Publié le 12 octobre 2021

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

 

Séance dédiée : « Lupus systémique : actualités »

Organisateur : Loïc GUILLEVIN

 

Mécanismes physiopathologiques du lupus systémique

Alexis MATHIAN

Assistance Publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP), Groupement Hospitalier Pitié–Salpêtrière, Centre de Référence pour le Lupus, le Syndrome des anti-phospholipides et autres maladies auto-immunes rares, Institut E3M, Inserm UMRS Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (CIMI-Paris), Paris.

 

Le lupus systémique (LS) est une maladie chronique de présentation clinique hétérogène caractérisée par la production d’auto-anticorps dirigés contre des antigènes nucléaires. Sa survenue résulte de l’exposition à un environnement favorisant et d’évènements immunologiques aléatoires (stochastiques) sur un terrain génétique favorisant. La source principale des auto-antigènes semble provenir d’une élimination anormale des cellules mortes (efférocytose). Le matériel nucléaire anormalement disponible initie la réponse immunitaire par l’activation des récepteurs intra et extra cytosoliques aux acides nucléiques. Les interactions entre cellules dendritiques, lymphocytes B et lymphocytes T aboutissent à la production de cytokines, d’anticorps, de cellules cytotoxiques et d’une inflammation, délétères pour l’organisme. Les interférons, notamment de type I et le B Lymphocyte Stimulator (BLyS) ont un rôle clé dans l’initiation et l’entretien de la réponse auto-immune, avec une dérive du système immunitaire sur des années. De nombreux médicaments nouveaux sont en développement. Plus ciblés sur les acteurs immunologiques impliqués dans le LS que ne le sont les corticoïdes et les immunosuppresseurs actuellement utilisés, ces nouvelles molécules devraient améliorer l’efficacité et la tolérance des traitements.

 

 

Épidémiologie du lupus systémique : des approches traditionnelles aux méga-données

Laurent ARNAUD, Service de rhumatologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg,

 

Le Lupus Érythémateux Systémique (LES) est une maladie auto-immune emblématique. L’épidémiologie du LES est très variable d’un territoire à l’autre. L’objectif de cette revue est de présenter les principales données relatives à l’épidémiologie du lupus systémique, ainsi qu’à ses facteurs de risque, tout en soulignant le développement d’approches innovantes faisant notamment appel aux méga-données. Au plan mondial, la prévalence du LES varie de 4 à 178 pour 100 000 habitants (elle est particulièrement élevée aux USA et en Amérique du Sud subtropicale et tropicale, moyenne en Europe et Australie). Son incidence est de 0,3 à 23,7 pour 100 000 habitants par an (surtout élevée en Amérique du Sud et en Australie, moyenne en Europe de l’Ouest et en Chine). Il n’existe aucun recueil de données pour tout le continent Africain, l’Inde et la plupart des pays d’Asie du Sud-Est. Ceci reflète autant des variations ethniques et possiblement environnementales que des différences dans la méthodologie d’obtention des données. Les méthodes épidémiologiques appliquées à l’étude des maladies auto-immunes rares et plus particulièrement du lupus ont considérablement évolué avec l’arrivée des méga-données. D’une part les bases de données médico-administratives permettent de mieux caractériser l’incidence et la prévalence de ces pathologies à large échelle en utilisant des approches directes ou indirectes ; d’autre part des modèles statistiques originaux permettent de préciser l’existence d’associations spatiales entre exposition à des facteurs environnementaux et survenue de maladies auto-immunes. Mais l’accès à ces données est soumis à une autorisation pour un protocole de recherche agréé et l’évolution en fonction de prises en charge n’est souvent pas disponible. Ces méthodes novatrices permettent d’accroître notre compréhension de l’épidémiologie des maladies auto-immunes à des échelles jusqu’à présent inégalées.

 

 

 

 

 

 

Actualités dans la néphrite lupique

Frédéric Houssiau

Service de Rhumatologie, Cliniques Universitaires Saint-Luc et Pôle de Pathologies Rhumatismales Inflammatoires et Systémiques, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, UCLouvain, Bruxelles, Belgique

 

La néphrite lupique (NL) concerne 35 à 60% des patients souffrant de lupus érythémateux disséminé (LED) (1, 2). Dans la mesure où tout épisode, même qualifié de peu sévère, induit une perte irréversible de néphrons, la NL accélère toujours la perte physiologique de la capacité de filtration glomérulaire (FG) qui survient dès 40 ans et compromet donc la survie rénale au long cours. La glomérulonéphrite initiale devient une pan néphrite avec atteinte endothéliale et de l’interstitium. Cinq à 20% des patients souffrant de NL développent une insuffisance rénale terminale (IRT). La NL est donc la complication la plus impactante du LED car elle combine une prévalence élevée et des conséquences majeures sur la qualité de vie, la morbidité et la survie. Les buts du traitement sont multiples : réduire l’intensité de la réaction inflammatoire/immunologique aiguë intra-rénale par une intervention pharmacologique rapide afin de limiter au maximum la perte initiale du cargo néphronique : 20 à 30% de réponse rénale complète sont obtenues. Quant à l’évolution de la protéinurie, elle ne reflète qu’incomplètement la réalité pathologique. Deux nouveaux traitements sont prometteurs : le belimumab (Benlysta®) anticorps monoclonal anti-lymphocyte B et le voclosporin (Bensosporine®) anti-lymphocytes, permettent d’obtenir 10 à 20% de réponses complètes supplémentaires. Pour minimiser le stress hémodynamique (hyperfiltration) sur les néphrons restants, une glifozine, médicament du diabète, inhibiteur de la réabsorption du sodium, est efficace. Il importe d’éviter les récidives par un traitement immunosuppresseur prolongé, de traiter les comorbidités (obésité, hypertension, diabète, hypercholestérolémie), de limiter au maximum les effets secondaires des médicaments, en particulier des glucocorticoïdes (GC), et de permettre de mener à bien des grossesses ultérieures puisque le LED est essentiellement une maladie des femmes jeunes.  Il convient donc de considérer que la NL est toujours sévère et que son traitement, au-delà de l’immuno-intervention, fait appel aussi aux mesures qui s’appliquent à toutes les néphropathies chroniques.

 

 

En conclusion, Pierre Miossec, Membre de l’Académie nationale de médecine, souligne l’allure chronique du lupus systémiques, émaillée de rechutes évolutives ; son expression clinique est polymorphe, survenant typiquement chez une femme jeune et active : formes bénignes fréquentes d’expression surtout cutanées et articulaires, formes graves aigues essentiellement vasculaires, neurologiques ou rénales. La présence d’anticorps antinucléaires n’est pas synonyme de lupus. Les progrès thérapeutiques sont réels mais lents, l’hydroxychloroquine est constante dans la prise en charge ; le soleil doit être évité ; la contraception est nécessaire ; la survenue d’une Covid-19 expose à une forme grave et la vaccination doit comporter 2 doses et un rappel.