Publié le 13 mars 2018

Conférence par Lionel ZINSOU

La conférence de Lionel ZINSOU (président du think tank Terra Nova et de la banque Southbridge), brillante, a porté sur l’évolution de la démographie, de l’économie et de la santé publique dans le continent africain. Il est très optimiste vu les transformations observées depuis 30 ans : la population est passée de 598 millions à 1,2 milliard et simultanément le taux de croissance économique atteint 5% par an depuis 20 ans. Les mortalités périnatale et infantile ont considérablement diminué, la ration alimentaire a augmenté, la durée de vie s’allonge, certaines maladies infectieuses sont mieux contrôlées. Cette démographie galopante (2,5 milliards pronostiqués en 2050) va-t-elle poser un problème ? Probablement pas : la fécondité baisse, surtout dans les villes et les zones côtières, moins dans les savanes et le sahel. Cette renaissance africaine, enthousiasmante, ne doit pas masquer que 40% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté et 30 à 40% d’entre eux sans accès aux soins de santé primaires. Plusieurs états consacrent une part beaucoup trop faible de leur budget à la santé, et ceux-là ont parfois subi des épidémies dramatiques. La solidarité (organismes internationaux, ONG, fondations) est importante dans l’aide à la correction de ces inégalités. Les innovations technologiques en médecine doivent prendre leur part dans ce développement : téléphones intelligents, télémédecine, échographes mobiles à bas prix couplés à un téléphone, révolution de la transmission de l’information. M Zinsou a accepté qu’une vidéo, ci- jointe, lui permette d’exprimer son message :

 

Information par Patrice QUENEAU

(membre de l’Académie de nationale de médecine et du Collège de l’Agence française de lutte contre le dopage) sur « Les activités du Collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en 2016 » (avec Jean-Pierre Goullé, Jean Costentin et Claude Matuchansky).

L’AFLD est, depuis la loi « Lamour » du 5 avril 2006, devenue autorité publique indépendante, une « Agence », comprenant une structure administrative et le Département des analyses, qui inclut le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD). Sous l’égide de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), l’AFLD définit les modalités de la politique antidopage et organise les contrôles par la réalisation de prélèvements humains (sang et/ou urine) et animaux qui sont ensuite analysés par le département des analyses de l’Agence. Elle établit chaque année la liste des substances et méthodes interdites. En 2017 dans les substances interdites en permanence (en et hors compétition), plusieurs agents ont été ajoutés dont un médicament le meldonium indiqué dans les suites d’infarctus du myocarde, détecté chez des athlètes russes. Le tramadol, parfois détecté chez des cyclistes, est sous surveillance. Sur un total de 13609 prélèvements pour l’année 2016, le nombre et le pourcentage de contrôles positifs (n=222 ; 2,1 %) sont supérieurs à ceux de 2015 (n=161 ; 1,7 %). Deux cent quatre-vingt-neuf substances ou méthodes interdites ont été détectées, en première position les anabolisants (39,3%). Les sports les plus contrôlés positifs par l’AFLD en 2016 sont l’athlétisme (20,3%), le cyclisme (12,7%), et le rugby (8,4%). Au total, nombreux sont les détracteurs de la lutte contre le dopage qui proposent de rendre le dopage licite en le plaçant sous contrôle médical. La conviction de l’AFLD est inverse. Les membres du Collège sont des militants de la lutte contre le dopage chez les amateurs comme chez les professionnels, afin de faire respecter la justice sportive et plus encore de prévenir les risques graves pour la santé des sportifs. Leur engagement dans la lutte contre le dopage provient de leur vive inquiétude de constater des comportements addictifs, dès les premières compétitions, et donc souvent dès l’adolescence ou le début de l’âge adulte (cannabis et tous autres produits dopants).

 

Trois communications de lauréats 2017 des prix

de l’Académie de nationale de médecine

choisies par le Professeur Jean-François ALLILAIRE, organisateur des jurys de ces prix, par Jean-Louis MAS, Alicia TORRIGLIA, et par François GERBE.

1. Communication par Jean-Louis MAS (neurologue à l’hôpital Sainte-Anne, Paris) sur « Foramen ovale perméable, anévrisme du septum inter-auriculaire et infarctus cérébral cryptogénique : étude CLOSE ».

Le foramen ovale, conduit situé dans la paroi entre les oreillettes, se ferme spontanément à la naissance dans la plupart des cas, mais il reste perméable chez 25% des personnes (FOP), permettant un shunt droit-gauche interauriculaire si la pression entre les oreillettes s’inverse. Ce vestige cardiaque de la circulation fœtale peut être associé à un anévrisme du septum inter-auriculaire (ASIA). Le lien entre la survenue d’un infarctus cérébral sans facteur de risque reconnu, dit cryptogénique, et un FOP est plus important chez des sujets de moins 60 ans, et encore plus fort s’il existe un ASIA associé, mais méritait d’être prouvé. L’étude CLOSE initiée par l’équipe de JL MAS a inclus des patients de 18 à 60 ans ayant présenté récemment un infarctus cérébral cryptogénique et présentant un FOP avec shunt droit-gauche important, associé ou non à un ASIA. Ils étaient randomisés en deux groupes, le premier bénéficiant d’une fermeture du FOP par voie endovasculaire suivi d’un traitement antiplaquettaire, le deuxième d’un traitement antiplaquettaire ou anticoagulant seul. Le critère principal de jugement était la récidive d’un infarctus cérébral (AVC) pendant un suivi moyen de 5,3 ans. Dans le groupe de 238 patients « fermeture du FOP » aucune récidive d’AVC n’a été observée, alors que dans le groupe de 235 patients « traitement médicamenteux seul » 14 récidives d’AVC sont survenues.  Cette différence très significative montre que la fermeture du FOP permet d’éviter 1 AVC à 5 ans pour 20 patients traités. Une complication de la fermeture du FOP a été observée : 11 cas de fibrillation atriale transitoire (4.6% versus 0,9% dans le groupe sans). Une comparaison de l’efficacité et de la tolérance d’un traitement antiplaquettaire versus anticoagulant a aussi été faite sans qu’une différence significative soit obtenue vu les effectifs inclus.

L’étude CLOSE a apporté des réponses aux questions sur le rôle causal, désormais démontré, du FOP et de l’ASIA et sur le bénéfice de la fermeture du FOP chez les patients de moins de 60 ans ayant un infarctus cérébral par ailleurs inexpliqué. La méta-analyse des 5 essais randomisés publiés montre que la fermeture du FOP réduit de 60% le risque de récidive d’infarctus cérébral comparativement au traitement anticoagulant et de 80% par rapport au traitement antiplaquettaire.

2. Communication par Alicia TORRIGLIA (directeur de recherches INSERM au centre des Cordeliers, Paris) sur « La toxicité rétinienne des diodes électroluminescentes (Light Emitting Diodes, plus connues par leur sigle LED) ».

Les sources lumineuses à LED remplacent progressivement les ampoules à incandescence et les tubes fluorescents, vu leur meilleur bilan énergétique. Les LED ont une forte luminance et un spectre d’émission décalé vers les faibles longueurs d’onde (400-500 nm, lumière bleue), exposant la rétine à des rayonnements dangereux. La phototoxicité rétinienne chez l’homme des faibles longueurs d’onde a bien montré qu’une exposition prolongée à la lumière du soleil pouvait être, entre autres, un facteur de risque pour les stades précoces de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’agence de sécurité sanitaire de l’environnement (ANSES) a produit en 2010 un rapport demandant des études supplémentaires sur la phototoxicité des LED. Alicia TORRIGLIA a identifié les mécanismes enzymatiques cellulaires originaux de la phototoxicité sur la rétine neurale et l’épithélium pigmentaire rétinien. Elle a mis au point un modèle de rat albinos pour l’étude de la rétine avec des colorations histologiques originales rendant compte des dégradations cellulaires chez les animaux exposés aux LED par rapport aux témoins exposés aux sources lumineuses anciennes. Au vu de l’ensemble de ces résultats, il apparaît que la lumière des LED, particulièrement celles émettant dans les plus courtes longueurs d’onde, conduit à la dégénérescence de la rétine neurale et de l’épithélium pigmentaire rétinien chez le rat contrairement à la lumière blanche. Le modèle rat albinos utilisé est particulièrement sensible à la lumière et ne prédit pas avec certitude ce qui se produira chez l’homme mais indique indéniablement que la « lumière bleue » des LED est phototoxique.

Entretien avec Mme Alicia Torriglia à l’ANM :

3. Communication par François GERBE (chercheur CNRS à l’Institut de Génomique Fonctionnelle, Université de Montpellier, avec Emmanuelle SIDOT) sur « Les cellules tuft intestinales : de la régulation de l’immunité de type-2 à la carcinogenèse ».

L’épithélium intestinal représente la plus grande surface de contact entre les organismes vivants et l’environnement extérieur. L’épithélium intestinal se distingue par une capacité d’auto-renouvellement permanent et rapide. A partir de cellules souches intestinales de nombreux types cellulaires se différencient avec des rôles spécifiques. Les cellules tuft représentent un lignage indépendant de l’épithélium intestinal. Ces cellules épithéliales atypiques se distinguent par un appareil de microvillosités apical surdéveloppé, caractéristique ultra structurale qui est à la base de leur dénomination de « tuft cells».  Par des techniques d’immunohistochimie, puis par signature moléculaire utilisant des anticorps dirigés contre des protéines spécifiques, leur migration dans les villosités a pu être suivie du fond des cryptes jusqu’au sommet. L’étape suivante a abouti à l’identification d’une fonction essentielle des cellules tuft dans la réponse immune de type-2 dans un modèle d’infection parasitaire à helminthe chez la souris. La production d’Il-25, Il-33, puis Il-13 qui stimule la prolifération des cellules tuft a abouti à l’expulsion rapide des vers. Le gène Pou2f3 est indispensable à la production de cellules tuft. Des souris déficientes pour ce gène, et donc sans aucune cellules tuft dans l’intestin, restent parasitées. Un autre gène Trpm5 est inducteur de cellules tuft et les souris déplétées ne développent pas d’immunité de type 2.

danisVers une implication des cellules tuft dans les cancers digestifs ? L’observation, émanant de différents groupes, de la présence massive de cellules apparentées aux cellules tuft exprimant la protéine Dclk1 au cours du processus de tumorigenèse de différents organes du tractus digestifs a orienté la recherche vers ce rôle. Il est cependant important de noter que les données de traçages cellulaires permettant de définir les cellules tuft présentes au sein des adénomes intestinaux comme cellules souches tumorales n’ont pas été reproduites par d’autres. Un des futurs défis à relever passera sans nul doute par la découverte de propriétés spécifiques des cellules tuft tumorales, permettant d’envisager, à moyen terme, de nouvelles pistes thérapeutiques innovantes.