Publié le 19 novembre 2019

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Mardi 19 novembre 2019

« Alois Alzheimer : une ou des maladies ? »

Séance bi-académique

Académie nationale de pharmacie

Académie nationale de médecine

Organisateur : Jean-Pierre MICHEL

 

« Impact sociétal de la maladie d’Alois Alzheimer »

Jean-Pierre Michel, membre de l’Académie Gériatrique, Genève, membre de l’Académie nationale de médecine, Paris.

 

Décrite en 1906 par le Dr Alois Alzheimer, cette maladie englobe aujourd’hui toutes les formes de déclin cognitif liées à l’âge. Qualifiée de maladie « la plus redoutée », elle est présente en France chez 50 à 70% du million de personnes atteintes de maladies démentielles et n’est probablement diagnostiquée que chez deux sujets sur trois. Deux cas sur trois sont féminins. Son impact sociétal est immense à trois niveaux : i) Niveau individuel. Il s’agit d’une altération progressive des activités de la vie quotidienne, d’une crise identitaire et d’une altération de la qualité de vie ; ii) Niveau des proches. Ils assurent l’essentiel des soins au prix d’un lourd impact physique, psychologique et financier (50% de l’ensemble des coûts sont assurés par les familles) ; iii) Niveau sociétal. Ces coûts ont été récemment estimés par le Gérontopôle de Toulouse entre 16 000 et 30 000 euros annuellement selon que la maladie est débutante ou sévère. Au total, ce sont 13 milliards d’euros qui sont consacrés annuellement par la France à la prise en charge des malades atteints d’Alzheimer ou de maladies apparentées.

« Hypothèse infectieuse : Alois Alzheimer et autres maladies neuro-dégénératives »

Ronald Melki, Institut François Jacob (MIRCen), CEA et Laboratoire des Maladies Neurodégénératives, CNRS Fontenay-aux-Roses.

 L’apparition de dépôts intra- ou extra-cellulaires de protéines dans le système nerveux central est le signe distinctif de plusieurs troubles neurodégénératifs progressifs chez l’homme. Les constituants protéiques de ces dépôts et les régions du cerveau touchées diffèrent d’un trouble neurodégénératif à un autre. Jusqu’à récemment, on pensait que le cercle vicieux constitué par l’agrégation de protéines, leur propagation/multiplication et l’accumulation dans le système nerveux central de ces agrégats était l’apanage de la protéine prion PrP. De récentes données suggèrent que des agrégats de protéines constitués de protéines distinctes de la PrP se propagent et s’amplifient dans le système nerveux central, entraînant différentes maladies. Dans la maladie de Parkinson et troubles apparentés, la protéine alpha-synucléine forme des amas mixtes protéiques et membranaires, appelés corps de Lewy et neurites de Lewy.  Les agrégats de la protéine alpha-synucléine circulent entre les cellules, s’amplifient en recrutant de l’alpha-synucléine monomérique endogène et provoquent des synucléinopathies distinctes par un mécanisme qui demeure incertain. Les preuves expérimentales à l’appui de la propagation des agrégats de l’alpha-synucléine à la manière des agrégats de la protéine prion PrP sont présentées, ainsi que le mécanisme d’agrégation de l’alpha-synucléine et la manière dont cette agrégation peut conduire à des synucléinopathies distinctes. La protéine Tau, fortement impliquée dans la maladie d’Alzheimer, se comporte comme l’alpha-synucléine.

« Nouvelles techniques d’imagerie cérébrale, potentiel pour la maladie d’Alois Alzheimer »

Denis Le Bihan, Directeur-Fondateur de NEUROSPIN, Institut Joliot, CEA-Saclay, Membre associé de l’Académie nationale de Pharmacie, membre de l’Académie des Sciences, Membre de l’Académie des Technologies, Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine

 La maladie d’Alzheimer se caractérise par la présence de lésions spécifiques à type de plaques séniles, de dégénérescence neurofibrillaire, et de perte neuronale. Si la résolution atteinte par les méthodes de neuroimagerie in vivo ne permet pas encore de voir ces lésions, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet d’objectiver la perte de volume cérébral associée à la perte progressive des neurones, en particulier au niveau de l’hippocampe. La mesure de l’atrophie hippocampique, liée à la mémoire, permet de prédire la conversion de troubles cognitifs modérés en maladie d’Alzheimer à un stade précoce, mais n’est pas spécifique. En revanche l’évolution croissante de cette atrophie aux IRM successives prédit la survenue des troubles. Avec l’avènement de l’IRM à très haut champ magnétique et d’outils d’analyse dédiés, il devient possible de voir les couches et connections au sein de l’hippocampe, en particulier grâce à l’IRM de diffusion qui renseigne sur la microstructure du tissu neuronal. La Tomographie par Emission de Positons (ligand PiB) permet d’objectiver la présence de dépôts amyloïdes bêta. Sur le plan de la recherche, ces méthodes d’imagerie, regroupées au sein d’études multicentriques dédiées (ADNI pour Alzheimer Disease Neuro-Imaging, ou la plateforme française CATI pour Centre Automatisé de Traitement des Images), permettent de mieux comprendre la maladie et ses mécanismes et donc de tester des approches thérapeutiques. A titre individuel, les méthodes de neuroimagerie aident au diagnostic précoce, en amont de la conversion, et à suivre l’évolution de la maladie.

« Les nouveaux traitements de la maladie d’Alois Alzheimer »

Bruno Vellas, Alzheimer’s Disease Research and Clinical Center, Gérontopôle, Toulouse, membre de l’Académie nationale de médecine

 La recherche d’un nouveau médicament pour la maladie d’Alzheimer (MA) est un processus complexe. Les essais cliniques évaluant les thérapies centrées sur la pathologie amyloïde (les anticorps monoclonaux et inhibiteurs de β-sécrétase principalement) sont jusqu’à présent négatifs à l’exception de l’annonce toute récente (octobre 2019) de l’efficacité clinique de l’aducanumab, anticorps monoclonal anti-amyloïde, dans un essai clinique de phase III (étude EMERGE) : un ralentissement significatif du déclin cognitif a été observé chez les malades ayant reçu les plus fortes doses. L’aducanumab pourrait devenir le premier traitement à visée anti-amyloïde à être utilisé en pratique clinique. Son évaluation en cours par la Food and Drug Administration pour une « ré-administration » à tous les patients inclus dans les études de phase 1 et 3 est prometteuse. Les pistes actuelles sont représentées par la prévention avec la mise en place notamment d’une intervention chez des sujets asymptomatiques sur le plan cognitif mais présentant un ou des biomarqueurs de la MA positifs ; les traitements anti-Tau constituent une alternative crédible à la cible amyloïde dans la MA, et l’apport de la Géroscience permettra de mieux cibler les mécanismes impliqués dans le vieillissement cérébral et les pathologies neurodégénératives. Il apparaît aujourd’hui nécessaire de différencier les essais cliniques thérapeutiques s’adressant aux formes génétiques (autosomiques dominantes ou marqueurs de susceptibilité génétique comme APOE-4 par exemple) et les formes sporadiques multifactorielles mais dont le facteur de risque principal est l’âge.