Les séances de l’Académie*
*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Bernard Bauduceau, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert, Jean-Pierre Richer
Séance dédiée : « Neuro-oncologie »
Organisation : François CHOLLET
Introduction par François CHOLLET (Membre de l’Académie nationale de médecine).
Communications
Apport de la génétique tumorale des gliomes pour le diagnostic, le pronostic et la sensibilité aux traitements par Mehdi TOUAT (Neuro-oncologie, Hôpital Pitié-Salpétrière, APHP Paris)
Les gliomes malins sont des cancers rares du système nerveux central, touchant toutes les tranches d’âge et représentant un véritable défi thérapeutique. Leur prise en charge repose traditionnellement sur la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie à base d’agents alkylants. Leur pronostic demeure sombre, notamment pour les glioblastomes dont la survie à 5 ans est inférieure à 5%. Parmi les difficultés spécifiques figurent la complexité diagnostique liée à leur localisation, la barrière hémato-encéphalique et la résistance aux traitements y compris l’immunothérapie.
Des avancées majeures en biologie moléculaire ont transformé la compréhension et la classification de ces tumeurs. Trois entités principales sont distinguées : les oligodendrogliomes (mutation IDH1/2 -isocitrate déshydrogénase- avec une co-délétion 1p/19q), les astrocytomes (Mutation IDH1/2) et les glioblastomes (IDH1/2 non mutés). L’intégration de données multi-omiques a permis une meilleure stratification pronostique. Ainsi, le diagnostic histologique ne permettait pas de distinguer le pronostic de nombreuses tumeurs en dehors des glioblastomes dont le taux de survie reste très faible. Depuis la classification OMS de 2016, les critères moléculaires sont devenus essentiels au pronostic. Les mutations IDH sont particulièrement déterminantes car elles prédisent une meilleure réponse à la chirurgie, à la radiothérapie et à la chimiothérapie. Les mutations IDH1/2 entraînent la sécrétion en excès d’un “oncométabolite”: le D-2 hydroxyglutarate à l’origine d’une altération du métabolisme cellulaire et de l’oncogénèse.
De nouvelles thérapies ciblées, comme le vorasidenib, un inhibiteur des formes mutées des enzymes IDH1 et IDH2, a montré un bénéfice en survie sans progression et une bonne tolérance dans l’essai INDIGO.
L’intégration du profil méthylomique permet en outre d’identifier de nouveaux sous-types rares et d’adapter les traitements comme pour les tumeurs avec fusion KANK1-NTRK sensibles à l’entrectinib.
La résistance aux traitements, notamment après témozolomide, est un enjeu crucial. Des profils d’hypermutation peuvent apparaître, ouvrant la voie à des thérapies par inhibiteurs de points de contrôle immunitaires comme le pembrolizumab avec parfois des réponses spectaculaires. Enfin, des stratégies personnalisées dans le cadre de la médecine de précision est en plein essor comme les thérapies ciblées anti-IDH1/2 pour les astrocytomes et les oligodendrogliomes, anti-BRAF pour des formes rares de gliomes et enfin des thérapies ciblées anti-NTRK et FGPR….
Ces avancées récentes permettent ainsi une personnalisation croissante des soins dans les gliomes, bien que des défis majeurs persistent, en particulier pour les glioblastomes.
Nouvelles perspectives thérapeutiques des glioblastomes par Elisabeth MOYAL (Oncopole, CHU de Toulouse)
Les glioblastomes sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes et les plus agressives chez l’adulte. Ces tumeurs représentent près de la moitié des gliomes et 15% des tumeurs intracrâniennes. Leur incidence augmente, avec environ 3500 nouveaux cas par an en France, principalement chez les personnes entre 50 et 70 ans. Le pronostic reste très défavorable, avec une survie à 5 ans estimée à 7%. Bien que l’incidence croissante soit en partie due aux avancées diagnostiques, des facteurs environnementaux comme l’exposition aux ondes électromagnétiques et aux pesticides sont également suspectés.
Le traitement repose sur une approche multimodale incluant la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. L’association du témozolomide avec les Tumor Treating Fields (TTFields) qui génèrent des champs électriques de faible intensité, améliore la survie globale sans progression tumorale. Ce dispositif non invasif qui agit par divers mécanismes, est appliqué pendant 18 heures par jour. Cependant, les rechutes locales restent fréquentes sans solution thérapeutique standardisée.
Pour limiter ces récidives, diverses stratégies sont étudiées, comme l’amélioration de la radiothérapie et l’identification de biomarqueurs prédictifs. L’IRM permet de mieux évaluer l’hétérogénéité tumorale et de cibler les zones à risque de récidive. Les cellules souches tumorales métaboliquement actives sont présentes dans les zones péri-tumorales et jouent un rôle clé dans la rechute aussi leur ciblage pourrait être crucial.
L’association des TTFields avec la radiothérapie pourrait potentialiser l’efficacité antitumorale en inhibant la réparation des cassures de l’ADN. L’essai en cours en phase III TRIDENT évalue cette combinaison en traitement précoce en espérant améliorer la survie. L’ajout de l’immunothérapie pourrait également renforcer la réponse antitumorale, comme l’indiquent les résultats prometteurs d’études combinant TTFields et pembrolizumab.
Les biomarqueurs jouent un rôle essentiel dans l’individualisation des traitements. L’objectif de l’essai EXOFIELDS est d’identifier les biomarqueurs de réponse aux TTFields afin de personnaliser la thérapie. En parallèle, l’intelligence artificielle (IA) en analysant des données complexes serait susceptible de prédire la réponse thérapeutique et d’améliorer l’efficacité des traitements.
Enfin, la récidive du glioblastome, difficile à traiter, pourrait bénéficier de stratégies combinées telles que la réirradiation, potentiellement renforcée par l’ajout de traitements systémiques. L’immunothérapie, en modulant le microenvironnement tumoral, jouerait un rôle clé dans la gestion des rechutes comme l’explore actuellement l’essai STERIMGLI, associant la radiothérapie et l’immunothérapie.
Bien que les traitements des glioblastomes aient amélioré la survie, le défi majeur reste la récidive tumorale. Les nouvelles approches combinant TTFields, radiothérapie et immunothérapie et l’utilisation de l’IA pour la personnalisation des traitements, ouvrent des perspectives prometteuses pour améliorer la qualité de vie des patients.
Complications neurologiques des immunothérapies anti-cancéreuses par Bastien JOUBERT (Neuro-oncologie, Hôpital Pierre Wertheimer, Hospices civils de Lyon)
Les immunothérapies, comme les CAR-T cells et les inhibiteurs de checkpoints immuns (ICIs), ont révolutionné le traitement du cancer mais elles entraînent des effets indésirables neurologiques parfois sévères.
Les CAR-T cells, surtout utilisées en hématologie, sont des lymphocytes T génétiquement modifiés afin de détruire les cellules tumorales. Leur activation peut provoquer des effets secondaires, notamment neurologiques aiguës. Le syndrome de relargage cytokinique (CRS) est souvent accompagné d’une neurotoxicité précoce comme l’ICANS (syndrome de neurotoxicité associé aux cellules effectrices immunitaires). Les symptômes incluent des troubles cognitifs et de la vigilance ainsi que des crises d’épilepsie. L’ICANS touche jusqu’à 63% des patients et est corrélé à la gravité du CRS. L’évolution est favorable dans plus de 90% des cas sous traitement comprenant les corticoïdes, les anti-IL-6 et les anti-IL-1.
Les complications neurologiques tardives, bien que rares (<1% des cas), peuvent inclure des troubles cognitifs et un syndrome parkinsonien surtout après le traitement du myélome multiple.
Les ICIs sont des anticorps monoclonaux qui bloquent certaines protéines comme PD-1 ou CTLA-4, permettant au système immunitaire de mieux attaquer les cellules tumorales. Les effets indésirables neurologiques, touchant jusqu’à 8% des patients, sont multiples et souvent sévères. Les myosites sont fréquentes et surtout associées aux anti-PD1. Elles se manifestent par une atteinte aiguë et symétrique de la musculature. Les polyradiculoneuropathies aiguës qui réalisent une atteinte inflammatoire démyélinisante des nerfs périphériques et de leur racines, analogue au syndrome de Guillain et Barré sont surtout observées avec les anti-CTLA-4. Le traitement initial repose sur les corticoïdes et les immunoglobulines intraveineuses.
Les encéphalites sont fréquentes sous ICIs. Elles peuvent se manifester par des encéphalites focales, des méningoencéphalites, des myélites ou des méningites aseptiques. Le diagnostic repose sur l’analyse du LCR et les IRM. Le traitement corticoïde à haute dose est souvent efficace mais le pronostic à long terme reste incertain.
Les patients présentant des troubles neurologiques auto-immuns préexistants (sclérose en plaques ou myasthénie) peuvent présenter une exacerbation des symptômes sous ICIs mais les données sont limitées.
La physiopathologie de la neurotoxicité des ICIs est mal comprise, mais pourrait être liée à une réponse immunitaire contre des antigènes tumoraux et à des mimétismes moléculaires. Le traitement initial inclut l’arrêt des ICIs et l’administration de corticoïdes, parfois associés à des immunoglobulines ou à des échanges plasmatiques. Les immunosuppresseurs comme les anti-IL6 ou les JAK inhibiteurs peuvent être envisagés en cas d’échec.
Ainsi, la neurotoxicité des traitements anticancéreux présente de multiples formes et peut être grave mais une prise en charge appropriée permet une résolution dans la majorité des cas.
Mécanismes des syndromes neurologiques paranéoplasiques par Jérôme HONNORAT (Neuro-oncologie, Hôpital Pierre Wertheimer, Hospices civils de Lyon)
Les syndromes neurologiques paranéoplasiques (SNP) sont des maladies auto-immunes rares (1 à 3 cas par million d’habitants et par an) touchant le système nerveux en réponse à un cancer. Ils sont provoqués par une réaction immunitaire anti-tumorale anormale au cours de laquelle les lymphocytes B produisent des auto-anticorps dirigés contre des antigènes partagés entre les cellules tumorales et neuronales (antigènes onconeuronaux). Ce mécanisme entraîne une atteinte neurologique souvent sévère (encéphalites, ataxies, neuropathies…) qui précède la découverte de la tumeur dans 80% des cas.
Les auto-anticorps constituent d’excellents biomarqueurs, sont essentiels au diagnostic et orientent la recherche tumorale. Chaque auto-anticorps est associé à un type de cancer spécifique et à un tableau neurologique particulier. Pourtant, bien que les cancers en cause soient fréquents (poumon, sein, ovaire), les SNP restent exceptionnels (<0,01 % des cas), ce qui suggère que d’autres facteurs interviennent.
La simple expression tumorale de l’antigène onconeuronal ne suffit pas à déclencher un SNP. D’autres anomalies comme la surexpression du transcrit et de la protéine, des mutations, ou des modifications post-traductionnelles de ces antigènes semblent nécessaires. Par exemple, les protéines CDR2/CDR2L sont fortement surexprimées et mutées dans les cancers associés au SNP anti-Yo, mais pas dans les mêmes cancers sans SNP. Le rôle des ganglions lymphatiques est aussi suspecté, ces derniers pouvant héberger une réponse immunitaire intense, avec production locale d’auto-anticorps.
Par ailleurs, certaines particularités du patient (prédisposition auto-immune, traitement par immunothérapie, contexte génétique) pourraient favoriser la rupture de tolérance immunitaire. Néanmoins, les mécanismes restent en grande partie mal compris, variables selon les SNP et les auto-anticorps impliqués.
Ainsi, certains critères et plusieurs étapes sont nécessaires pour déclencher un SNP et le processus n’est pas aussi simple que le passage cérébral des auto-anticorps. Les mécanismes en cause nécessitent un type de tumeur particulier comportant des modifications moléculaires spécifiques conduisant à la production d’auto-anticorps ainsi qu’une activation des cellules T, des caractéristiques particulières du système immunitaire de l’hôte et un événement déclenchant la réaction contre le système nerveux.
La recherche sur les SNP, bien que concernant des maladies rares, éclaire de façon précieuse les liens entre immunité, cancer et auto-immunité et pourrait ouvrir de nouvelles perspectives en immunothérapie anticancéreuse et en neurologie auto-immune.
Conclusion par Eric LARTIGAU (Membre correspondant de l’ANM)
Vidéo de la séance du 6 mai 2025
