Publié le 1 mars 2022

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Communications

L’immigration médico-scientifique aux États-Unis durant le XXe siècle, Jean-Louis Michaux, Professeur émérite, Membre associé étranger de l’Académie nationale de médecine, Belgique.

Ce travail est basé sur les données recueillies dans le dictionnaire médical de l’Académie nationale de médecine, riche de 64.294 termes médicaux, auprès des auteurs qui sont à l’origine de la description des maladies. Le recueil contient près de 1500 auteurs américains qui ont publié leurs œuvres au XXe siècle. L’origine de ces auteurs américains ainsi précisée a permis de les diviser en trois groupes : les «Émigrés» (344), les «Descendants d’immigrés» (179) et les «Américains de souche» (961). 71% des «Émigrés», 74% des «Descendants d’émigrés» et 75% des «Américains de souche» ont embrassé une carrière académique dans une université américaine ; 11% des «Émigrés», 17% des «Descendants d’émigrés» et 7% des «Américains de souche» ont été honorés d’un prix Nobel. La majorité des «Émigrés» et des «Descendants d’immigrés» venaient d’Europe, principalement de l’est et du centre de l’Europe. Un tiers des «Émigrés» et la moitié des «Descendants d’immigrés» étaient d’ascendance juive et leur migration suivait le pogrom, le nazisme et le fascisme. Dans l’étude de leur carrière scientifique, comparativement aux «Américains de souche», les «Émigrés» et les «Descendants d’immigrés» étaient reconnus pour la notoriété de leur carrière, par des distinctions scientifiques et universitaires. L’antisémitisme a favorisé l’immigration médico-scientifique des Juifs européens et promu le développement scientifique des Etats-Unis au cours du XXe siècle.

 

Vers une équité en santé mentale pour les enfants de migrants. Propositions transculturelles. Marie-Rose Moro, Maison de Solenn, Maison des adolescents de l’Hôpital Cochin, Paris.

La question de l’équité en santé et des effets des disparités sociales et culturelles sur la santé mentale a essentiellement été posée aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons. L’analyse de la littérature internationale a permis de la poser pour la santé mentale des enfants et des adolescents. Les enfants migrants (première et seconde génération) sont particulièrement vulnérables ; ils ont une moins bonne santé mentale et souffrent plus souvent de pathologies psychiques que les enfants natifs, aussi bien en France que dans le monde. Les disparités en santé mentale dont ils souffrent sont liées en premier lieu aux effets des parcours de vie de leurs parents ou d’eux-mêmes sur leur santé mais également à un accès plus difficile au système de soins pédopsychiatriques du fait de questions de langues et de représentations de leurs besoins ; tous souffrent de discriminations et de racisme qui aggravent leurs souffrances psychiques. Ces discriminations appartiennent à la société et au champ de la santé. Les effets de la migration et des discriminations sur la santé mentale des enfants sont analysés et des propositions énoncées pour augmenter des facteurs de protection de ces enfants et adolescents et de leurs familles à partir d’exemples de programmes dans le monde et de recherches transculturelles en France : mieux évaluer et valoriser leurs compétences langagières (Elal d’Avicenne), mieux les évaluer sur le plan psychologique (Temas), récupérer la souffrances des bébés et des enfants (PsyCa),  essayer l’efficacité des psychothérapies transculturelles. La santé mentale des enfants de migrants reste un domaine négligé alors que son impact, en termes de bien-être des enfants et des adultes qu’ils seront mais aussi en termes de santé publique et en termes économiques, est très important.

 

Modulateurs pharmacologiques du canal CFTR : une révolution thérapeutique dans la mucoviscidose. Jean-Christophe Mercier, Professeur de Pédiatrie, membre de la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé.

La mucoviscidose est une maladie monogénique affectant environ 7.300 patients en France. Plus de 2.000 mutations dans le gène CFTR, gène codant pour un canal épithélial qui transporte les ions chlorure et bicarbonate, conduisent à la production d’un mucus déshydraté et visqueux qui altère les fonctions respiratoire et pancréatique ; la délétion d’une phénylalanine (F508del) est la mutation la plus fréquente présente dans plus de 80% des cas. Le dépistage néonatal systématique en France depuis 2002 par le test de Guthrie et des traitements symptomatiques contraignants ont permis d’améliorer l’âge médian au décès au-delà de 30 ans et au-delà de 50 ans pour les nourrissons aujourd’hui dépistés ; en 1992,  l’Association « Vaincre la Mucoviscidose » a mis en place un observatoire national et ensuite un registre national. L’ivacaftor, un potentiateur de la fonction CFTR, a été le premier à faire la preuve d’une amélioration nette des symptômes chez de rares patients porteurs d’une mutation dite gating altérant l’ouverture fonctionnelle du canal CFTR.  Puis ont été testées diverses combinaisons d’un potentiateur et de correcteurs de la protéine CFTR chez des patients homozygotes pour la mutation majoritaire F508del ou hétérozygotes F508del/mutation avec une activité résiduelle ou minimale, comme lumacaftor + ivacaftor ou tezacaftor + ivacaftor. Enfin, la triple association d’ivacaftor + tezacaftor + elexacaftor a permis de normaliser la teneur en chlorure sudoral, d’améliorer durablement la fonction respiratoire (VEMS), de diminuer les exacerbations pulmonaires et la consommation d’antibiotiques chez les patients homozygotes ou hétérozygotes composites pour la mutation F508del. Ces modulateurs pharmacologiques ont été valorisés par la Commission de Transparence de la HAS et l’accès à la trithérapie par ATU nominative activé depuis deux ans. Les traitements actuels ont prouvé leur efficacité sur la qualité de vie, les hospitalisations et surtout le nombre annuel de transplantations pulmonaires pour mucoviscidose qui a spectaculairement diminué à partir de 2020, indépendamment de l’effet pandémie, sans augmentation des décès en l’absence de transplantation. Il reste à démontrer leur efficacité sur la survie et leur tolérance notamment hépatique à long terme.