Publié le 13 octobre 2020

Communications de l’Académie nationale de médecine

Mardi 13 octobre 2020

Quatre communications ont constitué la séance des membres correspondants de la deuxième division de l’Académie (Chirurgie et spécialités chirurgicales), organisée par Laurent Mandelbrot.

 

1-Avancées de la conservation des greffons destinés à la transplantation. Karim Boudjema (Chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)

La conservation d’organes est définie comme l’ensemble des procédés qui s’attachent à protéger le greffon des conséquences de l’anoxie entre le moment de sa déafférentation vasculaire chez le donneur et celui de sa revascularisation chez le receveur. Longtemps, elle s’est appuyée sur le principe selon lequel l’hypothermie (4,5 à 8°C), distribuée par la perfusion initiale de solutions de conservations dans les vaisseaux du greffon, atténuait les méfaits de l’ischémie.

La pénurie en greffons et la nécessité d’élargir les critères de sélection des greffons ont conduit à imaginer des conservations dynamiques à l’aide de machines de perfusion continue initialement hypothermiques oxygénées et actuellement normothermiques oxygénées. Plus que l’allongement de la durée de conservation, les perfusions normothermiques oxygénées permettent de tester, sélectionner les greffons avant l’implantation, programmer la greffe en dehors de l’urgence. Elles permettront dans un avenir proche de réparer voire transformer le greffon pour améliorer sa fonction initiale et sa survie au long cours.

2- Réalité augmentée et chirurgie du rachis, pour améliorer évaluation pré-opératoire, geste opératoire et apprentissage. Jean-Marc Vital (Unité de pathologie rachidienne, Groupe hospitalier Pellegrin, Bordeaux)

La réalité augmentée appliquée à la chirurgie du rachis permet la simulation pré-opératoire pour l’entrainement à la chirurgie du rachis, le calcul pré-opératoire notamment dans les ostéotomies vertébrales de redressement et la confection de matériel sur mesure. Grâce à la navigation et au robot chirurgical, sa principale indication actuelle est le vissage pédiculaire vertébral. Les limites de ces techniques modernes se situent dans le défaut de calibrage pendant l’intervention et dans leur accessibilité difficile. L’avenir suppose la multiplication des robots et  des indications plus larges que le vissage pédiculaire telles les reconnaissances des vaisseaux intra et extra-rachidiens, de la dure-mère et la réalisation de gestes complexes dans des directions difficiles à réaliser «à main libre» par le chirurgien, l’aidant à éviter les structures fragiles pour un geste encore plus sûr. Le chirurgien demeurera essentiel pour définir notamment la stratégie chirurgicale correcte indispensable à l’obtention d’un bon résultat chirurgical. La formation initiale devra veiller à l’apprentissage des techniques chirurgicales classiques afin de pallier, autant que nécessaire, à une impossibilité d’utilisation des outils chirurgicaux modernes.

 

3- Une histoire du cœur artificiel : du cœur d’Alexis Carrel au CARMAT d’Alain Carpentier.

Jean-Noël Fabiani (Chirurgie cardio-vasculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris)

Depuis les essais historiques de Carrel et Lindbergh, le désir d’obtenir des prothèses pour soutenir un cœur défaillant a été constant chez tous les chirurgiens cardiaques. Initialement conçue pour permettre la récupération d’un cœur après la chirurgie cardiaque, elle est ensuite devenue le «bridge to transplant» nécessaire pour attendre un greffon cardiaque (Cooley-Liotta). Les prothèses ont été décrites en fonction de la nécessité, le ventricule gauche seul ou les deux ventricules. Pour répondre à l’insuffisance du nombre de greffons, la conception d’un cœur artificiel définitif s’est progressivement imposée (révolution des turbines en 1998).

Né en 2013 de la rencontre d’Alain Carpentier et de la société Matra, le cœur CARMAT répond à de nombreux impératifs: pulsatile, courbe de pression proche de l’hémodynamique physiologique, autorégulé, biocompatible avec des bioprothèses valvulaires, relative simplicité chirurgicale.  Les résultats initiaux sont encourageants (70% de survie à 6 mois chez les patients de la première étude de faisabilité publiée en 2019); il est encore actuellement en cours d’évaluation. Il pourrait permettre d’attendre un greffon compatible ou de remplacer définitivement le cœur en cas de transplantation impossible.

4- Interventionnel et chirurgie : opposition, cohabitation ou complicité? Gérard MORVAN (Centre d’imagerie de l’appareil moteur Léonard de Vinci, Paris)

Une technique interventionnelle est un acte médical diagnostique et surtout thérapeutique guidé par l’imagerie, l’opérateur se guide sur l’image indirecte apportée par l’imagerie. De nombreuses pathologies courantes sont actuellement prises en charges par la radiologie interventionnelle, en particulier en chirurgie vasculaire, neurochirurgie, chirurgie cardiaque. Ces évolutions ont permis l’émergence d’une sous-spécialité radiologique, incluant une activité de consultation,  consacrée aux traitements guidés par l’imagerie, le plus souvent au sein d’une spécialité d’organe: neurologie, digestif, cardio-vasculaire, génito-urinaire, ORL, musculosquelettique. L’acceptation de cette évolution a été très variable, de la parfaite cohabitation au conflit ouvert acutisé par la faible porosité entre les différentes spécialités et des formations médicales initiale et continue inadaptées à  ce changement. L’installation de salles d’interventions hybrides ouvertes à l’ensemble des acteurs permettra une meilleure harmonie entre les différentes spécialités médico-chirurgicales.

La prise en compte de cette modalité thérapeutique est nécessaire lors de la formation initiale, doit être intégrée aux études de spécialité et à l’enseignement post-universitaire.