Publié le 2 février 2021

Cette séance, organisée par Francis Galibert et Patrick Netter, est dédiée en hommage à Kary B. MULLIS (1944-2019), biologiste américain, prix Nobel de chimie en 1993; bien que l’acuité de sa pensée n’avait d’égale que l’économie de son écriture (32 publications répertoriées sur PubMed), il a révolutionné la recherche fondamentale par l’invention de la PCR (Polymerase Chain Reaction) en 1985.

 

 

La PCR: un outil qui a mis la biologie moléculaire à la portée de tous les laboratoires d’analyses médicales. Marc Delpech, Institut Cochin, INSERM U 1016, CNRS UMR 8104, Paris Descartes UMR-S1016.

 

La PCR (Polymerase Chain Reaction) a permis à tous les laboratoires de biologie médicale de maîtriser l’analyse des acides nucléiques. Sans cette invention, la génétique aurait peu progressé, la détection d’un virus chez un patient serait impossible: c’est souligner l’importance de cette découverte médicale à l’aune des épidémies de SIDA et récemment de Covid-19.

La PCR consiste à pratiquer des réplications de l’ADN in vitro utilisant de courts fragments d’ADN, complémentaire des deux extrémités de la région à analyser appelés amorces. Elle se déroule ensuite en trois étapes : séparer les brins de l’ADN, permettre aux amorces de s’hybrider, permettre à la polymérase de répliquer la séquence d’ADN situé entre les deux amorces. A chaque cycle, la quantité d’ADN double et son augmentation est exponentielle. En raison de sa simplicité technique et d’un matériel nécessaire également simple, elle est accessible à tous les laboratoires de biologie médicale.

La PCR et ses évolutions (PCR en temps réel, PCR digitale) ont permis d’importants progrès en génétique (capacités de séquençage, isolement des gènes responsables de plus de 2000 des maladies héréditaires), en infectiologie (recherche des gènes responsables de résistance aux antibiotiques, détection et quantification des agents infectieux), en pathologie fœtale (Rhésus du fœtus, aneuploïdies, maladies mendéliennes), en cancérologie (ADN tumoral circulant, traitements personnalisés).

 

 

PCR et paléogénétique: pour le meilleur et pour le pire. Eva-Maria Geigl, Institut Jacques Monod, Université de Paris, CNRS, Paris.

 

Au milieu des années 1980, les premiers résultats obtenus par l’extraction et l’analyse de l’ADN préservé dans des vestiges biologiques du passé ont consacré la naissance de la paléogénétique. La PCR a permis ses premiers succès mais a également failli la tuer à la fin des années 1990, en raison de sa puissance et du grand nombre d’artefacts liés la nature dégradée de l’ADN ancien. La paléogénétique doit sa renaissance à l’application de procédures expérimentales rigoureuses et au développement de méthodes de décontamination et de prévention des contaminations; le séquençage massivement parallèle a rendu possible l’obtention d’informations génomiques d’individus anciens.

Depuis 2006, la paléogénétique s’est transformée en paléogénomique: cette nouvelle approche repose sur la construction de banques d’ADN, toutes les molécules d’ADN étant ensuite séquencées par une approche de séquençage aléatoire qui a deux avantages importants: déduire la séquence des génomes entiers d’organismes éteints et réduire les contaminations. L’analyse paléogénomique a permis de caractériser les métissages entre les humains anatomiquement modernes et des humains archaïques, d’éclairer la dynamique des populations d’animaux sauvages et les processus de domestication des animaux. La paléogénomique a révolutionné la paléoanthropologie, éclairant l’évolution des espèces et les grandes migrations, rendant possible l’analyse des êtres humains, éclairant l’évolution des bactéries et virus pathogènes et quelques-unes des plus grandes pandémies subies par l’humanité.

 

 

L’amplification génique : une révolution en médecine légale et en criminalistique. Bertrand Ludes, Université de Paris, BABEL, CNRS, Institut Médico-Légal de Paris.

 

L’identification génétique décrite par Alec Jeffreys en 1985 permet l’identification des individus par l’étude de polymorphismes situés sur la molécule d’ADN. Ces analyses sont comparatives ou généalogiques. Grâce aux techniques d’amplification génique, cette méthode de plus en plus rapide peut être réalisée sur des quantités infimes d’ADN et à partir de molécules d’ADN dégradé. Les applications de l’identification génétique en criminalistique concernent l’identification des auteurs de crimes de sang, d’agression sexuelle à partir de traces biologiques sur les lieux des faits ou sur les victimes mais également les recherches de filiation et les identifications de corps; son inconvénient est sa sensibilité aux contaminations par de l’ADN qui n’est pas en rapport avec l’affaire en cours. Ces techniques sont actuellement appliquées à de nombreuses investigations ou enquêtes policières.

Les perspectives concernent l’analyse des séquences appelées polymorphisme de séquence (SNP) possédant une puissance d’identification importante et le séquençage complet de l’ADN humain permettant la détermination de critères morphologiques (couleur des yeux, couleur des cheveux, couleur de la peau).