Communication scientifique
Séance du 3 novembre 2020

Relation pharmacocinétique/pharmacodynamique entre la concentration sanguine de tétrahydrocannabinol et l’aptitude à conduire un véhicule chez des consommateurs occasionnels ou chroniques de cannabis

MOTS-CLÉS : Cannabinoïdes, Conduite avec facultés affaiblies, Vigilance, Pharmacocinétique
Pharmacokinetic/pharmacodynamic relationship between tetrahydrocannabinol blood concentration and ability to conduct a vehicle in chronic and occasional cannabis consumers
KEY-WORDS : Cannabinoids, Driving under the influence, Wakefulness, Pharmacokinetics

J.C. Alvarez (a), N. Simon (b), I.A. Larabi (a), M. Ribot (a), N. Derridj-Ait-Younes (c), S. Hartley d()

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Étant donné le contexte sanitaire épidémique lié au Covid-19 du mois de mars 2020, la présentation orale de cette communication en séance à l’Académie a été reportée.

Résumé

Objectif
La relation pharmacocinétique/pharmacodynamique (PK/PD) après une prise fumée de cannabis et l’aptitude à conduire est peu documentée.

Méthodes
Le tétrahydrocannabinol (THC) et ses deux principaux métabolites ont été mesurés dans le sang de 15 consommateurs chroniques (CC, 1–2 joints/j) et de 15 consommateurs occasionnels (CO, 1–2 joints/semaine) 12 fois pendant 24h après consommation d’une cigarette contenant de manière randomisée du placebo, 10mg ou 30mg de THC. Les effets ont été évalués 7 fois par un test de vigilance (temps de réaction) et un simulateur de conduite durant la même période.

Résultats
Il n’existe pas de relation PK/PD. La concentration sanguine en THC et 11-OH-THC est maximale dès la fin de la consommation alors que les effets sont maximums 5 à 6h après. Après une même dose consommée, la concentration sanguine de THC est pratiquement deux fois plus élevée chez les CC que chez les CO. Les CC ont toujours du THC dans le sang (>1ng/mL) après 24h alors qu’il est<0,5ng/mL chez les CO après 6h environ. Les effets sur l’allongement du temps de réaction sont plus importants pour les CO (+19 % à 10mg et +27 % à 30mg) que pour les CC (+11 % à 10mg et +19 % à 30mg), de même sur l’aptitude à conduire où on ne retrouve pas d’effet dose (+25 % d’erreur pour les CC vs +34 % chez les CO). L’effet total sur la conduite dure environ 8h chez les CC et jusqu’à 13h chez les CO.

Conclusion
Le cannabis a un effet délétère sur la conduite, décalé dans le temps par rapport à la cinétique sanguine du THC.

Summary

Objective
The pharmacokinetic/pharmacodynamic (PK/PD) relationship between blood tétrahydrocannabinol (THC) concentrations after smoking and the ability to drive is poorly documented.

Methods
THC and its metabolites were measured in the blood of chronic users (CC, 1–2 joints/day) and 15 occasional users (CO, 1–2 joints/week) 12 times over 24h after randomized placebo-controlled smoking containing 10mg or 30mg of THC. The effects were evaluated 7 times by a vigilance test (reaction time) and a driving simulator during the same period.

Results
There is no PK/PD relationship. The blood concentration for THC and 11-OH-THC is maximal at the end of the consumption whereas the effects are strongest about 5h later. After the same dose consumed, the blood concentration of THC is almost twice as high in CC than in CO. CC always have THC in the blood (>1ng/mL) after 24h whereas it is<0.5ng/mL in CO after approximately 6h. The effects on reaction time are greater for CO (+19% at 10mg and +27% at 30mg) than for CC (+11% at 10mg and +19% at 30mg). This is also the case for the ability to drive where there is no dose effect (+25% driving error for CC vs. +34% in CO). The total effect on driving lasts about 8h in CC and up to 13h in CO.

Conclusion
Cannabis has a deleterious effect on the ability to drive, delayed in time compared to the blood kinetics of THC.

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.11.017 (Discussion)

Accès sur le site EM Consulte (Discussion)

 

 

En raison du confinement lié à la situation sanitaire de la Covid-19 au printemps 2020, ce texte a été publié avant sa présentation orale reportée au mardi 3 novembre 2020 à l’Académie.

(a) Inserm U-1173, service de pharmacologie toxicologie, université de Versailles-St Quentin, hôpital Raymond-Poincaré, AP–HP, 92380 Garches, France (b) Inserm, IRD, SESSTIM, CAP-TV, service de pharmacologie clinique, Aix Marseille université, hôpital Sainte Marguerite, AP–HM, Marseille, France (c) Unité de recherche clinique, hôpital Ambroise Paré, AP–HP, 92100 Boulogne-Billancourt, France. (d) Inserm U-1179, service d’explorations fonctionnelles, centre du sommeil, université de Versailles Saint-Quentin, hôpital Raymond-Poincaré, AP–HP, 92380 Garches, France

Bull Acad Natl Med 2020;204:477—485. Doi : 10.1016/j.banm.2019.11.017