Published 29 October 2018

Conférence

Qu’est-ce qu’une image médicale ? Considérations médico-économiques, par Denis LE BIHAN Membre de l’Académie des sciences, correspondant de l’Académie nationale de médecine.

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Résumé :

Les premières machines d’imagerie à résonance magnétique (IRM) sont construites aux USA en 1980-81 avec des puissances faibles. En 1984-85 en France la Compagnie Générale de Radiologie (CGR) réalise les premiers appareils à 0,5 tesla. Mais en 1987 CGR est vendu à General Electric aux USA et aucune machine n’est plus construite en France. L’introduction de l’IRM fonctionnelle permettant de repérer les zones activées dans le cerveau en fonction de divers stimulus a constitué une avancée. Le développement d’appareils d’imagerie (IRM 3 tesla) et de logiciels d’analyse de plus en plus performants se poursuit. Le centre « NeuroSpin », branche du CEA à Saclay, s’équipe actuellement d’une IRM de 11,7 tesla, la plus puissante du monde, pour les recherches sur le cerveau, qui sera fonctionnelle en 2019. Le développement de nouveaux agents de contraste est nécessaire : le plus employé pour l’IRM, le gadolinium s’avère néphrotoxique et dangereux chez les sujets porteurs d’une néphropathie. En imagerie médicale les résultats sont maintenant tous numérisés et lus sur des écrans, permettant une reconstitution fine de l’anatomie, avec un grand nombre d’images parmi lesquelles le radiologue doit choisir celles utiles pour le diagnostic. Se développe une médecine de précision en radiologie avec des marqueurs moléculaires de plus en plus spécifiques, nécessitant d’accumuler des millions de données, ainsi que des logiciels puissants et coûteux pour leur traitement, mais ne remplaceront pas le médecin. A qui appartiennent toutes ces images ? au patient, au radiologue, au gestionnaire du logiciel de stockage ?

Séance dédiée :

« Imagerie moléculaire dans les maladies du système nerveux »

Organisateur : François CHOLLET

 

Introduction par François CHOLLET, Département de Neurologie, CHU de Toulouse ; membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.

L’utilisation de nouveaux biomarqueurs, moléculaires, spécifiques d’une structure précise, couplés à un isotope radioactif, constitue un progrès majeur pour les scintigraphies tomographiques à émission mono-photonique γ (TEMP) et celles à émission de positons β (TEP). Des biomarqueurs sont admis seulement pour la démence à corps de Lewy et pour la maladie d’Alzheimer. La TEP bénéficie de l’utilisation d’un marqueur performant au Fluor 18. Des marqueurs de la phase préclinique de neuropathies ont été identifiés, mais ne sont pas disponibles alors qu’ils sont très demandés. François Chollet présente brièvement les trois intervenants de la séance.

 

Communications

L’imagerie moléculaire en médecine nucléaire, du biomarqueur au théranostique par Éric GUEDJ (Service Central de Biophysique et Médecine Nucléaire. CERIMED, CNRS, INT, Institut de Neurosciences de la Timone, Marseille)

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Résumé :

Éric Guedj présente un état des lieux de l’imagerie utilisant des marqueurs moléculaires : moyen diagnostique avec une radioactivité quantifiée permettant une détection extrêmement fine. Pour la TEMP les traceurs anciens, Technétium99m, Iode123, Thallium201, avec une ½ vie longue 6 à 72 heures et pour la TEP des marqueurs plus récents, comme le glucose marqué au fluor-18 (FDG) pour l’encéphale et le 18F-Choline pour la prostate, à ½ vie courte 110 min. Ces techniques d’imagerie, souvent couplées à l’IRM, permettent de voir l’évolution des lésions : dans la maladie d’Alzheimer des anomalies ont pu être détectées 15 ans avant les premiers symptômes. Dans l’épilepsie on détecte beaucoup plus finement des foyers d’hypométabolisme ayant échappé aux techniques classiques. En oncologie, des biomarqueurs sont prédictifs d’une évolutivité, et pour les tumeurs neuroendocriniennes et le cancer de la prostate des essais de traitement par des biomarqueurs radioactifs sont prometteurs.

Ces nouvelles techniques sont à la fois très utiles au diagnostic, peuvent orienter le traitement et permettre de suivre son efficacité. Près de 1,5 millions d’examens TEMP et TEP sont réalisés chaque année en France, avec 160 examens TEMP pour 10.000 habitants, contre 60 pour la TEP. Mais la réalisation de ces examens par les nouveaux biomarqueurs est aujourd’hui rendue financièrement complexe par l’existence d’un forfait technique unique, commun pour tous les traceurs.

 

 

Imagerie métabolique et moléculaire : l’exemple des maladies neurodégénératives par Audrey GABELLE (Centre Mémoire de Ressources et de Recherche, Unité de Neurologie comportementale, Hôpital Gui de Chauliac, CHU de Montpellier. Université de Montpellier, i-site MUSE. Inserm U1061, Hôpital La Colombière, CHU de Montpellier)

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Résumé :

Depuis une quinzaine d’année, nous assistons à un changement conceptuel, presque culturel dans le domaine du diagnostic des maladies neurodégénératives (MND) et en particulier de la maladie d’Alzheimer (MA). Initialement, le diagnostic des MND était basé sur un diagnostic clinique d’élimination des autres troubles cognitifs ou moteurs ayant un traitement. Depuis l’avènement des biomarqueurs qui détectent les anomalies physiopathologiques de la maladie, le diagnostic est désormais clinico-biologique. La possibilité de mesurer ou de visualiser les lésions caractéristiques de ces MND a aussi permis de conceptualiser ces maladies comme un continuum physiopathologique, issu d’une progression lente et insidieuse des lésions qui, finissaient par induire des symptômes cliniques. Les marqueurs d’imagerie fonctionnelle pour les MND principalement étudiés en TEP sont le glucose pour le 18F-déoxyglucose (FDG) pour les troubles cognitifs (MA), et la dopamine 6-18F-fluoro-L-dopa (18F-L-DOPA) pour les troubles moteurs (maladie de Parkinson). La TEP-18F-FDG peut prédire la conversion entre les troubles neurocognitifs mineurs et le stade de démence MA. Les marqueurs d’imagerie moléculaire pour les MND sont illustrés par l’avènement des marqueurs de plaques amyloïdes, le 11C-PIB, puis les traceurs fluorés flutemetamol, florbetapir et florbetaben. Dans un second temps, les traceurs Tau ont été générés. La sensibilité et la spécificité de ces traceurs pour détecter les plaques amyloïdes sont au-delà de 85%. La charge Tau est bien corrélée au tableau neuropsychopathologique mais manque de spécificité et de nombreuses recherches sont encore à réaliser afin de mieux définir le rôle de la protéine Tau dans les MND. Une utilisation clinique appropriée de ces traceurs pourrait être utile lors d’une évaluation clinique, neuropsychologique réalisée par un praticien expérimenté chez un individu présentant des troubles cognitifs inexpliqués, progressifs, persistants.

En France, ni les TEP-amyloïdes ni les traceurs Tau ne sont pas disponibles pour une utilisation en pratique clinique. Une utilisation mesurée et encadrée de ces traceurs pourrait permettre une meilleure équité européenne d’accès au diagnostic performant pour les patients. En association avec l’expertise clinique, la complémentarité de ces outils doit rester une force pour le diagnostic, le pronostic et l’évaluation des stratégies innovantes en médecine personnalisée.

 

Imagerie moléculaire de demain : quels biomarqueurs et pour quelle maladie ? par Pierre PAYOUX (Toulouse NeuroImaging Center (ToNIC), Université de Toulouse, Inserm, UPS. Service de Médecine Nucléaire, CHU Toulouse-Purpan, place du Dr Baylac, Toulouse)

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Résumé :

Avec l’avènement des biomarqueurs, l’imagerie moléculaire prend désormais une place de premier plan dans la définition même des pathologies neurodégénératives. Ainsi, que ce soit dans la démence à corps de Lewy ou encore de la maladie d’Alzheimer, les examens de médecine nucléaire font partie intégrante des consensus diagnostiques. Les deux présentations précédentes (Pr E Guedj, Dr A Gabelle) ont clairement démontré tout l’intérêt de ces biomarqueurs pour la prise en charge des patients tant sur le plan du diagnostic que des suivis clinique et thérapeutique.

Pour la seule maladie d’Alzheimer, seules la TEP FDG et la scintigraphie γ TEMP à l’HMPAO (perfusion) et au Ioflupane (Transporteurs dopaminergiques) sont utilisés en routine clinique. Les traceurs des plaques amyloïdes, pourtant reconnus depuis plus de 10 ans, ne franchissent pas la barrière administrative de la commission de transparence et les résultats des études portant sur des traceurs innovants, tels que les traceurs Tau ou de la neuroinflammation, sont encore trop contradictoires pour faire l’objet d’une intégration à des démarches diagnostiques pertinentes. Cette relative inefficacité à amener rapidement des marqueurs pourtant pertinents dans le monde du soin courant doit nous conduire à harmoniser nos pratiques en recherche clinique et déjà quelques auteurs proposent d’utiliser des voies de développement inspirées de la recherche en oncologie. En discussion, Pierre Payoux conclut que ces biomarqueurs ont -1 une législation complexe : celle du médicament (ANSM) et celle des agents ionisants (Autorité de Sureté Nucléaire) -2 une validation parfois difficile : Comité de Protection des Personnes et rayonnements ionisants ; perspectives thérapeutiques parfois lointaines -3 une diffusion problématique : imagerie moléculaire versus des techniques non ionisantes ? ; rapport coût/bénéfice ? intérêt pour les industriels ?