Informations
Denis MUKWEGE, un médecin prix Nobel de la Paix.
Marc Gentilini, membre de l’Académie nationale de médecine, informe l’Assemblée du parcours exceptionnel du Dr Denis Mukwege. Inspiré par son père, pasteur impliqué dans le soutien des pauvres, et lui-même pasteur pentecôtiste, ce médecin congolais se spécialise en gynécologie-obstétrique à Angers puis retourne exercer dans son Pays, la RDC. Confronté aux atrocités sexuelles subies par les femmes au cours des guerres qui sévissent à partir de 1996, il crée à l’hôpital de Panzi un Centre spécialisé des victimes de viols et devient un grand expert de la réparation de ces femmes gravement mutilées. Denis Mukwege prend conscience de la violence du traumatisme psychique autant que physique, et au-delà de la dimension chirurgicale, met en place un soutien global comportant notamment des aspects psychologiques, juridiques, professionnels et maternels. Depuis 2007, il parcourt le monde pour alerter les autorités politiques et les institutions internationales sur le drame des viols collectifs, réclamant que ceux-ci ne soient pas considérés comme un simple aléa des combats mais comme une véritable arme de guerre. C’est cette démarche autant que la réparation des organes génitaux et de leurs conséquences qui justifient l’attribution du prix Nobel de la Paix. Pour défendre cette mission, il a risqué sa vie à plusieurs reprises. Le Dr Mukwege a obtenu de nombreuses distinctions (prix des Droits de l’Homme des Nations-Unies, prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits, prix Sakharov du Parlement européen…) avant de recevoir la plus prestigieuse d’entre elles cette année, le Prix Nobel de la Paix. Marc Gentilini exprime le souhait que l’Académie de médecine puisse accueillir cet « apôtre » de la cause des femmes victimes des violences des guerres.
Information sur le 4e Plan Autisme 2018-2022
Catherine Barthélémy, membre de l’Académie nationale de Médecine, présente le 4e plan Autisme « Changeons la donne », publié en avril 2018 par le premier ministre, et intitulé « Autisme au sein des troubles du neuro-développement ». L’un des défis pour les équipes médicales sera, en effet, d’identifier, dès le début de la vie, ce syndrome spécifique au sein d’autres pathologies qui peuvent être confondues ou associées (retard, trouble de l’attention, dysphasie). Le diagnostic et la pertinence de la prescription dépendent de cette expertise médicale. 700 000 personnes en France sont concernées par l’autisme et, chaque année, 7500 nouveau-nés seront atteints. Il est crucial de dépister ces patients avant l’âge de 2 ans pour prévenir les sur-handicaps. Un parcours formalisé et un forfait financier « intervention précoce » sont à mettre en place. La scolarisation pour tous est préconisée. A l’âge adulte, le diagnostic évitera les hospitalisations prolongées voire abusives, les médications non contrôlées et l’exclusion. Un programme logement adapté et insertion professionnelle est mis en œuvre. Pour la recherche médicale et la formation dans ce domaine, un soutien à la structuration nationale sous forme d’un Groupement scientifique (GIS) sera financé. Celui-ci réunira des communautés scientifiques d’excellence dans le domaine du neuro-développement, de la biologie moléculaire aux sciences cognitives et sociales, en s’appuyant sur des cohortes, living-labs (dont le principe est l’innovation participative, placant les utilisateurs au centre du dispositif) et plateformes nationales.
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Résumés des communications
Les rétrovirus endogènes porcins (PERV) : inactivation des gènes viraux par CRISPR-Cas9 et perspectives en xénogreffes
André JESTIN. Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentation Environnement Travail (Anses), Maisons-Alfort
Résumé :
La présence dans le génome du porc de rétrovirus endogènes porcins, potentiellement transmissibles à l’homme, est l’un des obstacles au développement de techniques visant à utiliser des organes de porcs pour les greffer chez l’homme. Les rétrovirus endogènes porcins (PERV) appartiennent au genre gamma-rétrovirus et comprennent trois sous-types : PERV-A, -B et -C. Les virus PERV-A et -B infectent les cellules humaines in vitro. La technique d’ingénierie génétique CRISPR-Cas9, véritable « ciseau à ADN » capable de modifier des zones du génome, a récemment permis l’inactivation de 62 gènes essentiels à la sortie des virus des cellules épithéliales de rein de porc in vitro et la production de porcelets sans virus PERV infectieux. L’application de cette nouvelle technologie relance l’intérêt pour les xénogreffes de tissus de porc, et offre de nouvelles perspectives en recherche biomédicale.
Relecture centralisée du diagnostic histopathologique de lymphome. Résultats et perspectives d’une étude nationale à grande échelle
Pierre BROUSSET. Département de Pathologie, CHU de Toulouse, Institut Universitaire du Cancer de Toulouse, Inserm U1037 CRCT, Toulouse.
Résumé :
Le diagnostic histopathologique des lymphomes reste difficile par la richesse de la nosologie, la rareté de certaines maladies, la fréquente nécessité d’utiliser de nombreux marqueurs phénotypiques et/ou moléculaires. Pour évaluer l’impact clinique de la relecture des diagnostics de lymphome en France de manière prospective, un réseau de relecture national, le «réseau Lymphopath», a été mis en place. Depuis 2010 plus de 70 000 échantillons provenant de patients atteints de lymphome nouvellement diagnostiqué ou suspecté ont été examinés en temps réel par des experts nationaux en hématopathologie selon la classification de 2008 de l’OMS. Un changement entre le diagnostic initial et le diagnostic final est survenu dans près de 20% des cas, avec un impact estimé sur les soins aux patients dans 17% des cas. Ce taux était significativement plus élevé pour les cas envoyés pour expertise avec un diagnostic proposé (40% de discordance) que pour les cas envoyés avec un diagnostic formel (4% de discordance). Les écarts les plus fréquents étaient des erreurs de classification dans les sous-types de lymphome (40% du nombre total de discordances). Les changements entre les conditions lymphoïdes bénignes et malignes représentaient moins de 2% des cas enregistrés. Cette étude fournit la plus grande description de la distribution des entités de lymphome dans un pays occidental et met en évidence comment l’examen d’experts contribue de manière significative à un diagnostic précis et à une prise en charge clinique optimale chez de nombreux patients. Elle offre également la possibilité de collecter des échantillons de sous-groupes de lymphomes très rares et mal caractérisés. Elle ouvre enfin la possibilité d’accroître l’expertise des pathologistes initiaux (généralistes) grâce à des stratégies d’enseignement interactif (bibliothèque de cas) ou au développement de solutions numériques de reconnaissance d’images basées sur l’intelligence artificielle qui aideront le pathologiste à diagnostiquer plus précisément les tumeurs rares.
Cinquante ans de recherche sur les causes du suicide : où en sommes-nous ?
Fabrice JOLLANT, Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale (CMME), CH Sainte-Anne.
Résumé :
Plus de huit cent mille personnes décèdent de suicide chaque année dans le monde (3 hommes pour 1 femme, surtout à l’âge adulte et au-delà de 75 ans, deuxième cause de mortalité après les accidents chez les jeunes de moins de 25 ans) et dix à vingt fois plus tentent de se suicider. Au cours des cinquante dernières années, des progrès notables mais insuffisants ont été réalisés dans notre connaissance des facteurs de risque suicidaire. Il est ainsi aujourd’hui admis que des facteurs de stress tels que les évènements de vie difficiles récents (problèmes interpersonnels par exemple) ou la maladie mentale augmentent le risque suicidaire chez des personnes vulnérables. Cette vulnérabilité peut être en lien avec des facteurs développementaux et génétiques telles que des maltraitances dans l’enfance ou une histoire familiale de suicide, des traits de personnalité comme la propension à l’agressivité et l’impulsivité, ou des traits biochimiques tels qu’un dysfonctionnement du système sérotoninergique ou une hyperréactivité de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Des données récentes issues des neurosciences cognitives suggèrent en outre que certains déficits affectant la perception des signaux sociaux, la régulation de la douleur psychologique ou la prise de décision contribuent, à côté d’autres perturbations cognitives, au déclenchement de la crise suicidaire, puis au risque de passage à l’acte. Ces déficits ont été associés, chez des patients comme chez des apparentés, au dysfonctionnement d’un réseau de régions cérébrales incluant le cortex préfrontal dorsal et ventral, et certains noyaux sous-corticaux notamment. Ces résultats ouvrent des perspectives de redéfinition phénotypique et de prise en charge nouvelles de ces actes pluriels et complexes.
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Présentation d’ouvrage
Jean-Roger LE GALL, membre de l’Académie nationale de médecine, présente l’ouvrage de Jean Costentin, intitulé « Le Désastre des Toxicomanies en France », édité chez Docis (2018). Cet ouvrage remarquable se compose de deux parties. La première est consacrée aux constats du désastre causé par l’alcool, le tabac, le cannabis, la cocaïne, les amphétamines, la morphine et dérivés ; la seconde partie expose les méthodes de traitement et de prévention, avec comme message principal l’importance de l’éducation des jeunes, rappelant notamment que « le politicien se préoccupe des prochaines élections tandis que l’homme d’Etat se préoccupe des prochaines générations… ».