bcr/Abl rearrangement; verumafemib and the BRAF V600E mutation). Systematic sequencing of all the genes involved in drug metabolism and responsiveness will lead to individualized pharmacogenetics. Finally, sequencing of the tumoral and constitutional genomes, identification of somatic mutations, and detection of pharmacogenetic variants will open up the era of personalized medicine. The first results of these targeted therapeutic indications show a gain in the duration of remission and survival, although the cost-effectiveness of these approaches remains to be determined. Finally, this huge capacity for genome sequencing raises a number of regulatory and ethical issues.

Télécharger le document (PDF)

Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, no 1, 101-117, séance du 7 janvier 2014