Publié le 22 mars 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

Séance dédiée : « Arthropathies microcristallines »

Organisation : Patrick NETTER, Thomas BARDIN

22 mars 2022

Communications

Imagerie moderne des arthropathies microcristallines par Tristan PASCART (Rhumatologie, Hôpital Saint-Philibert, Groupement hospitalier de l’Institut Catholique de Lille, Université Catholique de Lille)

La place de l’imagerie dans le diagnostic et la prise en charge des rhumatismes microcristallins est grandissante avec l’avènement de moyens d’imagerie que sont l’échographie, et plus récemment le scanner double-énergie (DECT). L’objectif de la présente étude est d’identifier la place actuelle de ces imageries contemporaines dans la goutte, dans le rhumatisme à dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCD), et dans le rhumatisme à cristaux de phosphate de calcium basique (PCB). Dans la goutte, l’échographie et le DECT ont une place établie dans le diagnostic en permettant l’identification directe de dépôts articulaires et péri-articulaires de cristaux d’urate monosodique (UMS). Le DECT pourrait permettre également la détection de dépôts viscéraux. L’évaluation initiale puis le suivi des volumes de cristaux d’UMS en imagerie peuvent permettre de prédire l’activité inflammatoire de la goutte, la morbi-mortalité, et la dissolution des stocks de cristaux. L’échographie a une place établie dans le diagnostic des rhumatismes microcristallins calciques, tandis que la place du DECT reste à définir. Le DECT offre la perspective d’aider à discriminer les différents types de dépôts calciques (PPCD et PCB), sans que cela n’ait pour l’heure permis d’optimiser les performances diagnostiques comparativement au scanner conventionnel, ni n’ait trouvé d’application dans le suivi.

 

Actualité de la génétique des chondrocalcinoses par Pascal RICHETTE (Rhumatologie, Hôpital Lariboisière – APHP)

Les formes familiales de chondrocalcinose sont exceptionnelles. Deux formes de transmission autosomique dominante ont été identifiées. L’une liée au locus CCAL1, sur le chromosome 8q, où se trouve le gène TNFRSF11B qui code pour la protéine ostéoprotégérine, et la deuxième liée au locus CCAL2, sur le chromosome 5p et qui code pour la protéine ANKH. Les tableaux cliniques de ces deux formes semblent légèrement différents : si les mutations de ANKH sont responsables d’une forme inflammatoire polyarticulaire, la mutation dans TNFRSF11B s’associe à une polyarthropathie qui parait précéder l’apparition des dépôts de pyrophosphate de calcium (PPC). Les mutations dans ANKH sont décrites comme étant de type gain de fonction : elles ont été mises en évidence en 5’UTR, ainsi que dans les exons 1, 2 et 12 du gène. Elles sont à l’origine le plus souvent d’une accumulation de pyrophosphate inorganique (PPi) qui explique les dépôts de PPC dans les cartilages. En revanche, la mutation TNFRSF11B semble être de type perte de fonction, et ne s’accompagne pas d’anomalie du métabolisme du PPi ni de l’expression de ANKH. Les mécanismes à l’origine les dépôts de PPC ne sont pas connus, mais semblent faire intervenir une augmentation de la résorption de l’os sous-chondral.

 

Biologie du tophus goutteux par Hang Korng EA (Rhumatologie, Hôpital Lariboisière – APHP)

Les tophus goutteux sont des dépôts de cristaux d’urate de sodium (UMS), qui surviennent après une hyperuricémie chronique. C’est une complication des gouttes anciennes mal traitées. Ils sont responsables de destructions tissulaires et ostéo-articulaires, de déformations articulaires, et sont associés à un risque accru de mortalité cardiovasculaire. Les dépôts de cristaux d’UMS se produisent dans pratiquement tous les tissus mais intéressent plus particulièrement le cartilage articulaire, les ligaments, les tendons et les bourses. Les tophus sont formés de plusieurs compartiments séparés par des cloisons fibreuses. Chaque compartiment contient une zone centrale où sont déposés les cristaux, entourée d’une couche cellulaire puis d’une couche fibreuse. La couche cellulaire est composée de macrophages et de cellules géantes multinucléées. Ces cellules géantes expriment des marqueurs ostéoclastiques, des cytokines inflammatoires et des enzymes protéolytiques et participent probablement à la destruction osseuse. Les mécanismes exacts de formation des cristaux d’UMS et leur croissance ne sont pas élucidés. L’hyperuricémie est un facteur nécessaire mais non suffisant à la formation des cristaux qui dépend de facteurs locaux et systémiques comme la température, le pH, la force ionique et les macromolécules de la matrice extracellulaire. Leur prise en charge repose sur un traitement hypo-uricémiant efficace avec une uricémie cible suffisamment basse pour permettre leur dissolution rapide.

 

Apport des recommandations internationales sur le traitement hypo-uricémiant de la goutte par Thomas BARDIN (Université de Paris, INSERM U1132, Hôpital Lariboisière, APHP, Paris)

Le traitement hypo-uricémiant est un volet très important du traitement de la goutte, car il permet de faire disparaître les manifestations de la maladie par dissolution des cristaux d’urate de sodium pathogènes. Il se heurte cependant à de nombreuses difficultés dont la plus importante est le manque d’adhésion au traitement, qui doit être pris à vie pour être efficace. D’autres erreurs sont fréquentes : absence de prescription, posologie insuffisante pour atteindre la cible d’uricémie qui permet la dissolution des cristaux, absence de contrôle de l’uricémie sous traitement, absence de prévention des crises de goutte induites par les hypo-uricémiants en début de traitement. La fréquence de ses échecs a conduit à l’établissement de recommandations. Celles-ci insistent sur l’importance de l’éducation et sur une stratégie de traitement ciblée sur l’obtention d’une uricémie en dessous du point de saturation de l’urate de sodium : 360 ou 300 mmol/l selon les recommandations. Les hypo-uricémiants sont indiqués à un stade précoce de la maladie, dès que le diagnostic est certain pour la Société Française de Rhumatologie. Ils sont débutés à faible dose (50 à 100 mg/j pour l’allopurinol, 40 mg/j pour le fébuxostat) et progressivement augmentés toutes les 2 à 4 semaines jusqu’à obtenir l’uricémie cible. Les crises induites par la dispersion des cristaux lors de la dissolution des dépôts doivent être prévenues par la prise quotidienne de 0,5 à 1 mg de colchicine. L’application de ces recommandations permet une diminution de la fréquence des crises dès la deuxième année de traitement, et, dans les gouttes évoluées, la fonte lente des tophus, l’amélioration des arthropathies uratiques, de la fonction et de la qualité de vie. Elle diminue aussi la mortalité cardiovasculaire associée à la goutte.