Communication scientifique
Session of 19 juin 2007

Scanner à rayons X et paléoanthropologie crânienne

MOTS-CLÉS : anatomie. anthropologie. crane. paleontologie. rayons x. tomodensitometrie. traitement image assiste ordinateur
Computed tomography and cranial paleoanthropology
KEY-WORDS : anatomy. anthropology. image processing, computer-assisted. paleontologiy. skull. tomography scanners, x-rays computed. x-rays

Emmanuel-Alain Cabanis, Jackie Badawi-Fayad, Marie-Thérèse Iba-Zizen *, Adrian Istoc *, Henry et Marie-Antoinette de Lumley **, Yves Coppens ***

Résumé

Depuis son invention (1972), le scanner à Rayons X fait évoluer l’exercice de la médecine, par sa sensibilité cinq-cents fois plus élevée que celle de la radiologie conventionnelle. Aujourd’hui, plus accessible car plus diffusé, il contribue mieux à la recherche en paléoanthropologie moderne, dans l’exploration des restes fossiles humains. Son premier apport est le caractère non destructif de la radiologie, exactement adapté à la fragilité des squelettes fossiles. Son deuxième apport est la numérisation qui offre les avantages de l’informatique : images traitables (logiciels à complexité croissante), stockables (fichiers de plus en plus volumineux) et transmissibles (technologies de l’information et de la communication, TIC). La volatilité (et le pillage) possible des fichiers, d’une part et, d’autre part, la rapidité technologique (obsolescence à trois ans) sont les aspects négatifs. L’expérience acquise depuis la fin des années 1970 et la soutenance d’une thèse récente conduisent les auteurs à présenter le bilan d’une démarche désormais intégrée dans la routine. Les avancées du scan RX en crâniologie paléontologique sont au nombre de cinq. — L’anatomie numérique, acquise en haute vitesse et résolution spatiale infra-millimétrique (balayage spiral et multidétecteurs), offre une conservation numérique immatérielle, convertible en modèle par stéréolithographie. — La biométrie numérique bi-(2D) et tri-(3D) conduit à l’élaboration de « normogrammes » dont l’exemple facial présenté est applicable en chirurgie maxillo-faciale. — La lecture numérique offre une connaissance approfondie du spécimen, de son état de conservation et/ou de restauration (sensibilité du scan RX). — Du « surréel » de l’image à la virtualité du numérique, une anatomie peut être inventée en console, soit avec utilité (accès de zones cachées sur la pièce), soit avec précaution car dangereux. — Le temps (4 D) offre le mouvement et la simulation endoscopique d’une « navigation » endo-cavitaire. L’iconographie jointe illustre le propos. Même si le futur technique est celui de l’informatique et des réseaux, le devoir est d’accueillir les fossiles au sein des installations d’imageries médicales modernes, comme sont dus le respect et l’affection envers nos ancêtres, ainsi mieux connus.

Summary

Since its invention in 1972, computed tomography (C.T.) has significantly evolved. With the advent of multi-slice detectors (500 times more sensitive than conventional radiography) and high-powered computer programs, medical applications have also improved. CT is now contributing to paleoanthropological research. Its non-destructive nature is the biggest advantage for studying fossil skulls. The second advantage is the possibility of image analysis, storage, and transmission. Potential disadvantages include the possible loss of files and the need to keep up with rapid technological advances. Our experience since the late 1970s, and a recent PhD thesis, led us to describe routine applications of this method. The main contributions of CT to cranial paleoanthropology are five-fold : — Numerical anatomy with rapid acquisition and high spatial resolution (helicoidal and multidetector CT) offering digital storage and stereolithography (3D printing). — Numerical biometry (2D and 3D) can be used to create ‘‘ normograms ’’ such as the 3D craniofacial reference model used in maxillofacial surgery. — Numerical analysis offers thorough characterization of the specimen and its state of conservation and/or restoration. — From ‘‘ surrealism ’’ to virtual imaging, anatomical structures can be reconstructed, providing access to hidden or dangerous zones. — The time dimension (4D imaging) confers movement and the possibility for endoscopic simulation and internal navigation (see Iconography). New technical developments will focus on data processing and networking. It remains our duty to deal respectfully with human fossils.

INTRODUCTION

L’observation des fossiles et, particulièrement, des crânes est la méthode privilégiée pour approcher les mécanismes de l’évolution qui conduit à l’homme moderne. Développant toujours ce concept, l’un de nous (Y.C.) [1, 2] organise, depuis sa Chaire au Collège de France, un séminaire « Préhistoire et nouvelles technologies ». Le titre résume l’objectif d’une convergence entre progrès technologiques et sciences paléontologiques. Ce travail en est issu [3], après le détour d’une thèse de sciences du Muséum National d’Histoire Naturelle [4].

Le scanner à Rayons X, « Computerized Tomography » ou « CT scanner » de son inventeur britannique G.N. Hounsfield (1972), a vite élargi son domaine d’applications au « contrôle non destructif », privilège des rayons X. D’où sa contribution précoce à la recherche scientifique en paléoanthropologie [5]. Trois faits résument l’avantage du scanner RX. — Sa sensibilité est multipliée par au moins 500, en référence aux films radio-photographiques d’autrefois, grâce aux détecteurs qui les remplacent. Leur technologie évolue vite. Le déplacement moderne du tube RX, rapide, permet un balayage « spiral » qui remplace le « monocoupe » du passé. — Les données numériques acquises sont soumises à des logiciels d’une puissance croissante (progrès informatique), en capacités de traitement, de stockage et de communication (fichiers ressources et bases de mémoire). — La modélisation par machines outils, à partir de ces données est facilement mise en œuvre (stéréolithographie).

Dès la fin des années 70, l’anatomie comparée de la tête par scanner RX, chez des mammifères [6-9] précède des travaux de paléoanthropologie crânienne [10-12]. Dès 1985, une revue traite des avantages du scanner RX de haute résolution, chez les hominidés fossiles [13]. Cette nouvelle résolution spatiale fait comparer les reconstructions 3D surfaciques avec la photographie des spécimens [12]. L’efficacité de ce mode de conservation numérique, virtuelle, est évidente. Dès 1896, l’exploration des momies égyptiennes emploie l’exploration radiologique (König, mars 1896, Frankfurt). Quatre-vingts ans plus tard, le premier scan RX de momie aurait été pratiqué à John Hopkins Hospital, Baltimore, USA. Cette efficacité (endoscopie non destructive des fragiles enveloppes et paléopathologie) développe la technique [14]. En 2005 et 2006, le scan RX de la momie de Toutankhamon est présenté avec le plus ancien papyrus connu (-4000 ans), détenu par l’Académie de médecine de New York [15, 16]. Une communication exhaustive sur le scan RX multibarrettes est présentée au RSNA (Chicago, novembre 2006) [17]. Rappelons la découverte austro-italienne de « l’Homme de glace » et son bilan immédiat en scanner RX [18]. Tous deux annoncent « l’autopsie virtuelle » que nous avons pratiquée de longue date et qui se développe, enfin [19]. Les années 2000 annoncent cette « anthropologie virtuelle » [20]. L’étude par scanner RX de plusieurs populations de crânes fossiles conduit l’auteur de la thèse citée [4], à élaborer les protocoles rigoureux d’une technologie moderne et d’avenir.

Trois parties divisent l’exposé. Rappels de datations, populations explorées et protocole d’acquisition par scanner RX (première partie), sont suivis par les résultats sectionnels, biométriques et stéréo-lithographiques. La troisième aborde les traitements d’images, leurs avantages (simulation, restauration) et leurs limites. Des instantanés d’animations (dissection et navigation) illustrent les propos.

POPULATIONS ET PROTOCOLES D’ACQUISITION EN SCANNER RX

Rappels d’évolution et de datations [1, 2]

La datation des fossiles, menée selon des techniques variées [1], se rapporte au « temps présent » (« BP » ou « before present » en anglais). Le signe « – » et le « million d’années » en « Ma » suffisent. Il y a 7 Ma, pré-humains, chimpanzés et gorilles, nés d’un ancêtre commun, coexistent déjà en Afrique, berceau de l’humanité, en crise géologique [2]. La convergence génétique atteint 99,9 %. L’adaptation environnementale donne naissance aux lignées pré-humaines et humaines (« East Side Story » [1, 2]). Toumaï (-7 Ma) et Orrorin (-6 Ma), découverts en 2001 et 2000 renforcent le scénario africain. Les formes pré-humaines d’ Australopithecus anamensis , d’ Australopithecus afarensis et d’ Australopithecus africanus peuplent l’Afrique de l’Est et du Sud, de -4 à -2,5 Ma, quand paraissent les premiers hommes, Homo habilis (-2,5 à -1,5 Ma) , homo heidelbergensis (-600.000 à -100.000), puis

Homo ergaster et Homo erectus (-1,5 Ma à -300.000 ans). Homo neandertalensis (de -100.000 à -30.000 ans) va coexister avec l’homme moderne,

Homo sapiens (-100.000 à aujourd’hui). Les fossiles qui jalonnent ce chemin sont annoncés par l’empreinte des pieds de la première bipédie, conservée dans les cendres volcaniques de Laetoli (Tanzanie) (-3,7 Ma). Parmi les fossiles, le crâne (« squelette de la tête à l’exception de la mandibule ») résiste plus mal aux pressions du sol environnant que d’autres os, longs, comme le fémur. Il est donc fréquemment cassé en multiples fragments. Une mandibule adjointe est rarissime, alors que, seule, elle résiste mieux souvent avec sa denture. Les dents, organes les plus denses du corps humain, sont les traces anciennes les plus fréquentes. Un crâne fossile qui parvient à nous est un trésor de l’humanité. Il est conservé comme tel (chambres fortes et coffres).

Séries et fossiles examinés (PL. 1, 2) .

La Série Y. Deloison, J.L. Heim et F. Langaney (1995), comprend hommes de Cro-Magnon , de la Ferrassie 1 et 2 , de La Chapelle aux Saints et de l’ Abri Pataud (Pl.

1) . La série F. Ramirez, A.M. Guihard-Costa, J. Robert-Lamblin, (2001-2004) concerne 50

Pan troglodytes. La Série M.A. et H. de Lumley, D. Lordkipanidze, J.L.

Voisin et F. Sémah, (2004-2005), réunit les fossiles de

Dmanissi (Géorgie ; -1,8 Ma) (Pl. 2) , de la Caune de l’Arago (-0,45 Ma), Sangiran (-1,6 à -1,2 Ma) et Modjokerto ,

Indonésie (-1,8 à -1,3 Ma). La série J. Badawi-Fayad (2003-2006) [4] groupe 6 Néandertaliens et 21 Homo sapiens. Les Néandertaliens sont représentés par les hommes de

La Ferrassie 1 (-50.000 ans, avec mandibule), de La Ferrassie 3 (-50.000 ans, occipital), de

La Quina H5 (avec mandibule), de Fontéchevade (-120.000 ans), de

La Chapelle aux Saints (-50.000 ans, avec mandibule), de Pech de l’Azé (entre -100.000 et -35.000 ans, avec mandibule), de

Malarnaud (mandibule, entre -80.000 et -50.000 ans ), de

Montmaurin (mandibule, -150.000 ans). A Homo sapiens appar-
a b

PLANCHE 1. Scanner à Rayons X, paléontologie humaine, archéologie et médecine légale c [12, 18] .

a) crâne fossile disposé sur la têtière du scanner à rayons x.

b) comparaison de la photographie de face de 4 crânes et de la reconstruction 3d surfacique de leurs scans rx respectifs, de face, puis de profil (fossile de la chapelle aux saints (homo neandertalensis), la ferrassie 1 (homo neandertalensis), cro-magnon 1 (homo sapiens), homme moderne) [12].

c) l’« homme de glace » [18] : face momifiée, scan rx en coupe axiale, reconstruction 3d surfacique du crâne.

tiennent les 21 crânes dits de l’Abri Pataud (-22.000 ans, avec mandibule), de

Cro-Magnon 1 (avec mandibule), de Cro-Magnon 2 (-30.000 ans), de Cro-Magnon 3 (-30.000 ans, avec mandibule), d’ Afalou 13 , 30 , 34 , 2 , 28 , 12 (d’âge compris entre -13.120 fi 370 ans et -11.450 fi 230 ans), de

Taforalt XIC1 , XIIC1 , XVC2 , XVC4 ,

XVC5 , XVIIC1 (entre -11.900 et -10.800 ans), de Téviec 8 , 9 et 16 (entre -6.740 et -5.680 ans), d’

Hoedic 9 (entre -7.165 et -5.080 ans).

Protocole « FOSJEB » d’acquisition par scanner RX [4, 21, 22] .

Le scanner RX est un LightSpeed 16 (General Electric HealthCare, Milwaukee,

Wisconsin, USA), à seize rangées de détecteurs, 625 µ de collimation du faisceau à 10 mm, à grande vitesse de balayage, haute résolution spatiale et coupes inframillimétriques. L’exploration est menée dans le plan coronal , crâne posé sur la têtière.

TABLEAU 1. — Comparaison de 4 séries de paramètres d’acquisitions, sur scanner à 16 rangées de détecteurs, collimation 10 mm, SFOV « small », DFOV « 23 cm » Paramètres

Série 1

Série 2

Série 3

Série 4

Coupe 1.25 mm 1.25 mm 1.25 mm 0.625 mm

Acquisition 0.562/1 0.562/1 0.562/1 16 im/r

Vitesse 5.62 mm/r 5.62 mm/r 5.62 mm/r 2 s.

Nb images 136 136 136 352

Tension 120 KV 120 KV 120 KV 120 KV

Intensité 160 mAs 250 mAs 300 mAs 100 mAs

Le choix des constantes est un travail préliminaire [4]. Les résultats des constantes de quatre types d’acquisition sont comparés par quatre lecteurs spécialistes (tableau 1).

Le score optimisé guide le protocole FOSJEB qui standardise les données. L’acquisition est hélicoïdale, à 120 KV et 300 mAs, avancée de la spire à 562 µ/1mm (pitch = 5,62), épaisseur de 0,625 mm et chevauchement de 0,4mm [21, 22]. L’irradiation délivrée, contrairement à l’activité clinique, n’est évidemment pas prise en compte.

Un premier traitement d’images, sur console, immédiat , intervient : reformations multiplanaires reconstruisant des coupes dans d’autres plans que celui acquis, coronal ici. Un second traitement, différé, suit (cf : infra).

DONNÉES NUMÉRIQUES DU SCANNER RX, ANATOMIE SECTIONNELLE, BIOMÉTRIE ET STÉRÉOLITHOGRAPHIE (PL. 1 À 3)

Anatomie sectionnelle numérique du scanner RX [22]

La succession des coupes dans les trois plans (frontal, sagittal et axial) est affichable simultanément. Cette dissection progressive offre la vue d’une anatomie cachée à l’observateur de surface. Cette anatomie peut découvrir une donnée nouvelle (cf crâne de La Chapelle aux Saints, v. infra). Chondro-crâne et orifices de la base, carrefour orbito-sphénoïdal, os temporal et mastoïde, viscéro-crâne et massif facial, exo- et endo-neurocrâne de la voûte, mandibule et denture sont détaillés avec une finesse et une certitude nouvelles, pour les paléontologues. Les sutures, p. ex., sont analysées en épaisseur (synostoses). Les contenus cavitaires sont analysés en densitométrie. Un trait de fracture est aisément distingué d’une brisure osseuse postmortem. Les pièces squelettiques manquantes sont bien délimitées.

a b c d e PLANCHE 2. — De la fouille archéologique au modèle stéréolithographique [23] a) H. de Lumley sur le site de fouilles de Dmanissi (Géorgie) [23].

b) Calvarium du crâne fossile de -1,8 Ma et son inventeur, David Lordkipanidze.

c) Fossile en place dans l’orifice du scanner RX, d) coupes millimétriques affichées dans les trois plans de l’espace.

e) Modèle stéréolithographique du calvarium fossile, établi sur les données numériques du Scanr RX.

La stéréolithographie, technique au service de la conservation, de la recherche et de la pédagogie [23] ( PL. 2 ) .

Réaliser la réplique d’objets fossiles, dont les crânes, est une activité qui naît avec la paléontologie humaine (fin du 19è s.) et qui utilise le plâtre, premier matériau. Les années 1960 voient l’irruption des moulages en résines expansives polymérisables.

Pourtant, l’obstacle reste celui des orifices crâniens qui ne peuvent pas être remplis sans interdire le démoulage. Toutefois, ces reproductions, bien qu’imparfaites, conservent les pièces et en multiplient les exemplaires. Elles contribuent à la diffusion de la recherche scientifique et de la pédagogie, l’objet initial restant au coffre.

L’un d’entre nous (HdL), à l’Institut de Paléontologie Humaine (IPH), initie le prototypage à partir des données numériques du scanner RX, avec le partenariat
efficace du CHU d’Amiens, de l’Ecole Centrale de Paris et de l’IPH, selon une technique appliquée au squelette crânio-facial depuis 1996 [23]. Le matériau est une résine, de texture proche de celle de l’os et de finition fidèle à l’original (reproduction des imperfections). Les collections duplicatées deviennent aisées.

La bibliographie biométrique débute avec Paul Broca [24-28] . Philippe Monod-Broca (1918-2005), son arrière petit-fils, dans l’ouvrage qu’il dédie à sa mémoire, retrace avec talent le parcours scientifique exceptionnel. Inventeur de la mesure du corps humain, imaginant les outils pour en mesurer les segments, autant que les statistiques adaptées aux chiffres accumulés, Broca jette les bases de la quantification anthropologique. Son école, fondée en 1860, marque un tournant des savoirs du XIXe siècle. Des indices aux quantifications directes de l’anatomie numérique du scanner RX et de l’I.R.M., le rapprochement s’impose vite [25, 26]. Il est intéressant de comparer le calcul automatique d’un volume endocrânien par scanner RX avec l’approche du « cubage de la capacité » du crâne (P. Broca).

Un normogramme dérivé et son application chirurgicale [4, 29] ( PL. 3 )

La résolution du scan RX [4] nous mène à observer certains points crâniens suturaires, non isolés auparavant, en scan RX conventionnel. Un normogramme devient possible. Il est construit par 33 points crânio-faciaux, relevés sur 136 crânes provenant des cinq continents (Europe, Afrique, Amérique, Asie et Océanie). Le coefficient de corrélation mesuré entre le scan RX et le repérage clinique tridimensionnel numérisé atteint une valeur (exceptionnelle) de R = 0.99 [4, 29]. Les numérisations crâniennes cliniques et scan RX sont analysées selon la méthode morphométrique dite de « Superposition Procrustes » (logiciels adaptés). Après normalisation, elle compare la forme indépendamment de la taille et offre un « modèle crâniofacial 3D », référence possible chez les hommes modernes. Une comparaison des extrêmes, chez 34 européens (en bleu) et 31 africains (en rouge), est rapportée [4, 29] (PL. 3) . Ce modèle ouvre des perspectives en analyse morphologique des dysmorphoses crânio-faciales, squelettiques et cliniques, in vivo . A lui seul, ce résultat du scanner RX (hélicoïdal et multibarrettes) initie une nouvelle analyse, tridimensionnelle, succédant à la céphalométrie classique de la simple et insuffisante téléradiographie de profil.

ANALYSE NUMÉRISÉE 3D ET RESTAURATIONS ( PL. 4, 5 ET 6 )

Logiciels de traitements d’images et analyse 3D.

Dans un deuxième temps, après l’acquisition, les mesures linéaires et d’indices, les mesures d’angles, de surfaces et de volumes, l’application de logiciels « Maximum Intensity Projection » (MIP), de dissections 3D, d’animations, de navigation virtuelle et d’éventuelle fusion scan-IRM sont menées sur station de travail « Advan-
a b c d e f PLANCHE 3. — Normogramme biométrique par scan RX et numérisateur spatial [4].

a à c) Dans le plan frontal, affichage de la variabilité des 33 points faciaux recueillis chez 136 sujets des 5 continents ; a) variabilité de chaque point, b) correspondance squelettique, c) variabilités extrêmes entre européens (bleu) et africains (rouge).

d à f) Dans le plan sagittal, correspondances de a à c.

tage Windows » (General Electric HealthCare, Milwaukee, Wisconsin, USA), Photographies d’écran et gravages de CD rejoignent la routine. La transmission des données pour modélisation suit ce mode.

Le rendu volumique et MIP renseignent sur l’homogénéité densitométrique du crâne (éventuels remplissages, restaurations antérieures de qualités variables et plus ou moins visibles à l’œil) et de son contenu. « L’épreuve de vérité » des RX, grâce à l’atténuation variable des matériaux utilisés, reste réelle. L’analyse des sutures par déplacement de la source d’éclairage ( PL 5), et colorisations ( PL 6), est utile. La suture longitudinale supérieure, en incidence rasante par la source de lumière virtuelle, est un bon exemple d’analyse de la voûte ( PL 5 ). Le logiciel Dentascan® spécialisé en acquisition scan RX dentaire est aussi précieux et fiable pour l’exploration maxillo-mandibulaire fossile qu’ in vivo ( PL 5 ). Chez l’enfant ( PL 6 ), la colorisation aide la délimitation des fontanelles et ossifications. L’ animation augmente encore la résolution.

a c b PLANCHE 4. — Traitement des images numériques et logiciels d’analyse du Scanner RX [1].

a, b) Dans le plan sagittal, reconstruction du crâne de Cro-Magnon en affichage volumique (semblable à celui d’une radiographie simple (a)) et en affichage surfacique, après section médiane (dissection virtuelle), montrant l’endocrâne droit et les sillons de l’artère méningée moyenne (b).

c) Reconstructions 3D et comparaisons d’un affichage surfacique (avec reflet et brillance) avec un affichage volumique sur le crâne de La Ferrassie 1, dans les normas frontalis, occipitalis, superior, axialis, lateralis D et G ; Noter que l’affichage volumique démontre la reconstruction matérielle (plâtre), importante, du neurocrâne, grâce à l’hétérogénéité densitométrique.

Restaurations crânio-faciales et simulation des pièces manquantes, reconstruction des parties molles de la tête (PL 6) .

La simulation numérique peut-être mixte (scan RX et logiciels images), numérique (« logiciels images ») ou matérielle (sculpture). Un logiciel « image » associées aux données du scanner RX peut simuler les pièces manquantes d’une voûte crânienne (extrapolation), comme un puzzle [30, 31]. Pour sa part, l’Institut de Recherche Criminalistique de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) développe un savoir pré- cieux en analyse informatique des surfaces. La simulation des reconstructions faciales offre une bonne qualité en identification judiciaire (PL 6) . Le rapproche-

PLANCHE 5. —

Traitement des images numériques du Scanner RX, logiciels d’acquisition et a b d’analyse spécialisés [2] a) Exploitation du logiciel de déplacement d’une source virtuelle d’éclairage ; les 4 vues, à 4 angulations différentes, procurent une vision variable de la suture longitudinale supérieure de la voûte.

b) Étage mandibulo-dentaire sur le fossile de La Ferrassie (H. neandertalensis) ; reconstructions 3D surfaciques de la mandibule montrant la denture (en haut) ; « Denta Scanner RX » (en bas), logiciel adapté à la forme parabolique de la mandibule, isolant chaque dent et sa racine.

ment annoncé avec les données du scan RX permettrait une simulation des parties molles. Paléontologie et médecine légale se rencontrent encore.

La reconstruction numérique des parties molles repose sur l’exploitation de bases de données nées d’acquisitions en scanner RX. Des logiciels recouvrent le squelette par des éléments cutanéo-musculaires d’épaisseurs calculées, variables selon la topographie. L’exemple d’une simulation céphalique est rapportée, à partir de fragments néandertaliens du crâne de Saint-Césaire (—36.000) [32]. Il faut citer, ici, le travail exemplaire de E. Daynès, célèbre sculpteur et plasticienne qui reconstitue les visages du passé (PL 6) [33].

Du surréel au virtuel, l’« anatomie inventée » et ses limites (PL 7) .

La simulation chirurgicale , par définition, est utile puisqu’elle dévoile ou isole des zones anatomiques cachées et en permet l’approche. Une reconstruction « polypla-
b a d c PLANCHE 6. — Trois méthodes de reconstructions des parties molles.

a) Par le Scanner RX, in vivo, chez un enfant de six mois (avec canule d’intubation), le seuillage des parties molles permet d’obtenir un affichage cutané de la face, de face et de profil, la reconstruction surfacique des os du neurocrâne et des fontanelles, pouvant être colorées et isolées individuellement.

b) En simulation numérique ajoutée à la reconstruction par scanner RX du crâne : affichage de la reconstruction de Zolikoffer et al. [32] ;

c) Simulation numérique avec triangulation, et reformation à l’IRCGN (document Institut de Recher- che Criminelle de la Gendarmerie Nationale).

d) Sculpture musculaire et cutanée de la face et de la tête par Mme Élisabeth Daynes [33].

naire », i.e. sans référentiel OXYZ, suivant n’importe quel chemin, procure une forme inattendue et inconnue. Elle sert pourtant, dans l’analyse du diagnostic d’extension lointaine d’une fracture, p.ex. (PL 7) . Les logiciels de « fusion 3D cerveau/IRM dans 3D crâne/scan RX » sont prometteurs (voir PL 11) . Ils peuvent servir à « inventer » une réalité pathologique, comme Damasio le fit, il y a quelques années. « Utile » est la simulation historique de Phineas Gage, avec la barre métallique qui, embrochant la face et le crâne du blessé ne lui retire pas la vie. Cela illustre le sérieux des écrits scientifiques de l’époque [34].

Ailleurs, la simulation peut devenir dangereuse. Le danger naît du concept ou du logiciel. Un modèle 3D surfacique de mandibule peut simuler une édentation
a

PLANCHE 7. —

Logiciels et simulations anatomiques à partir des données du scanner RX : de b l’utile au « dangereux ».

a) Sur une même coupe axiale de Scan RX en fenêtre squelettique, affichage (en rouge) de la reconstruction demandée au logiciel ; à gauche, reconstruction d’un centre orbitaire à un autre centre orbitaire, en passant par la région sphénoïdale ; au milieu, reconstruction d’une apophyse mastoïde à l’autre apophyse mastoïde en passant par la région sphénoïdale, en avant ; à droite, reconstruction depuis le pilier de l’orbite droite jusqu’à l’occipital en suivant la voûte pariétotemporo-occipitale.

b) Simulation d’une édentation et d’une atrophie mandibulaire progressive, associée ; de gauche à droite, cette simulation est le résultat de la seule manipulation informatique (simulation dite « dangereuse »).

progressive (PL 5) . Des logiciels de « Morphing » (informatique grand public) peuvent fausser la vérité scientifique. L’exemple d’une fausse transformation de squelettes néandertaliens en squelettes modernes est montré. Ces limites scientifiques et éthiques justifient les limitations de la Food and Drugs Administration (FDA) imposées aux constructeurs, dans l’utilisation médicale des logiciels de traitement d’images.

a b PLANCHE 8. — Dissection-érosion plane, virtuelle, de la reconstruction 3D surfacique du c d crâne de La Ferrassie, avec éclairage virtuel exocrânien en direction antéro-postérieure .

a) Vision axiale inférieure du crâne : partie manquante sur l’hémi-base droite ;

b à d) Érosion progressive, depuis la convexité droite jusqu’à l’hémiface contrôlatérale : détails de l’hémiface gauche, de la denture, du condyle mandibulaire, et vision des sillons de l’artère méningée moyenne.

Temps-Mouvement (4D), dissection et endoscopie virtuelles

Le mouvement stimule une aire visuelle dite « V5 », associant la vision du contraste et du mouvement. Ce dernier enrichit la perception du détail par notre cerveau. La démonstration en est présentée ici. Une dissection animée des crânes de CroMagnon, de La Ferrassie 1, de l’Abri-Pataud et de la Chapelle-aux-Saints, sont caractéristiques. Qu’il s’agisse de la reconnaissance de l’endocrâne et de ses reliefs reconstruits (sillons de l’artère méningée moyenne, espace perforé antérieur des gouttières olfactives…) ou de structures millimétriques inaccessibles (navigation dans l’oreille externe…), l’animation complète les données. Un exemple en est la découverte d’une hypoplasie du conduit auditif externe gauche sur le crâne de la Chapelle aux saints, pourtant largement étudié depuis Boule (1911) (voir PL 10) .

Cette publication de l’un d’entre nous (J.B.) est en cours.

a b PLANCHE 9. — Dissection-érosion bi-planaire, virtuelle, de la reconstruction 3D surfacique c d du crâne de L’abri Pataud, avec variation des directions de l’éclairage virtuel.

a) Vision supérieure, postérieure et droite de la reconstruction 3D surfacique du crâne ; visibilité des sutures longitudinales supérieures, coronales et lambdatiques avec cette direction descendante de l’éclairage virtuel ;

b, c) Dissection progressive de la voûte pariéto-occipitale droite, apparition de l’endocrâne et, particu- lièrement, de la base du crâne, du sphénoïde et de l’apophyse basilaire, devant le trou occipital, en son centre ;

d) Le décalage supérieur, antérieur et gauche de la source lumineuse virtuelle fait apparaître un « ombrage » de l’endocrâne frontal, de la petite aile du sphénoïde et de la face postérieure des pyramides pétreuses ; noter la visibilité des trous des orifices de la base.

CONCLUSION «

Connaître ses origines fascine », d’où le succès de la paléontologie humaine. Mais les traces fossiles en sont aussi rares que fragiles [35]. Leur conservation est complexe et l’informatique y contribue efficacement.

Servant les objectifs d’une conservation de ces trésors de l’humanité, de l’encouragement à la recherche et du partage des savoirs, l’utilisation du scanner RX médical s’impose désormais.

PLANCHE 10. —

Dissection et navigations virtuelles dans les oreilles externes du crâne a e b fossile de La Chapelle aux Saints ; mise en évidence d’une hypoplasie méconnue de c f d l’oreille externe et moyenne du côté gauche.

a, b) Reconstructions surfaciques comparées des deux conduits auditifs externes ; hypoplasie du méat et du conduit auditif externe gauches, évidente ;

c, d) Navigations virtuelles comparées, dans les conduits auditifs gauche et droit ;

e, f) Coupe axiale native du squelette montrant la comparaison des deux diamètres des conduits auditifs externes (flèches rouges) (e) et agrandissement de l’oreille externe et moyenne du côté gauche (f), la chaîne ossiculaire ayant disparu.

Le devoir du médecin responsable de tels équipements, lourds et chers, est de les mettre à la disposition de la recherche paléontologique comme archéologique. Au-delà de la science, il faut accueillir dans nos services d’imagerie médicale, à l’hôpital, ces fossiles avec respect et affection. Ils sont nos ancêtres .

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient vivement, pour son son assistance à l’édition des planches en couleurs, la Compagnie General Electric Healthcare (GEHC), 283 rue de la Minière, BP 34. 78533 Buc Cédex.

PLANCHE 11. —

Exemple de fusion numérique entre reconstructions 3D IRM (pour le cerveau) et 3D scan RX (pour le crâne)

La reconstructions 3D de l’encéphale est pratiquée à partir des acquisitions de l’IRM et, pour le crâne, à partir des acquisitions en scan RX. Le logiciel de « recalage » ou de « fusion » fait obtenir un premier résultat anatomique de la tête entière, in vivo . Une particulière contribution du témoin volontaire, présumé sain, est nécessaire (immobilisation prolongée) [5].

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DISCUSSION

M. André-Laurent PARODI

L’une des grandes énigmes de la paléo-anthropologie est celle de l’absence de progéniture d’Homo sapiens néanderthaliens ou sa persistance dans Homo sapiens sapiens à la faveur d’une hybridation des deux espèces. Les méthodes d’exploration anatomique hautement performantes que vous avez présentées sont-elles —seront-elles- capables d’apporter une réponse à cette question en fournissant —ou non- la preuve anatomique d’hybrides ?

EAC : Il y a quelques années, l’occasion nous fut donnée d’observer quelques crânes néandertaliens, dans les collections du Musée de l’Homme (Muséum National d’Histoire Naturelle). Plusieurs semblaient présenter une selle turcique de grand volume, signe indirect de tumeur hypophysaire (adénome) ayant refoulé les parois squelettiques. A l’époque, le scanner RX n’était pas aussi accessible et performant qu’aujourd’hui.

Récemment, j’ai entendu que l’hypothèse d’une pathologie hypophysaire, donc avec retentissement sur la libido et sur la reproduction de l’espèce, était reprise par certains.

Comme j’en ai fait part, à cette occasion, le scanner à rayons X pourrait faire avancer cette question de l’éventuelle pathologie endo-sellaire chez les néandertaliens ( Homo Sapiens Neanderthalensis ). En revanche, la participation des données du scanner RX ne peut concerner que le phénotype crânien, parvenu jusqu’à nous. Croiser les caractères morphologiques néandertaliens avec le génome doit attendre son séquençage. Celui-ci est annoncé, comme la presse scientifique s’en est fait l’écho, pour la fin de l’année 2008.

Alors les techniques morphologiques et macroscopiques du scanner RX pourront-elle, à nouveau, être sollicitées.

M. René MORNEX

En regardant le crâne de l’homme de la Ferrassie 1 présente sur sa voûte des lacunes. N’est-il pas malade ? Myélome multiple ?

Comme vous l’avez fort bien observé, le scan RX du crâne de l’homme de la Ferrassie présente des hypodensités en plages multiples, disséminées sur la voûte. Cet aspect est reconnu dans un seul type de reconstruction tridimensionnelle, la reconstruction volumique. Celle-ci analyse mieux la densité locale de la voûte que la reconstruction surfacique. Comme son nom l’indique, cette dernière montre la surface « métallique » et réfléchissante, seulement, de la voûte du crâne. L’intérêt de la technique, justement, est d’attribuer l’hypodensité radiologique non pas à une maladie pré-existante (hémopathie, par exemple) mais à la reconstitution post-mortem d’une voûte ou d’un crâne entier à partir des débris squelettiques découverts dans la fouille du sol. Cette reconstitution est faite à l’aide de plâtre ou de glaise qui solidarisent, entre eux, les fragments squelettiques d’origine, et dont la densité radiologique est très inférieure à celle de l’os. D’où cette apparence radiologique de « lacunes » de la voûte. A l’exception de ses « caractères » néandertaliens, ce crâne de l’homme de la Ferrassie 1 apparaît en bonne santé, indemne de toute pathologie évidente, comme les sept autres restes du site du grand abri de La Ferrassie (moustérien du paléolithique moyen).

M. Raymond ARDAILLOU

Comment l’étude d’un spécimen peut-elle permettre de tirer des conclusions sur l’ensemble d’une population ? Où en est-on de la comparaison du génome de l’homo sapiens et de l’homo neanderthalensis ? Cette comparaison amène-t-elle à individualiser des différences des phénotypes ?

Comme vous le soulignez, c’est le nombre et l’abondance des fossiles qui commandent le sérieux des conclusions sur l’ensemble d’une population. Ainsi a-t-on pu reconstituer l’histoire des néandertaliens, comme des hommes modernes, par l’abondance des squelettes et des crânes de mêmes datations, découverts à travers l’Europe et le monde, notamment dans le Moyen Orient. Le séquençage du génome néandertalien, sur l’ADN
nucléaire (après le séquençage mitochondrial féminin commencé en 1997), a débuté en Allemagne et aux États-Unis. En janvier 2007 (Sciences et Avenir), on apprend que Edward RUBIN, au Lawrence Berkeley National Laboratory (USA) a séquencé 65 250 paires de bases, avec une méthode classique. Svante PAABO, à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire (Leipzig, Allemagne) a utilisé une technique américaine rapide de « pyroséquençage », qui l’a conduit à déjà séquencer un million de paires de bases et prévoir un achèvement en 2008. A ce jour, les conclusions des deux équipes se rejoignent. La divergence H. néanderthalensis H. Sapiens serait intervenue entre -370 000 ans et -500 000 ans, pour une survie des premiers interrompue vers -30 000 ans. Notre génome est homologue à 99,5 % (alors que il n’est qu’à 99 % avec le chimpanzé Pan paniscus ). C’est ainsi que ce 0,5 % de différence devrait nous permettre d’approcher des caractéristiques humaines spécifiques, dont celui du gène de l’acquisition du langage.

C’est fin 2008-début 2009 que Svante PAABO espère avoir séquencé les 3,2 milliards de paires de bases du génome néandertalien.

M. Jacques BATTIN

Cette superbe exploration du cerveau humain est dans la filiation de Paul Broca, le créateur de l’anthropologie, de la crâniométrie et de la biométrie à laquelle appartient l’auxologie qui est une composante essentielle de la pédiatrie. On est loin du temps des premiers paléontologues qui évaluaient le volume cérébral, en relation avec l’hominisation, en remplissant le crâne avec de la grenaille de plomb. Mais ce volume cérébral pose question. Le poids du cerveau est variable de 1 200-1 300 g chez Gambetta ou Anatole France à 2 000 g chez Tourgueniev. D’autre part, nombre de crânes fossiles, celui de Tautavel entre autres, sont fragmentaires ou déformés par les contraintes physiques de l’environnement. Le virtuel qui propose de reconstruire ne risque-t-il pas d’être entaché d’erreurs ?

Une première réponse concerne Paul BROCA. Nous avons repris et amplifié ses travaux, comme rapporté dans l’ouvrage que Philippe MONOD-BROCA a consacré à son aïeul :

« Paul BROCA, un géant du XIXe siècle » (Vuibert, Paris, 2005), notamment en biométrie, neuro-anatomie et neurologie de l’aphasie. Une deuxième réponse concerne la variabilité individuelle du poids de l’encéphale et/ou du volume crânien. Si les exemples classiques de non-corrélation entre volume et génie individuel continuent d’impressionner, l’Imagerie par Résonance Magnétique, en revanche, change les données. Chaque jour, des acquisitions volumétriques en IRM nous permettent d’afficher automatiquement la reconstruction morphologique de l’encéphale et de son volume en millilitres, chez des enfants sous neurosédation. Nous observons, avec le recul de quelques centaines de patients, qu’il existe un « seuil » indéniable, vers 1 000 ml, en dessous duquel la corrélation d’un retard mental est élevée. Ces travaux sont en cours. Une troisième réponse est suscitée par la validité des logiciels de reconstruction. Le crâne de Tautavel est évoqué.

Un autre exemple, récent, est celui de Toumaï, très déformé. La certitude d’une reconstruction fidèle dépend de la statistique mathématique. Le jeu de symétrie (importance des deux os pariétaux, des deux cadres orbitaires, voire de la mandibule) est essentiel dans cette reconstruction virtuelle du fossile. Là réside un point de certitude pour les approximations de reconstruction.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine (EAC), Université P. et M. Curie Paris 6 et Sce de Neuro-Imagerie, CHNO des XV-XX, 28 rue de Charenton — 75571 Paris cedex 12. ** Institut de Paléontologie Humaine, Fondation Albert Ier Prince de Monaco, Museum National d’Histoire Naturelle, CNRS UMR 5198, 1 rue René Panhard, 75013 Paris. *** Membre de l’Académie des Sciences, Membre du Collège de France, Membre de l’Académie nationale de médecine. Tirés à part : Professeur Emmanuel-Alain CABANIS, même adresse Article reçu le 22 janvier 2007, accepté le 21 mai 2007

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 6, 1069-1089, séance du 19 juin 2007