Publié le 21 mai 2019

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Mardi 21 mai matin

Transmission « live » d’une intervention robotique à partir de Hong Kong avec le Pr C.N. TANG

Présentation de l’Université virtuelle de chirurgie mini-invasive : WebSurg

Apprentissage de la chirurgie robotique

Mardi 21 mai après-midi

La santé est-elle un bien public universel  ? Ce que la France peut amener par P. Douste-Blazy, Ancien Ministre, Président de UNITAID, Secrétaire Général Adjoint de l’ONU.

Les inégalités sanitaires et sociales menacent la paix : 26 personnes dans le monde possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité, 93 % des malades sont dans les pays à faibles revenus et consomment moins de 10 % des dépenses de santé, 90 % des nouveau-nés pesant moins de 2,5 kg habitent dans les pays à faibles revenus.

Quelles sont les causes ?

– les règles internationales qui régissent la propriété intellectuelle sont identiques à toutes les activités humaines et régies par l’Organisation Mondiale du Commerce; il n’existe pas de règles propres au domaine de la santé : les médicaments sont au nord et les malades sont au sud.
– il n’existe pas de gouvernance mondiale de la santé; dans les 40 dernières années, s’est mise en place une mondialisation de l’économie et de la communication, pas de la solidarité.

– il n’y a pas protection sociale obligatoire : 90 % des africains n’ont pas de système de sécurité sociale.

Quelles actions devraient être menées ?

– renforcer le système de santé en renforçant les soins de santé primaires : personnels de santé, maternités, vaccinations

– mettre en place une couverture sanitaire universelle : 70 % de la population mondiale n’est pas couverte par un système de protection sociale

– cibler les populations les plus vulnérables

– ancrer la santé publique au cœur des politiques de santé

– permettre l’accès aux médicaments essentiels et exclure les médicaments des accords de commerce, s’entendre sur un traité international relatif à la recherche et au développement dans le domaine de la santé en excluant les règles des propriétés intellectuelles des accords commerciaux
– créer une task-force en faveur de la santé des migrants et des réfugiés

– réduire les violences faites aux femmes

Quelles sources de financement sont possibles ?

– les budgets nationaux consacrés aux ministères de la santé; insuffisants, ils devraient être de 15 %

– les aides internationales : FMI, banque mondiale, fiscalité internationale (impôt mondial)

– la gratuité de la santé dans les pays les plus pauvres en distinguant les pays à faibles et à moyens revenus

– une aide publique internationale réorientée : elle a profité essentiellement au pays à moyens revenus au détriment des pays à faibles revenus; cet effet ciseau se traduit par une augmentation des besoins et une diminution des aides; les objectifs vers lesquels il faudrait tendre sont une augmentation de l’aide publique à 0,7 % du PIB, des pressions sur les pays devenus émergents (Chine, Brésil), la création de financements innovants (micro taxes mondiales, loteries) et la création d’une communauté de brevets de médicaments (sida, paludisme, tuberculose).

La création d’une solidarité citoyenne mondiale est en cours d’élaboration.

 

Intelligence artificielle et santé : le pire ou le meilleur des mondes ? par B. Gallix, Professeur de Médecine, Strasbourg.

Le premier réseau de neurones artificiels est déjà ancien, créé en 1957 par Franck Rosenblatt. Depuis 60 ans, les progrès de l’intelligence artificielle ont été considérables, le « deep-learning » apparaissant comme l’ensemble le plus récent et le plus avancé des apprentissages techniques.
Trois limites apparaissent cependant : son explicabilité car il est difficile pour un humain de comprendre ses analyses et ses conclusions; un volume de données nécessaires énorme, les données sur la santé étant en outre complexes et peu précises; sa transférabilité, les données testées doivent avoir la même distribution que les données avec lesquelles le système a été entériné.
Il peut être tentant de penser que les patients seraient mieux soignés par une machine qui ne se fatigue pas, dépourvue de toute émotion, dont la décision est plus rapide et qui apprend plus facilement, mais le jugement humain est une composante fondamentale de l’activité du médecin.
Plusieurs questions éthiques sont posées : comment réagir devant un risque imprévu ? Quels doivent être les seuils de sécurité ? Qui déterminera la balance bénéfice-risque ?

De toute évidence, la relation médecin-patient va évoluer avec le développement de l’intelligence artificielle, le médecin se comportera différemment pour apprendre à interagir avec des patients experts, mais l’intelligence artificielle ne peut se concevoir qu’en appui du clinicien, elle ne le remplacera pas avant longtemps. De nombreux biais, inégalités et injustices devront être résolus; la médecine de précision sera biaisée car les bases de données sont constituées à partir des données de personne d’origine européenne, inadaptées aux patients d’origines différentes.

L’intelligence artificielle répond au cycle du « hype » enchaînant plusieurs phases successives : le lancement technologique, l’atteinte exagérée d’un pic des attentes, une désillusion, le développement d’une deuxième génération, un plateau de productivité.

Le transfert de technologies en santé : un potentiel inexploité par J. Lewiner, Physicien et inventeur, Directeur Scientifique Honoraire de l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles, Paris (ESPCI Paris Tech).

Rattraper notre grand retard dans le transfert vers le monde économique et notamment dans la création de start-ups est un impératif. L’innovation est indispensable : l’innovation incrémentale améliore un produit existant, l’innovation de rupture révolutionne un secteur et est permise par la recherche. La médecine était un art d’observation et d’accumulation des connaissances, la chimie s’est également construite sur ce modèle. Depuis quarante ans, l’apparition de nouvelles techniques ont fait passer la médecine de l’observation à l’expérimentation. Pourquoi si peu de retombées économiques de la recherche scientifique et médicale ? Être disruptif dans un système le perturbe, il réagit en se défendant expliquant que les retombées de nos découvertes sont exploitées ailleurs : ceci rend nécessaire un changement de paradigme; le seul objectif en France est de prendre des brevets mais les royalties qu’ils procurent ne sont rien à côté des revenus des entreprises qui les exploitent. Créer des start-ups issues des établissements, bénéficiant des savoirs existant et levant des fonds en quantité est indispensable. Chercher une solution rapide sans chercher à construire le futur serait une erreur. Les objectifs doivent être de donner le temps nécessaire aux start-ups de se construire et de se développer, d’encourager les initiatives créatrices de richesses économiques à partir des découvertes scientifiques.

Génétique et société : la médecine génomique personnalisée. Comment s’organise le partage du progrès ? par A. Munnich, Fondateur et Directeur du département de génétique médicale de l’hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, Président de la fondation Imagine.

À côté de leur mission de valorisation, les instituts hospitalo-universitaires ont une mission sociétale visant au partage du progrès et à sa dissémination. Prenant l’exemple des tests génétiques, A. Munnich souligne qu’ils associent le meilleur : les avancées scientifiques et le pire : une arme de destruction massive. Les avancées de la médecine génomique de précision sont en effet indiscutables : diagnostic d’une maladie déclarée, prédiction de la survenue d’une maladie chez un patient à risque, prévention des cancers familiaux. En revanche, leurs dangers sont réels en raison de l’existence d’innombrables variants de l’ADN de significations inconnues, de fraudes aux médicaments génériques (750 000 morts par an), incitant à ne jamais oublier que ce qui est techniquement possible n’est pas nécessairement économiquement ou éthiquement souhaitable.

Les lois bioéthiques régulent l’usage des tests génétiques en France et les bonnes pratiques sont édictées par les agences de régulation; les tests génétiques ne sont pas seulement affaire d’ordinateur mais de dialogue humain, d’humanité, d’explications et de soutien par des professionnels.

Leurs indications actuellement autorisées sont :

– les cancers familiaux, les maladies cardio-vasculaires, les maladies débutant dans l’enfance dans une démarche diagnostique

– le diagnostic prénatal et préimplantatoire

– les tests présymptomatiques proposés à des individus asymptomatiques à risque de développer une maladie à début tardif au vu de leurs antécédents familiaux : cette dernière indication est discutable en l’absence de mesure préventive ou curative; « qu’il est terrible de savoir quand le savoir ne sert de rien à celui qui le possède », pensait Sophocle

– les tests prédictifs en oncologie proposés aux apparentés d’un sujet présentant une forme héréditaire de cancer en sachant l’expression variable possible de la maladie.

Les principales innovations sont :

– le diagnostic prénatal non invasif étudiant l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel par simple prise de sang; par sa simplicité, ce test comporte une sérieuse menace de dérive sociétale (choix du sexe par exemple)

– le dépistage des porteurs sains de maladie chez les deux conjoints pour identifier les couples à risque, évitant de donner naissance à un enfant présentant une affection dont les parents ne se savaient pas porteurs sains; cependant, existe un risque de stigmatisation des populations à risque (Tays-Sachs, thalassémie, drépanocytose); ce risque explique la réticence des agences et des politiques alors que l’opinion est massivement favorable.

Les principales menaces sociétales sont :

– une hécatombe d’interruptions médicales de grossesse au bénéfice du doute sur la base de variants génétiques de signification inconnue,

– le développement d’une médecine prédictive survendue ; la valeur prédictive positive d’un variant est faible, pertinente en population mais non individuellement et il n’existe aujourd’hui aucun test prédictif solide

– l’exome clinique en raison d’une forte pression en faveur du séquençage global soulignant la nécessité de protéger de cette menace au risque majeur de conclusions inappropriées ou de découvertes fortuites non souhaitées,

– le développement de « fake-news » par des imposteurs et des plumes manipulant l’opinion et jouissant aujourd’hui d’une totale impunité,

– le flirt entre génomique et eugénisme, la génomique étant utilisée pour booster un néo-eugénisme scientifique au risque de hiérarchiser les humains, de servir des causes identitaires.

Nul ne peut ignorer le risque de la génomique personnalisée, la science est bonne et mauvaise à la fois, tout dépendra de l’usage que nous en ferons.