Communication scientifique
Séance du 18 mai 2010

Sclérose en plaques : avancées thérapeutiques

MOTS-CLÉS : anticorps monoclonal. immunosuppresseurs.. inflammation
Multiple sclerosis : emerging treatments
KEY-WORDS : inflammation. monoclonal antibodies.

Catherine Lubetzki *

Résumé

La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire du système nerveux central, dont les lésions associent démyélinisation et atteinte axonale. Elle représente la première cause de handicap non traumatique du jeune adulte. Les traitements actuels sont les immunomodulateurs (interférons β , acetate de glatiramer), les immunosuppresseurs (mitoxantrone) et le natalizumab, anticorps monoclonal qui bloque la transmigration dans le système nerveux central des lymphocytes activés. De nombreuses molécules sont actuellement évaluées dans les formes rémittentes, avec des résultats encourageants. Cette efficacité est à mettre en balance avec la toxicité potentielle, notamment infectieuse. En revanche, aucun traitement n’a encore démontré d’efficacité sur la phase progressive de la maladie, dominée par une atteinte axonale en partie indépendante de l’inflammation.

Summary

Multiple sclerosis is an inflammatory disease of the central nervous system associated with demyelination and axonal damage. It is the leading cause of acquired non traumatic disability in young adults. Current treatments include immunomodulators (interferon β glatiramer acetate), immunosuppressants (mitoxantrone) and natalizumab, a monoclonal antibody that prevents activated lymphocyte transmigration in the central nervous system. Many candidate drugs are being evaluated in relapsing-remitting forms. Their efficacy is encouraging but is offset by toxicity, including severe infections. None of these new treatments has proven effective in the progressive phase of the disease, in which axonal damage is prominent and partly independent of the inflammatory component.

INTRODUCTION

Maladie inflammatoire, démyélinisante et neuro-dégénérative du système nerveux central, la sclérose en plaques (SEP) touche environ 80 000 patients en France, représentant la première cause de handicap acquis non traumatique de l’adulte jeune. Sa physiopathologie est encore incomplètement connue mais comporte plusieurs étapes : l’activation en périphérie des lymphocytes, leur entrée dans le système nerveux central à travers la barrière hémato-encéphalique, la prolifération lymphocytaire dans le système nerveux, avec sécrétion d’anticorps et de cytokines, la destruction de la gaine de myéline et l’atteinte axonale. Cette schématisation est certainement trop simpliste mais elle est utile pour identifier les cibles thérapeutiques potentielles.

La mise en évidence, à partir du milieu des années 90, de l’efficacité de traitements immuno-modulateurs (interférons β, puis acétate de glatiramer) a représenté une première étape décisive dans la prise en charge de la maladie. L’efficacité de ces immuno-modulateurs est partielle, limitée aux formes rémittentes de la maladie (c’est-à-dire les formes évoluant par poussées) avec une réduction de la fréquence annualisée des poussées d’environ 30 %. Parallèlement, dans certaines formes de SEP très inflammatoires, dites agressives, un immuno-suppresseur, la mitoxantrone, a montré une efficacité, avec une utilisation qui reste limitée en raison d’une toxicité cardiaque et hématologique.

Cette première période thérapeutique a permis d’établir que la modulation ou la réduction de la composante inflammatoire modifiait l’évolution de la maladie, mais n’avait pas d’efficacité sur la pente progressive de la maladie. Des études de combinaisons thérapeutiques sont en cours, pour le moment sans résultat probant, mais avec la réserve que ces études sont dans l’ensemble réalisées sur de trop petites populations de patients.

Plus récemment sont apparues de nouvelles molécules thérapeutiques: certaines, comme l’anticorps monoclonal natalizumab, sont actuellement disponibles, d’autres sont en cours d’étude, avec des résultats préliminaires encourageants.

Nous aborderons dans un premier temps les anticorps monoclonaux, puis les immuno-suppresseurs « de nouvelle génération ».

Les anticorps monoclonaux

Le natalizumab

Le natalizumab (Tysabri®) est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’intégrine alpha4. Il agit en inhibant le passage des cellules immunocompétentes à travers la barrière hémato-encéphalique. En effet, l’intégrine alpha4β1, exprimée à la surface des lymphocytes activés et des monocytes est un ligand des molécules d’adhésion VCAM (vascular cell adhesion molecule) exprimées sur l’endothélium vasculaire. Par blocage de l’interaction intégrine alpha4β1/VCAM, le natalizumab inhibe la fixation des lymphocytes activés sur l’endothélium, empêchant ainsi leur passage à travers la barrière hémato-encéphalique et donc leur entrée dans le système nerveux central. Fin 2005, les résultats des études de phase III ont montré que l’administration intraveineuse de natalizumab, à raison d’une perfusion mensuelle, diminue la fréquence annualisée des poussées de 68 % et réduit le nombre de nouvelles lésions actives à l’IRM d’environ 80 %, par rapport au placebo [1]. Outre cet effet sur la composante « poussées » de la maladie, dont l’amplitude est nettement supérieure à celle obtenue avec l’interféron β¯ et l’acétate de glatiramer, ces études ont également objectivé une diminution d’environ 40 % du risque d’aggravation du handicap neurologique. Cette bonne efficacité est malheureusement nuancée par une réserve liée au risque d’effets secondaires graves. En effet, des cas de leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP) ont été rapportés, chez des patients sous natalizumab et ce, dès l’essai thérapeutique de phase III. Il est vraisemblable que cette pathologie cérébrale très sévère, liée à l’infection des oligodendrocytes par le virus JC, est secondaire à l’immuno-suppression induite par le natalizumab au sein du système nerveux central [2]. Ce risque a justifié une limitation de l’indication du produit, qui n’est proposé qu’à des patients présentant une SEP rémittente particulièrement active ou en échec des traitements immunomodulateurs. Depuis la mise sur le marché, une trentaine de nouveaux cas de LEMP, dont plusieurs cas fatals, a été rapportée. Ce risque semble augmenter avec la durée d’exposition au produit. Selon une communication au congrès mondial de neurologie en octobre 2009, l’incidence globale en post-marketing est estimée à 0,38 cas/1 000, quelle que soit la durée du traitement. Pour les patients ayant reçu plus de douze ou dix-huit perfusions, l’incidence est légèrement inférieure à 1 cas/1 000. Chez les patients ayant reçu plus de trente perfusions, l’incidence est de 1,44 cas/1 000. Même si ce chiffre reste faible, l’augmentation récente des cas incidents (ce qui correspond à l’augmentation du nombre des patients traités pendant plus de deux ans) a conduit récemment les autorités de santé (EMEA et FDA) à modifier les recommandations concernant le Tysabrir®, en soulignant l’augmentation du risque de complication opportuniste cérébrale après deux années de traitement, et la nécessité d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque….ce qui n’est pas si simple !

En outre, compliquant encore la décision, des observations (encore anecdotiques) récentes ont rapporté des cas de poussées très sévères après l’arrêt du natalizumab.

L’apparition du natalizumab a donc ouvert une nouvelle ère thérapeutique dans la SEP : des traitements plus actifs (même si il faut rester prudent sur l’efficacité à long terme, qui n’est pas encore démontrée), mais des risques plus élevés, et encore mal quantifiés.

D’autres anticorps monoclonaux sont en cours de développement

L’alemtuzumab (Mab-Campath) est un anticorps monoclonal humanisé antiCD52, induisant une déplétion très profonde et prolongée des lymphocytes T et B exprimant cet antigène. Les résultats d’un essai de phase II comparant l’alemtuzu- mab à l’interféron β chez les patients présentant une SEP rémittente sont très positifs, avec une réduction d’environ 70 % de la fréquence des poussées chez les patients sous alemtuzumab par rapport aux patients sous interféron β¯ [3]. Dans cette étude, des effets secondaires préoccupants (plusieurs purpuras thrombopéniques, dont un mortel, nombreux cas de dysthyroïdie) ont été rapportés. En outre, le risque infectieux potentiel lié à l’immunodéplétion prolongée est à prendre en compte.

Deux essais de phase III sont en cours, dans les formes rémittentes de SEP. La question du rapport bénéfice/risque de l’alemtuzumab, et de sa place dans la stratégie thérapeutique se posera donc, comme pour le natalizumab.

D’autres anticorps monoclonaux sont dans une phase plus précoce de développement.

Le daclizumab, anticorps monoclonal dirigé contre les récepteurs de l’IL2, a été évalué dans une étude de phase II avec des résultats qui paraissent intéressants dans les formes rémittentes de la maladie. Les anti-CD20, rituximab et ocrélizumab, qui induisent une déplétion lymphocytaire B sont aussi en cours d’évaluation. Là encore, le risque de complications, infectieuses notamment, pèsera dans l’évaluation de l’indication.

À côté des anticorps monoclonaux se développent de nouvelles thérapeutiques immunosuppressives

Parmi les essais en cours, nous ne rapporterons que les plus avancés, qui concernent le fingolimod et la cladribine Le fingolimod

Le fingolimod (FTY) appartient à la famille des modulateurs des récepteurs sphingosine 1- phosphate. Après administration par voie orale, FTY est phosphorylé par la sphingosine kinase. Il agit comme agoniste des quatre récepteurs S1P (S1P1, S1P3, S1P4, S1P5). Son effet pharmacodynamique est une immunodéplétion périphérique, liée à une inhibition de la sortie des lymphocytes des organes lymphoïdes, effet qui est médié par la modulation du récepteur S1P1 à la surface lymphocytaire.

Il pourrait également avoir une action centrale, par le biais des récepteurs S1P5 exprimés par les oligodendrocytes [4].

L’étude de phase III contre placébo, dont les résultats ont été communiqués récemment, a inclus 1 272 patients, atteints d’une forme rémittente de SEP, et répartis en trois bras (faible dose, forte dose, placébo). Elle a concerné des patients ayant fait une poussée au cours de l’année précédente (ou deux poussés au cours des deux années précédentes). Les résultats ont montré une réduction de 54 et 60 % de la fréquence annualisée des poussées dans les groupes forte et faible dose respectivement, par rapport au groupe placébo. Parallèlement, une réduction de 30 % du risque de progression du handicap était noté dans les deux groupes traités par rapport au groupe placébo. Ces résultats cliniques étaient associés à une efficacité sur les critères IRM.

 

Ces résultats, joints à une administration orale, sont prometteurs. La réserve est le risque d’effet secondaire, notamment infectieux, lié à la lymphopénie, ce qui pose la question du rapport bénéfice/risque. Dans ce cadre, deux décès sont survenus pendant l’étude de phase III, l’un lié à une varicelle disséminée, l’autre à une encéphalite herpétique. Le dossier est actuellement soumis aux autorités de santé.

La cladribine

La cladribine est un immunosuppresseur plus « classique », qui bloque la synthèse du DNA et entraîne un effet lymphotoxique. La cladribine est indiquée depuis 1980 dans les leucémies à tricholeucocytes. Au cours des dernières années, quelques études de petite taille ont suggéré une efficacité dans la SEP. Ce n’est que récemment qu’ont été connus les résultats de l’étude de phase III. Cette étude a inclus 1 326 patients, répartis en trois groupes (faible dose, forte dose et placébo). Les résultats ont montré une réduction de 55 et 58 % de la fréquence annualisée des poussées dans les groupes forte et faible dose respectivement, par rapport au groupe placébo. Ces résultats cliniques étaient associés à une efficacité sur les critères IRM.

Là encore, cette efficacité d’une molécule administrée par voie orale est intéressante, mais doit être mise en balance avec le risque d’effets secondaires liés à l’immunodéplétion prolongée.

Le dossier est actuellement soumis aux autorités de santé.

D’autres molécules sont en cours d’évaluation en phase 3 : acide fumarique, immunomodulateur qui agirait en bloquant la cascade des cytokines inflammatoires ; tériflunomide, immunosuppresseur qui inhibe la synthèse des pyrimidines ;

laquinimod, molécule immunmodulatrice ….

Le paysage thérapeutique de la SEP est donc en pleine évolution. Plusieurs points doivent être néanmoins soulignés :

— L’efficacité de ces nouveaux traitements s’accompagne d’un risque d’effets secondaires notamment infectieux qui doit faire poser au cas par cas la question du rapport bénéfice/risque, dans une maladie dont l’expression clinique est hétérogène, tant dans la sévérité que dans la modalité évolutive. Dans ce cadre, le développement de marqueurs pronostiques est un enjeu majeur.

— Ces molécules actives soulèvent la question éthique des études contre placébo. Si ces essais restent possibles dans les formes où n’existent pas de thérapeutiques efficaces (forme secondairement progressive ou forme progressive primaire), ils posent de vraies question éthiques dans les formes rémittentes de la maladie, pour lesquelles les études avec comparateur actif, ou les études d’addition (add-on) sont plus adaptées.

— Ces traitements n’ont pour le moment aucune efficacité démontrée dans les formes progressives de SEP (forme secondairement progressive ou forme progressive primaire).

 

Ces formes représentent un pourcentage important de patients : on estime en effet que 50 % des patients ayant débuté leur maladie sous forme rémittente sont entrés dans la phase progressive de la maladie après quinze ans d’évolution, et qu’environ 25 % des patients ont une forme d’emblée progressive de la maladie.

Cette phase de la maladie est sous tendue par la progression de l’atteinte axonale, qui est précoce dans l’évolution de la maladie. Le mécanisme de cette axonopathie est multifactoriel, associant une souffrance liée à la perte du support trophique pour les axones chroniquement démyélinisés, et une composante inflammatoire diffuse, à prédominance microgliale [5]. Une étude récente du rituximab dans ces formes progressives primaires s’est avérée négative. Une étude débute avec le fingolimod, avec une efficacité qui sera évaluée sur des critères cliniques (progression du handicap) et IRM (atrophie notamment).

La démonstration récente du rôle neuroprotecteur de la remyélinisation, par des travaux de neuropathologie et des études dans des modèles expérimentaux de démyélinisation/remyélinisation [6, 7], ouvre des perspectives de stratégies thérapeutiques visant à favoriser la réparation de la gaine de myéline, pour prévenir ou ralentir l’aggravation de l’atteinte axonale et donc du handicap. Ces stratégies ont pour objectif de promouvoir la remyélinisation endogène, ou de promouvoir une remyélinisation exogène par thérapie cellulaire [8, 9].

BIBLIOGRAPHIE [1] Polman CH., O’Connor P. et al. — A randomized, placebo-controlled Trial of Natalizumab for relapsing multiple sclerosis.

N. Engl. J. Med. , 2006, 354 , 899- 910.

[2] Yousry TA., Major EO. et al . — Evaluation for progressive multifocal leuko-encephalopathy in patients treated with natalizumab.

N Engl J Med, 2006, 355 , 924-33.

[3] Coles AJ, Compston DA et al. — Alemtuzumab vs. interferon beta-1a in early multiple sclerosis.

N. Engl. J. Med., 2008, 359 , 1786-801.

[4] Jaillard C, Harrison S, Stankoff B. et al. — Edg8/S1P5: an oligodendroglial receptor with dual function on process retraction and cell survival.

J. Neurosci ., 2005, 25 , 1459-69.

[5] Froscher JM., Bramow S., Dal-Bianco A. et al. — The relation between inflammation and neurodegeneration in multiple sclerosis brains.

Brain , 2009, 132 , 1175-89.

[6] Kornek B., Storch MK., Weissert R. et al . — Multiple sclerosis and chronic autoimmune encephalomyelitis: a comparative quantitative study of axonal injury in active, inactive, and remyelinated lesions. Am. J. Pathol ., 2000, 157 , 267-76.

[7] Irvine KA., Blakemore WF. — Remyelination protects axons from demyelination-associated axon degeneration.. Brain , 2008, 131 , 1464-77.

[8] Dubois-Dalcq M., Williams A., Stadelmann C. et al. — From fish to man: understanding endogenous remyelination in central nervous system demyelinating diseases (review).

Brain, 2008, 131 , 1686-700.

[9] Martino G., Franklin RJM., Baron-Van Evercooren et al . — Stem cell transplantation in multiple sclerosis : current status and future prospects.

Nature Review Neurology , 2010, sous presse.

 

DISCUSSION

M. Pierre RONDOT

Comment explique-t-on l’inacessibilité thérapeutique des formes progressives ?

Les formes progressives, qu’il s’agisse de formes secondairement progressives ou de formes progressives d’emblée, diffèrent des formes rémittentes par deux aspects : — la réaction inflammatoire, qui est diffuse (et non plus focale), et se caractérise par une forte composante microgliale (plus que lymphocytaire). Cette activité inflammatoire à bas bruit, souvent associée à une absence de perméabilité de la barrière hématoencéphalique, est peu accessible aux traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs disponibles ; — l’axonopathie, qui évolue pour son propre compte, de façon partiellement indépendante de l’inflammation, comme dans une pathologie neurodégénérative. Cette axonopathie est en grande partie la conséquence de la démyélinisation chronique.

M. Bernard LECHEVALLIER

Existe-t-il un traitement des leuco-encéphalites multifocales progressives ? Peut-on toujours parler de « dissociations myélino-axonales » dans la SEP ? Il y a deux ans un conférencier nous a présenté ici la SEP comme une maladie neuro-dégénérative. Pensezvous que l’atteinte de l’axone n’est que le résultat de l’atteinte myélinique ?

— Actuellement, aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité dans les leucoencéphalopathies multifocales progressives. En revanche, la réalisation d’échanges plasmatiques, qui permettent d’éliminer le natalizumab plasmatique, améliore le pronostic. La rapidité de cette prise en charge semble être un facteur pronostique majeur. — Le dogme de la dissociation myélino axonale a été remis en question par la mise en évidence, depuis le début des années 2000, d’une perte axonale qui est non seulement importante mais aussi précoce dans l’évolution de la maladie. En outre, cette atteinte axonale apparaît comme le facteur pronostique majeur de l’aggravation du handicap. — C’est une question qui reste (très) débattue. Il pourrait exister, aux nœuds de Ranvier (c’est-à-dire la portion de l’axone qui n’est pas recouverte d’une gaine de myéline), une toxicité axonale directe, liée aux cytokines, aux lymphocytes CD8, ou aux anticorps. Son importance reste à quantifier. La démyélinisation, quant à elle, joue probablement un rôle majeur dans la survenue d’une atteinte axonale indirecte, dont les mécanismes sont multiples :

perte d’un support trophique, redistribution des canaux sodiques le long de l’axone avec induction de flux sodiques intra axonaux délétères, dysfonction mitochondriale…

M. Bernard PESSAC

Y-a-t-il des preuves expérimentales de l’autoimmunité ? Y-a-t-il un (des) virus dont le rôle ait été démontré ? En génétique, le seul élément certain est l’expression d’un HLA (montré il y a trente ans) — La mise en évidence, au sein du système nerveux central des patients atteints de sclérose en plaques, d’une réponse lymphocytaire et humorale dirigée contre certains antigènes de la myéline ou de l’axone plaide pour l’hypothèse auto-immune. Il reste néanmoins possible que cette réaction inflammatoire soit en partie secondaire à une dégradation myélinique initiale, de mécanisme différent. — À l’heure actuelle, même si des données suggèrent l’intervention d’un virus (EBV, rétro virus endogène…) dans l’évolution de la maladie, il n’y a pas à ma connaissance d’arguments pour le rôle causal d’un virus. Néanmoins, c’est une possibilité qui reste ouverte dans la mesure où il existe des modèles expérimentaux viraux qui reproduisent certains aspects de la maladie. — En ce qui concerne le facteur génétique, il est vrai que les gènes de susceptibilité récemment identifiés (IL2-R et IL7-R) ont un « poids » faible et que le support de la susceptibilité génétique à la maladie reste encore largement à identifier.

M. Claude-Henri CHOUARD

Quelle est l’assise géographique des recherches thérapeutiques que vous nous rapportez aujourd’hui ?

Les essais thérapeutiques dans la sclérose en plaques, qui incluent le plus souvent plusieurs centaines de patients pour les phases II et près d’un millier de patients pour les phases III, sont tous des essais multicentriques, et dans leur très grande majorité ce sont des études internationales.

M. Jean Jacques HAUW

Qu’en est-il des possibilités de protection ou de facilitation de la régénération axonale, quel qu’en soit le mécanisme ?

À l’heure actuelle, aucune molécule (en dehors du riluzole, qui a un effet très modeste) n’a un effet neuro protecteur démontré. La remyélinisation en elle-même protège l’axone de la neuro dégénérescence. On peut donc penser que les stratégies qui favorisent la remyélinisation sont aussi des stratégies de neuro protection. En ce qui concerne les mécanismes qui pourraient favoriser la régénération axonale, ils sont multiples et ne sont pas spécifiques à la sclérose en plaques mais s’appliquent également à l’ensemble des pathologies neurodégénératives.

M. Charles-Joël MENKÈS

Dans la polyarthrite rhumatoïde, les biothérapies ont permis un véritable arrêt de la progression de la maladie lorsqu’elles ont été utilisées dans les formes du tout début. Qu’en est-il pour la SEP ?

Mais les neurologues suivent les rhumatologues ! Les études récentes convergent en effet en faveur de l’intérêt d’un traitement immunomodulateur précoce dans les formes rémittentes. Ce traitement précoce retarde la survenue de la poussée ultérieure, mais il reste encore à démontrer son efficacité à moyen terme sur la progression du handicap. Nos thérapeutiques ne sont pas encore aussi efficaces que les thérapeutiques de rhumatologie…

M. Jean-Yves LE GALL

Vous avez classé parmi les immuno-modulateurs, l’acide fumarique, intermédiaire du cycle tricarboxylique de Krebs, quel est son mécanisme d’action ?

L’acide fumarique est actuellement évalué dans le cadre d’une étude de phase III chez des patients présentant une forme rémittente de sclérose en plaques. Il s’agit d’un immunomodulateur, administré par voie orale, dont le mécanisme d’action est essentiellement lié à une inhibition de la cascade des cytokines pro inflammatoires.

 

<p>* Département de Neurologie, Inserm 975 UPMC, Hôpital de la Salpêtrière, 47 boulevard de l’Hôpital — 75651 Paris cedex 13, e-mail : catherine.lubetzki@psl.aphp.fr Tirés à part : Professeur Catherine Lubetzki Article reçu le 15 avril 2010, accepté le 17 mai 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, nos 4 et 5, 745-752, séance du 18 mai 2010