Publié le 15 juin 2023

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

 

Séance du mardi 13 juin 2023

 Séance dédiée :

« Progrès et perspectives dans la prise en charge des cancers colorectaux »

Organisation : Georges MANTION

 

 

Facteurs histo-pronostiques et biomarqueurs pour une prise en charge personnalisée du cancer colorectal par Magali SVRCEK, Sorbonne Université, AP-HP, hôpital Saint-Antoine, service d’anatomie et cytologie pathologiques.

 

La prise en charge du cancer colorectal (CCR) repose largement sur la classification TNM. Mais afin d’améliorer sa précision d’un point de vue pronostique, il est essentiel d’identifier de nouveaux marqueurs histopronostiques qui permettent d’adapter au mieux le choix du type de traitement adjuvant et sa durée chez les malades atteints de CCR avec métastases ganglionnaires et plus particulièrement les dépôts tumoraux (ou « tumor deposits ») et le « tumor budding » (ou « bourgeonnement tumoral).

Dans le cancer colorectal métastatique (CCRm) la caractérisation moléculaire de la tumeur est également devenue un critère déterminant dans le choix de la stratégie thérapeutique. Parmi ces biomarqueurs, le phénotype MMR déficient/MicroSatellite Instable (dMMR/MSI) observé dans environ 4 à 5 % des CCRm, est apparu comme un biomarqueur prédictif majeur de l’efficacité des immunothérapies, en particulier des molécules anti-PD-1, qui sont devenues la norme européenne dans cette indication.

En conclusion, l’analyse histologique d’un CCR nécessite de définir un grand nombre de facteurs histopronostiques. À côté des techniques de référence que sont l’immunohistochimie et la biologie moléculaire, commencent à émerger d’autres techniques, telles que le Next Generation Sequencing (NGS), les algorithmes d’IA, ainsi que l’ADN tumoral circulant, qui nécessitent d’être comparées aux techniques de référence avant de pouvoir être utilisées en routine.

 

Le cancer colorectal à l’ère de la médecine de précision par Christophe BORG, INSERM UMR1098

Le cancer colorectal est le deuxième cancer le plus fréquent et un modèle où l’intégration d’une médecine ciblant les altérations moléculaires des cancers a permis en association avec la chimiothérapie et la chirurgie des progrès considérables. Les caractéristiques du cancer colorectal peuvent être influencées par le site anatomique. Ainsi, les cancers du côlon gauche se développent en utilisant les facteurs de croissance comme le TGFα, l’epireguline ou l’amphireguline. Les anticorps ciblant spécifiquement cette voie de signalisation (cetuximab, panitumumab) sont efficaces lorsque les adénocarcinomes se développent à partir du côlon gauche, mais inefficaces lorsqu’ils surviennent au niveau du côlon droit.

Il existe plusieurs modalités de transformation des cancers colorectaux, caractérisées par des altérations géniques sources de néo-antigènes. L’immunothérapie est aujourd’hui la première option thérapeutique chez ces patients. Ainsi, 10% des cancers colorectaux sont associés à la mutation activatrice du gène BRAF qui confère un pronostic défavorable. Des inhibiteurs spécifiques sont actuellement utilisés pour le traitement de cette entité et permettent d’obtenir de meilleurs résultats que la chimiothérapie. L’immunothérapie est aujourd’hui le traitement de première intention de ces cancers avec instabilité génique générant des MMR (mismatch repair) métastatiques.

Par ailleurs, les anticorps bloquant les récepteurs aux facteurs de croissance épithéliaux (EGFR) contribuent au traitement de 40% des patients. Le blocage de cette voie de signalisation en utilisant des anticorps monoclonaux s’est avéré efficace en situation métastatique en améliorant l’efficacité de la chimiothérapie. Mais les cancers du côlon portant des mutations des gènes RAS ne sont pas sensibles aux anti-EGFR et produisent des protéines capables d’activer le cycle cellulaire indépendamment de la présence de EGFR et de ses ligands. Le pronostic de ces cancers est aggravé comparativement aux cancers du côlon gauche ne portant pas de mutations RAS. Des médicaments sont en cours de développement pour neutraliser les protéines RAS activées.

Finalement, la fusion du gène NTRK est une autre altération génique observée dans certains cancers colorectaux avec l’activation de la kinase TRK (neurotrophic tyrosine receptor kinase). Plusieurs inhibiteurs spécifiques des protéines NTRK variantes sont disponibles, mais actuellement non remboursés en France.

En conclusion, la prescription d’une immunothérapie adaptée dès le début de la prise en charge des cancers colorectaux, même métastatiques, revêt un enjeu majeur avec des réponses thérapeutiques dans plus de 60% des cas.

 

Impact du microbiote intestinal dans les cancers colorectaux par Marine FIDELLE, Jianzhou CHEN, Maria Paula ROBERTI, Guido KROEMER, Laurence ZITVOGEL (Institut Gustave Roussy, Villejuif.)

Le microbiote intestinal (MI) joue un rôle important en immuno-oncologie, non seulement comme biomarqueur de résistance à l’immunothérapie, mais aussi comme acteur préventif ou curatif du cancer colorectal (CCR). De nombreuses études basées sur la métagénomique des selles démontrent les déviations taxonomiques de la flore évoluant de la polypose au stade de la carcinogenèse. Malgré les études épidémiologiques montrant l’association entre les biofilms épithéliaux et la présence d’un CCR, la causalité entre la présence de certains pathobiontes exprimant des génotoxines ou des toxines métaboliques et les dommages à l’ADN de l’épithélium intestinal n’a pas encore été établie, alors qu’il est évident que ces pathobiontes participent à l’instabilité génétique et à l’échappement au système immunitaire en accélérant la carcinogenèse.

À l’inverse, certaines bactéries sont immunogènes et activent les lymphocytes T folliculaires et les cellules B qui s’opposent au blocage des points de contrôle du système immunitaire comme aux anticorps anti-PD-1/PD-L1.

Malgré des progrès considérables dans la prise en charge du CCR basés sur la génétique, la transcriptomique et l’immunoscore, peu de patients bénéficient de schémas thérapeutiques ciblés sur le microbiote, tels que l’administration de bactéries immunogènes ou de phages anti-pathobiontes.