Publié le 21 septembre 2021

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Conférence invitée

Le biomimétisme par Gilles BŒUF (Professeur de Physiologie, Sorbonne Université. Ancien président du Muséum national d’histoire naturelle. Ancien Professeur invité au Collège de France, Chaire Environnement)

 

 Communications

Transplantation utérine par Jean-Marc AYOUBI (Service de Gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction, Hôpital Foch, Suresnes)

 

La transplantation utérine est le premier traitement proposé pour traiter l’infertilité utérine absolue. C’est également la première transplantation d’organe de nature transitoire – pour la durée de 1 à 2 grossesses – proposée pour une indication non vitale, à savoir la capacité de porter un enfant et de lui donner naissance. Si la transplantation utérine est toujours à l’étape expérimentale, aujourd’hui plus de 70 greffes ont été réalisées dans le monde. La première en France a été réalisée par l’équipe de l’Hôpital Foch en 2019 et a abouti à une naissance vivante en février 2021.

La procédure est encore complexe et comporte des risques d’échecs et de complications. De nombreuses évolutions sont encore nécessaires afin de la simplifier et transformer cette chirurgie exceptionnelle en une chirurgie de pratique courante. Ces évolutions concernent notamment : i) La sélection des donneuses et des receveuses. Les donneuses apparentées (souvent la mère) sont les plus fréquentes mais le recours aux donneuses décédées (encore très restreint) permettrait d’éviter les risques importants de l’hystérectomie chez les donneuses vivantes. Pour les receveuses, l’indication principale est actuellement le syndrome MRKH (Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser : aplasie congénitale de l’utérus et de la partie supérieure du vagin) mais un passé d’hystérectomie pourrait aussi être considéré ; ii) La chirurgie ou encore la post-greffe. La laparoscopie robotisée est un outil précieux pour réduire les complications (qui sont surtout vasculaires et urétérales) ; le rejet est en règle bien maîtrisé par le traitement immunosuppresseur ; quant au délai à respecter avant le transfert d’embryons, il semble devoir être d’au moins six mois afin de limiter les risques infectieux ; Iii) Les questions éthiques sont également à prendre en compte : insuffisance du nombre de donneuses, risques chirurgicaux majeurs chez les donneuses vivantes, information éclairée des receveuses quant aux risques de la procédure.

La transplantation utérine, prouesse médicale et chirurgicale, nécessite une recherche permanente, dans un cadre international, afin d’en simplifier la technique et d’en approfondir la réflexion éthique.

 

L’ovaire, un miroir de longévité ? ou nouveaux liens entre gènes d’Insuffisance Ovarienne Primitive et de tumeurs/cancers par Micheline MISRAHI (Génétique Moléculaire des Maladies Métaboliques et de la Reproduction, Hôpital Bicêtre, Faculté de Médecine Paris Saclay)

 

L’infertilité est un problème de santé publique affectant environ 15% des couples dans le monde. L’insuffisance ovarienne primitive, correspondant à l’arrêt de la fonction ovarienne avant 40 ans, est un syndrome majeur responsable d’infertilité chez la femme (1-3,7%). Plusieurs études épidémiologiques ont montré l’existence d’une relation inverse entre l’âge de la ménopause et la durée de survie des femmes, celles avec insuffisance ovarienne primitive ayant une durée de vie la plus courte. Cette observation, longtemps incomprise, a été expliquée récemment par les progrès spectaculaires de la génétique en particulier du séquençage nouvelle génération, qui ont permis l’identification de causes génétiques d’insuffisance ovarienne primitive. En effet, la famille majoritaire responsable est celle des gènes de méiose et de réparation de l’ADN, certains étant aussi responsables de tumeurs/cancers. Ainsi, des mutations de gènes de la voie Fanconi (FANCM, BRCA2) sont à l’origine d’une fragilité chromosomique qui altère la gamétogénèse. Des études d’association à l’échelle du génome entier ont confirmé un lien génétique entre la variabilité physiologique de l’âge de la ménopause et l’insuffisance ovarienne primitive, ce lien impliquant la famille des gènes de réparation de l’ADN. Cette observation va bouleverser la prise en charge des patientes du fait de la possibilité de comorbidités et d’une diminution de l’espérance de vie. L’identification de cette sous-population de patientes est une priorité médicale et scientifique pour l’avenir et permettra de mieux comprendre les mécanismes communs impliqués dans le vieillissement reproductif et la longévité.

 

 

La notion de délai de réflexion du patient dans le cadre d’une intervention en chirurgie orthopédique programmée : Étude prospective mono centrique. Rôle du médecin généraliste et du chirurgien par Henry COUDANE (PU PH Service Cota CHRU Nancy EA 4432 Université de Lorraine)

Le processus décisionnel d’une intervention chirurgicale non urgente est complexe, mettant en jeu plusieurs acteurs : patient, chirurgien, médecin traitant, personne de confiance, et de nombreuses sources d’informations. Ce processus nécessite une information claire, loyale et adaptée. Cependant la première chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 11 mars 2010 vient de rappeler qu’il incombait au chirurgien de laisser un temps de réflexion « adapté au patient pour que ce dernier puisse mûrir la décision et recueillir, s’il le désire, d’autres avis chirurgicaux ou d’autres informations. ». La réglementation et la jurisprudence ne donnent aucune précision sur la durée de ce temps de réflexion adapté. Les objectifs principaux du présent travail ont été d’étudier la notion de délai de réflexion et de situer la place respective du chirurgien et du médecin traitant dans le processus décisionnel. Une étude prospective observationnelle longitudinale a ainsi été réalisée dans le service de Chirurgie Orthopédique, traumatologique et arthroscopique du CHRU de Nancy. 114 patients ont été inclus. Le délai de réflexion semble nécessaire pour 45 % des patients, 28 % seulement souhaitant qu’il soit rendu obligatoire. En moyenne, l’estimation du délai de réflexion nécessaire est de 26 jours. Concernant le processus décisionnel, le médecin traitant est apparu utile ou très utile dans 62% des cas : chez 52 % des patients il est à l’origine de la consultation chez le chirurgien et les patients prennent une décision concernant l’acte avant d’avoir vu le chirurgien dans 43% des cas faisant confiance ainsi au médecin généraliste dont les connaissances sur les pathologies sont estimées bonnes (88 %). Dans ce processus décisionnel le chirurgien est nécessaire dans 70 % des cas et la personne de confiance dans 20% des cas.

Cette étude est la première à montrer que : i) le délai de réflexion est utile dans la conceptualisation de l’information, sans que les patients considèrent qu’il doive être rendu obligatoire ; ii) pour le processus décisionnel, le patient, le médecin généraliste, le chirurgien orthopédique, et la personne de confiance, fonctionnent en harmonie.