Publié le 8 novembre 2024

Les séances de l’Académie*

*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert et Denis Malvy

 

 

Mardi 5 novembre 2024 – Séance dédiée : « Actualités dans le cancer broncho-pulmonaire »

Organisation : Jacques ROUËSSÉ et Michel AUBIER

 

Jacques Rouësse a cité Pascal : « tout branle avec le temps ».

Le traitement du cancer bronchique, considéré que comme le désespoir des cancérologues a subi un ébranlement majeur au cours des deux dernières décennies

 

 

Le dépistage du cancer pulmonaire par scanner thoracique faible dose chez des populations à risque

Philippe GRENIER (Radiologie thoracique, Hôpital Foch, Suresnes), Philippe A Grenier, Anne Laure Brun

Le cancer du poumon, première cause de mortalité par cancer, dans les deux sexes, est souvent diagnostiqué à un stade avancé, rendant le traitement curatif difficile. Le dépistage précoce par scanner thoracique à faible dose (CTLD) a émergé comme une méthode prometteuse pour détecter des lésions pulmonaires à un stade asymptomatique.

**Éléments de preuve :

National Lung Screening Trial (NLST) (2011) : Ce premier essai randomisé a inclus plus de 53.000 fumeurs/anciens fumeurs et a montré une réduction de 20% de la mortalité par cancer du poumon avec le CTLD par rapport à la radiographie, bien que cela ait entraîné un taux élevé de faux positifs (39.1%).

Essai NELSON (2020) : Avec 15.789 participants, cet essai a démontré une réduction de 24% de la mortalité par cancer du poumon avec quatre dépistages par CTLD, et un taux de faux positifs de seulement 2%.

International Early Lung Cancer Action Program (I-ELCAP) (2023) : Ce programme a inclus 89.404 participants et a permis la détection de cancer du poumon à un stade précoce chez 1,4% des participants, avec un taux de survie de 81% après 10 ans pour les pour les patients dont les cancers étaient ainsi détectés.

**Interprétation des anomalies :

Les nodules pulmonaires détectés peuvent être classés en trois types : non solides, partiellement solides et solides. L’utilisation de modèles d’interprétation comme le Lung-RADS aide à évaluer le risque de malignité des nodules et à déterminer le suivi approprié.

De nombreuses solutions d’intelligence artificielle (IA) ont été développées pour une détection automatique des nodules pulmonaires avec des performances similaires ou proches de celles d’une double lecture par des radiologues.

**Comorbidités liées au tabagisme :

Le scanner peut également détecter des anomalies associées au tabagisme, telles que l’emphysème, qui est un facteur de risque pour le cancer du poumon, calcifications vasculaires, ostéoporose… La détection de ces comorbidités est cruciale pour une évaluation globale du risque de cancer.

**L’implantation de programmes de dépistage du cancer pulmonaire par scanner faible dose a été recommandée dans de nombreux pays. En France la Haute Autorité de Santé a récemment émis un avis favorable pour des études pilotes. Ces études doivent être accompagnées d’une aide à l’arrêt du tabac, afin que le dépistage ne soit pas perçu comme une alternative à l’arrêt de fumer.

En conclusion, le dépistage par scanner à faible dose est une méthode efficace pour détecter précocement le cancer du poumon, réduisant ainsi la mortalité associée, tout en nécessitant une gestion prudente des faux positifs et des comorbidités.

 

 

Actualités dans le cancer broncho-pulmonaire :  traitements médicaux

Gérard ZALCMAN (Oncologie thoracique, Hôpital Bichat Claude-Bernard, APHP)

 

Les cancers broncho-pulmonaires (CBP), principalement liés au tabagisme, se classent comme le troisième type de cancer le plus fréquent en France, avec 46.000 nouveaux cas par an. Première cause de mortalité par cancer, avec un pronostic global préoccupant (survie 10% à 2 ans pour les stades IV), et dont la prévalence est stable chez les hommes mais en forte augmentation chez les femmes.

Les avancées récentes dans le traitement des CBP, notamment grâce à l’immunothérapie et aux thérapies ciblées, ont amélioré le pronostic, surtout pour les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), qui représentent 80-85% des cas. Les cancers bronchiques neuroendocrines à petites cellules (CBPC : 15 à 20% des CBP) n’ont, à ce jour, tiré qu’un avantage modeste des nouvelles immunothérapies.

Deux révolutions conceptuelles majeures ont marqué les deux dernières décennies : la découverte de mutations oncogéniques dans les adénocarcinomes et l’identification des protéines points de contrôle immunitaires.

 

**Dissection moléculaire des CBNPC : Les CBNPC étaient classés histologiquement en adénocarcinomes, épidermoïdes et cancers à grandes cellules. L’étude des anomalies moléculaires a éclaté ce cancer en de multiples types moléculaires et autant de maladies rares, mais dont la prise en charge avec des thérapies ciblées sur les mutations spécifiques, comme celles du gène EGFR, ont transformé le pronostic. Ces traitements sont ainsi capables d’interrompre le signal de résistance à la mort cellulaire et d’induire la mort cellulaire par apoptose des cellules avec mutation EFGR.

 

**la 2e révolution thérapeutique est l’immunothérapie par les inhibiteurs des points de contrôle de la réponse immune anti-tumorale (checkpoints) des lympho T. Elle joue un rôle clé dans la prise en charge des carcinomes bronchiques sans altérations moléculaires.

Ces anticorps monoclonaux ciblant PD-1 ou PD-L1, seuls ou en association avec la chimiothérapie ont changé le pronostic de cette maladie, naguère considérée comme incurable, avec une efficacité spectaculaire puisqu’elles apportent des réponses complètes ou quasi-complètes chez 20 à 40% de ces patients, avec des survies atteignant 5 ans ou plus, tant en situation métastatique que localisée,

De plus, ce changement de paradigme observé dans les formes métastatiques, conduit à des essais de traitements péri-opératoires dans les formes de CBNPC opérables, mais associées à une survie à long terme qui reste problématique.

En conclusion, la prise en charge des CBP a évolué grâce à des avancées majeures :

– le démembrement moléculaire des adénocarcinomes qui permet des traitements ciblés chez les 12 à 15% des patients avec CBNPC porteurs d’anomalie moléculaire oncogénique addictive

– la meilleure compréhension fondamentale de la réponse immunitaire anti-tumorale, et la conception qui en a découlé d’anticorps thérapeutiques, ciblant les protéines qu’expriment à leur surface les cellules cancéreuses pour échapper à l’action du système immunitaire. Ces traitements immunologiques permettent de traiter les 85% de patients avec tumeurs sans addictions oncogéniques

Ces avancées rendent essentiel le diagnostic moléculaire précoce pour une personnalisation des thérapies.

Une 3e révolution (nouveaux anticorps spécifiques, CAR-T cells, vaccins, radiothérapie vectorisée …) est en marche, laissant espérer des résultats encore plus spectaculaires.

 

 

Actualités dans la prise en charge chirurgicale du cancer bronchique non à petites cellules de stade précoce

Pierre Mordant (Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, Hôpital Bichat Claude-Bernard, APHP)

Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade précoce ( stade I, càd moins de 4 cm) sans atteinte ganglionnaire visible en préopératoire relève en première ligne d’un traitement chirurgical chez les patients fonctionnellement opérables.

Le diagnostic inclut un bilan d’imagerie morphologique et un TEP scanner pour détecter d’éventuelles atteintes ganglionnaires ou métastatiques. Une fibroscopie bronchique avec prélèvements est également standard et permet une qualification moléculaire de la tumeur.

En cas de doute sur l’atteinte ganglionnaire, une ponction sous échoendoscopie ou une médiastinoscopie peut être réalisée.

La décision d’intervention chirurgicale est prise après discussion pluridisciplinaire.

L’exérèse chirurgicale, doit être complète (R0) et accompagnée d’un curage ganglionnaire.

Traditionnellement réalisée par thoracotomie, cette intervention peut désormais être de plus en plus effectuée par des techniques mini-invasives (chirurgie vidéo-assistée, chirurgie robot-assistée), réduisant ainsi les douleurs postopératoires et la morbidité.

La base EPITHOR montre une mortalité à 90 jours chez les patients à haut risque traités par thoracoscopie nettement inférieure à la thoracotomie et équivalente à celle des patients à bas risque (3,1 versus 7%).

La robotique a de nombreux avantages mais un coût supérieur. Cependant son surcoût reste faible dans le parcours d’un patient en oncologie.

Elle permet d’envisager des gestes techniquement plus difficiles (segmentectomie au lieu de lobectomie permettant une épargne parenchymateuse). Son usage doit s’inscrire dans un parcours RAAC (récupération améliorée après chirurgie) pour apporter le maximum d’avantages pour le patient.

En conclusion, la chirurgie reste le traitement de référence des CBNPC de stade 1 chez les patients opérables. La robotique permet d’élargir les indications à des patients plus fragiles et de réaliser des gestes techniques plus délicats, tout en réduisant les douleurs post-opératoires, la morbidité et la mortalité à 90 jours.

Elle doit s’inscrire dans une prise en charge multidisciplinaire et des parcours patients de type RAAC

 

 

Radiothérapie des cancers bronchiques non à petites cellules non métastatiques

Eric F Lartigau (Membre correspondant de l’ANM. Centre Oscar Lambret, Lille), Florence Le Tinier, Elisabeth Gaye, Eric Dansin

La chirurgie reste le traitement de référence pour les cancers bronchiques localisés (T1-T2 N0), qui représentent environ 20 % des cas diagnostiqués. Cependant, 30 à 50 % des patients peuvent avoir des contre-indications opératoires. Dans ce contexte, la radiothérapie stéréotaxique (SBRT) est devenue une option standard.

Cette méthode utilise des microfaisceaux aux points d’entrée multiples pour cibler des tumeurs de moins de 4 cm, augmentant la dose délivrée à la tumeur tout en protégeant les tissus sains environnants. Elle permet également de réduire le nombre de séances.

Les méta-analyses montrent un contrôle local comparable entre la SBRT et la chirurgie, bien que la survie globale soit supérieure après intervention chirurgicale. Actuellement, aucune étude randomisée n’a pu conclure sur la supériorité de l’une ou l’autre méthode chez les patients opérables.

La SBRT est le traitement de choix pour les patients inopérables porteurs de tumeurs localisées, affichant un taux de contrôle local de 85 à 90 %.

D’autres progrès techniques contribuent à l’amélioration des résultats :

– La TEP-FDG permet de mieux qualifier la cible à irradier et ainsi de réduire les champs et de diminuer les doses aux organes à risque (œsophage, myocarde…)

– D’autres isotopes comme des marqueurs de l’hypoxie vont remplacer le FDG

– La radiothérapie guidée par IRM, à l’étude, permet l’analyse de contraste des tissus, la mobilité et la déformation tumorale en temps réel

Pour les tumeurs localement avancées non opérables, l’association chimiothérapie, immunothérapie et radiothérapie est proposée avec un contrôle local acceptable (70-80 %), mais un risque accru de toxicité.

L’émergence de l’immunothérapie, a montré des améliorations significatives en survie sans progression. Ce standard évolue, intégrant des biomarqueurs pour le suivi et l’adaptation des traitements.

Conclusion : Les avancées en radiothérapie, associées à des traitements systémiques comme l’immunothérapie, ont considérablement amélioré le contrôle tumoral et la survie des patients atteints de cancers bronchiques localisés non opérables ou localement avancés, tout en maintenant un taux de toxicité gérable.

La RT devient adaptative et individualisée selon le patient (comorbidités…), la tumeur (taille, mobilité, biologie…), la balance bénéfice/risque…

Le dépistage et l’utilisation accrue des scanners thoraciques contribuent à diagnostiquer plus de cas à des stades précoces et de patients relevant d’un traitement curatif. Le choix du traitement (chirurgie ou radiothérapie stéréotaxique) devra tenir compte de l’accessibilité aux plateformes de traitement ainsi que des coûts qui ne doivent pas rendre périlleuse leur pratique pour les établissements. La chirurgie robotique est à ce titre la moins bien valorisée.