Publié le 12 avril 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Séance dédiée : « La publication scientifique »

En hommage au professeur Michel HUGUIER

Organisation : Jacques BELGHITI

 

Présentation par Jacques BELGHITI (Membre de l’Académie nationale de médecine. Professeur Émérite Paris-Cité)

Cette séance dédiée est l’occasion de rendre hommage au Professeur Michel Huguier (1937-2021), professeur de Chirurgie Digestive, membre de l’Académie Nationale de Médecine, pour sa contribution majeure au développement de la recherche française en chirurgie et aux collaborations scientifiques internationales dans le domaine. Dès 1977, les chirurgiens se sont regroupés en associations et des études prospectives contrôlées multicentriques nationales ont été mises en place notamment en chirurgie digestive. Ces travaux ont donné lieu à des publications internationales et à certaines premières mondiales publiées dans les meilleures revues. Autre étape marquante, en 1986, celle de la création du DEA de Sciences chirurgicales qui a reposé sur l’immersion de jeunes chirurgiens dans des laboratoires labélisés en France, notamment à l’Inserm, ou à l’étranger pour une formation à l’immunologie, la génomique, l’informatique… Ce diplôme devenu par la suite un master a contribué à la formation scientifique de futurs chefs d’équipe hospitalo-universitaire dans différentes spécialités.

L’enjeu des publications est de taille pour le chercheur. La publication est une évidente plus-value. Mais le système de la presse scientifique s’est considérablement complexifié et certaines finalités commerciales de grands groupes internationaux « prédateurs » aboutissent à des dérives.  Des clarifications apparaissent indispensables.

 

 

Introduction par Jean-Noël FIESSINGER (Rédacteur en chef du Bulletin de l’ANM)

 

En France, mais aussi dans les pays où la langue française reste importante, la plupart des médecins lisent plus facilement des textes en français tant pour la formation initiale que pour la formation continue. L’Académie de médecine a soutenu l’initiative de la conférence des Présidents du Conseil National des universités, en accord avec la conférence des Doyens, d’inclure dans le dossier de candidature universitaire un score pédagogique (SIAPS) prenant en compte les articles de formation publiés en français.

L’Académie nationale de médecine a choisi depuis 2019 de confier à la société Elsevier Masson l’édition du Bulletin de l’Académie. Tout à la fois journal scientifique avec la publication des communications isolées ou s’inscrivant dans le cadre de séances dédiées et donc soumises à « l’accès libre ou open access » et participant au facteur d’impact, le Bulletin est aussi un journal de formation par la publication de rapports, de communiqués ou de recommandations. Autant de textes s’inscrivant dans le cadre de la mission de l’Académie de répondre aux demandes du gouvernement sur toute question concernant la santé publique, de s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche pouvant contribuer aux progrès de l’art de guérir et de promouvoir le rayonnement de la médecine française. Ces textes, nécessairement en français et en accès libre sur le site de l’Académie, ne participent pas au facteur d’impact. Cette ambiguïté dans le positionnement du Bulletin rend illusoire un facteur d’impact important. Si les abonnements papiers sont restés stables, la croissance spectaculaire des consultations sur Science Direct est un élément rassurant sur l’impact du Bulletin et sur sa reconnaissance internationale. Ceci devrait inciter tous ceux qui souhaitent rejoindre l’Académie à participer à sa réputation scientifique internationale en soumettant au Bulletin des articles présentant leurs travaux originaux.

Communications

Pourquoi et comment publier dans le domaine médico-scientifique ? par Pierre BRISSOT (Membre de l’Académie nationale de médecine. INSERM, Université de Rennes, INRA, Institut NUMECAN, UMR-A 1341, UMR-S 1241, Rennes)

Publier dans un Journal médico-scientifique est le cœur de métier du chercheur ou de l’enseignant-chercheur. Plus que d’un métier, il s’agit en fait d’une vraie mission consistant à diffuser les résultats, obtenus dans les domaines de la recherche clinique, fondamentale ou translationnelle, à la communauté scientifique afin de faire avancer les lignes de la connaissance. Publier est donc un devoir mais c’est aussi une nécessité car la performance publicatoire conditionne la reconnaissance professionnelle et l’accès aux financements sans lesquels l’activité de recherche ne peut se poursuivre. L’évaluation de cette production scientifique fait encore trop recours à des outils bibliométriques dont les limites sont pourtant officiellement reconnues depuis de nombreuses années. La procédure qui mène de l’idée du travail à sa parution dans un Journal est un long chemin passionnant mais semé d’écueils que le chercheur doit anticiper et surmonter étape par étape : fixation précoce de l’ordre des auteurs conforme à leur investissement réel, choix du Journal qui repose sur plusieurs critères dont l’originalité et la portée éventuellement extra-disciplinaire des résultats soumis, la langue du Journal, sa réputation, sa périodicité de parution et sa rapidité d’évaluation par les pairs. L’interférence des enjeux financiers éditoriaux rend plus que nécessaire le développement de l’accès ouvert aux données publiées, seul garant d’une diffusion immédiate et de grande ampleur de connaissances qui appartiennent au bien commun.

Le danger des revues prédatrices par Jacques BELGHITI (Membre de l’Académie nationale de médecine. Professeur Émérite Paris-Cité)

 

Publier est un impératif pour un scientifique. Le cheminement d’un manuscrit jusqu’à sa publication dans une revue de qualité est long et difficile. En utilisant l’accès libre qui fait payer aux auteurs les charges de publication, des éditeurs sans objectifs scientifiques se sont emparés d’une partie de ce marché très lucratif. Ils sollicitent continuellement les auteurs pour leur proposer une publication rapide. Leur finalité commerciale exclusive les conduit à accepter pratiquement tous les manuscrits soumis sans révision et donc sans contrôle du contenu. Cette absence de sélection en fait de véritables prédateurs du monde scientifique et ces revues déconsidèrent les auteurs à qui on peut reprocher de tricher pour obtenir indûment des crédits de recherche. L’institution du chercheur n’est pas épargnée, elle est accusée de couvrir une insuffisance de travail voire d’être complice de publication de faux. La nuisance de ces fausses publications peut retentir sur l’ensemble de la recherche scientifique. Les auteurs de ces publications commencent à être pénalisés par leurs universités qui les incitent à publier dans des revues présumées non prédatrices.

 

Évaluation de la recherche et publications scientifiques : quantité ou qualité ? par Alain FISCHER (Membre de l’Académie nationale de médecine. Collège de France, Paris. Unité d’Immunologie, Hématologie et Rhumatologie Pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades, APHP)

 

L’évaluation est un garant du bon fonctionnement et de l’intégrité de la recherche scientifique. Au fil des années, une tendance forte au développement d’indicateurs quantitatifs a émergé, très souvent fondée sur l’utilisation de paramètres mis au point dans un autre but. C’est le cas notamment du facteur d’impact (FI) des journaux scientifiques ou, en France, dans le système hospitalier, du score SIGAPS. Ces indicateurs présentent de nombreux biais qui faussent le processus d’évaluation scientifique, que ce soient des recrutements et des promotions des chercheurs, l’évaluation des laboratoires, l’obtention de contrats de recherche ou l’attribution de prix scientifiques. Dans ce contexte, a été élaborée il y a une dizaine d’années la Déclaration DORA (declaration on research assessment) qui énonce les principes d’une évaluation juste. Celle-ci repose sur l’examen qualitatif des travaux des chercheurs à travers l’analyse d’un petit nombre d’articles scientifiques choisi par le chercheur, l’échange avec celui-ci et l’évaluation de l’impact de ces recherches, tout en évitant de recourir aux indicateurs quantitatifs (FI, indice de citation, facteur H …) Cette déclaration a été adoptée par un grand nombre d’instances scientifiques internationales et françaises. Il importe que ces principes soient de fait mis en œuvre.

 

Discussion

avec la participation de  Daniel RODRIGUEZ (Elsevier France)