Publié le 25 octobre 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

 

Séance des membres correspondants de la 2e division

25 octobre 2022

Organisation : Laurent Mandelbrot

 

1- Traitement Chirurgical des Malformations Génitales de l’Enfant- Contexte Juridique

Christine GRAPIN-DAGORNO Service de Chirurgie Pédiatrique Viscérale et Urologique. Hôpital Robert Debré́- 48 Boulevard Sérurier, 75019 Paris

 

Les malformations génitales de l’enfant sont diverses. Les malformations isolées des organes génitaux externes avec un sexe identifié (ectopie testiculaire, hypospadias) ne sont pas exceptionnelles (1/300 des naissances) et leur prise en charge pédiatrique est simple.

Mais d’autres malformations anatomiques sont plus complexes. Elles sont associées à des anomalies chromosomiques, génétiques ou endocriniennes, avec un défaut de différenciation sexuelle pouvant aller jusqu’à l’impossibilité́ d’assigner un sexe à la naissance. Ces malformations complexes sont beaucoup plus rares (1/5500 des naissances) et doivent impérativement, selon le Code de la Santé Publique, donner lieu à une prise en charge multidisciplinaire dans un centre de référence des maladies rares. Le Code Civil rend obligatoire la déclaration du sexe dans un délai de trois mois après la naissance. Ce sexe doit impérativement être soit masculin, soit féminin et ne peut être neutre, contrairement à ce qui existe dans d’autres pays (Autriche, Allemagne, Danemark, Pays bas, Suisse).

 

La classification de Chicago (2006) permet de regrouper les anomalies complexes en (1) anomalies des gonosomes, (2) dysgénésie gonadique, et (3) anomalies hormonales.

La problématique médicale est compliquée et le traitement chirurgical est discuté, tant dans ses modalités que dans son calendrier précoce ou retardé. Il faut traiter la malformation génitale et éventuellement la malformation urinaire associée en définissant au préalable le sexe d’élevage de l’enfant. On peut être amené à pratiquer des génitoplasties masculinisantes ou féminisantes et des gonadectomies selon la nécessité médicale.

 

2- Immunothérapie par CAR-T cells : du traitement des hémopathies malignes à celui des maladies cardiaques ?

Philippe Menasché. Service de Chirurgie Cardiovasculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, APHP ; Université Paris Cité, Inserm, PARCC, F-75015 Paris, France.

 

L’introduction des Chimeric Antigen Receptor (CAR)-T cells en clinique a été un véritable tournant dans la prise en charge de certaines hémopathies malignes de mauvais pronostic en permettant des rémissions complètes et durables. Le principe est d’utiliser des lymphocytes, le plus souvent autologues, et de les modifier génétiquement ex vivo pour leur faire co-exprimer un anticorps spécifique d’un antigène tumoral et un signal d’activation déclenchant une production de molécules cytotoxiques et permettant ainsi de neutraliser la cellule maligne une fois cet antigène reconnu.

L’efficacité des CAR-T cells en hématologie est telle que l’on a cherché à élargir leurs indications aux tumeurs solides et aussi d’envisager des applications dans le domaine cardiaque. En effet, l’identification dans la fibrose, composante majeure et aggravante des cardiopathies parvenues à un stade avancé, d’une protéine FAP (Fibroblast Activation Protein) fortement surexprimée a conduit à explorer les effets des CAR-T cells dirigés contre cette protéine. Les premiers résultats expérimentaux dans un modèle murin de cardiopathie hypertensive ont validé leur efficacité pour diminuer la fibrose myocardique et améliorer la fonction cardiaque. Il faut maintenant confirmer ces résultats encourageants, vérifier l’absence de toxicité (relargage cytokinique, complications neurologiques, effets secondaires de la lympho-déplétion) et envisager une simplification de la production ex vivo qui est actuellement trop longue, complexe et très coûteuse.

Cette simplification serait possible en capitalisant sur la technologie qui s’est révélée efficace pour développer des vaccins anti-Covid 19 et reposerait sur l’utilisation de nanoparticules lipidiques ciblant les lymphocytes T pour leur transférer in vivo l’ARN messager codant pour la protéine ciblée.

 

3- Techniques interventionnelles de modulation hépatique

Valérie Vilgrain. Service d’Imagerie médicale, Hôpital Beaujon, APHP, 100 bd du Général Leclerc 92100 Clichy.

 

Le foie a la capacité unique de s’hypertrophier pour maintenir un volume constant par régénération à partir d’hépatocytes matures. Des atteintes biliaires, de la veine porte ou des veines hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) entraînent une modulation hépatique avec atrophie homolatérale et hypertrophie compensatrice controlatérale.

En appliquant ce principe, les techniques de radiologie interventionnelle peuvent être utilisées pour préparer une chirurgie hépatique majeure afin d’augmenter le volume du foie restant et ainsi améliorer la tolérance de la résection hépatique.

La technique la plus classique est l’embolisation d’une ou de plusieurs branches de la veine porte dont l’efficacité et la tolérance sont excellentes.

La ‘déprivation’ veineuse hépatique sélective associée à l’embolisation des branches de la veine Porte par embolisation veineuse hépatique du même territoire entraîne une hypertrophie controlatérale plus importante et plus rapide.

Enfin la radio-embolisation par microsphères dans les branches de l’artère hépatique permet de traiter les tumeurs malignes hépatiques (segmentectomie radique) et entraîne également une hypertrophie du foie non irradié qui est toutefois plus lente.

L’auteur souligne que l’évaluation de ces techniques, actuellement réalisée par des mesures volumiques, pourrait être complétée par l’analyse de la fonction hépatique.

 

 

4- Il me semble qu’il ne faut pas vous opérer de la colonne vertébrale

J.M. Vital, B. Debono, V. Challier. Unité Rachis, CHU Bordeaux, Bordeaux, Centre Francilien du Dos, Versailles, Clinique Francheville, Périgueux.

 

Dans cette communication, les auteurs analysent les raisons qui font dire au chirurgien  lorsqu’il s’adresse aux patients souffrant de lésions arthrosiques lombaires: « il me semble qu’il ne faut pas vous opérer de la colonne vertébrale ». Il s’agit en effet d’une pathologie souvent fonctionnelle qui nécessite une analyse précise de la topographie douloureuse et des résultats de l’imagerie.

La chirurgie rachidienne a deux buts essentiels: décomprimer les structures nerveuses pour diminuer la douleur et le déficit neurologique et stabiliser les segments intervertébraux altérés.

Autour de l’indication opératoire, il y a trois acteurs : le patient, le bilan lésionnel et le chirurgien.

Le patient : La plainte du patient doit être analysée ainsi que sa personnalité et sa capacité à se projeter positivement. Le patient doit être inclus dans un modèle bio-psycho-social avec analyse de la topographie de la douleur, de la cause lésionnelle par l’imagerie, et des problèmes psychosociaux éventuels. De plus, beaucoup de patients arrivent en consultation porteurs d’informations de qualité variable recueillies sur les réseaux sociaux.

Le bilan lésionnel dominé par des examens très performants comme l’IRM et l’EOS (imagerie à rayons X, biplanaire) peut ne montrer que des images de vieillissement physiologique, mais qui accompagnées de comptes rendus trop descriptifs inquiètent le patient au lieu de le rassurer.

Le chirurgien avancé dans sa carrière qu’il soit orthopédiste ou neurochirurgien voit ses indications opératoires diminuer dans le temps pour plusieurs raisons.

Merle d’Aubigné disait, ‘il faut 5 ans pour apprendre à opérer, encore 5 ans pour savoir bien opérer et toute une vie pour apprendre quand il ne faut pas opérer’. Le jeune chirurgien a hâte de prouver qu’il opère aussi bien que ses anciens et craint en réfutant une indication de réduire sa future clientèle. À l’inverse, le chirurgien sénior, qui a déjà rencontré des complications neurologiques ou vasculaires, va progressivement pondérer son enthousiasme.

De plus, comme tous ses collègues, le jeune chirurgien du rachis sera amené à interagir avec les sociétés de matériel chirurgical, qui participent à sa formation continue, mais imposent un tempo inflationniste de poses d’implants, mêlant les intérêts médicaux et financiers. Beaucoup de jeunes chirurgiens ainsi enseignés pensent qu’il est impossible de faire une arthrodèse lombaire sans poser des cages discales, alors qu’un vissage simple est le plus souvent suffisant. On pourrait espérer que la publication de grandes séries de la littérature rattrape ce biais d’indications ; il n’en est rien, car peu de séries sont neutres et sans conflit d’intérêts. Cela dit, la chirurgie rachidienne est très efficace et pratiquement la seule possibilité thérapeutique en cas de compression du contenu radiculo-médullaire ou d’instabilité du contenant disco vertébral.

 

Chronique historique – Histoire de l’internat des hôpitaux (1802-2005)

Jean-Noël Fabiani-Salmon

Dès le XIe siècle, les barbiers-chirurgiens investissent les salles de garde des Hôtels-Dieu et mettent en place des corporations-ouvrières puis des confréries qui assurent la prise en charge des malades et dont les traditions se sont transmises jusqu’aujourd’hui en salles de garde.

L’internat a été créé par un décret consulaire du 4 ventôse an XI (10 février 1802) permettant d’acquérir une formation de qualité dans les hôpitaux pendant quatre ans et assurant en retour une présence médicale permanente dans les hôpitaux publics. De 1802 à 1886, 3357 internes ont été nommés. Mais il a fallu attendre 1886 pour qu’une femme devienne interne. Ce système élitiste rencontrera un succès croissant au cours du XIXe et du XXe siècle.

Après la Seconde Guerre mondiale, on constate que certaines spécialités en plein essor comme l’ORL, la radiologie, la gynéco obstétrique, l’ophtalmologie et l’anesthésie restent boudées par les internes. Cette formation trop élitiste et différente des autres pays européens s’est progressivement vue réformée dans les années 1950 avec la création des certificats d’études spéciales (CES). La deuxième étape a été la réforme hospitalière de 1958 avec la fusion des fonctions d’enseignant universitaire et de praticien hospitalier. Il n’y avait donc plus deux hiérarchies parallèles, mais l’intégration dans un même corps des enseignants universitaires et des enseignants des hôpitaux publics.

En 1968, l’externat des hôpitaux était supprimé. Cette réforme, corrélée à l’augmentation générale de la population étudiante, engendra un afflux massif d’étudiants vers l’hôpital. En réaction, était instauré en 1971 un concours en fin de première année de médecine, avec un système de numerus clausus. La suppression du concours de l’internat était déjà envisagée en 1982, car il représentait selon les étudiants une sélection supplémentaire, après celle de la 1re année, et se rapprochait trop du système des grandes écoles. À la suite d’une grève massive des soins, il est finalement décidé de maintenir le concours, mais sous la forme d’un concours universitaire, seule voie d’accès aux spécialités, pour aboutir à la suppression de l’internat en 2005.