Les séances de l’Académie*
*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Bernard Bauduceau, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert, Jean-Pierre Richer
Mardi du 30 septembre 2025
Séance des membres correspondants de la 2e division
La théorie des trois nez à l’usage du clinicien.
Roger JANKOWSKI. Professeur Emérite à la Faculté de Médecine de Nancy. Laboratoire DevAH, Campus Brabois-Santé, 9 Avenue de la Forêt de Haye, BP 20199 54505 VANDOEUVRE-LES-NANCY.
La théorie évo-dévo hypothèse une relation entre l’évolution des espèces animales et le développement embryonnaire chez l’homme (rappelant la récapitulation d’Haeckel). Le nez est ainsi non pas un organe unique, mais composé d’un nez olfactif (ethmoïde) dérivé des placodes olfactives, d’un nez respiratoire dérivé des os du palais secondaire (cornets inférieurs, plancher nasal et septum) et d’un nez sinusien (par dégénérescence cavitaire de la moelle érythropoïétique au niveau frontal, maxillaire et sphénoïdal après installation de la respiration aérienne à la naissance). La recherche étiologique du dysfonctionnement nasal chronique (DNC) aux symptômes peu spécifiques s’éclaire. Elle est fondée chronologiquement sur l’interrogatoire (mesure de la qualité de vie pas l’auto-questionnaire Dynachron), le scanner puis la nasofibroscopie sans anesthésique ou vasoconstricteurs locaux.
L’hypo- ou l’anosmie oriente vers le nez olfactif. Une opacité multifocale ou diffuse des masses latérales de l’ethmoïde au scanner évoque une polypose nasale (PN) affirmée par l’endoscopie à la vue des polypes du toit des cavités nasales et des méats supérieurs et moyens. La PN est une maladie de la muqueuse olfactive vestigiale de l’ethmoïde, subissant une réaction inflammatoire chronique auto-immune. La nasalisation assure une exérèse de cette muqueuse plus complète que l’ethmoïdectomie fonctionnelle endoscopique qui n’élimine que les polypes avec aération et drainage des cavités aériques.
L’obstruction nasale oriente vers le nez respiratoire. Une déformation de la cloison nasale et des cornets inférieurs sans opacité ethmoïdale ou sinusienne est recherchée au scanner, visualisée à la nasofibroscopie et corrigée. En l’absence de déformation, l’endoscopie recherche des lésions œdémateuses avec hypertrophie muqueuse (parfois visible au scanner) d’un dysfonctionnement vasomoteur des cornets inférieurs, du plancher nasal et du septum où cheminent les courants respiratoires principaux et les allergènes aériens responsables des réactions inflammatoires et de la rhinite respiratoire chronique (RRC), pouvant indiquer une turbinectomie inférieure et une septoplastie par désarticulation.
Les sinusites chroniques s’accompagnent d’opacités des sinus paranasaux ne concernant pas l’ethmoïde. Les sinus maxillaires, frontaux et sphénoïdaux produisent du monoxyde d’azote (NO) par une enzyme présente seulement dans la muqueuse sinusienne. Le NO, libéré en bolus par la fonction sphinctérienne des ostiums sinusiens, a une puissante activité anti-infectieuse et réalise un messager aérien augmentant l’oxygénation au niveau de la membrane alvéolo-capillaire. Cette muqueuse et les ostiums sinusaux doivent être préservés.
Une nouvelle conception des fractures du bassin.
Pomme JOUFFROY et Guillaume RIOUALLON Chirurgie orthopédique et traumatologie, Hôpital Saint-Joseph Paris
En France, par an, les statistiques de la CPAM révèlent plus de 3000 fractures de l’acétabulum dont 1000 avant 60 ans, et plus de 15000 fractures du bassin dont 5000 avant 60 ans.
Les classifications historiques radiographiques des fractures du bassin (Judet et Letournel pour les fractures de l’acétabulum, Tile, Youg et Burgess pour les fractures non acétabulaires, Denis puis Roy Camille pour les lésions sacrées et spino-pelviennes) ne reflètent pas la complexité des lésions.
Le scanner avec reconstruction 3D permet d’identifier 11 sites lésionnels possibles, d’évaluer les déplacements en translation et rotation dans les 3 plans de l’espace, de guider leur prise en charge selon 6 principes : le bassin est un anneau rigide qui perd sa stabilité à partir de deux lésions complètes, les lésions osseuses non déplacées peuvent consolider, les lésions ligamentaires ne consolident pas, les grands déplacements ne consolident pas, deux lésions postérieures complètes réalisent une disjonction spino-pelvienne, les lésions acétabulaires sont articulaires.
Les onze lésions unitaires des fractures du bassin sont postérieures (fractures du sacrum verticales ou horizontales, disjonctions sacro-iliaques pures ou associées à une fracture de la tubérosité postérieure iliaque, fractures alaires), acétabulaires (interrompant l’anneau pelvien ou non et alors des parois ou colonnes antérieure ou postérieure, fracture sur os fragile), antérieures (fractures du cadre obturateur, disjonctions de la symphyse pubienne).
Les fractures non déplacées sont l’indication d’un traitement fonctionnel avec un excellent pronostic.
Les fractures déplacées imposent leur prise en charge rapide dans un service spécialisé référent (club bassin cotyle). Le transfert d’images favorise cette organisation. Les principes thérapeutiques restent inchangés : réduction et ostéosynthèse. Le contrôle de la qualité des réductions a été bouleversé par l’utilisation du scanner 3D et la navigation en per-opératoire. Les techniques chirurgicales mini-invasives et de fixations percutanées tendent à devenir le gold standard. Cette chirurgie donne 85% de bons et très bons résultats pour une fracture de l’acétabulum isolée déplacée si la réduction est anatomique. Les fractures complexes du bassin nécessitent de réduire et de fixer au moins N-1 lésions voire toutes les lésions, dans un délai < 15 jours sous peine de séquelles orthopédiques, viscérales et périnéo-pelviennes. La reconstruction de l’anneau pelvien s’effectue d’arrière en avant, en solidarisant successivement les fragments du bassin à la colonne vertébrale, après 4 à 5 jours en cas de chirurgie à ciel ouvert pour limiter le saignement peropératoire, parfois en deux temps, et en coopération avec les réanimateurs et les autres équipes chirurgicales. Le traitement d’un cal vicieux est complexe.
Particularités anesthésiques des chirurgies robot-assistées abdomino-pelviennes
Jean-Pierre TOURTIER Hôpital Riviera-Chablais Suisse, École du Val de Grâce Paris France
Les contraintes peropératoires de la chirurgie abdomino-pelvienne robotique modifient les fonctions hémodynamiques, respiratoires et neurologiques.
Sur le plan hémodynamique, le pneumopéritoine abaisse le débit cardiaque. Des arythmies cardiaques sont possibles en cas d’insufflation trop rapide du pneumopéritoine. Après avoir chassé le sang vers l’atrium droit, il baisse la précharge par compression de la veine cave inférieure et augmentation des pressions thoraciques. Il augmente la postcharge des ventricules, droit par compression du réseau vasculaire pulmonaire et hypercapnie, gauche par compression de l’aorte et augmentation des résistances vasculaires systémiques (réponse sympathique et du système rénine-angiotensine à une « hypovolémie perçue » et une hypoperfusion rénale). Le travail cardiaque augmente donc avec des risques ischémiques. La pression artérielle moyenne s’élève car les résistances vasculaires augmentent plus que le débit cardiaque ne baisse avec une diminution du flux rénal, splanchnique et portal. La position de Trendelenburg inversée diminue encore la précharge, accentue les risques d’hypoperfusion myocardique et cérébrale et tout déséquilibre volémique doit être évité. La position de Trendelenburg augmente encore la postcharge et le travail cardiaque, le risque d’ischémie myocardique et d’insuffisance cardiaque.
Sur le plan respiratoire, le pneumopéritoine augmente la pression intrathoracique, diminue la compliance pulmonaire, diminue la capacité résiduelle pulmonaire avec le risque d’atélectasie et altère le rapport ventilation-perfusion (augmentation de l’espace mort) avec le risque d’hypoxie. Ces événements sont majorés avec la position de Trendelenburg et la curarisation. La gestion des apports liquidiens intraveineux évite les œdèmes notamment des voies aériennes. L’optimisation de la ventilation mécanique, du volume courant, de la pression expiratoire positive en limitant ses risques hémodynamiques et des manœuvres de recrutement alvéolaire réduisent les complications pulmonaires. Une embolie gazeuse, un pneumothorax ou pneumomédiastin, un pneumopéricarde, un emphysème sous-cutané sont rares.
Sur le plan neurologique, le pneumopéritoine par la compression et l’hypercapnie et la position de Trendelenburg augmentent la pression intracrânienne avec ses risques cérébraux (œdème et trouble de perfusion) et la pression intraoculaire avec le risque de neuropathie optique ischémique. Les contraintes liées à l’installation et la mobilisation du patient, parfois obèse, exposent à des compressions des nerfs périphériques et des plexus. L’anesthésiste doit identifier les patients à risque pour la chirurgie robotique, adapter le monitorage et être attentif dans les phases critiques de l’opération et en post-opératoire, accompagner le patient dans la compréhension de l’acte chirurgical, du rôle du robot et du chirurgien.
Impact du statut « sans fragment résiduel » après prise en charge endo-urologique de calculs urinaires : revue systématique des complications et des taux de réintervention
Olivier Traxer, Urologie, APHP, Hôpital Tenon, Sorbonne Université, 4 rue de la Chine, 75020, Paris, France ; PIMM, UMR 8006 CNRS-Arts et Métiers ParisTech, 151 bd de l’Hôpital, F-75013 Paris
L’obtention du statut « zéro fragment résiduel » (ZFR) est un objectif clé du traitement endo-urologique de la lithiase urinaire, mais les définitions des statuts ZFR et sans fragment résiduel (SFR), classiquement l’absence de fragment résiduel (FR) ³ 4 mm, restent controversées. Une revue systématique de la littérature internationale évalue le risque de complications (coliques néphrétiques, pyélonéphrites, insuffisance rénale aiguë et hématurie…) et la nécessité d’une réintervention associée à la présence du statut SFR après un traitement endo-urologique de calculs. La distinction entre ZFR et SFR est essentielle mais les évaluations radiologiques, autres que les TDM à coupes fines, ont un taux élevé de faux négatifs augmentant le nombre de ZFR, de plus la distinction entre ZFR (0mm) et SFR (<4mm) n’est pas toujours réalisée. Néanmoins, les recommandations européennes et américaines restent de toujours privilégier l’ASP et/ou l’échographie avant la TDM, afin de limiter l’exposition aux rayonnements. Le nombre de fragments résiduels par patient et son impact sur les complications est peu étudié. L’évaluation repose principalement sur la mesure du diamètre maximal des FR car les complications liées aux calculs semblent directement corrélées à la taille des fragments (le volume du FR mesuré par reconstruction TDM 3D n’est pas utilisée en pratique clinique courante). La plupart des études utilisent une définition SFR avec FR ≤4 mm L’expulsion spontanée des FR est en moyenne de 33% (avec une grande variabilité selon le moment et la modalité d’évaluation), le risque de complication lié au FR est de 27%, une augmentation de la taille du FR est observée dans 32% avec une réintervention pour 21% de ces cas. Les patients, même avec des FR≤4mm, doivent être surveillés et informés de la probabilité non négligeable de complications et de réintervention, même si un tiers ont une probabilité d’élimination spontané des FR. L’objectif du traitement endo-urologique de la lithiase urinaire devrait être d’atteindre le ZFR, en particulier chez les patients à haut risque. Le matériel et ses capacités constituent un élément limitant. Un nouvel endoscope a été expérimenté par l’auteur en 2024 sur 12 patients avec récupération de 97% du sable. L’outil, souple et de petit diamètre, permet la vision et la navigation, le contrôle des pressions d’irrigation, intègre un Laser performant pour pulvériser les calculs en très petits FR avec une gestion par intelligence artificielle pour éviter les traumatismes urothéliaux, une aspiration du sable, une détection du blocage des fragments avec un système de déblocage.
