Publié le 20 juin 2023

Séance du mardi 20 juin 2023

Séance dédiée : « Le transport médical héliporté »

Organisation : Henri JULIEN, avec le concours du Comité scientifique HEMS de la FAM

Communications

Activité et organisation des interventions médicales héliportées en France par Charlotte CHOLLET (Hôpital Henri Mondor Créteil, SAMU 94)

L’utilisation des hélicoptères dans le cadre de l’Aide Médicale Urgente contribue au juste soin. Il se justifie pour toutes les situations nécessitant un SMUR et pour lesquelles le facteur temps a un véritable impact sur la prise en charge médicale et thérapeutique du patient. Il participe aussi à l’organisation territoriale des soins, en diminuant le temps d’accès au plateau technique hospitalier. Il existe deux types d’intervention pour lesquels l’hélicoptère sanitaire peut être mobilisé en urgence : « les interventions « primaires » correspondant à une prise en charge médicale directe d’un patient ne se trouvant pas admis dans un établissement de soins, et « les interventions secondaires » correspondant à des transports inter hospitaliers. C’est la notion d’urgence et de gravité qui différencie cette mission d’un simple transport sanitaire en ambulance entre deux établissements. Il y a deux types d’autorités compétentes en hélicoptères utilisés en France : « l’autorité hospitalière avec l’HéliSMUR » qui a exclusivement des missions sanitaires et « l’autorité d’État » qui couvre Sécurité Civile / Gendarmerie / Armée. La mission prioritaire des hélicoptères de la Sécurité Civile est le secours d’urgence et de sauvetage et celle des hélicoptères de la Gendarmerie, la sécurité intérieure.

Quelques chiffres : Une mission sanitaire est réalisée en hélicoptère toutes les 12 minutes sur le territoire national. En 2022, les hélicoptères de la sécurité civile ont réalisé 3680 missions primaires et 1707 secondaires (Source DGSCGC).  Cependant il existe encore à ce jour des obstacles à franchir pour améliorer la prise en charge du patient : la réglementation actuelle impacte le processus décisionnel (accessibilité aux hôpitaux), il est nécessaire de développer un système de transport sanitaire héliporté qui soit homogène sur le territoire, sachant que L’HéliSMUR est actuellement le seul outil, immédiatement utilisable pour pallier partiellement la pénurie de médecins. Une politique nationale rationnelle de son implantation, de son accueil par les CHU (impossible dans un tiers des CHU), de son usage plus indépendant vis-à-vis des conditions météorologiques est un enjeu majeur de santé publique.

Mise en condition du patient et surveillance lors du vol héliporté par Nicolas PESCHANSKI (Vice-président du Comité HEMS FAM, CHU de Rennes, SAMU 35) et Stéphane FOUCHER (Comité HEMS FAM, Hôpital St Jean Toulon, service Urgences)

Le secours médical héliporté ou encore service mobile d’urgence héliporté (SMUH), pour être parfaitement efficient et remplir un vaste éventail de missions plus ou moins complexes, doit s’inscrire dans un système sanitaire coordonné et soumis à des contraintes. Le transport d’un patient en hélicoptère nécessite une préparation minutieuse au sol afin d’anticiper au mieux tous les événements intercurrents qui pourraient survenir pendant le vol. Ainsi, il convient que l’ensemble de l’équipage technique et médical soit en mesure de prévoir l’imprévisible en fonction des contraintes physiologiques qui s’appliquent aux patients et des contraintes environnementales.

Pour la prise en charge médicale, le praticien doit intégrer que tous les mouvements d’entrée et de sortie de l’hélicoptère, sont des phases à risque pour le patient et pour les différentes fixations des matériels. Par ailleurs, comme pendant la phase de vol il est très difficile, voire impossible, de travailler ou de faire des gestes techniques complémentaires, l’équipe médicale devra stabiliser préalablement le patient et s’assurer que toutes les thérapeutiques à délivrer et tous les matériels nécessaires pourront être utilisés. Les patients à risque lors d’un héliportage sont particulièrement, les patients bariatriques, les enfants, les femmes enceintes, les polytraumatisés, les patients de réanimation, les patients COVID 19. L’anticipation des complications possibles doit rester la préoccupation permanente. Une règle essentielle, toute décision ou action en vol ne doit en aucun cas mettre en jeu la sécurité du vol. L’anticipation, l’organisation, les entraînements réguliers, en particulier pour les phases de treuillage, la maîtrise des contraintes liées au vol et la connaissance des complications médico-chirurgicales potentielles en fonction de la pathologie du patient sont fondamentales. En effet, aucune mission ne doit s’improviser et ces principes sont les clés de la réussite d’un transport d’un blessé ou d’un malade en hélicoptère.

Hélicoptères et missions médicales extrêmes : mer et montagne par Pascal ZELLNER (Président du comité scientifique HEMS FAM, CHM Chamonix. SAMU 73)

Dans cet exposé, l’auteur a insisté sur les spécificités du SMUH en zone maritime et en zone de montagne.

Quelques données épidémiologiques: pour l’aide médicale en mer, en 2018,  on notait 400 interventions SMUR avec 20% d’ évacuations médicalisées, 35% d’ évacuations non médicalisées,  45% de traitement à bord. Les missions en mer sont réalisées pour moitié par les SMUH maritimes, pour moitié par le service de santé des armées.  L’aide médicale en montagne bénéficie du travail et du rapport annuel du Système National d’Observation de la Sécurité en Montagne (SNOSM) qui recensait en 2022, 6034 interventions héliportées en France dont 4751 interventions pour une pathologie traumatique et 635 interventions pour une pathologie médicale.

Des médecins disponibles 24h/24 et 7/7 répondent aux demandes des capitaines des navires français où qu’ils soient dans le monde ou des navires étrangers s’ils naviguent dans les zones territoriales françaises. Il existe 6 types d’interventions depuis les soins à bord sans déroutement et suivi du patient par consultations itératives (MEDICO) jusqu’à la situation impliquant un nombre potentiellement élevé de victimes appelant la mise en œuvre du dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile). Pour l’aide médicale en montagne, le secours à personne s’organise au niveau départemental sur les bases du plan départemental de secours en montagne. Ces deux environnements où l’isolement, les conditions météorologiques, les conditions de pose, l’organisation de la cellule sanitaire posent les mêmes problématiques conduisent à une utilisation relativement similaire de l’hélicoptère. Cependant, à la différence d’une cellule prévue pour assurer des transferts hospitaliers ou même des interventions primaires sur « drop zone » sécurisée, celle d’un hélicoptère dédié au secours en mer ou en montagne doit avant tout permettre d’assurer la totalité des manœuvres techniques. Cette contrainte impose un agencement particulier du matériel médical, du matériel technique de secours. Le praticien qui souhaite se diriger vers ces exercices spécialisés devra en premier lieu avoir une formation initiale solide en médecine d’urgence avec une passion pour cet environnement, mais aussi une connaissance du risque. Ce risque devrait être reconnu sur le plan statutaire pour l’ensemble des praticiens qui consacrent une partie de leur temps médical à cette pratique.

Catastrophes, situations sanitaires exceptionnelles et hélicoptères par Catherine BERTRAND (Présidente de la Société Française de Médecine de Catastrophe, Hôpital Henri Mondor, Créteil. SAMU 94)

Le Professeur P. Huguenard du CHU de Créteil, est à l’origine de l’organisation de la médecine d’urgence en France, en créant les Services d’aide médicale urgente (SAMU). Il fut le premier en 1983 à promouvoir l’utilisation de l’hélicoptère dédié au transfert d’un patient, avec une équipe médicale formée. Cette date coïncide avec la création de la Société Française de Médecine de Catastrophe (SFMC). Depuis, l’hélicoptère est utilisé alors comme vecteur de sauvetage, de secours et de soins. C’est la régulation médicale du SAMU qui décide des indications de transport d’un patient par hélicoptère et assure le suivi des interventions. Le pilote décidant de la faisabilité aéronautique de la mission.

Pourquoi l’hélicoptère ? C’est un vecteur agile, permettant une adaptabilité organisationnelle, technique et humaine avec des rotations rapides entre le terrain et les sites hospitaliers. Cette agilité permet de gérer des situations de catastrophe dès la phase de reconnaissance jusqu’aux évacuations médicalisées des patients. La France a une flotte d’hélicoptères HéliSMUR et une flotte des services d’État, permettant de transporter un grand nombre de patients.

Un profil spécifique des médecins ? La médecine de catastrophe exige de développer des compétences spécifiques des médecins et de tous les personnels de santé tels que : la capacité de catégoriser, de trier des victimes en nombre, de connaître les traitements des pathologies particulières telles que les crush syndromes par ensevelissement et d’écrasement, qui mettent immédiatement en jeu le pronostic vital.

La spécificité de la France est d’avoir au quotidien sur le terrain, une collaboration interministérielle des intervenants, au sein d’une chaîne médicale de secours et de soins préhospitaliers. L’usage de l’hélicoptère fait partie intégrante de la planification des catastrophes.  Cependant, une des limites à l’emploi de l’hélicoptère vient de l’absence de dropping zone (DZ) dans beaucoup d’établissements hospitaliers ou l’impossibilité de poser certains hélicoptères lourds sur des DZ en terrasse.  L’intégration du nouveau vecteur que sont les drones apporte une agilité complémentaire pour les premières heures et les actions de reconnaissance.