Communication scientifique
Session of 29 mai 2012

Réflexions sur 2 000 transplantations cardiaques, expérience de La Pitié

MOTS-CLÉS : défaillance cardiaque. dispositifs d’assistance circulatoire. immunosuppresseurs. transplantation cardiaque
Analysis of 2 000 heart transplant, procedures at La Pitié hospital
KEY-WORDS : heart-assist devices. heart failure. heart transplantaton. immunosuppressive agents

Alain Pavie *, Eleodoro Barreda, Shaida Varnous, Akhtar Rama, Philippe Léger, Jean-Pierre Levasseur, Elisabeth Vaissier, Maojgan Laali, Salima Ouldammar, Christian Cabrol, Pascal Leprince, Iradj Gandjbakhch

Résumé

Depuis la première transplantation cardiaque, le 27 avril 1968, à la Pitié, 1 918 transplantions cardiaques ont été effectuées. Nous avons analysé les évolutions survenues durant plus de 40 ans en quatre périodes chronologiques : le groupe initial (53 patients), de 1968 à 1981, avec le traitement immunosuppresseur des débuts, la phase d’expansion (839 patients), de 1982 à 1992, correspondant à l’avènement de la ciclosporine, la phase de stabilisation (522 patients), de 1993 à 2003, en insistant sur la phase la plus récente de renouveau (504 patients), de 2004 à 2010. Cette période est fortement influencée par la création des super urgences nationales, l’utilisation de donneurs âgés, de greffons limites. En parallèle, la prise en charge des malades hyper immunisés est devenue une réalité ainsi que la large utilisation de l’ECMO tant en pré qu’en post transplantation. En parallèle, le manque de greffons incite à utiliser de plus en plus largement l’assistance circulatoire lourde en attente de transplantation, ce d’autant que le retour à domicile est possible.

Summary

Since the first procedure carried out at La Pitié Hospital, on 27 April 1968, we have performed 1918 heart transplants. We analyzed outcomes in four successive periods: initial experience from 1968 to 1981 (53 patients), using early immunosuppressive regimens ; an expansion phase (839 patients) from 1982 to 1992, with the introduction of cyclosporine ; a stabilisation phase (522 patients) from 1993 to 2003 ; and the most recent phase (504 patients) from 2004 to 2010. We focused particularly on the most recent period. National ‘‘ super-emergency ’’ rules were created, and grafts from older, ‘‘ borderline ’’ donors were used. Hyperimmune recipients started to be grafted, and ECMO was frequently used during the preoperative and postoperative periods. Due to limited organ availability, we have gradually placed more and more patients on mechanical cardiac support as a bridge to transplantation. Their quality of life is improved.

Mise au point par Lower et Shumway en 1960 [1], puis réussie par Barnard au Cap en 1967 [2], la transplantation cardiaque a débuté à l’hôpital de la Pitié, sous l’impulsion de Christian Cabrol, dès le 27 avril 1968 sur la personne de Clovis Roblain (septième transplantation mondiale) [3]. Après les difficultés initiales, seules quelques équipes ont poursuivi leurs efforts dans les traces de Standford, en France, ce fut le cas de celles de l’hôpital Foch et de la Pitié.

Ce n’est qu’après l’avènement de la ciclosporine, au début des années 80, que la transplantation cardiaque a réellement pris son essor.

Nous voudrions revenir sur les évolutions survenues durant toutes ces années en nous appuyant sur notre expérience de 2 134 transplantations thoraciques dont 1 918 transplantions cardiaques.

Matériel et méthodes

Depuis la première transplantation cardiaque, 1 918 transplantations cardiaques ont été effectuées dans le service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Pitié-Salpêtrière jusqu’en décembre 2010. 1 856 ont été réalisées de façon orthotopique et 62 en position hétérotopique (Fig. 1). Par ailleurs, des transplantations cardiaques multiorganes ont été réalisées : Cœur-rein (23) et plus récemment Cœur-foie (9). Il faut y ajouter la réalisation de 164 transplantations cœur-poumons et de 50 transplantations pulmonaires que nous n’étudierons pas ici.

Au total, ce sont 2 134 transplantations thoraciques qui ont été réalisées à La Pitié-Salpêtrière.

Nous avons divisé cette cohorte en quatre groupes chronologiques :

Le groupe initial , de 1968 à décembre 1981, avec le traitement immunosuppresseur des débuts, comprenant 53 patients.

Fig. 1. — Histogramme du nombre de transplantations réalisées chaque année à La Pitié.

La phase d’expansion , de janvier 1982 à décembre 1992, correspondant à l’avènement de la ciclosporine avec 839 patients.

La phase de stabilisation , de janvier 1993 à décembre 2003, correspondant à 522 patients.

Et la phase actuelle de renouveau , de janvier 2004 à décembre 2010 avec 504 patients.

Tableau I. — Caractéristiques des transplantés cardiaques selon les périodes.

1968-1981 1982-1992 1993-2003 2004-2010
Période INITIALE EXPANSION STABILISATION RENOUVEAU
Nombre 53 839 522 504
Age moyen 37 fi 11 45 fi 12 48 fi 12 47 fi 11
Hommes 82,7 % 83,9 % 83,8 % 65,3 %

Résultats

La période initiale (1968-déc. 1981), après la première année d’engouement, (104 transplantations) a vu un net recul face aux difficultés rencontrées. De 1968 à 1976, moins de 50 transplantations annuelles ont été réalisées de part le monde. De 1979 à 1982, le nombre double mais reste modeste malgré l’apparition, dès 1980, de la Ciclosporine qui est alors réservée à un très petit nombre d’équipes.

À la Pitié, durant cette période, 53 malades ont été transplantés, 44 hommes (82,7 %) et 9 femmes. Ils sont jeunes, âgés en moyenne de 37 fi 11 ans (14 à 57 ans).

Les cardiomyopathies dilatées dominent (36 (69,2 %)), les ischémiques et les valvulaires représentent les autres indications avec quatre retransplantations précoces.

Les prélèvements étaient uniquement locaux, la conservation était assurée par hypothermie de contact tant chez le donneur que chez le receveur. La technique utilisée était celle de Shumway. Le traitement immunosuppresseur dit ‘‘ classique ’’ [4] associait les Corticoïdes à fortes doses : 360 mg de Méthylprednisolone, rapidement dégressives : 1 mg/kg à un mois puis 0,5 mg/kg à trois mois, l’Azathioprine à la dose de 3 mg/kg et les Globulines antilymphocytaires (20 ml/j durant six semaines).

La surveillance du rejet reposait sur le calcul des indices ECG. La baisse brutale de ceux-ci jointe à une rotation axiale droite était très évocatrice et incitait à la réalisation d’une biopsie transmyocardique. Préfigurant la télé médecine actuelle, le malade disposait d’une valise à domicile lui permettant de transmettre son électrocardiogramme téléphoniquement. La surveillance du débit cardiaque isotopique au lit était une des voies de surveillance de cette période.

La phase d’expansion (1982-déc. 1992) est liée à l’avènement de la ciclosporine. Cette période est marquée, en France comme ailleurs dans le monde, par l’augmentation progressive des transplantations pour atteindre un pic dans la première moitié des années 90. Depuis, on assiste malheureusement à une régression du nombre de cas par an, la France n’est pas épargnée.

704 hommes (83,8 %) et 135 femmes ont été transplantés. L’âge moyen augmente nettement, 45 fi 12 ans.

On constate l’augmentation progressive des indications pour cardiopathies ischémiques, les indications diverses représentant environ 5 %, au sein desquelles, les étiologies congénitales, hypertrophiques et toxiques dominent ; les maladies de système demeurant des indications rares.

Nous avons effectué notre premier prélèvement à distance, le 2 juin 1983, à Genève permettant d’élargir l’accès aux greffons. Compte tenu des contraintes de distance, la protection myocardique a été modifiée en recourant à une cardioplègie froide antérograde à type de Plégisol. Dés 1989, une cardioplègie antérograde intermittente au sang froid a été utilisée lors de la transplantation, suivi d’une reperfusion chaude [5]. Le transport du greffon, réalisé initialement avec une glacière classique, s’est progressivement amélioré avec des containeurs isothermes plus fiables.

L’introduction de la cyclosporine a profondément modifié le schéma thérapeutique, cependant le traitement d’induction par les globulines anti lymphocytaires a été maintenu, ainsi que l’azathioprine. Notre schéma a été largement utilisé de part le monde [4].

À côté de la surveillance classique du rejet par biopsie, nous avons introduit la surveillance par échocardiographie [6]. Bien que non spécifique, cette méthode est devenue une méthode de choix dans le dépistage du rejet aigu.

La phase de stabilisation (1993-déc. 2003). Cette période est marquée par la diminution du nombre des donneurs [7] malgré les efforts de l’Établissement Français des Greffes puis de l’Agence de Biomédecine pour maintenir le taux de prélèvement.

522 malades ont été transplantés, 437 hommes (83, 8 %) et 85 femmes. L’âge moyen demeure stable, 48 fi 12 ans. Les cardiopathies ischémiques continuent à croître alors même que les cardiopathies dilatées diminuent. Le nombre de retransplantation, bien qu’augmentant nettement (15 (2,9 %)), demeure rare. Les autres étiologies augmentent proportionnellement, avec une augmentation des indications chez les myopathes.

Techniquement, la cardioplègie du donneur s’est standardisée avec l’adoption du Celsior [8]. La cardiectomie totale [9] avec anastomose bi-cave et conservation du fond auriculaire s’est généralisée.

La phase actuelle de renouveau , de janvier 2004 à décembre 2010, a vu la réalisation de 504 transplantations (Fig. 2). 329 hommes (65,3 %) et 175 femmes (34,7 %) ont été transplantés. L’âge moyen augmente nettement : 47,7 ans.

Fig. 2. — Histogramme de l’activité durant la phase de renouveau.

Cette période est caractérisée par l’évolution des règles de répartition des organes établies par l’Agence de Biomédecine (ABM) en accord avec toutes les équipes. Elles sont l’aboutissement d’une analyse de l’Agence en 2002 qui faisait deux constatations : l’existence d’une mortalité trop élevée des malades en liste d’attente (16 %), près de la moitié des décès survenant dans le premier mois [10] et le fait que d’excellents organes n’étaient pas utilisés faute de receveurs adéquats [11].

Par ailleurs, compte tenu du manque de donneurs, il était difficile de proposer des greffons aux malades en choc cardiogénique dont le pronostic vital était le plus menacé.

Ces réflexions ont abouti à la création d’une Super Urgence nationale en juin 2004.

Elle s’adresse aux malades en insuffisance cardiaque terminale, dont l’état clinique nécessiterait une assistance circulatoire mécanique (SU I, durée 48 h, renouvelable une fois) et aux malades déjà sous assistance circulatoire, ayant fait un accident embolique totalement régressif, étendue, depuis début 2010, aux malades ayant une infection de leur système (SU II, durée une semaine, renouvelable). Ces deux catégories sont soumises à l’avis d’experts indépendants [12].

Cette nouvelle approche a rapidement eu pour conséquence de permettre la prise en charge de patients qui, auparavant, ne pouvaient accéder à la greffe. Ainsi, les greffons sont attribués majoritairement aux malades et non plus aux équipes comme par le passé [13].

Après six ans de fonctionnement, on peut constater que près de 60 % des greffons sont attribués au plan national dans le cadre de la super urgence.

En parallèle, un effort s’est également porté sur les donneurs recensés. L’utilisation des greffons dits « limites » s’est accrue. Ainsi, au final, fort est de constater une ré- augmentation du nombre de transplantation cardiaque en France (augmentation de 26 % en 3 ans) [14].

Les donneurs âgés de plus de 50 ans représentent une partie importante des greffons cardiaques.

L’étude plus précise de l’utilisation des donneurs âgés dans notre expérience nous a permis de montrer que les résultats sont comparables à ceux des donneurs plus jeunes. Passé le cap opératoire, les résultats, en termes de survie et de maladie coronaire du greffon, sont peu différents des donneurs de moins de 50 ans. La surmortalité opératoire devrait baisser par l’utilisation plus large de l’ECMO.

Par ailleurs, grâce à ces nouvelles règles, la durée d’attente a considérablement diminué avec des médianes de 0,4 mois et 1,3 mois respectivement pour les SU I et SU II, alors que celle des malades non urgents n’augmente pas. La durée moyenne d’attente s’est réduite de 5,1 mois à 2,9 mois.

Cela s’est accompagné d’une évolution des indications. L’amélioration de la prise en charge médicamenteuse de l’insuffisance cardiaque a permis, dans une certaine limite, de prolonger la survie et d’améliorer la qualité de vie des patients. Les cardiopathies ischémiques (30,5 %) et les cardiomyopathies dilatées idiopathiques (48 %) demeurent les étiologies les plus fréquentes. Les cardiopathies congénitales représentent moins de 2 % des indications mais sont en augmentation. Les autres étiologies, plus rares, sont les cardiopathies valvulaires (5 %), les myocardites virales ou toxiques (Adriamycine), les maladies de système (amylose, hémochromatose) et les cardiopathies survenant dans des contextes particuliers (myopathies, cancers guéris, endocardites ou HIV…). La retransplantation cardiaque pour maladie coronaire du greffon demeure rare (12-2,4 %).

L’âge limite de la transplantation cardiaque, initialement fixé à 55 ans, a progressivement été augmenté à 65 ans. Dans le registre international, 75 % des transplantations cardiaques sont effectuées chez des malades âgés de 35 à 65 ans et les plus de 50 ans représentent près de la moitié des indications.

L’âge du receveur est un facteur de risque indépendant de dysfonction du greffon et de mortalité. Les malades en choc cardiogénique peuvent bénéficier d’une assistance circulatoire mécanique avant la greffe.

La surmortalité opératoire devrait baisser par l’utilisation plus large de l’ECMO.

Malgré des malades plus graves expliquant une mortalité initiale plus élevée, l’évolution de la survie est parallèle à celle des périodes antérieures (Fig. 3).

Fig. 3. — Courbe de survie du receveur cardiaque de la Pitié selon la période de greffe Hyper immunisés

Le développement récent de technologies immunologiques plus performantes (Elisa ou Luminex), pour la détection quantitative des anticorps anti HLA mais également pour la détection plus spécifique de marqueurs tissulaires de rejet humoral (immunofluorescence des C4d), a permis d’effectuer des progrès considérables dans la gestion du patient transplanté. Il s’avère que les anticorps anti HLA dirigés contre le donneur (DSA) sont responsables du rejet humoral aigu et chronique mettant en jeu le pronostic de la greffe. La réalisation chez les patients avec DSA d’une plasmaphé- rèse en per opératoire et avant l’arrivée du greffon permet de diminuer ce risque. Il s’agit d’une technique de circulation extracorporelle consistant à prélever une quantité de plasma qui est, soit remplacée de façon concomitante par des solutions de substitution, (échange plasmatique (EP)), soit rendue au patient après traitement (immuno-adsorption).

Pour notre part, nous avons mis en place un protocole, depuis février 2007, pour les candidats à la greffe ayant des DSA de score 6-8. Une première séance d’EP est réalisée en pré CEC, poursuivie en post opératoire tous les jours durant quatre jours, soit 5 EP au total. Après chaque séance est associée une injection IV d’Immunoglobuline (IgIV : 0.1 g/kg) suivie à la fin de la série d’EP d’une cure d’IgIV: 2 g/kg. De février 2007 à décembre 2009, 31 patients, dont 14 femmes (47 %), hyperimmunisés ont été ainsi pris en charge soit 15 % de nos transplantés. L’âge moyen était de 42 fi 14 ans. Cinq d’entre eux étaient sous assistance circulatoire mécanique mono gauche et huit étaient sous ECMO avant la greffe, enfin trois étaient retransplantés.

La mortalité globale a été de 9 patients sur les 31, soit 29 %, sept d’entre eux étant décédés à la phase hospitalière. Trois patients ont présenté un épisode de rejet humoral dans les deux premiers mois post greffe et 18 patients sur 21, ont présenté un épisode de rejet aigu cellulaire. Malgré un taux de rejet histologique plus important dans ce groupe de patient, à haut risque immunologique, les résultats sur la survie et la fonction du greffon sont encourageants. Cette prise en charge thérapeutique permet de pouvoir transplanter les patients immunisés dont la situation cardiologique est grave.

Super Urgence

De janvier 2005 à décembre 2009, 131 de nos transplantés (39 %) ont bénéficié d’un greffon dans le cadre de la SU (60 % des greffons attribués au plan national). Durant cette même période, 197 ont été greffés sans priorité. La durée d’attente a été de 36 fi 77 jours en SU contre 160 fi 304 jours sans SU (p<0,01).

Dans le cadre de la SU, les receveurs étaient plus graves : diabète (22 % en SU vs. 12 % sans SU, p<0,02), redux de sternotomie (37 % vs. 26 %, p<0,05), ventilation pré opé- ratoire (21 % vs. 2 %, p<0,01), sous ECMO pré opératoire (39 % vs. 4 %, p<0,01) ou sous inotropes (82 % vs. 11 %, p<0,01). Les donneurs étaient masculins (74 % en SU vs. 59 %, p<0,01), âge moyen (43 fi 13 ans vs. 49 fi 12 ans, p<0,01), la durée d’ischémie était un peu plus longue (201 fi 54 min. en SU vs. 170 fi 58 min, p<0,01).

On relève un taux de défaillance primaire de 26 % en SU vs. 24 %, une mortalité à un an de 28 % en SU vs. 34 % et la survie à 30 mois est de 72 % en SU vs. 64 %.

Face au manque de donneurs, la super urgence nationale permet d’attribuer des greffons à des malades particulièrement sévères sans augmenter la mortalité.

ECMO

La défaillance primaire du greffon est une des causes majeures de décès après transplantation (58 % vs 13 %, p<0,01). Nous avons décidé d’utiliser l’ECMO en post opératoire afin de tenter d’en réduire l’incidence [15, 16]. De janvier 2003 à décembre 2008, une défaillance primaire est survenue 91 fois (23 %) sur 402 greffes.

60 % des malades assistés par ECMO ont été sevrés de leur machine et la moitié sont sortis vivants. La survie globale est de 73 % à un an et 66 % à 5 ans.

Les patients traités par ECMO ont la même survie conditionnelle à un an que ceux qui n’ont pas présenté de défaillance primaire.

Retransplantation

Les résultats de la retransplantation étaient classiquement très inférieurs à ceux d’une première transplantation [17]. Les résultats récents sont au contraire encourageants. Ainsi de janvier 2000 à décembre 2008, 16 retransplantations ont été effectuées sur 535 transplantations (3 %), 15 tardives après 13 fi 6 ans et une précoce.

Il faut noter que les receveurs sont plus jeunes (âge > 50 ans : 5 (31 %) vs 294 (57 %) ;

p. <0,05), ont une dysfonction rénale plus sévère (créatinine 182 vs 116 ; p<0,01). Ils n’ont pas de défibrillateur implantable (0 vs 110 (21 %) ; p<0,05). Ils ont des résistances artérielles pulmonaires plus basses (1,4 UW vs 3,2 UW ; p<0,01). Les donneurs sont plus jeunes qu’en primo transplantation (36 vs 47 ; p. <0,01).

Les résultats sont comparables en termes d’ischémie, de dysfonction du greffon et de mortalité à un an. Dans notre expérience récente, la retransplantation cardiaque, chez des receveurs sélectionnés, a donné des résultats comparables à ceux de la primo-transplantation.

Assistance lourde

L’assistance circulatoire dite « lourde » est largement utilisée dans notre programme depuis 1985. Actuellement, elle est utilisée pour tous les malades en grande instabilité hémodynamique, soit d’emblée en raison de leur instabilité clinique, soit lorsque les circonstances n’ont pas permis d’obtenir un greffon dans les délais de la super urgence 1. Notre préférence va, chaque fois que la fonction ventriculaire droite est encore satisfaisante, vers l’utilisation des assistances mono ventriculaire gauche à débit continu (Heart Mate II (HM II)).

La miniaturisation et la fiabilité de ces systèmes d’assistance circulatoire permettent d’envisager une prise en charge différente des malades actuellement en grande insuffisance cardiaque terminale. La simplicité d’utilisation associée à l’autonomie de ces machines autorise aisément leur prise en charge par le malade lui-même et permet ainsi un retour à domicile avec une qualité de vie proche de la normale (vie courante, travail, voyages…). Il est ainsi possible d’attendre sereinement l’évolution sous assistance en dehors de l’hôpital et d’envisager les différentes options possibles en fonction des pathologies : récupération myocardique et sevrage, pont à la transplantation ou au contraire assistance de longue durée (Jarvik 2000) en cas de difficulté d’accès à la greffe (grands gabarits) ou de contre indication à la transplantation.

En cas de grande défaillance bi ventriculaire, le choix se porte sur l’utilisation du cœur artificiel total (Cardiowest) ou sur une double assistance paracorporelle (Thoratec).

Les résultats des malades transplantés sous assistance sont satisfaisants bien qu’il s’agisse d’une réintervention. Le fait qu’ils soient transplantés sans signes d’insuffisance cardiaque améliore grandement le pronostic. En 2010, 9 patients sous assistance lourde (5 HM II, 4 Cardiowest) ont été transplantés (13 %) avec succès dans notre série. Ainsi, dans la dernière étude de survie de l’ABM, les malades transplantés dans le cadre de la SU 2 (malades sous assistance lourde, infectés ou ayant présentés un épisode embolique sans séquelles) sont la catégorie de malades qui ont la meilleure survie. Il est fort probable que cette catégorie de patients sera en nombre croissant dans les années à venir si l’on tient compte de l’évolution outre atlantique.

Évolution du traitement immunosuppresseur

Il y a eu beaucoup de progrès en termes d’immunosuppression durant les dix à quinze dernières années dans le domaine de la transplantation cardiaque. L’arrivée des anticorps monoclonaux dans le traitement d’induction, des antimétabolites type Mycophénolate Mofetile (MMF) et la classe des inhibiteurs de mTOR type Everolimus [18] dans le traitement prophylactique du rejet aigu, a modifié nos stratégies thérapeutiques devant deux avantages majeurs. D’une part, l’effet immunosuppresseur supérieur du MMF et l’inhibiteur de mTOR par rapport à la molécule de référence (Azathioprine) qui a permis de baisser les posologies des anticalcineurines (Ciclosporine) et d’avoir moins d’effets secondaires avec la même efficacité antirejet et d’autre part de pouvoir adapter le traitement du patient en fonction de l’efficacité et la tolérance du médicament amenant à une immunosuppression à la carte pour chaque patient.

CONCLUSION

Au fil des années, les progrès ont été considérables en matière de transplantation cardiaque grâce à l’effort de tous. Une meilleure sélection des receveurs et des donneurs conjointement à l’amélioration des techniques et des progrès de l’immunosuppression a permis une constante amélioration des résultats. Si l’inadéquation du nombre des donneurs et des receveurs incite à développer des alternatives pour retarder l’échéance de la transplantation, il n’en demeure pas moins que la greffe est actuellement la seule technique permettant une survie au-delà de dix ans, dans de bonnes conditions de qualité de vie, aux malades en insuffisance cardiaque terminale.

REMERCIEMENTS

La collection des données a été réalisée grâce à l’aide de Mme Pascale Weber.

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DISCUSSION

M. Jean-Daniel SRAER

Combien de temps faut-il pour avoir l’avis des experts pour une super urgence ?

La réponse est rapide, le plus souvent dans l’heure suivant la demande.

M. Yves GROSGOGEAT

En dehors des cardiopathies ischémiques et des myocardiopathies avez-vous déjà greffé d’autres atteintes cardiaques du type amylose, hémochromatose ou maladie de Fabry ?

Ces cardiopathies ne sont pas très fréquentes mais peuvent bénéficier de la transplantation cardiaque et pour quelques formes particulières d’amylose de transplantation cœur-foie.

M. Bernard SALLE

Dans les sujets de moins de trente ans, trouvait-on des enfants ? Quelles sont les indications de la transplantation cardiaque chez ces sujets ?

Oui, dans notre série nous avons réalisé un certain nombre de transplantation chez des enfants. A l’heure actuelle, elles sont concentrées au sein d’équipes pédiatriques dédiées.

Les indications concernent majoritairement des cardiomyopathies idiopathiques.

M. André VACHERON

Quelle est la survie moyenne des transplantés cardiaques à l’heure actuelle et quelle est la cause principale des décès ?

La durée moyenne de survie est de 50 % à douze ans. Plus de soixante-dix malades ont dépassé vingt ans, et deux sont à plus de trente ans de survie. La cause principale de décès est la maladie coronaire du greffon, suivi des décès par survenue de cancers, ces deux causes de mort sont liées au traitement immunosuppresseur.

M. Yves LOGEAIS

En dépit de ses limites et de ses difficultés, la transplantation demeure la seule technique qui offre 50 % de chances à dix ans, pour une survie de bonne qualité, aux malades en insuffisance cardiaque terminale. La pénurie de greffons a contraint à assouplir les conditions de prélèvement en termes d’âge et de fonction ventriculaire. Quelle a été l’incidence sur les résultats ? La vasculapathie coronaire, « maladie du greffon » témoigne du rejet chronique. Les progrès de l’immuno-suppression ont-ils permis de diminuer son incidence ?

L’utilisation de « greffons limites » s’est imposé compte tenu de la pénurie de greffons, cela a eu pour conséquence une discrète augmentation de la mortalité mais nettement inférieure à celle que l’on avait en liste d’attente. Ces décès sont essentiellement liés à la défaillance primaire du greffon de la première semaine, une prise en charge précoce par ECMO permet de passer ce cap avec succès dans près de 80 % des cas, et de sevrer le malade de son assistance. Ces résultats récents sont très encourageants. Concernant le traitement immunosuppresseur, le développement de nombreuses molécules agissant à différents niveaux du système immunosuppresseur permet de réduire de façon considé- rable la maladie coronaire du greffon, et aura pour conséquence d’améliorer à long terme, la survie.

M. Bernard PESSAC

Qu’entendez-vous par « tolérance immunitaire » qui nécessite un temps long alors qu’il s’agit d’une urgence ?

N’étant pas immunologiste je me garderai bien de donner une définition ! Néanmoins la prise en charge active des malades hyperimmunisés, permet de les transplanter en réalisant en urgence une plasmaphérèse avant l’implantation du greffon suivi de quatre autres séances en post opératoire précoce.

M. Pierre GODEAU

La décision de poser l’indication d’une transplantation est prise après avis d’un comité d’experts. Les critères de sélection ne sont pas infaillibles. Vous est-il arrivé de voir contredite, par une évolution favorable inattendue en l’absence de transplantation, l’appré- ciation initiale ?

Une fois inscrits en liste les malades sont régulièrement suivis, 5 à 10 % d’entre eux sont retirés de la liste chaque année en raison d’une amélioration de leur fonction myocardique.

M. Jacques-Louis BINET

Quel est le rôle du système HLA dans la courbe des mortalités ? Peut-il être étudié ?

En matière de transplantation cardiaque, la durée d’ischémie compatible avec une bonne fonctionnalité du greffon demeure courte, inférieure à cinq heures, n’autorisant pas un appareillement précis en terme de HLA, donneur- receveur. Nous ne tenons compte que des anticorps interdits à haut risque.

M. Jean-François MATTEI

L’efficacité des techniques contraste avec la rareté des greffons disponibles. Avez-vous des propositions pour améliorer la situation ?

Les solutions viendront de l’assistance circulatoire de longue durée permettant de reculer l’échéance de la greffe afin d’utiliser au mieux les ressources disponibles. Cette tendance est nettement amorcée aux USA, Elle commence également en Allemagne et en France.

<p>* Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire — Institut de cardiologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital — 75651 Paris cedex 13 ; e-mail: alain.pavie@psl.aphp.fr Tirés à part : Professeur Alain Pavie, même adresse Article reçu le 27 septembre 2011, accepté le 24 octobre 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, nos 4-5, 983-996, séance du 29 mai 2012