Conférence invitée
Homéostasie, Cerveau et Culture par Antonio R. DAMASIO (Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité de l’université de Californie méridionale, University of Southern California).
L’idée force et pionnière du Professeur Damasio, qu’il a en particulier développée dans son récent ouvrage « L’Ordre Etrange des Choses » (2017), est que la continuation de la vie est le fait d’une homéostasie qui en régule toutes les manifestations, qu’elles soient biologiques, psychologiques et socio-culturelles. L’importance des capacités cognitives dans la construction des instruments socio-culturels est une certitude, de même que l’importance des cortex temporal et frontal dans le développement de ces capacités cognitives. Mais ces capacités et ces comportements trouvent leur origine dans des organismes plus modestes tels que les bactéries et les insectes sociaux. Il est à souligner que le développement du système nerveux a été très tardif dans l’évolution de la vie qui comporte trois grandes phases : l’époque préneurale (prémentale, émotive), l’époque post-neurale (sentiments, esprit, conscience), enfin l’époque de l’intégration cognitive et affective. Ainsi, la vie est un continuum orienté de manière irrépressible vers les dispositions cognitives et affectives en perpétuelle interaction dans le cerveau humain.
Séance dédiée :
« Les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) »
Organisateur : Dominique BERTRAND
Introduction par Dominique BERTRAND
Le Professeur D. Bertrand, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, présente les différentes thématiques, et leurs orateurs, qui vont développer cette grande évolution, ancienne et progressive, de l’organisation hospitalière en France.
Communications
Histoire et préhistoire de la coopération hospitalière en France par Emmanuel VIGNERON (Professeur, Université de Montpellier, Géographie de la santé)
Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) constituent l’une des dispositions les plus importantes de la loi du 21 janvier 2016 qui vise notamment à réformer l’organisation territoriale de l’offre de santé.
Au nombre de 135, ils s’enracinent dans la longue marche de la prise de contrôle de l’organisation hospitalière par l’État. Celle-ci date en réalité des débuts même de l’État, avec Charlemagne, se renforce à la Renaissance sous l’influence des idées Réformées, s’affirme avec les Lumières et la Révolution de 1789 dont elle est à la fois un fleuron et un échec et s’impose vraiment à partir de la IIIe République.
Le but commun est d’abord celui du nécessaire contrôle par une autorité supérieure du bon usage de la dépense. Avec la médecine moderne, il devient celui d’instituer un réseau de soins gradué, coordonné, offrant davantage de qualité et de sécurité.
La construction juridique des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) par Dominique BERTRAND (Professeur émérite, Université de Paris 7, Santé publique)
La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé les Groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ce sont des regroupements obligatoires d’hôpitaux publics voulus par la puissance publique, sur la base d’un volontariat et sur un territoire commun. Ils se réunissent autour d’un projet médical partagé défini ensemble. C’est l’aboutissement d’une planification des moyens, lits et équipements lourds se transformant en une organisation graduée des soins au service du patient. Une mutualisation des moyens et des équipes en est la conséquence et l’objectif. L’hétérogénéité des GHT résulte de la rapidité de leur mise en place, en moins de quatre mois, et l’absence d’une contrainte de l’État. Les hôpitaux resteront indépendants mais 135 GHT ont été créés pour des territoires de 100 000 à 2.5 millions d’habitants.
L’exercice médical dans le projet médical et soignant partagé par François RICHARD (Membre de l’Académie nationale de médecine)
Les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), créés par la loi en 2016 ont été rapidement mis en place, sur la base d’un volontariat par plusieurs établissements publics. Le territoire de santé est l’échelon de base pour l’organisation des soins et la prise en charge du patient. Les hôpitaux faisant partie du GHT restent indépendants, mais un établissement support assure une responsabilité sur les achats, le système d’information hospitalier (SIH) et de fait sur le projet médical dans le GHT. Les instances du GHT sont semblables aux hôpitaux, mais lui sont propres. Le projet médical partagé est accompagné du projet de soins partagé, les deux étant liés. Il est l’élément clé de la coopération des établissements dans le GHT. Il s’appuie sur des filières de soins allant des consultations générales ou spécialisées aux soins les plus aigus et les plus complexes. Il est établi par les équipes médicales et soignantes, sous la forme de filières de soins par pathologie, par type de soins ou par population.
L’évolution des Groupements hospitaliers de territoire dans la future organisation des soins au niveau territorial par Frédéric MARTINEAU (Praticien hospitalier, Imagerie, GHT Hôpital de Bayonne)
Le bilan des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) en 2018 est positif ; la rapidité de leur mise en place, les exigences similaires pour la convention constitutive et la création d’un projet médical soignant et partagé basées sur des filières de soins sont des réussites incontestables ; leurs faiblesses tiennent à la vitesse de leur mise en place n’ayant pas permis une homogénéisation des projets médicaux retentissant sur la création des filières. Deux éléments doivent être améliorés, la gouvernance administrative trop lourde et la solidarité de trésorerie entre les établissements. Les GHT sont confortés dans la future loi de santé en favorisant les coopérations existantes, mais aussi avec les établissements privés et une gradation plus importante des hôpitaux. Les soins de proximité, par les communautés professionnelles de territoire de santé (CPTS) pour le libéral et par les hôpitaux de proximité dans les GHT, devraient décloisonner la ville et l’hôpital par des liens renforcés. Le fondement de cette réforme s’appuie sur la qualité et la pertinence de soins en particulier dans l’élaboration des parcours.
Conclusion par Francis MICHOT (Membre de l’Académie nationale de médecine)
Le Professeur Michot rappelle les idées fortes des GHT : organiser la santé dans le territoire par regroupement des établissements publics et médico-sociaux, ouverture aux établissements privés, appui sur un établissement « support » (CHU ou non), mutualisation (logistique, plateaux techniques, équipes médicales et soignantes), dans une démarche globale de gradation des soins et de décloisonnement ville-hôpital. La pierre angulaire du GHT est sa stratégie médicale, axée sur le partage du projet médical et soignant et sur l’optimisation du parcours de soins, devant permettre deux évolutions majeures : redonner du sens à l’action des équipes et faire évoluer les modes de financement. Se profile ainsi un changement de modèle où la vision médicale l’emporte sur la vision managériale, où les valeurs médicales l’emportent sur les valeurs économiques, et où la qualité du résultat l’emporte sur le volume d’activité et la rentabilité. La réussite de cette évolution suppose que soient surmontées les questions de mobilité des équipes, de compétition entre elles et de lourdeur administrative. L’idée qui prime est bien que les GHT correspondent à la première étape d’une fusion d’établissements et donc d’une modification profonde de la carte hospitalière française.