Communications
L’évolution du concept d’agents infectieux Patrick BERCHE (Institut Pasteur de Lille)
Résumé :
Le concept d’agents infectieux, de maladies et de contagion a beaucoup évolué depuis son évocation au 16ème siècle pour la syphilis, les découvertes de Pasteur au 19ème siècle pour des bactéries, puis celles des virus à l’orée du 20ème siècle. Le parasitisme des êtres vivants par ces microorganismes, pendant des millénaires, a contribué à sélectionner des populations d’individus résistants. L’hygiène, les vaccins et les médicaments antiinfectieux ont eu ensuite un rôle important dans la chute du poids des infections classiques. Dans les années 1970 les « viroïdes » fait d’ARN nu, infectant les plantes sont découverts. Il existe un domaine viroïde du virus δ qui, coinfectant l’homme avec le virus de l’hépatite B, aggrave la maladie. Des viroïdes pourraient-ils infecter l’homme ?
Un nouvel agent transmissible original a été identifié dans les années 1950-70, le prion. Cette protéine anormale issue de la transformation de la structure tridimensionnelle d’une protéine normale abondante dans le cerveau, détermine lentement une encéphalite spongiforme avec démence, que l’on a rattachée à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, au kuru transmis par cannibalisme en Papouasie (C. Gajdusek) et à la maladie de la vache folle en 1985. Stanley Prusiner identifie ainsi entre 1984 et 1994, la première maladie transmissible liée à la prolifération d’une protéine anormale, le prion, ingérée ou inoculée, chez un individu porteur de la protéine normale apparentée.
L’exploration du génome humain a montré qu’environ 45 % est constitué de séquences répétitives dispersées, les rétrotransposons, fossiles d’une coévolution des hominidés avec des rétrovirus. Ces rétrotransposons ne code pour aucune protéine, mais certains codent pour une rétrotranscriptase inactive. Lors du vieillissement, on voit apparaître une activité rétrotranscriptase qui peut déclencher la mobilité des rétrotransposons avec des mutations et être à l’origine de maladies (cancers, diabète, maladies génétiques). Génétique et réveil de rétrovirus, un nouveau concept d’agents infectieux ?
Microbiote et régénération de l’épithélium intestinal : des signaux cryptiques décryptés dans la crypte Philippe SANSONETTI (Microbiologie. Institut Pasteur et Collège de France)
Résumé :
Le rôle du microbiote intestinal dans la protection contre les germes pathogènes, la participation à la stimulation immunitaire, à la dégradation de certains aliments ainsi qu’à la production de vitamines est bien connu. C’est sur la programmation de la régénération de l’épithélium intestinal, qui se renouvelle entièrement tous les 4 ou 5 jours, que porte ce travail : un dialogue s’établit entre bactéries et cellules souches intestinales (CSI) présentes au fond des cryptes de Lieberkühn. Pour l’explorer les auteurs procèdent à la mise en culture des cryptes qui permettent le développement d’organoïdes, sphères fermées sur lesquelles se différencient des « néo-cryptes ». Ils identifient un mécanisme de cytoprotection induit par un fragment d’un peptide de la paroi bactérienne, le muranyldipeptide (MDP), qui reconnait un récepteur cytosolique, Nod 2, exprimé à niveau él
evé dans les CSI. La voie MDP-Nod2 est très efficace dans la cytoprotection des CSI, exposées à une drogue cytotoxique ou irradiées. Inversement, certaines bactéries des cryptes coliques, des genres Acinetobacter et Delftia, produisent une endotoxine ayant un effet cytotoxique sur les CSI. Par ailleurs, Nod2 en association avec une protéine, Atg16L1, est capable de stimuler l’autophagie, donc d’assurer une protection contre le stress oxydant. Dans la maladie de Crohn génétiquement définie, des haplotypes mutés des gènes Nod2 et Atg16-L1, inefficaces, sont retrouvés et expliquent l’impossibilité pour ces sujets de protéger leurs cellules souches intestinales lors d’un stress chimique ou infectieux.
Importance des micromycètes dans le microbiote intestinal : le modèle Candida albicans Alain BONNIN (Parasitologie mycologie médicale. Président de l’Université de Bourgogne)
Résumé :
Parmi les champignons microscopiques quelques-uns sont souvent présents dans la lumière intestinale et participent au microbiote avec des bactéries, virus et protozoaires. Ce « mycobiote », qui représente moins de 0,1 % du microbiote, est essentiellement constitué de levures des genres Candida, Saccharomyces et Malassezia. Candida albicans, une levure dimorphique, se développe sous forme unicellulaire et sous forme de filaments. Des C. albicans commensaux, sont trouvés dans le tube digestif chez 50% de sujets sains. Ce travail identifie les conditions et les mécanismes qui aboutissent à la traversée de l’épithélium intestinale par les filaments de C. albicans, pouvant participer à la pathologie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou chez l’immunodéprimé déterminer des candidoses systémiques graves.
Deux sites de translocation du Candida sont explorés : lorsque les «jonctions serrées apicales» sont perturbées, expérimentalement par l’effet d’une mycotoxine, la patuline, elles constituent l’un des moyens de passage de C. albicans. Des altérations des jonctions serrées sont décrites dans les MICI et d’autres pathologies. L’autre site d’endocytose est la cellule M, cellule épithéliale spécialisée des muqueuses de l’intestin. Elle assure l’endocytose de molécules, d’antigènes et de microorganismes présents au niveau de la lumière intestinale, et leur transport vers les cellules immunitaires. Dans un modèle de culture cellulaire permettant d’obtenir soit des entérocytes seulement, soit des entérocytes et des cellule M, il a été montré une endocytose de Candida beaucoup plus importante dans les cultures mixtes entérocytes-cellules M.
Restent à identifier les adhésines fongiques et les récepteurs des cellules, à caractériser les voies de signalisation des cellules M engagées au cours de l’interaction avec C. albicans, et à déterminer la capacité des cellules M à différencier C. albicans sous forme commensale et pathogène.
Il faudra préciser si les observations in vitro et chez l’animal s’appliquent à l’histoire naturelle des affections impliquant le mycobiote chez l’homme.
Traiter tôt l’infection à VIH : Pourquoi ? Christine ROUZIOUX (EA 7327 Université Paris Descartes, Laboratoire de Virologie, CHU Necker Enfants Malades)
Résumé :
Lors d’une primo-infection par le VIH les lymphocytes T CD4 infectés avec intégration du génome viral dans la cellule, sont des cellules différenciées et facilement activées TTM et TEM qui s’infectent en premier. Elles sont nombreuses, circulantes, la réplication du virus y élevée et le risque que le sujet infecte un proche important. Mais les lymphocytes infectés réservoir TTM sont à demi-vie courte et à élimination rapide. Au contraire au cours d’une infection chronique, ancienne, les lymphocytes infectés réservoir sont dans les ganglions, le tube digestif et la majorité des réservoirs est composé de cellules infectées latentes TCM et TN, à demi-vie longue, qui sont nombreuses.
Les traitements précoces d’une primo-infection, avec les médicaments actuels efficaces et bien tolérés, vont arrêter la réplication virale, et les cellules réservoir étant peu nombreuses le risque de reprise évolutive est faible, même s’il faut poursuivre le traitement. A l’inverse un traitement tardif, bien qu’il parvienne le plus souvent à contrôler la charge virale, n’atteindra pas ou mal les cellules réservoir, et à la moindre diminution d’efficacité des médicaments une reprise évolutive peut survenir.
Il est impératif que le message d’un traitement d’urgence des primo-infections soit transmis à tous, médecins, sujets à risque, ensemble de la population. C’est à la fois favorable pour le sujet infecté, mais aussi en matière de santé publique, puisque l’on empêche la transmission par ces sujets très contaminants. Les messages de prévention : propositions de dépistage large, tests rapides disponibles, prophylaxie médicamenteuse préexposition (dite PREP) sont à promouvoir, ainsi que les préservatifs qui protègent des autres infections sexuellement transmissibles.