Séance dédiée :
« Les neuropathies inflammatoires sont-elles des maladies à auto-anticorps ? »
Organisateur : Jean-Marc Léger
Physiopathologie et classification des neuropathies inflammatoires par le Pr Alain Créange, Groupe Hospitalier Henri Mondor, Service de Neurologie, 94010 Créteil, France, Université Paris Est Créteil, EA4391, ENT, 94010 Créteil, France
Le champ des neuropathies périphériques inflammatoires s’est considérablement élargi ces dernières années. Leur classification a été améliorée, aussi bien sur le plan syndromique que sur celui de la physiopathologie. Des mécanismes immunologiques et inflammatoires peuvent être caractérisés au cours de neuropathies aussi différentes que les polyradiculoneuropathies inflammatoires aigües et chroniques, certaines polyneuropathies, les neuronopathies, les neuropathies à petites fibres. Par exemple, le syndrome de Guillain-Barré (SGB) peut être secondaire à un évènement déclenchant infectieux. Les agents les plus classiques sont le virus d’Epstein-Barr, le cytomégalovirus et, pour les neuropathies motrices axonales aigües, le Campylobacter jejuni. Récemment, d’autres virus tristement célèbres comme celui du Zika, du Chikungunya et le coronavirus SARS-CoV-2 ont été suivis de SGB. Ces mécanismes font intervenir aussi bien l’immunité innée que l’immunité adaptative. Celle-ci peut être dirigée contre des antigènes à ce jour inconnus, et d’autres, récemment mis en évidence sur les protéines des nœuds de Ranvier. En aigu, les conséquences sont d’abord liées à des troubles de l’excitabilité, faisant relativiser les notions de mécanisme axonal ou démyélinisant. Ces troubles sont transitoires et réversibles, avant d’être potentiellement permanents, source de lésions axonales définitives. La chronicité de la réaction immunologique au cours des polyradiculoneuropathies peut être favorisée par l’acquisition par la cellule de Schwann de propriétés de présentation antigénique. Finalement, au cours des neuropathies démyélinisantes, l’environnement inflammatoire entraine une diminution de la production d’ATP par dysfonctionnement de la pompe Na+/K+ ATPase qui favorise la perte axonale par accumulation intra-axonale de calcium. Autant de phénomènes qu’il convient de prendre en compte dans les décisions thérapeutiques tout au long de l’histoire naturelle de ces différentes pathologies.
Les neuronopathies sensitives dysimmunes : enjeux diagnostiques et thérapeutiques
par le Pr Jean-Christophe Antoine Service de Neurologie et Centre de Référence Maladies Neuromusculaires Rares, European Reference Center. Centre Hospitalo-Universitaire de Saint-Etienne, Institut NeuroMyoGène-Laboratoire Synatac-Université Lyon-Saint-Etienne.
Les neuronopathies ou ganglionopathies sensitives (NNS) sont des affections rares provoquant la destruction des neurones sensitifs dans le ganglion spinal responsable d’un handicap sévère du fait de l’ataxie et des douleurs qui en résultent. Elles dépendent de causes diverses, toxiques, virales, génétiques ou dysimmunitaires mais près de la moitié des cas (40%) demeurent idiopathiques. Les formes dysimmunes, qui pourraient représenter la moitié des NNS, sont paranéoplasiques, associées à une maladie autoimmune systémique comme le syndrome de Sjögren ou isolées. L’immunité cellulaire T semble être l’effecteur principal de la réponse immune. Elles sont potentiellement traitables mais l’enjeu est de les diagnostiquer tôt car la fenêtre thérapeutique avant la mort neuronale est étroite (trois mois). La disposition de biomarqueurs permettant de les identifier est donc cruciale. Les anticorps onconeuronaux, tels l’anticorps anti-Hu hautement spécifique des formes paranéoplasiques, en est le prototype. L’utilisation de méthodes de protéomique a permis récemment d’identifier les anticorps anti-FGFR3, marqueur potentiel le plus fréquent, et anti-AGO, associé aux ARN messager (15-20%), comme étant des biomarqueurs de NNS non-paranéoplasiques potentiellement dysimmunes. Ils sont isolés dans deux tiers des cas. Ces anticorps ouvrent la porte à de futurs essais cliniques qui devront obligatoirement être internationaux compte tenu de la rareté des cas à inclure.
Les nouveaux anticorps dans les neuropathies inflammatoires
par le Dr Emilien Delmont, Hôpital La Timone Adulte, Centre de Référence Maladies Neuromusculaires et SLA, Marseille France
De récentes études montrent que l’immunité humorale a un rôle majeur dans la physiopathologie de certaines neuropathies périphériques auto-immunes. Dans les Polyradiculoneuropathies Inflammatoires Démyélinisante Chroniques (PIDC), maladie ubiquitaire dont la prévalence avoisine 2,8/100 000 habitants, des anticorps IgG4 dirigés contre des glycoprotéines du nœud de Ranvier (contactine, neurofascine, CASPR1) sont responsables de polyradicunévrite d’installation subaiguë et résistante aux traitements habituels par immunoglobulines intraveineuses. Les patients présentent un déficit sensitif et moteur des quatre membres non-longueur dépendant et une aréflexie tendineuse diffuse typique des PIDC classique. Un traitement par Rituximab parait efficace.
Les anticorps anti-gangliosides GM1 provoquent des nodopathies motrices aigües ou chroniques pouvant mimer des maladies du neurone moteur périphérique. Enfin, les anticorps anti-MAG (myelin associated glycoprotein) causent des neuropathies chroniques sensitives et ataxiantes. Les anticorps anti GM1 d’isotype IgM sont associés à des neuropathies chroniques appelées neuropathies motrices multifocales (NMM) avec bloc de conduction. Les injections intraveineuses d’immunoglobulines améliorent ces patients.