Publié le 15 mars 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

Séance dédiée :

« Mon espace santé »

Une télémédecine clinique désormais possible et nécessaire

Organisation : André CHAYS

 

Téléconsultation, télé-expertise, télésurveillance : l’apport de « Mon Espace Santé » par Pierre SIMON (Fondateur de la Société Française de Télémédecine)

La télémédecine clinique doit être de qualité comparable à la médecine clinique en présentiel. Tout acte de médecine, qu’il soit réalisé en présence du patient ou en distanciel, s’appuie sur les données de santé recueillies lors de l’interrogatoire médical, lequel contribue dans 70% des cas à évoquer un diagnostic, l’examen physique n’y contribuant que dans 5% et les examens complémentaires dans 25%. L’avènement de « Mon espace santé » (MES), véritable coffre-fort pour les données personnelles de santé de chaque citoyen, améliore indiscutablement les pratiques cliniques de la télémédecine. Outre le dossier médical partagé (DMP), il contient une messagerie sécurisée, un agenda et un catalogue d’applications numériques.

La téléconsultation est un contact direct entre le médecin et le patient à travers un écran. Pour compléter l’interrogatoire médical, le patient pourra donner accès à son MES (le DMP), en particulier lorsque le médecin qui réalise la téléconsultation n’est pas le médecin traitant habituel, ce dernier ayant accès au dossier patient informatisé qu’il a constitué dans son logiciel métier. Une téléexpertise médicale est réalisée sur la base des données de santé d’un patient. Le médecin expert est sollicité par le médecin traitant ou un professionnel de santé non médical. Le médecin expert pourra solliciter la consultation du DMP du patient, ce dernier pouvant également participer à la téléexpertise en répondant aux questions du médecin expert par la messagerie sécurisée en santé de MES. La télésurveillance médicale au domicile, en particulier des patients atteints de maladies chroniques, se fait à partir d’applications numériques qui figurent dans le catalogue de MES. Ces applications permettent de suivre des indicateurs de la maladie chronique et de générer des alertes au professionnel de santé en charge du télésuivi. Ces applications ont été labellisées par l’Etat pour leur sécurité d’utilisation, la fiabilité de l’algorithme utilisé pour les alertes, et l’interopérabilité avec MES.

Toutes les pratiques de télémédecine doivent respecter les grands principes de l’éthique médicale (bienfaisance, non-malfaisance, autonomie et justice). De même, les solutions numériques créées pour la télémédecine doivent être compatibles avec l’éthique médicale.

 

Santé numérique – Télémédecine : l’évidence d’une formation universitaire pour tous les professionnels de santé par Thierry MOULIN (Département de neurologie, CHU de Besançon)

Les universités de santé, en intégrant les formations paramédicales, ont la responsabilité sociale de former tous les étudiants en santé, futurs professionnels, pour qu’ils puissent répondre, avec pertinence et efficience, aux besoins de l’offre de soins de nos concitoyens. La télémédecine et plus largement la santé numérique a pris une place majeure venant bouleverser les pratiques et les organisations du système de soins.

Le changement de paradigme des pratiques et organisations médicales comme les modèles de prise en charge des patients, passant de la pathologie aiguë aux maladies chroniques et à une médecine de prévention, impose également d’accompagner la formation des professionnels de santé, d’inventer les nouveaux métiers et les nouvelles formations adaptés à la révolution numérique.

Ainsi, la formation académique initiale et continue « au numérique » des acteurs de santé est la première étape fondamentale pour pouvoir se former ensuite « par le numérique ». Il s’agit de développer une compréhension des outils, d’adopter un esprit critique quant à leurs usages, et de participer à leur élaboration, en co-construction. L’université doit permettre, à tous les étudiants en santé, l’acquisition d’une véritable culture numérique et de compétences permettant la mise en place d’une « littéracie numérique » commune à partir d’un programme commun établi et validé en licence. Il est basé sur la certification « PIX » et l’extension à des compétences dans les cinq domaines clés que sont la cybersécurité, les données de santé, les outils connectés, la communication et la télésanté.

Appuyé sur l’interdisciplinarité entre santé, technologiques-ingénierie et sciences humaines qui sont la force de l’université, le numérique en santé trouve ses valeurs humaines et son sens au service de la santé des usagers. L’enseignement par et pour la recherche de la santé numérique et de la télémédecine ne peut que renforcer les compétences des futurs professionnels, faire émerger de nouveaux métiers, comme soutenir l’innovation. Enfin, la santé numérique impose des réflexions éthiques approfondies devant être incluses au cœur même du parcours de formation universitaire. Cette articulation universitaire entre formation et recherche en santé numérique – télémédecine est indispensable pour continuer de faire rayonner le savoir-faire de la médecine française.

 

Bonnes pratiques en matière de Télémédecine par Karim BOUDJEMA (Chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)

La télémédecine est de la médecine enrichie de moyens modernes de communication. Téléconsultation, téléexpertise, téléassistance, télésurveillance sont autant d’outils qui ont amélioré notre mode d’exercice au contact du malade. Des dérives sont possibles qui feraient perdre, à la télémédecine sa puissance, et à notre métier son éthique. Quelques règles de bonnes pratiques, qui tombent sous le sens, méritent d’être rappelées. Ainsi la télémédecine doit : i) être pratiquée dans le cadre de l’E-Santé. Un espace dédié, où le dossier médical personnel de chaque patient est accessible à tous les assurés, dédié, entretenu et sécurisé par l’état ; ii) préserver la notion d’ interactions où soignants et soignés peuvent échanger, se comprendre et où les pratiques peuvent être évaluées ; iii) rester un exercice humain où le patient est au centre de tout et le soignant omniprésent, gardant le contrôle et l’annonce des diagnostics et des décisions thérapeutiques ; iv) rester une pratique clinique qui préserve l’espace de confiance en conscience qu’est le colloque singulier, surtout lorsque la technologie vient interposer entre malade et soignant des outils de distanciation ; v) éviter de faire de la médecine un espace commercial où la prestation de service prend le dessus sur l’acte de soins ; vi) être enseignée, dans le cadre de la formation continue, et désormais en formation initiale au sein de chaque spécialité.

L’heure n’est donc plus à la résistance. La télémédecine est le mode d’exercice actuel et futur de la médecine. Il nous faut apprendre à la maîtriser.