Séance dédiée :
« Les hépatites C ET B : Bientôt, la fin de l’hépatologie virale ? »
Organisatrice : Catherine BUFFET
Membre de l’Académie nationale de médecine
Communications
Avec les antiviraux à action directe, la guérison de l’hépatite C est quasi constante, par Vincent Leroy (Hôpital Henri Mondor, Créteil)
Avec près de 70 millions de personnes infectées et 400 000 décès par an (rapport de l’OMS en 2017), l’hépatite C est un problème de santé publique mondial. Les premiers traitements antiviraux par interféron alpha ont vu le jour à la fin des années 1980, alors que le génome viral n’a été identifié qu’en 1989. En association avec la ribavirine il est rapidement apparu qu’une éradication virale, attestée par un ARN viral indétectable dans le sang 3 mois après la fin du traitement pouvait être obtenue dans près de 50% des cas, au prix d’effets indésirables lourds. Les progrès en virologie fondamentale ont permis le développement de nouvelles générations d’antiviraux dits à action directe. Trois protéines virales indispensables à la réplication virale sont ainsi ciblées : NS3, qui correspond à la protéase, NS5b qui est la polymérase, et NS5a qui est un complexe enzymatique rendant fonctionnelle la polymérase. Le sofosbuvir, molécule anti-NS5b, a été le premier antiviral disponible et a pu être administré en France à partir de 2014 chez les patients ayant une hépatite sévère, d’évolution cariogène. Le développement médicamenteux s’est poursuivi avec des antiviraux directs de deuxième génération, dits pan-génotypiques car actifs sur l’ensemble des souches virales. A l’heure actuelle deux combinaisons pan-génotypiques sont disponibles, celle associant le sofosbuvir (anti-NS5b) et le velpatasvir (anti-NS5a), et celle associant le glécaprévir (anti-NS3) et le pibrentasvir (anti-NS5a). Ces traitements, administrés par voie orale, pendant 12 ou 8 semaines respectivement, sont bien tolérés, et permettent d’obtenir une éradication virale dans près de 98% des cas. La vaste étude de cohorte française HEPATHER a démontré que cette réponse virologique était associée à une amélioration de la survie globale à 5 ans en comparaison à l’absence de traitement. Les indications de transplantation hépatique pour hépatite C ont déjà fortement diminué. Les outils thérapeutiques actuels permettent d’envisager l’élimination de l’hépatite C à l’horizon 2025.
Les nouveaux enjeux de l’hépatite C ; la dépister pour l’éradiquer par Philippe SOGNI (Gastro-entérologie et hépatologie, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris)
L’OMS a fixé comme but l’élimination des hépatite B et C en 2030. En France, l’échéance a été annoncée pour l’hépatite C en 2025. En raison des progrès des traitements, l’amélioration du dépistage est indispensable pour atteindre ce but. Les données de la littérature et les avis d’experts convergent pour recommander la stratégie associant dépistage ciblé sur les personnes à risque, et dépistage généralisé à l’ensemble de la population testant les trois virus VIH, VHB et VHC. L’information de la population et de l’ensemble des acteurs de santé sur la simplicité et l’efficacité des traitements ainsi que sur le bénéfice de la guérison est un enjeu important qui va au-delà de la prise en charge médicale mais qui doit faire partie d’une amélioration du dépistage et de la prise en charge. Des autotests (sur papier buvard) pour la détection des trois virus ainsi que de nouveaux tests de mesure (en 1 heure) de l’ARN du virus C sur sang capillaire constituent des outils prometteurs pour conduire les actions de dépistage.
Les hépatites B-delta : De nouvelles cibles thérapeutiques vers la guérison de l’hépatite B par Fabien ZOULIM (Gastro-entérologie et hépatologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Hospices civils de Lyon)
Les infections chroniques par le virus de l’hépatite B demeurent un problème de santé publique mondiale, puisqu’il existe encore actuellement 257 millions de porteurs chroniques du virus dans le monde, seulement 1.7 millions d’entre eux étant traités. Les infections par le VHB sont la première cause de carcinome hépatocellulaire. L’OMS a récemment renforcé ses objectifs pour un meilleur contrôle de l’hépatite B avec une amélioration de la couverture vaccinale et une optimisation de l’accès aux traitements antiviraux actuels. Ces traitements permettent d’obtenir une viro-suppression mais non l’élimination virale. La communauté scientifique s’est donc engagée dans l’identification de nouvelles cibles antivirales et d’immunothérapie, l’objectif étant la guérison de l’hépatite B par des traitements de courte durée. Plusieurs défis scientifiques doivent être relevés du fait de la persistance du génome viral sous la forme d’un mini chromosome viral dans la cellule infectée (cccDNA), de la persistance de formes intégrées dans le génome de l’hôte, de la très forte charge antigénique, et de la difficulté à restaurer des réponses immunitaires antivirales qui se sont épuisées lors des infections chroniques. Il a été possible d’identifier de nouveaux agents antiviraux et un grand nombre de molécules sont maintenant en évaluation pré-clinique ou clinique. En outre, des efforts importants sont menés pour identifier de nouveaux biomarqueurs qui permettront de mieux sélectionner les patients dans les essais cliniques et de prédire la guérison. L’ensemble de ces efforts laisse entrevoir des avancées thérapeutiques prometteuses dans un avenir proche.
Conclusion par Pierre BRISSOT, membre de l’Académie nationale de médecine
Les points principaux qui peuvent être retenus sont :
i) L’importance de l’enjeu de santé publique mondiale : il est estimé que 2 500 000 sujets sont chaque année nouvellement infectés par le virus B ou le virus C ; ii) La révolution médicamenteuse permettant la guérison de l’hépatite C, par un traitement oral bien toléré de quelques semaines, chez la quasi-totalité des patients ; pour l’hépatite B elle permet, par des traitements oraux bien tolérés, certes d’administration prolongée et sans obtention d’une élimination virale, un coup d’arrêt de l’évolution hépatitique ; iii) Les limites de cette révolution sont le risque de carcinome hépatocellulaire. Ce risque est avant tout lié, si le diagnostic est tardif, à la survenue de la cirrhose ; si le diagnostic est précoce, c’est l’intégration du virus B dans le génome qui est en cause, et, pour le virus C, une possible induction de facteurs épigénétiques favorisant le développement du carcinome ; iv) La prévention est cruciale. Elle doit être secondaire, consistant en un dépistage généralisé et primaire (c’est-à-dire en amont de l’infection), par des mesures « d’hygiène médicale » (la transmission virale transfusionnelle demeure une réalité dans de nombreux pays), par des mesures d’hygiène corporelle (habitudes sexuelles, usage de drogues). La prévention primaire concerne également la vaccination : un pas essentiel a été franchi en France avec l’obligation de la vaccination du nourrisson depuis le 1er janvier 2018 ; il reste un grand pas à franchir par la mise au point d’un vaccin contre le virus C.