Communication scientifique
Session of 29 janvier 2008

Réflexions à propos d’une maladie invalidante et toujours mystérieuse : l’endométriose

MOTS-CLÉS : diagnostic par imagerie. endométriose. endométriose/psychologie. pelvis/echographie. péritonéoscopie
Endometriosis : a mysterious and incapacitating disorder
KEY-WORDS : diagnosis imaging. endometriosis. endometriosis/psychology. laparoscopy. pelvis/echography

Jean Belaisch

Résumé

L’endométriose est une affection très handicapante pour les femmes qui en sont atteintes. Jusqu’ici le principal traitement en était chirurgical, de plus en plus souvent par laparoscopie, en raison de sa remarquable efficacité et le traitement hormonal ne lui servait que d’adjuvant. Aujourd’hui, grâce en particulier aux progrès effectués dans l’exploration par échographies et IRM, et en raison du rôle fréquemment joué par l’état psychologique dans son développement, on peut attribuer une plus grande place au traitement médical. Ce traitement doit être envisagé sur un très long terme car il n’est que suspensif. Ces modifications de la prise en charge thérapeutique de l’endomé- triose qui sont ici développées, sont discutées dans de nombreuses instances internationales.

Summary

Endometriosis can be a highly incapacitating disorder. The only effective treatment used to be surgery (increasingly by laparoscopy), and hormone therapy was solely used as an adjuvant. Today, thanks in particular to progress in sonography and MRI, and to the growing realization of the frequent role of psychological factors, medical treatment is becoming more commonplace. Drug therapy must be envisaged in the very long term, however, because its efficacy disappears on treatment cessation. L’endométriose perturbe profondément la vie d’une proportion élevée de femmes en âge de reproduction. Elle est due au développement, principalement dans le pelvis, d’un tissu ressemblant histologiquement et fonctionnellement à l‘endomètre. Mais les lésions d’endométriose peuvent également migrer à distance de l’appareil génital, conférant aux manifestations de l’endométriose une exceptionnelle diversité.

INTRODUCTION

Brocq et Varangot ont remarquablement décrit l’historique de cette affection dans le rapport exhaustif qu’ils ont consacré à l’endométriose au dixhuitième congrès de chirurgie en 1945 [1].

La connaissance de l’endométriose a fait depuis cette date d’immenses progrès auxquels auront fortement participé les chirurgiens et gynéco-obstétriciens français : d’abord par l’invention de la cœlioscopie par Raoul Palmer puis par le développement de la coelio-chirurgie par Maurice-Antoine Bruhat et H. Manhes à Clermont-Ferrand. C’est également en France qu’a été créé en premier un groupe d’étude de l’endométriose imité dans plusieurs autres pays.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

On admet que l’endométriose affecte 10 à 20 % des femmes en âge reproductif et 40 à 50 % des femmes infertiles. Elle est responsable de 5 à 20 % des admissions en hôpital pour douleurs pelviennes [2]. Depuis quelques années, il apparaît que les adolescentes de moins de vingt ans, sont plus souvent atteintes que par le passé à moins qu’elles n’aient été plus souvent explorées.

Un caractère spécifique à l’endométriose est la tendance, durant toute la période d’activité ovarienne, à la récidive après traitement. Elle s’éteint en général à la ménopause.

Les répercussions sur la vie des femmes sont très importantes, tant en nombre de journées de travail perdues qu’en dépenses globales et surtout en altération de la qualité de la vie.

LES CARACTÈRES DE L’ENDOMÉTRIOSE

Elle a trois traductions cliniques : les douleurs pelviennes de multiples natures, l’infertilité et l’existence de tuméfactions. Les lésions endométriosiques sont sensibles aux actions hormonales. Cette maladie est donc aux confins du tumoral et de l’endocrinien. I. Brosens [3] insiste sur cette particularité : l’endométriose est une maladie quand elle saigne !

La théorie de Sampson du reflux puis de la greffe des cellules de l’endomètre dans la cavité péritonéale est la plus volontiers admise aujourd’hui, mais il reste une place pour celle de la métaplasie à partir de restes mullériens . Les études de physiopathologie mettent l’accent sur les analogies et les différences avec le processus néoplasique et font jouer un rôle à différents facteurs : interleukines proinflammatoires, cadhérines, métalloprotéases matricielles et facteurs angiogenètiques. Le système immunitaire est ainsi un des acteurs majeurs dans le développement de ces lésions.

On est aujourd’hui à la croisée des chemins dans le choix des explorations à proposer et dans l’établissement des indications respectives des traitements chirurgicaux, médicaux et mixtes ainsi que de leurs modalités. Depuis l’an 2000 les publications rapportant les résultats de réunions de consensus se succèdent. Ainsi de 2004 à 2006 l’AFSSAPS [4], le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists [5], l’American College of Obstetricians and Gynecologists [6], l’American Society for Reproductive Medicine [7], l’ESHRE [8] et le Collège des Gynécologues et Obstétriciens Français [9] ont émis des recommandations et des guides sur l’endométriose, les douleurs pelviennes et les traitements de l’infertilité liée à cette affection, témoignant d’un intérêt renouvelé pour cette maladie. C’est sur ces tendances que nous souhaitons mettre l’accent.

L’ ÉVOLUTION DES MODES D’EXPLORATIONS

Trois sortes de lésions peuvent être observées : implants péritonéaux (différenciés selon leur couleur : rouges actives, noires et blanches), lésions profondes marquées par la présence d’une hyperplasie fibro-musculaire et endométriomes ovariens.

L’existence d’adhérences péritonéales plus ou moins extensives est également caractéristique.

La coelioscopie

Les améliorations successives apportées au matériel de cœlioscopie (ou laparoscopie) ainsi que les extraordinaires progrès de la chirurgie percœlioscopique, ont radicalement transformé la connaissance de la maladie et en ont fait l’étalon-or des outils diagnostiques de l’endométriose.

Pratiquée par un nombre croissant de spécialistes, elle révélait aussi des lésions subtiles, non hémorragiques, dont on cherchait à connaître l’histoire évolutive et qui parfois même n’étaient reconnues qu’en microscopie électronique.

Néanmoins, le cul de sac de Douglas, siège fréquent d’accolements, n’est pas aisément exploré en cœlioscopie surtout par les praticiens non expérimentés.

Ceux-ci peuvent méconnaître les lésions profondes sous péritonéales dont il semble qu’elles existent beaucoup plus souvent et principalement chez les femmes jeunes, qu’on ne les décrivait auparavant. Elles sont aujourd’hui l’objet d’un grand intérêt en raison de la complexité de leur traitement chirurgical.

La radiologie

Les méthodes radiologiques d’exploration du pelvis ont, elles, aussi subi des transformations dont certaines imprévisibles.

L’hystérosalpingographie

La première exploration paraclinique non invasive de l’endométriose a résulté des observations de R. Musset et A. Netter. Ils ont décrit trois sortes d’images résultant de la présence d’adhérences très évocatrices d’endométriose et donc indirectes :

celles en parasol, en baïonnette et celles des endométriomes cerclés par le liquide de contraste (l’image communément décrite en boule de gui du trajet isthmique étant le plus souvent liée à d’autres affections).

L’échographie gynécologique

Négligée en particulier des gynécologues américains, elle a permis très rapidement de reconnaître en premier les endométriomes ovariens, grâce à leur caractère kystique et à la spécificité des images liées à leur contenu épais et hématique.

Cependant les descriptions des lésions profondes rétro-cervicales ou utéro-vésicales [10] ont fait comprendre que l’existence de ces lésions pouvait aussi être confirmée à l’aide des ultrasons et que la classification américaine de l’endométriose fondée uniquement sur la laparoscopie était devenue obsolète.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM)

Enfin le développement de l’IRM a constitué une véritable révolution, prévisible en raison du contenu hématique de lésions, donc de fer. On a ainsi pu voir des images d’une surprenante précision de lésions extensives non soupçonnées à la cœlioscopie [11].

L’ÉVOLUTION DES TRAITEMENTS

Le traitement médical

Celui-ci dispose de plusieurs moyens.

— Les puissants agonistes de la LH-RH , le plus souvent associés à une faible dose d’hormones ovariennes (c’est l’ add-back therapy) destinée à en éviter les effets indésirables.

— Les oestro-progestatifs donnés sans l’interruption habituelle de sept jours entre deux plaquettes pour raréfier notablement les menstruations [12].

— Les progestatifs purs dont en France certains ont l’avantage d’être pratiquement dépourvus d’effets métaboliques mais ils pourraient accroître modérément le
risque de cancer du sein. En outre la Médroxyprogestérone est disponible sous forme injectable trimestrielle avec des résultats intéressants ainsi que le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel remarquablement actif sur les douleurs [13].

— Depuis quelques années des essais assez probants sont menés associant un freinage par progestatif et une antiaromatase qui crée une franche hypooestrogénie. D’autres substances sont également à l’étude.

Chacun de ces agents possède des indications et des effets secondaires sur lesquels on ne peut s’étendre. Mais à l’évidence, ils ne peuvent être mis en œuvre chez la femme qui désire commencer une grossesse.

Tous les antalgiques et antiinflammatoires peuvent également être utilisés. En association avec un freinage ovarien, et par extrapolation avec les effets bénéfiques bien connus de cette drogue sur les polysérites de la fièvre familiale méditerranéenne, la colchicine nous a paru efficace dans les formes algiques résistantes.

Les traitements hormonaux ne peuvent avoir qu’un effet suspensif. Ils interrompent la prolifération des lésions et les saignements dans les tissus pathologiques, mais dès leur arrêt et la reprise des ovulations, le potentiel évolutif reparaît. Il n’y a donc aucun rationnel à proposer un traitement court à une patiente endométriosique. Or dans toutes les publications, qui rapportent des taux de récidives très élevés, les durées des traitements médicaux sont de trois mois à deux ans. Les critiques portées contre les traitements médicaux méritent donc d’être revues.

Comme toutes les recommandations émanant d’organismes officiels ne peuvent se fonder que sur des publications scientifiquement acceptables, ceux-ci sont placés dans la situation inconfortable de ne jamais pouvoir promouvoir des traitements de longue durée. Or tous les gynécologues savent que les patientes qui ont une longue histoire chirurgicale ayant conduit au « pelvis gelé » ne peuvent avoir une vie tolérable — si elles n’acceptent pas l’hystérectomie totale — que grâce à la prise continue de traitements créant un état d’aménorrhée prolongée. C’est à dire une administration hormonale durant des années et parfois jusqu’à la ménopause. Mais dans la pratique ces cas ne sont jamais publiés car ils ne peuvent entrer dans aucun protocole en double aveugle ou randomisé. En effet, la durée d’évolution de l’endométriose pouvant s’étendre sur trente ans ou plus, le coût de telles études serait prohibitif.

Une question se pose donc : comment rendre légitime l’utilisation prolongée de cette forme de traitement ?

Le traitement chirurgical

La remarquable efficacité à très long terme de l’ablation chirurgicale des lésions d’endométriose péritonéales et profondes, lorsque le chirurgien est expérimenté, est démontrée par d’innombrables publications et ne fait l’objet d’aucune discussion. Il n’y en a désormais pas pour la voie choisie : laparoscopique, sauf dans certaines occasions précises. Les questions se limitent donc aux indications (qui doivent être
pesées longuement) et à l’utilité des traitements médicaux complémentaires qu’il est impossible d’aborder brièvement. En revanche aujourd’hui les chirurgiens spécialisés s’accordent sur la nécessité absolue d’un bilan radiologique exhaustif et d’une préparation impeccable de la patiente ainsi que sur celle d’une grande expérience chirurgicale pour éviter des complications qui peuvent être très sérieuses, surtout dans les formes profondes [14].

Une exception récente à ce consensus concerne :

Les endométriomes ovariens

Jusqu’ici lorsqu’un volumineux endométriome était découvert, il était conseillé d’en faire l’exérèse car cette lésion était considérée comme tumorale et par crainte de méconnaître un cancer. Le traitement médical ou l’abstention était toujours déconseillés ou réservés à des cas bien délimités [15]. La disparition des douleurs était habituelle à court terme. En outre l’intérêt des kystectomies est démontré par le taux très favorable d’environ 50 % de grossesses spontanées dans les mois qui suivent.

En réalité l’endométriome n’est pas, stricto sensu , tumoral ni lié à une prolifération de tissu pathologique. Il résulte de l’augmentation de volume progressive d’une petite cavité apparue dans le cortex ovarien. Les saignements du tissu endométriosique qui tapisse les parois de cette cavité s’y accumulent à chaque menstruation. Le cortex parsemé des follicules primaires et primordiaux proches des parois du kyste, est repoussé vers le centre de l’ovaire.

Une réévaluation de l’indication chirurgicale préférentielle est aujourd’hui justifiée par les résultats d’études réalisées dans le cadre de l’Aide Médicale à la Procréation (AMP).

— d’une part différents auteurs ont observé que la présence d’un endométriome ne modifie pas les résultats de la FIV et que leur exérèse elle-même n’améliore pas les taux de grossesse [16, 17].

— d’autre part ces kystectomies, bien que cet effet néfaste ait été nié par deux laparoscopistes exceptionnellement expérimentés [18, 19] créent un risque de déplétion marquée des follicules ovariens avec ses graves conséquences sur la fertilité, car même la FIV ne peut alors guérir la patiente — sans oublier le risque d’adhérences rendant dangereux tout geste ultérieur (80 % de récidives et 20 % de nouvelles adhérences [20] surtout lorsque l’intervention a été itérative . Au moins deux publications ont montré que l’ovaire ayant subi l’ablation d’un endométriome répond moins bien à la stimulation par les gonadotrophines que l’ovaire controlatéral [21, 22].

Ces kystes sont relativement fréquents puisque retrouvés chez 15 à 30 % des femmes souffrant de douleurs pelviennes et 20 à 50 % en cas d’infertilité [23]. De plus désormais, les échographies systématiques étant souvent pratiquées, la découverte d’endométriomes asymptomatiques pourrait conduire à des interventions injustifiées si l’on admet leur caractère potentiellement néfaste pour la fertilité ultérieure.

De toutes façons avant de proposer une intervention il serait souhaitable d’évaluer les potentialités reproductives des deux membres du couple et de leur suggérer de s’informer auprès d’un centre de PMA pour choisir en connaissance de cause la thérapeutique qui leur convient le mieux .

Le risque de cancer doit-il s’opposer à une attitude d’abstention ?

On peut le penser puisqu’un cas de cancer ovarien indéniablement lié à un endomé- triome chez une femme de vingt-sept ans a été publié ; mais le taux de CA 125 très élevé (734,6 U/mL) était un signe d’alerte. En outre l’âge moyen de ces cancers est de 46 ans [24] âge auquel il n’est plus légal de mettre en œuvre une AMP. Enfin la toute récente publication de Vigano donne à penser que le tissu ectopique ne subit probablement pas de dégénérescence avec une fréquence supérieure à celle de l’endomètre eutopique [25] Est-il alors utile selon les recommandations de bonne pratique de l’AFSSAPS d’intervenir systématiquement — quelque soient les troubles fonctionnels — devant tout endométriome dont le diamètre dépasse trois centimètres, lorsqu’il est acquis que la patiente se soumettra à un contrôle régulier [4] ?

Dernière notion à prendre en considération : il est régulièrement rapporté que les traitements médicaux ne peuvent guérir les endométriomes quoiqu’ils aient pu en réduire le volume [26 ]. Or seul un freinage très prolongé de l’activité ovarienne pourrait aboutir à la disparition de ces kystes. Dans deux cas, après 3 ans de suppression de l’ovulation nous avons observé la disparition d’un endométriome.

La surveillance échographique en étant aisée, un traitement médical pourrait être tenté et si le freinage ovarien s’avérait inefficace, l’intervention décidée secondairement. Un autre avantage serait le respect des kystes lutéiniques hémorragiques.

Nous n’aborderons pas malgré son importance la question très controversée des ponctions de kystes posée surtout par les multirécidives.

Ici encore le choix du couple est l’élément déterminant. Mais on se heurte à la difficulté insurmontable de la transmission des informations éclairantes et à l’incertitude sur leur compréhension.

ENDOMÉTRIOSES et RÉSEAU PSYCHO-NEURO-ENDOCRINO-IMMUNOLOGIQUE

Pendant longtemps, aucun lien n’a été établi entre état psychique et endométriose.

Une formule de Renaer [27] témoigne du scepticisme régnant concernant cette relation. Cet auteur a été surpris de constater des analogies dans les scores de « dépression, d’anxiété et de psychasthénie » entre patientes endométriosiques et celles souffrant de douleurs anorganiques ces deux groupes se différenciant significativement des femmes non algiques. Et ils concluaient « étant donné que l’endomé- triose a peu de raison de survenir chez des femmes névrotiques, il est probable que c’est la douleur elle-même qui conduit à la névrose ». Or nous avions été frappés par les
récits de traumatismes psychiques et d’agressions, souvent sexuelles spécialement durant l’adolescence, que nous avaient fait spontanément certaines de nos patientes endométriosiques. Cela nous avait poussés avec J.P. Allart à orienter, en évitant toute insistance lors de l’interrogatoire, nos patientes vers les chocs émotionnels prolongés qu’elles avaient pu subir. Et nous avions trouvé en 1999 que 95 sur 200 [28] puis en 2005, 153 sur 300 avaient en effet souffert d’ abus sexuel ou de punitions physiques imméritées et d’abandon . Parfois les deux causes étaient réunies : l’abandon plaçant la jeune fille dans une situation qui favorise les abus physiques [29]. En outre chez de nombreuses patientes les perturbations psychologiques avaient sérieusement affecté le choix du conjoint. Leur insécurité et leurs réactions sexuelles inadéquates avaient crée des dissensions graves dans leurs couples pérennisant leur instabilité émotionnelle.

Il est essentiel de préciser que dans la seconde moitié de nos patientes aucun facteur de cette sorte n’a été retrouvé et que l’existence d’un facteur génétique de susceptibilité est la plus probable.

L’hypothèse d’une intervention du psychisme dans la symptomatologie endomé- triosique, sinon dans sa genèse, avait semblé plausible à Low et coll. [30]. Ces auteurs étudiant 95 patientes souffrant de douleurs pelviennes, d’infertilité ou de l’association des deux avaient conclu qu’il n’était pas exclu que le trait d’anxiété qu’ils avaient mis en évidence chez leurs patientes puisse constituer un facteur de vulnérabilité à l’endométriose par un mécanisme encore à découvrir . Quant au rôle possible de situations conflictuelles et de chocs affectifs vécus par les femmes endométriosiques dans les manifestations douloureuses de leur maladie il n’avait pas échappé à John Rock, spécialiste mondialement reconnu de l’endométriose, qui avait écrit en 1993 :

‘‘ Furthermore organic and functional causes are multiple, and contributing factors are complex. These include sexual dysfunction and conflict, affective disorders, a history of sexual abuse, and other detrimental developmental experiences’’ [31].

L’équipe de Harrison est venue apporter une preuve plus objective de l’instabilité émotionnelle de la femme endométriosique. Elle a étudié chez une jeune patiente les réflexes physiologiques liés au stress (température digitale, niveau de sudation, électroencéphalogramme, électromyogramme) et a mis en évidence de profondes perturbations qu’elle a mises en parallèle avec les graves dérèglements familiaux existant sur trois générations.

Deux hypothèses pathogéniques au moins peuvent être émises sur les relations entre angoisse et traumatismes psychiques et endométriose :

— une exacerbation de la motricité utérine et du reflux des cellules endométriales de nature neurovégétative [32].

— une altération des défenses immunitaires qui réduirait les possibilités de destruction des cellules endométriales régurgitées ; le neuropeptide Y servant d’intermédiaire entre les perturbations psychiques et le système immunitaire.

Il est absolument impossible de prouver objectivement qu’une instabilité psychique provoquée par un traumatisme prolongé puisse altérer les défenses immunitaires, ni — malgré un flux permanent de publications — qu’une perturbation immunitaire soit à l’origine du développement de l’endométriose. Nous retiendrons cependant deux travaux. Celui d’Ader qui a écrit : considérant la brièveté de la période d’existence de la psychoneuroimmunologie, un grand nombre de données ont été réunies qui étayent la proposition d’un rôle critique du système immunitaire dans les mécanismes homéostasiques… et que ce dernier est influencé par la libération de substances neuro-endocrines et par l’activité du système neuro-végétatif [33]. La méta-analyse de Segerstrom et Miller vient confirmer la relative solidité de ces travaux [34]. Quant aux relations entre perturbations immunitaires et endométriose elles sont abordées à l’aide d’un tel nombre de méthodes d’investigations qu’il est impossible d’en faire la synthèse. Elles impliquent les cytokines inflammatoires, les facteurs de croissance et d’adhésion, ainsi que les phénomènes d’angiogenèse [35, 36]. Il est d’ailleurs probable qu’en outre des facteurs environnementaux et personnels s’additionnent pour orienter vers le développement de ces lésions plutôt que vers d’autres pathologies.

La preuve de la relation directe choc émotionnel prolongé-endométriose n’est pas essentielle, l’important est que le gynécologue soit conscient que malgré le caractère si manifestement organique des lésions , une perturbation de l’axe psycho-neuroendocrino-immunologique, liée à une forme d’angoisse précédant l’apparition de l’endométriose , puisse être à l’œuvre chez sa patiente et qu’il ajuste ses thérapeutiques en fonction de cette possibilité.

Aujourd’hui la question semble avoir avancé puisque R. Maheux, décédé pendant qu’il présidait la World Endometriosis Society, avait écrit : le chirurgien « qui ne pensera, par exemple qu’à éradiquer les lésions d’endométriose en oubliant tout le vécu de sa patiente n’aura souvent que peu de succès et beaucoup de récidives. La clef d’une bonne prise en charge est donc de tabler sur les deux côtés : psychologique et physique » [37].

Cependant les patientes persuadées de l’organicité de leurs troubles n’apprécient pas toujours d’être confiées à un psychothérapeute. Une conduite optimale reste donc à découvrir, commune d’ailleurs à bien des situations pathologiques aux confins de ces deux domaines de la médecine. Il a été suggéré que le médecin propose ce recours au même titre qu’à l’acupuncture par exemple pour que la malade se sente libre de son choix.

CONCLUSION

Les traitements des endométrioses ne sont pas aujourd’hui satisfaisants comme en témoigne l’étude effectuée chez 5 478 femmes rapportée au congrès mondial de l’endométriose de Maastricht en 2005 par Lone Hummelshoj [38]. En effet, si la très grande proportion de 80 % des femmes traitées par des chirurgiens spécialisés
guérissent ou sont améliorées, celles traitées par les non spécialistes ont témoigné de leur déception. Aucun traitement n’est complètement bénéfique : 30 % des femmes ont été plus ou moins satisfaites de l’intervention contre 46 % qui ont jugé que leur état était pire ou légèrement pire ; les chiffres étant respectivement de 37 et 39 pour le traitement médical.

Il paraît donc que l’on doive revoir les règles actuelles de traitement de l’endomé- triose. Mais cette modification pose des problèmes très délicats. Les chirurgiens qui ont plus que quiconque contribué à l’amélioration du pronostic de cette affection peinent à revoir leurs indications et ne sont pas à l’aise avec la prescription des médicaments d’action hormonale. Les endocrinologues, dans leur ensemble, connaissent souvent insuffisamment la maladie endométriosique et ne rencontrent pas en premier les malades. Une voie semble susceptible de résoudre cette aporie : les consultations multidisciplinaires systématiques, difficiles à réaliser en raison du cloisonnement des disciplines mais suggérées aussi récemment par le CNGOF [9].

L’Académie nationale de médecine paraît être un lieu de prédilection pour faire cette recommandation. Le bénéfice pourrait s’exprimer en soulagement pour les femmes, et se chiffrer en heures de travail gagnées et en économies pour l’Etat.

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[34] SEGERSTROM S.C., MILLER G.E. — Psychological stress and the human immune system : a meta-analytic study of 30 years of inquiry . Psychol. Bull., 2004, 130 (4), 601-30.

[35] SIRISTATIDIS C., NISSOTAKIS C., CHRELIAS C., IACOVIDOU H., SALAMALEKIS E. — Immunological factors and their role in the genesis and development of endometriosis. J. Obstet. Gynaecol.

Res. , 2006, 32 , 162-70.

[36] ANTSIFEROVA Y.S., POSISEEVA L.V., SHOR A.L. — Changes in the T-helper cytokine profile and in lymphocyte activation at the systemic and local levels in women with endometriosis. Fertil.

Steril., 2005 , 84, 1705-11.

[37] MAHEUX R. — Précis de contraception hormonale et de gynécologie ambulatoire Canada ISBN 2-9809060-X 2005.

[38] HUMMELSHOJ L. — Conférence au congrès mondial de Maastricht http://www.endometriosis.org/press15september05.html DISCUSSION

M. Bernard BLANC

En ce qui concerne le bilan par IRM, existe-t-il une période privilégiée du cycle pour réaliser cet examen et quelle est sa pertinence sous traitement hormonal ? En ce qui concerne le traitement hormonal prolongé que vous proposez comme alternative à la chirurgie, ne pensez-vous pas que ce traitement soit mal accepté par les patientes infertiles qui désirent une grossesse ou du fait de leurs effets délétères ? Il n’existe par ailleurs pas de preuve scientifique de l’intérêt de ce traitement par rapport à la chirurgie qui permet l’obtention de grossesse dans 50 % des cas après chirurgie des kystes ovariens. Que pensez-vous de la place du stérilet au levonorgestrel (Mirena) dans le traitement des endométrioses chez les patientes qui ne désirent pas de grossesse et tout particulièrement dans les ‘‘ endométrioses profondes sous péritonéales ’’ dont le traitement chirurgical est difficile ?

La période la plus favorable semble être la période immédiatement post menstruelle car les lésions qui ont saigné sont alors riches en fer et bien vues en IRM. Lorsque la patiente est sous traitement hormonal si elle est en aménorrhée ce sont les lésions fibreuses ou fibro-musculaires et kystiques qui sont décelées, mais l’IRM demeure très pertinente. Il est évident qu’une anovulation empêche toute grossesse et le traitement médical n’est pas indiqué chez les femmes qui désirent un enfant. Sauf éventuellement un freinage avant fécondation in vitro (FIV). Il est également vrai que les traitement médicaux prolongés sont parfois mal tolérés, il faut alors d’abord changer de molécules. L’équipe de Clermont Ferrand responsable du registre l’endométriose d’Auvergne rapporte un taux global de 30 % après chirurgie analogue à celui de 33 % de Guzik. Mais pour certaines
statistiques en effet le chiffre de 50 % est admis. Il n’est pas question de nier les excellents résultats de la chirurgie ; ce qui est souhaitable est de discuter de la meilleure indication entre chirurgie et FIV surtout dans le cas des endométriomes. Quant au stérilet au levonorgestrel, il a très souvent d’excellents résultats sur les douleurs et le gynécologue doit absolument penser à cette solution surtout dans les cas de douleurs rebelles comme nous l’avons mentionné.

M. Gilles CRÉPIN

Au qualificatif de mystérieux, on peut ajouter ceux de rebelle, capricieux et imprévisible car il n’y a souvent aucune relation entre l’intensité des douleurs et l’étendue des lésions. Il y a des formes asymptomatiques découvertes à l’occasion d’autres pathologies comme l’infertilité. Enfin se développent actuellement des formes dites pseudo carcinologiques survenant chez des femmes jeunes, voire très jeunes et sans rapport avec les mécanismes de reflux. La question discutable est celle du rapport entre les manifestations psychologiques et l’endométriose. Peux-tu apporter plus d’argument en faveur de la causalité des facteurs psychologiques alors que l’expérience démontre que l’endométriose, maladie chronique, est à l’origine de désordres psychosomatiques parfois sévères ?

J’adhère entièrement à ta façon de qualifier l’endométriose. Quant à la question de la psychologie des patientes endométriosiques je suis heureux de pouvoir préciser ma pensée. Il n’est pas douteux que chez certaines femmes les douleurs sont si intenses et de survenue si imprévisibles qu’elles sont à l’origine d’une dépression ou d’une anxiété prolongée. Mais ce que nous avons observé avec Jean-Paul Allart et ce que nous avons publié sous le titre de Endométriose et vécu de l’adolescence c’est la révélation bien avant le développement de l’endométriose de traumatismes émotionnels prolongés ; et cela avec une telle fréquence (une malade sur deux) qu’il est difficile de l’attribuer à une simple coïncidence. En revanche cela ne pourra jamais être démontré à l’aide d’un questionnaire fixé tant les situations sont variées et le sujet délicat. La seule façon de se persuader de cette réalité est de garder à l’esprit cette éventualité et de rester à l’écoute de chaque patiente. Et l’on s’aperçoit alors de certaines réticences, de lapsus, de mimiques qui font évoquer un passé douloureux. Au gynécologue alors de savoir s’il doit insister.

M. Jacques BATTIN

Pendant longtemps, on a prôné le diagnostic précoce chez la jeune fille pour éviter une aggravation ultérieure. Est-ce encore vrai ?

C’est un des problèmes les plus délicats. D’un côté on espère qu’une intervention précoce permettra d’éviter un développement de lésions sévères ; de l’autre il est universellement admis que plus l’intervention est effectuée tôt et plus souvent elle sera suivie de récidives.

En outre comme les patientes de l’association Endofrance y ont insisté, les cicatrices même réduites à trois orifices sur le ventre d’une jeune fille de seize ans ne sont pas acceptées de gaîté de cœur. Pour ma part je pense que mieux vaut utiliser d’abord toutes les armes de la médecine, si possible sans avoir même effectué une coelioscopie, avant de recourir à la chirurgie, tout en surveillant avec attention par l’imagerie, l’évolution des lésions.

M. Charles-Joël MENKÈS

La sciatique cataméniale par endométriose est-elle une réalité clinique ? Y a-t-il une place, dans les formes graves, pour des agents antiangiogéniques ou des inhibiteurs des cytokines per inflammatoires, tels le TNF α ou l’IL-1 ?

Les sciatiques cataméniales sont dues à des lésions profondes et sont à la fois rebelles et d’accès chirurgical difficile. En ce qui concerne les agents mentionnés ils sont toujours cités dans les articles consacrés aux futurs traitements de l’endométriose, et très probablement à juste titre. Mais en pratique ils ne sont pas employés aujourd’hui.

M. Henri LÔO

Les douleurs aggravent l’état psychologique dites-vous mais ne créent-elles pas des états psychopathologiques ? Sur quel registre se situent les troubles psychiques ? Etats nerveux, réactions dépressives, troubles caractériels ? On sait que les douleurs chroniques prolongées, après quelques mois, déterminent des phénomènes anxieux et dépressifs. N’y aurait-il pas intérêt à essayer des traitements anxiolytiques ou par antidépresseurs au long cours ?

Je ne suis pas très compétent en matière de psychiatrie ; mais précisément les premiers travaux qui remontent à 1979, insistaient sur la fréquence avec laquelle une forte anxiété, des tendances dépressives et une psychasthénie étaient observées chez les femmes endométriosiques autant que chez les femmes souffrant de douleurs pelviennes sans lésions organiques. Et il était admis que c’était l’endométriose qui était à l’origine de ces troubles.

Mais en 1993, renversement, les auteurs concluant devant les scores élevés de ‘‘ neuroticisme ’’ et d’anxiété, qu’il n’était pas exclu que cette anxiété puisse constituer un facteur de vulnérabilité, confortant notre façon de penser. Mais évidemment les anxiolytiques et antidépresseurs ont souvent été utilisés chez ces patientes, au même titre que les antalgiques, acupuncture, ostéopathie etc.

M. Christian NEZELOF

Les pathologistes, voyant les lésions d’endométriose, pensent effectivement qu’elles repré- sentent une greffe. Comment, dans cette perspective, expliquer la notion de culture de cellules permanentes, certaines avec anomalies chromosomiques qui sont, en principe, caractéristiques des lignées de néoplasiques ?

Il est très probable que les cultures de cellules et leur immortalisation telles qu’elles sont réalisées en particulier à l’Hôpital Necker apporteront un jour des nouveaux moyens de mise au point de nouveaux traitements. Pour le moment cela ne semble pas être le cas. Et la lecture de ces travaux ne semble pas aujourd’hui éclairer notablement la physiopathologie de l’endométriose.

M. Georges DAVID

Habituellement on nous présente des résultats d’une thérapeutique précise sur une maladie bien définie, vous avez suivi une démarche différente. Une maladie complexe, abordable par
diverses thérapeutiques, vous proposez une méthodologie qui a fait ses preuves initialement en cancérologie : la décision par un comité multidisciplinaire. Et quelle est la cause de la stérilité dans cette pathologie ?

Je suis heureux que vous mettiez l’accent sur l’utilité, qui me paraît indispensable, de la multidisciplinarité dès le début des choix du traitement d’une endométriose. C’est seulement ainsi que des erreurs sérieuses d’aiguillage seront évitées et que les indications les plus adéquates des traitements seront posées. Quant aux causes de la stérilité quand il n’y a pas d’obturation tubaire, ce qui est en effet une des caractéristiques de l’endomé- triose, on en évoque trois parmi une multitude que l’on trouve dans tous les articles consacrés à cette question. Il y a d’abord l’insuffisance lutéale, relativement fréquente et que corrige la stimulation ovarienne associée à l’insémination intra-conjugale, elle pourrait être psychogène, origine aujourd’hui délaissée. Elle pourrait être liée aux perturbations de la motricité tubaire engendrée tant par les adhérences que par les troubles du système neuro-végétatif décrits par Harrison en 2005, enfin la stérilité pourrait être provoquée par les altérations inflammatoires du liquide péritonéal qui perturberaient les fonctions fécondantes des spermatozoïdes comme l’a montré une équipe japonaise en 2007.


* Maternité Pinard, Hôpital Saint-Vincent de Paul — Paris Tirés à part : Docteur Jean BELAISCH, 36, rue de Tocqueville — 75017 Paris Article reçu le 19 avril 2007, accepté le 15 octobre 2007

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 1, 133-147, séance du 29 janvier 2008