Published 9 November 2021

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

Qu’apporte l’imagerie hybride TEP-IRM dans l’étude des pathologies neuro-dégénératives ? Ilana Idy-Peretti. Service de Biophysique et Médecine Nucléaire, APHP, CHU Lariboisière, Université de Paris, Paris.

L’intérêt des machines hybrides associant la tomographie à émission de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM), est de réaliser l’acquisition simultanée d’images métaboliques et moléculaires issues de la TEP, et d’images anatomiques et fonctionnelles issues de l’IRM. Pour parvenir à la mise au point de ces machines, il a fallu surmonter un certain nombre d’obstacles technologiques liés en premier lieu au mode de détection traditionnellement utilisé dans les machines TEP, celui-ci étant incompatible avec le champ magnétique de l’IRM. Le second défi technologique concerne la correction d’atténuation des images TEP à calculer à partir d’informations IRM, alors que celles-ci dépendent des propriétés magnétiques des tissus, sans relation directe avec leur coefficient d’atténuation. La TEP-IRM intégrée a de nombreuses applications, en particulier en imagerie cérébrale pour l’étude des maladies neurodégénératives. Cette technique donne accès à l’évaluation simultanée de biomarqueurs topographiques et physiopathologiques, augmentant ainsi les performances diagnostiques de chacune des deux modalités prises séparément. Elle permet de valider de manière croisée des techniques IRM avancées ou des traceurs TEP émergents dans le cadre du diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Elle joue aussi un rôle capital pour une meilleure connaissance du fonctionnement cérébral normal et pathologique, basée sur les effets synergiques des deux techniques. Les machines hybrides TEP-IRM constituent une nouvelle modalité d’imagerie à part entière, ouvrant de nouveaux horizons pour l’étude des pathologies neurodégénératives, aussi bien en recherche qu’en pratique clinique.

 

Cervelet et Cognition. Christophe Habas. Service de NeuroImagerie, Centre Hospitalier National des Quinze-Vingts, Paris.

Longtemps considéré comme régulateur des seuls mouvements, le cervelet apparaît désormais moduler l’ensemble des activités cognitives et émotionnelles. En particulier, sa région caudale, la plus récente phylogénétiquement, correspondant aux lobules VI caudal et VII, s’est massivement développée parallèlement aux néocortex associatifs notamment préfrontal, et a été incorporée à de multiples circuits cortico-cérébello-corticaux impliqués dans les fonctions non-motrices : exécutives, affectives, attentionnelles, mnésiques et linguistiques. Ainsi, coexistent au sein du cortex cérébelleux des régions motrices (lobules I-VI rostral et VIII) avec, majoritairement, des régions cognitives/affectives (lobules VI caudal et VII étendus aux lobules VIII et IX). Les lésions des premières conduisent cliniquement à un syndrome d’ataxie motrice tandis que les lésions des secondes entraînent l’émergence de dysfonctionnements cognitifs et émotionnels. De plus, ces symptômes peuvent se retrouver au sein de troubles psychiatriques ou neurodéveloppementaux pour lesquels des atteintes du cervelet ont été rapportées. Enfin, en raison de son homogénéité structurale, il est postulé que le cervelet doit accomplir la même fonction que ce soit pour la motricité ou pour la cognition. Le cervelet jouerait ainsi un rôle de modulateur général contrôlant, rectifiant, optimisant et automatisant les opérations cérébrales dont le domaine fonctionnel dépendrait de la spécificité des connections cérébello-corticales. En d’autres termes, une révolution conceptuelle concernant le cervelet s’est opérée en une trentaine d’années. Ce sont des données récentes, tant cliniques qu’issues de l’imagerie cérébrale morphologique et fonctionnelle, qui ont conduit à redéfinir le rôle du cervelet et à en élargir la sphère d’influence.

 

Physique et sens de l’audition : d’une approche acoustique à une intégration aux neurosciences moléculaires. Paul Avan, Faculté de Médecine, Université Clermont-Auvergne, Institut de l’Audition, Paris.

A l’origine de trois grands concepts de la perception du monde sonore, résonance (Helmholtz), binauralité (Lord Rayleigh) et onde propagée (Békésy), la physique a ensuite été consacrée à l’étude in vivo des vibrations subnanométriques impliquées dans l’analyse périphérique des sons. Les performances spectaculaires mises en évidence sont à la fois indispensables, fragiles, et, pour le moment, irremplaçables. Les manipulations des gènes de protéines spécifiques de l’audition, au nombre de quelques centaines, ont ensuite permis d’élucider, non seulement les assemblages de molécules nécessaires pour assurer chaque performance, mais aussi l’effet spécifique, histologique et fonctionnel, de l’absence d’une molécule choisie. La plupart des gènes étudiés s’expriment en effet dans une structure subcellulaire bien spécifique. Les sons que réémettent certaines cellules neurosensorielles, les otoémissions acoustiques, et les signaux électrophysiologiques issus de la cochlée offrent les outils objectifs d’une audiologie clinique de précision, validée par la physiologie moléculaire et la physique combinées. Une mutation crée, à un stade choisi, un défaut fonctionnel précis qui perturbe l’analyse des aspects temporels ou spectraux, aux faibles ou aux forts niveaux, en l’absence ou en présence de bruit. Première application, des recommandations s’ensuivent pour l’appareillage, qui concerne un sujet sur trois de plus de 60 ans en attendant, le cas échéant, les thérapies géniques. Celles-ci nécessiteront un état des lieux précis des structures anormales, mais aussi de la capacité d’adaptation du système auditif central à un flux d’informations potentiellement distordues.

 

L’insulinothérapie chez les personnes âgées diabétiques de type 2 : l’éclairage de l’étude Gérodiab. Bernard Bauduceau. Service d’endocrinologie. Hôpital d’instruction des Armées Bégin. Saint-Mandé. France.

La nécessité d’initier une insulinothérapie chez les sujets âgés est une circonstance fréquente. Il s’agit alors d’améliorer l’équilibre glycémique en limitant le risque d’hypoglycémie et de conserver la qualité de vie. L’important chez ces patients est de bien définir les objectifs en les adaptant à leur état de santé et de prescrire le schéma et le type d’insuline qui leur conviennent le mieux.

Le recours à l’insuline reste encore trop tardif chez les personnes diabétiques. Ce fait tient aux appréhensions des malades ou de leur entourage, mais également trop souvent aux craintes des médecins généralistes qui suivent plus de 90% des patients diabétiques de type 2 et à leur manque d’habitude dans le maniement de l’insuline. Pourtant, l’amélioration des matériels d’injection et de contrôle, ainsi que les insulines modernes que sont les analogues lents, rendent plus sûr et plus aisé le passage à l’insuline. L’étude Gérodiab est la première enquête prospective prenant en compte les données diabétologiques et gériatriques, menée chez des personnes diabétiques âgées. Elle est fondée sur le suivi pendant 5 ans d’une cohorte de 987 patients inclus dans 56 centres français. Elle apporte un éclairage précieux sur la question de l’insulinothérapie des séniors puisque 59% des personnes diabétiques de type 2 (âgées en moyenne de 77 ans) recevaient de l’insuline. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer le lien entre l’équilibre glycémique (HbA1c) et la mortalité à 5 ans de personnes diabétiques de type 2, de 70 ans et plus. Elle permet de conclure que les analogues lents de l’insuline actuellement disponibles, par leur efficacité, leur moindre risque d’entraîner des hypoglycémies, et la préservation de la qualité de vie, contribuent de façon indiscutable à l’amélioration du traitement de ces malades et notamment des plus fragiles.