Résumés des séances de l’Académie*
* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton
Séance dédiée : « Amyloses : état actuel »
Organisation : Michel DESNOS (membre de l’Académie nationale de médecine)
Introduction par Gilles GRATEAU (Service de médecine interne, Hôpital Tenon, Paris)
Communications
Amylose cardiaque à transthyrétine une maladie du 21e siècle : du diagnostic au traitement. Thibaud DAMY. Centre de Référence Amyloses Cardiaques, Service de Cardiologie, GHU Henri Mondor, APHP.
Les amyloses cardiaques sont liées à une accumulation extracellulaire de protéines fibrillaires insolubles qui altèrent progressivement le fonctionnement du myocarde. Ce processus est dynamique, puisque les fibrilles se multiplient et se divisent. Les amyloses sont classées suivant la nature biochimique de la protéine amyloïde impliquée dans la formation des dépôts.
Le pronostic dépend de la sévérité de l’atteinte cardiaque. Les amyloses à transthyrétine (TTR) sont les plus fréquentes et sont de deux types :
1. L’amylose à transthyrétine sauvage anciennement appelée amylose systémique sénile où le précurseur est la transthyrétine non mutée (ATTRwt) survenant quasi exclusivement chez des hommes au-delà de 50 ans. Cette amylose représenterait 13% des insuffisances cardiaques à FEVG conservée et 16% des rétrécissements aortiques chez l’homme bénéficiant d’un TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation).
2. L’amylose à transthyrétine héréditaire. La transmission est autosomique dominante. Les atteintes tissulaires sont variables suivant la mutation et donnent différents phénotypes : cardiologique, neurologique ou mixte; 6% des cardiomyopathies hypertrophiques étaient associées à une mutation du gène de la transthyrétine dans une étude multicentrique française. La première mutation identifiée était la Val30Met observée principalement chez les patients d’origine portugaise. Elle se traduit par l’apparition d’une neuropathie à l’âge de 25 à 30 ans à évolution lente, mais fatale. La médiane de survie des amyloses cardiaques est de 50% à 3 ans.
Explorations à visée diagnostique.
L’échocardiographie et l’IRM sont complémentaires dans l’approche diagnostique, mais ces deux examens ne permettent pas de distinguer les différentes formes d’amylose.
La scintigraphie myocardique aux biphosphonates est l’examen clé pour le diagnostic de l’atteinte cardiaque des ATTR. Les traceurs biphosphonates utilisés pour les scintigraphies osseuses marquent les dépôts d’amylose cardiaque. Une fixation myocardique intense à la scintigraphie est très en faveur d’une amylose à transthyrétine (héréditaire ou sauvage) surtout s’il n’y a pas de gammapathie associée. C’est pourquoi la scintigraphie osseuse au biphosphonate et la recherche de gammapathie sont des examens incontournables dans le bilan étiologique des cardiomyopathies hypertrophiques.
Le diagnostic différentiel : l’amylose AL
Le diagnostic des amyloses AL nécessite la réalisation d’une électrophorèse des protides, l’immunofixation, du dosage des chaînes libres sériques (kappa ou lambda) et la recherche de protéinurie de Bence Jones. Ces examens permettent de quantifier les chaînes kappa et lambda.
Traitement des amyloses cardiaques
L’anticoagulation est souvent nécessaire du fait du risque élevé d’événements thromboemboliques chez les patients atteints d’une amylose cardiaque. Les arythmies auriculaires sont courantes et l’implantation de pacemaker peut être utile.
L’association sténose aortique et amylose cardiaque confère un plus mauvais pronostic d’autant plus si la sténose a un bas débit et un bas gradient.
Traitement spécifique des amyloses cardiaques ATTR sauvages (ATTRwt).
Le traitement de l’amylose cardiaque est le tafamidis qui est un stabilisateur de la transthyrétine (TTR). Il se lie à la TTR et inhibe la dissociation du tétramère. Des essais thérapeutiques dans les amyloses TTR cardiaques sont en cours pour évaluer l’effet du patisiran de l’inotersen et du vutrisiran sur la réduction des événements cardiaques.
Conclusion
Le diagnostic des amyloses cardiaques s’est grandement amélioré ces dix dernières années. La reconnaissance de cette pathologie est capitale, car la prise en charge cardiologique nécessite des traitements spécifiques pour ralentir ou stopper le processus infiltrant.
Neuropathie amyloïde à transthyrétine : du diagnostic au traitement. David Adams, Service de neurologie, CHU Bicêtre, AP-HP, Université Paris Saclay,
La neuropathie amyloïde héréditaire à transthyrétine (NAH-TTR) est une maladie rare liée à une mutation du gène de la transthyrétine (préalbumine, TTR) responsable d’atteintes périphériques somatiques et végétatives. La NAH-TTR concerne des adultes d’âge variable. Le principal signe clinique de la maladie est l’existence d’une polyneuropathie distale symétrique à petites fibres qui débute assez souvent aux membres supérieurs. Les outils diagnostiques sont le test génétique à la recherche du variant pathogène de la NAH-TTR, et la mise en évidence de dépôts amyloïdes après biopsie cutanée ou après scintigraphie osseuse.
La NAH-TTR nécessite une approche multidisciplinaire comportant au moins un neurologue, un cardiologue et un généticien et, en fonction du génotype et du traitement, un ophtalmologue et d’autres spécialistes.
La prise en charge nécessite une évaluation de base de la neuropathie et des atteintes d’organes ainsi qu’un conseil génétique. Le traitement comporte : un traitement symptomatique des manifestations de la neuropathie somatique et autonome, un traitement modificateur de la maladie (TMM) pour bloquer ou réduire la production d’amylose, un traitement de l’atteinte des organes associés (oculaire, cardiaque, rénale).
Grâce aux avancées des 10 dernières années, les patients ont accès à trois types de traitements modificateurs de la maladie ; (1) un stabilisateur de transthyrétine, le tafamidis, (2) des silenceurs géniques, ARN interférents, patisiran ou vutrisiran, dégradant l’ARN messager des TTR variants dans les hépatocytes afin de réduire la production et la formation des dépôts amyloïdes, et (3) des oligonucléotides antisens.
Amylose systémique AL : Le point sur l’atteinte rénale. Frank Bridoux, Université de Poitiers, Service de Néphrologie, CHU Poitiers
L’atteinte rénale est l’une des manifestations les plus fréquentes de l’amylose systémique AL. Elle résulte du dépôt extracellulaire de fibrilles colorées par le rouge Congo, constituées d’une chaîne légère monoclonale, majoritairement lambda, produite par un clone de faible masse, le plus souvent plasmocytaire.
Souvent inaugurale, cette atteinte rénale se manifeste typiquement par une néphropathie glomérulaire avec albuminurie massive, syndrome néphrotique, rétention hydrosodée sévère et insuffisance rénale.
La rapidité du diagnostic histologique et la recherche exhaustive des autres manifestations souvent associées, notamment cardiaques, conditionnent le pronostic rénal et vital.
L’utilisation des techniques pour identifier la nature des dépôts amyloïdes, l’établissement de critères internationaux pour les différentes atteintes d’organe, et la mesure de la qualité de la réponse hématologique basée sur la concentration des chaînes légères libres sériques, ont amélioré la prise en charge de l’amylose AL.
Le traitement repose sur la suppression de la production de la chaîne légère en cause, par une chimiothérapie adaptée à la nature du clone médullaire sous-jacent.
Depuis 15 ans, le développement de nouveaux protocoles a considérablement amélioré l’évolution de la fonction rénale.
Les schémas thérapeutiques modernes à base d’anticorps monoclonaux anti-CD38 devraient encore améliorer ces résultats en accroissant le taux de réponse hématologique complète.
Chez les patients développant une insuffisance rénale terminale, la transplantation rénale donne des résultats satisfaisants à condition d’avoir obtenu au préalable une rémission hématologique.