Dans son introduction historique, le Pr Jean-Louis MICHAUX, membre associé étranger de l’Académie nationale de médecine, organisateur de cette séance, rappelle que cette maladie, décrite en 1889 par Otto Kahler, est une affection néoplasique des plasmocytes médullaires, caractérisée par la sécrétion clonale d’une immunoglobuline et responsable de lésions osseuses lytiques . Elle atteint les personnes d’un certain âge, représente 1% des tumeurs malignes et est la seconde hémopathie en fréquence après les lymphomes non-hodgkiniens. Il rapporte, comme introduction aux exposés des divers orateurs, l’histoire clinique d’une patiente chez qui une gammapathie monoclonale d’origine indéterminée, cliniquement asymptomatique, fut découverte à l’âge de 53 ans et évolua en myélome avec atteinte osseuse douze années plus tard. Un traitement, mené sur trois années, et comportant chimiothérapie, autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, interféron alpha, puis pamidronate, a permis d’obtenir une rémission complète qui se maintient depuis 22 ans…
Le Pr Frédéric LECOUVET de l’Université Catholique de Louvain, expose 30 ans de progrès en imagerie du myélome. Il montre combien le classique bilan radiographique squelettique (BRS) couvrant l’ensemble du squelette axial a désormais été complété par des techniques d’imagerie plus performantes. La tomodensitométrie (TDM) corps entier supplante le BRS pour la détection de l’atteinte osseuse sans toutefois vraiment permettre l’évaluation de la réponse thérapeutique. L’IRM de la moelle, explorant non seulement le squelette axial pelvi-rachidien mais le corps entier, est devenue une alternative de très grand intérêt car, outre son caractère non irradiant, sa sensibilité pour la détection de l’atteinte médullaire la met en capacité de diagnostiquer précocement le myélome, et d’en évaluer la réponse thérapeutique et le pronostic. L’IRM est désormais incorporée officiellement dans les systèmes de gradation de la maladie. Elle constitue, avec la tomographie par émission de positons (TEP-TDM) au 18 fluoro-désoxyglucose, l’imagerie actuelle de choix du myélome.
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Entretien avec le Pr Frédéric Lecouvet le mardi 22/05/2018 à l’ANM :
L’utilité clinique de la biologie du myélome, exposé préparé par le Pr Hervé AVET-LOISEAU du Laboratoire de génomique du myélome (CHU de Toulouse) est, en son absence, présentée par le Pr. Thierry Facon. Si une amélioration très significative de la survie globale des malades atteints de myélome a pu être obtenue grâce à de nouvelles stratégies thérapeutiques, il demeure des patients à haut risque qui ne bénéficient pas de ces approches. Il est donc essentiel de déterminer les facteurs de risque au premier rang desquels se situent les anomalies génétiques présentes dans les plasmocytes malins. Les caractéristiques génétiques de haut risque les plus importantes sont les délétions del(17p) et del(1p32), la translocationt(4 ;14) et les gains 1q. L’évaluation de ces marqueurs est obligatoire lors du diagnostic et au moins à la première rechute car ces malades ne répondent pas vraiment à l’association lénalidomide-dexaméthasone mais à la trithérapie associant aux deux médicaments précédents un inhibiteur de protéasome ou un anticorps monoclonal. Un ciblage des anomalies génétiques par des inhibiteurs thérapeutiques spécifiques serait un progrès supplémentaire. Cependant, le séquençage de plus de 1000 exomes a montré la très grande hétérogénéité du myélome et les mutations les plus fréquentes, qui impliquent les gènes KRAS et NRAS, ne bénéficient pas à ce jour de bons inhibiteurs spécifiques. Toutefois, deux cibles sont source d’espoirs thérapeutiques : la mutation V600E de BRAF (mais présente chez seulement 3% des patients) et surtout la translocation t(11 ;14), retrouvée chez 20% des patients, et pour laquelle une efficacité spécifique d’un inhibiteur de BCL-2, le venetoclax, a été récemment rapportée.
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Le Pr Thierry FACON, du Service d’hématologie du CHU de Lille, aborde la question de la guérison du myélome en tant qu’objectif envisageable à court terme. Il rappelle les deux grandes phases thérapeutiques. La première, remontant aux années 1960 et s’étendant jusqu’à la fin des années 1990, a connu le recours aux agents alkylants (cyclophosphamide, melphalan -surtout à fortes doses-), les glucorticoïdes, les anthracyclines, puis l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques issues initialement de la moelle osseuse puis du sang périphérique (ACSP). C’est à partir de la fin 1990, suite à la découverte inattendue de l’efficacité du thalidomide, qu’a débuté l’ère des « traitements innovants » en quatre grandes directions : i) les immunomodulateurs tels le lénalomide puis le pomalidomide, dérivés du thalidomide plus efficaces et mieux tolérés ; ii) les inhibiteurs du protéasome tels le bortezomib, le carfilzomib et l’ixazomib ; iii) les anticorps monoclonaux comme le daratumumab ciblant le CD38 ; iv) d’autres stratégies thérapeutiques ciblées. Parmi elles, le recours aux CAR T (chimeric antigen receptor T) notamment au CQAR T-BCMA dont les résultats préliminaires sont prometteurs, et l’utilisation d’un inhibiteur de la protéine anti-apoptotique BCL-2, le venetoclax. En termes de stratégie thérapeutique globale, l’âge de 70 ans constitue un seuil important. Avant cet âge, l’option de choix est le recours à un traitement intensif avec ACSP : l’ACSP est précédée d’un traitement d’induction combinant immunomodulateur, inhibiteur du protéasome, glucocorticoïde et bientôt anticorps anti-CD38, et est suivie d’un traitement de consolidation et d’entretien par les mêmes médicaments. Après 70 ans, la plupart des patients ne sont pas éligibles à ce traitement intensif avec ACSP et reçoivent les mêmes médicaments mais, plus séquencés que combinés et avec des posologies adaptées à l’âge et aux comorbidités. C’est d’une connaissance encore améliorée des mécanismes physiopathologiques du myélome que dépendra le chemin de la guérison. Il est raisonnable d’espérer que «nos étudiants verront guérir, au cours de leur vie de médecin, la majorité des malades du myélome…».
Entretien avec le Pr Thierry Facon le mardi 22/05/2018 à l’ANM :
En conclusion, M. Bernard DELCOUR, Vice-Président de l’Association Française des Malades du Myélome Multiple (AF3M) privilégie de parler de l’Association plutôt que de son vécu personnel de malade. M. Delcour souligne les trois grandes missions, résolument empreintes d’innovations, de l’AF3M qui regroupe environ 2000 patients : i) Apporter aide et soutien aux malades, les représenter et les informer. Deux actions sont particulièrement importantes : la tenue annuelle d’une Journée Nationale d’Information sur le Myélome et la création d’un MOOC (Massive Online Open Course), parcours pédagogique en ligne, gratuit, visant à offrir aux malades et à leurs proches une expérience éducative leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences et un sens de l’initiative pour améliorer leur qualité de vie et la prise en charge de leur maladie ; ii) Promouvoir les partenariats et être interlocuteur des autorités sanitaires ; iii) Soutenir et encourager la recherche. Le projet CancerAdom a pour objectif de contribuer à bâtir une prise en soins à domicile innovante. Le programme HéMaVie, en place à titre pilote dans cinq CHU, a pour buts d’accompagner le malade de manière personnalisée face au choc de l’annonce et de faire évoluer les pratiques médicales afin qu’elles prennent davantage en compte le parcours de vie au-delà du parcours de soins. M. Delcour conclut en trois points : i) Les progrès abordés lors de la présente séance à l’Académie nationale de médecine sont, pour les malades du myélome, très porteurs d’espoir ; ii) Encore faudrait-il que ces malades puissent accéder à ces innovations, notamment thérapeutiques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; iii) En dépit de l’allongement de l’espérance de vie, l’alternance de phases de rémissions et de rechutes, qui bouleversent le quotidien et angoissent pour l’avenir, interrogent les patients quant à la tendance médicale à considérer le myélome comme une maladie chronique.
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Entretien avec M. Bernard Delcour le mardi 22/05/2018 à l’ANM :