Publié le 18 mai 2021

Conférence invitée

L’INSERM, son projet futur, son articulation avec la loi de programmation pluriannuelle de la recherche par le Pr Gilles Bloch, Président de l’INSERM.

 

L’INSERM représente 40% de la littérature médicale française et 4% de la littérature mondiale sur la COVID.

Le projet porte sur les maladies infectieuses, la santé mentale et la santé publique, sur le développement de la capacité d’initiative (260 laboratoires en 2020), et sur une stratégie de programme de recherches spécifiques cliniques (pour la 1ère première fois dans l’histoire de l’INSERM)

Pour les sciences ouvertes : il s’agit de différencier deux versants : la publication ouverte (négociation collective avec les éditeurs) et les données ouvertes (mise en partage de données sur les essais cliniques pour avoir accès aux résultats négatifs mais discussion de la qualité scientifique des données en l’absence de relecteurs)

Le contrat d’objectifs se décline en lien avec la loi de programmation de la recherche, avec une vision incrémentielle : 1-financement (ministère de la Santé), le budget augmente pour la première fois depuis 10 ans, 2- augmentation des salaires, 3-prise en compte d’une lente érosion de la population (techniciens, ingénieurs)

Actuellement la recherche est surtout financée par l’ANR, les amendements financiers induisent des coûts indirects qui écrasent les capacités d’action.

La loi de programmation propose une innovation, à savoir la création de chaires de professeur junior, mais seulement 60 chargés de recherche seront recrutés cette année.

Dans les difficultés actuelles, la question se pose d’un rebond : . après une crise exceptionnelle, séculaire, ce rebond peut être ample si, suivant les recommandations de l’Académie, sont réalisées des modifications portant à la fois sur les moyens et sur l’organisation.

 

 

 

Séance des membres correspondants de la 4e Division

Organisation : Dominique BERTRAND, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.

 

Le signalement de violences conjugales aux urgences du CHU d’Amiens ou pré-plainte. À propos de 12 cas par Olivier JARDÉ (Service de médecine légale et sociale, UMJ, CHU Amiens Picardie, )

 

Depuis une vingtaine d’années, les violences au sein du couple font l’objet d’une prise en conscience. 170 femmes meurent chaque année de violences conjugales, le plus souvent dans la récidive. Afin de mieux accompagner les victimes, les violences conjugales ont été reconnues « grande cause nationale » depuis 2010, après le Grenelle. Un nouveau protocole original et innovant a été mis en place en juillet 2020 pour que les victimes bénéficient, dès leur passage aux Urgences, d’une prise en charge complète médicale, sociale et judiciaire (pré-plainte). Le but est de prévenir les récidives. Une formation spécifique pour les professionnels de santé et des forces de police a été engagée. La patiente est informée de ses droits, une fiche gendarmerie est établie et un examen médicolégal est réalisé d’emblée

L’étude présentée a eu pour but de faire un état des lieux de cette nouvelle prise en charge. Douze femmes, incluses du 27 juillet 2020 au 31 mars 2021, ont bénéficié de ce protocole. Ces victimes exclusivement féminines avaient un âge moyen de 33,8 ans (19-47 ans). Elles ont été reconnues sur allégation ou sur suspicion de l’urgentiste et sur témoignage d’enfant ; un taux d’ITT était immédiatement établi.

Parmi les trois victimes qui avaient des enfants témoins (25%), une seule précisait qu’eux aussi étaient victimes (8,3%). Trois victimes (25%) étaient enceintes, état connu de leur agresseur. Toutes rapportaient des coups directs (coup de poings ou de pied, étranglement, gifles ou cheveux tirés), une seule (8,3%) l’utilisation d’une arme blanche. Cinq d’entre elles évoquaient des violences verbales associées (41,6%). On retrouvait des ecchymoses chez 10 victimes. Un retentissement psychologique était noté chez 7 d’entre elles (58,3%). Le nombre de jours d’ITT variait de 1 à 3 jours. Dix victimes évoquaient des violences antérieures et/ou répétées. Pour deux d’entre elles, il existait un dépôt de plainte antérieure (15,4%). Pour deux victimes, il n’y a pas eu de suite à ce dispositif (16 ,6%).

Il y a eu 15% de récidive : ce chiffre est à rapprocher des 1.000 violences /an dans le département de la Somme. Les 12 femmes ont accepté de déposer une pré-plainte : ce qui facilite les démarches pour 80%, mais 20% n’ont finalement pas porté plainte.  Or le temps est l’ennemi des victimes :  oubli, sentiment de culpabilité, problème des enfants…

Cette étude montre le réel intérêt de ce nouveau protocole car pour près de 80% des victimes, il y a eu une prise en charge judiciaire et une protection des victimes. Ce processus innovant, peu connu, a permis de raccourcir les délais médico-légaux.

 

 

 

 

Adaptation de l’organisation des soins d’une maternité de type 3 du fait du SARS-CoV-2 par Jean-Michel HASCOËT (Maternité Régionale A Pinard, CHRU Nancy. Université de Lorraine, DevAH-3450,)

 

La pandémie COVID-19 a nécessité une adaptation rapide de l’organisation des soins. L’objectif a été d’assurer l’accueil des parturientes infectées en évitant les contaminations au moment de l’accouchement tant pour le nouveau-né que pour le personnel soignant. Était aussi prise en compte l’instauration des liens parents-enfant essentiels au-delà de la pandémie.

Deux à 5% de l’acquisition de la COVID en période périnatale a un impact limité car les nouveau-nés sont peu malades : l’ontogénie, l’immaturité enzymatique spécifique minimisent les conséquences dans cette population.

 

La réorganisation des soins a d’abord reposé sur la création d’une équipe opérationnelle multidisciplinaire avec pour objectifs, autour d’une réunion quotidienne, la réactivité et la cohérence des conduites. Les activités ont été recentrées sur la situation épidémique avec déprogrammation des activités non urgentes et articulation avec le réseau de ville. Une réorganisation des plannings et une formation spécifique à l’habillage ont été réalisées. Une dotation en masques, gels et lingettes désinfectants a été assurée. Un triage des admissions a été mis en place avec un circuit particulier et des personnels dédiés. Une salle de naissance et un bloc opératoire spécifiques équipés du strict nécessaire ont été associés à un poste de réanimation néonatale particulier. Des téléconsultations et des visites à domicile ont été mises en place.

En Néonatologie, deux secteurs ; dont la ventilation en pression positive a été suspendue, ont été dédiés aux familles à risque. En ce qui concerne la distance mère – enfant le choix a été celui du risque théorique de contamination car le nouveau-né est peu symptomatique et il est apparu incohérent de séparer la mère et l’enfant en maternité puis de les laisser repartir ensemble

Le choix a été fait d’inciter à l’allaitement maternel, le virus étant absent dans le lait maternel et l’allaitement étant si important pour lutter contre le stress.

Le port du masque et le lavage des mains avec désinfection au gel hydroalcoolique ont été exigés de tous, en particulier des parturientes. Trente pour cent des enfants ont été laissés au chevet de leur mère en chambre particulière. La sortie précoce, dès 48 h, a été systématiquement organisée avec relai par sage-femme à domicile.

Au total, cette adaptation de l’organisation des soins a permis de répondre de façon satisfaisante à la situation particulière de cette pandémie. Ce problème de santé publique était posé car la mère est plus malade que dans la population générale alors que le nouveau-né est indemne.

 

 

Télétravail contraint en pandémie, nouveau risque psychosocial. Réflexions sur les enjeux santé et l’accompagnement nécessaire par Alain CHAMOUX (Professeur émérite de médecine du travail et des risques professionnels, Faculté de Médecine, Université Clermont Auvergne)

 

Avec la pandémie COVID-19, les mesures barrières ont aussi concerné le monde du travail. Particulièrement le télétravail a été encouragé sur une longue période en France, puis généralisé en mars 2021 entrainant un isolement social. Le climat anxiogène lié à la pandémie et le caractère précipité de cette décision représentent un nouveau facteur de risque psychosocial.

Le télétravail repose sur loi du 22 mars 2012 qui définit trois conditions d’éligibilité relatives à la nature du poste, au salarié, et à son domicile. Avant la pandémie, le pourcentage de télétravail était de 5% dans le secteur public et 10% dans le privé. Avec la pandémie en 2020, le télétravail imposé a subi un bond à 33% dont 94% au domicile.

Le télétravail imposé à temps complet est anxiogène. Pour les salariés en télétravail : 1/3 présentaient des symptômes d’angoisse et de stress, et 59% déclaraient que le télétravail était inadapté. Pour les patrons, la productivité a augmenté de 22%. Les risques sanitaires  sont le stress professionnel, la perte du sens du travail, l’isolement social, et la décompensation psychique des personnes fragiles.

Pour l’employeur, le télétravail est un danger car il a une obligation de résultat en matière de santé mentale. Trois types de mesures préventives sont à prendre en compte :  mesures primaires (suivi des messages d’alerte de l’OMS : échanges avec les proches…) ; mesures secondaires avec réalisation d’un bilan de santé mentale (importance des questionnaires) ; mesures tertiaires en cas d’atteintes psychiques connues.

 

Dans les perspectives postpandémiques, 71% veulent rester en télétravail mais, paradoxalement, 60% veulent retourner en entreprise.

 

En conclusion, le bien-être au travail repose sur un délicat équilibre entre la vie personnelle et vie professionnelle.

 

 

Deux nouvelles procédures d’accès à l’exercice médical pour les médecins à diplôme hors Union européenne en 2021 : aspect juridique et démographique par Dominique BERTRAND (Professeur émérite de l’Université de Paris, Conseiller national de l’Ordre des Médecins, Médecin de santé publique

 

En 2020, 8399 nouveaux médecins ont été recensés, se répartissant en 86% de Français, 7% d’étrangers UE, et 5,8% d’étrangers hors UE. La loi du 24 juillet 2019, relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, prévoit en deux articles différents, des mesures permettant le recrutement au plein exercice pour des médecins à diplôme hors Union Européenne (DHUE): d’une part, pour le territoire métropolitain, par régularisation des médecins exerçant actuellement en France ; d’autre part, pour la Guyane et les Antilles, par appel à candidature de médecins. La voie de la régularisation concerne les médecins associés ayant un exercice en France ; le dépôt d’un dossier à l’agence régionale de santé (ARS) leur permet de se présenter devant une commission régionale, celle-ci rendant une décision d’acceptation, de refus ou de complément à acquérir. Ce dépôt de dossier a pour conséquence l’autorisation de poursuivre son activité en France en attendant de passer devant la commission. La procédure de la commission territoriale est destinée aux Antilles-Guyane et peut autoriser un médecin étranger titulaire d’un diplôme de médecine de tous les pays à exercer dans la région après avoir été retenu par une commission à prédominance médicale. Avant cette loi, seul le préfet (autorité administrative) délivrait ces autorisations.

Ces deux nouvelles voies complètent les trois déjà existantes pour les médecins à DHUE :  loi CMU de 1999, loi de finances de la Sécurité sociale (LFSS) de décembre 2006, et voie C de régularisation qui existait précédemment.