Communiqué
Session of 23 novembre 2010

Résurgence de l’ictère nucléaire ou encéphalopathie de la bilirubine

MOTS-CLÉS : bilirubine/ toxicite.. ictère néonatal. ictère nucléaire. sortie du patient

Paul VERT *, Georges DAVID *

Au cours des récentes années, l’Académie nationale de médecine a, par deux fois, fait connaître ses craintes de voir l’ictère nucléaire ou encéphalopathie de la bilirubine réapparaître en France.

Dans un premier rapport « Prise en charge de l’ictère du nouveau-né » ( Bull.

Acad. Ntle Med 2003, 187 , 1195-1198) l’Académie a recommandé que tout nouveau-né soit l’objet d’une surveillance attentive de la bilirubinémie et de décisions thérapeutiques précoces avant que des taux plasmatiques dangereux soient atteints, ainsi que la mise en place d’un recueil épidémiologique des cas graves, confié au Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale (CNRHP) créé en 20041.

Dans un second rapport sur « La première semaine de la vie » ( Bull. Acad. Ntle Med . 2005, 189 , 1031-1039) l’Académie attirait l’attention sur les risques que fait courir au nouveau-né une sortie trop précoce de maternité, non ou mal relayée par une surveillance adéquate. Parmi ces risques, celui de l’hyperbilirubinémie dont le pic de concentration plasmatique se situe habituellement entre le 3ème et le 5ème jours de vie révolus est majeur.

Ces alarmes étaient motivées par des publications relatant l’expérience de différents pays comme les Etats-Unis, le Royaume Uni, ou le Danemark qui ont vu réapparaître nombre de cas d’encéphalopathie de la bilirubine.

Des informations de sources multiples montrent que la France n’échappe pas à la résurgence de cette affection mortelle ou gravement invalidante pourtant totalement accessible à une prévention et à un traitement efficaces.

 

Il apparaît que des services de néonatologie voient arriver de plus en plus d’enfants dont les taux de bilirubine ont dépassé le seuil de risque d’ictère nucléaire et que d’authentiques cas d’atteintes cérébrales sont observés avec leur cortège de séquelles neurologiques, sensorielles (surdité) et mentales.

Cette pathologie qui avait disparu depuis 40 à 50 ans réapparaît en raison de la conjonction :

— du non respect des indications de surveillance (facteurs de risque) et de traitement précoce des hyperbilirubinémies.

— du non respect des recommandations de la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) sur la surveillance des nouveau-nés à leur sortie de maternité.

— de la pression administrative pour une sortie de maternité de plus en plus pré- coce, parfois sans avis pédiatrique et sans information adéquate des parents.

— d’absence ou d’erreurs d’utilisation des bilirubinomètres cutanés.

L’Académie nationale de médecine adresse un pressant message d’alarme à toutes les professions de santé concernées tant par la clinique que par la biologie, ainsi qu’aux responsables administratifs pour que cessent ces risques dramatiques et inacceptables d’encéphalopathies ;

— estime qu’il appartient au Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale (CNRHP) non seulement de colliger tous les cas d’hyperbilirubinémie dangereuse et d’encéphalopathie de la bilirubine probable ou avérée, mais de recueillir et d’analyser les informations sur les défaillances dans la chaîne de précautions diagnostiques et thérapeutiques ;

— souligne qu’il serait paradoxal qu’après avoir mis en place avec succès la prévention d’encéphalopathies comme celles dues à l’hyperphénylalaliné- mie (phénylcétonurie) ou à l’hypothyroïdie, celle de l’ictère nucléaire soit négligée.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 23 novembre 2010, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine 1. Circulaire ministérielle DGS-DHOS du 29 mars 2004

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 8, 1623-1624, séance du 23 novembre 2010