Communiqué
Séance du 17 février 2009

Recommandations de l’Académie nationale de médecine sur l’évolution des CHU

MOTS-CLÉS : administration santé publique. centre hospitalier universitaire. enseignement médical. évaluation de la recherche par des pairs. formation clinique pratique. formation continue. recherche en santé publique. service public santé.

Daniel LOISANCE **, Patrice QUENEAU **, René MORNEX ** (au nom de la Commission XV — Exercice médical en milieu hospitalier public et en milieu hospitalouniversitaire)

L’Académie nationale de médecine se préoccupe depuis plusieurs années de l’avenir des CHU. Elle a créé la Commission XV, spécifiquement chargée de ce problème et par l’intermédiaire de cette instance a formulé des avis sur plusieurs thèmes importants [1-6]. Depuis juin 2008, elle a repris le dossier dans sa globalité. Sa réflexion conduit aux recommandations suivantes :

L’Académie nationale de médecine souhaite que soit réaffirmé l’esprit des Ordonnances de 1958 qui définissent les Centres Hospitalo-Universitaires comme des entités créés par convention entre les EPS (Établissements

Publics de Soins) régionaux responsables des soins et des EPCST (Établissements Publics à Caractère Scientifique Professionnel et Techniques) d’un fait de leur composante médicale, chargés d’enseignement et de recherche. Il convient que le partage des responsabilités et les interactions se fassent dans l’harmonie consensuelle. Pour cela, l’Académie souhaite une clarification sémantique. Depuis la loi de 1991, les EPS régionaux susceptibles de signer convention avec les Universités sont qualifiés de CHU. Il est proposé qu’ils soient désormais appelés Centre Hospitalier Régional d’Enseignement et d’Innovation (1) *

Membres titulaires : MM. AMBROISE-THOMAS, COUTURIER, CREMER, CRÉPIN (Membre invité),

GIROUD, HILLEMAND, HOLLENDER, LARCAN, LASFARGUES, LOISANCE (Président), MALVY, MILHAUD, MORNEX, PAOLAGGI, QUENEAU (Secrétaire). Membres correspondants : Mmes GRAPIN-

DAGORNO, MOREL, MM. BERCHE, BONTOUX, CHARPENTIER, CORDIER, DESNUELLE, FUENTES, HAAS, KENESI, MALAFOSSE, POITOUT, TRAN BA HUY, VALLANCIEN, VALLAT.

 

Pour assurer la coordination d’autant plus nécessaire que les champs de compétence s’élargissent et s’intriquent un comite de coordination auprès du Premier Ministre devrait être recrée associant de manière équilibrée les représentations hospitalières et universitaires (notamment à travers les UFR de Médecine).

L’originalité du CHU tient à sa triple mission de soins d’enseignement et de recherche. Elle doit être préservée. Il convient de préciser statutairement que cette triple mission est confiée à une équipe de spécialité médicale et doit permettre une action prioritaire dans un temps donné. Chaque membre de l’équipe est préparé à chacune de ces activités. Autant le principe doit être rigoureux, autant son exécution doit être souple. Ceci doit être confirmé dans toutes les spécialités, y compris en médecine générale ou en médecine d’urgence. Ce sont les missions de service public des CHU.

Les structures publiques ou privées autres que les CHU qui souhaitent s’engager à côté de leur activité de soins et leur mission de service public dans une dynamique universitaire associant enseignement et recherche doivent obtenir de l’UFR un label officiel, autorisant contractuellement l’accueil des étudiants et l’attribution de fonds de recherche publique, l’étudiant restant sous l’autorité de l’UFR. Tout doit reposer sur le contrat d’objectifs et de moyens, et sur l’évaluation à posteriori.

Les soins

La mission de soins du CHU, socle de l’organisation hospitalière à l’échelon territorial, doit être clairement précisée, comme celle des autres structures de prise en charge des patients, extérieurs à l’hôpital, dans les hôpitaux publics, les hôpitaux privés, dans les structures de diagnostic et de soins comme dans celles à vocation plus sociale.

— Le CHU joue un rôle essentiel dans la définition de la politique régionale de santé mise en œuvre par les ARS (Agences Régionales de

Santé), compte tenu de la mission qu’il assure dans l’enseignement et la recherche. Le CHU doit également avoir un rôle central dans la complé- mentarité des structures publiques et privées et la planification hiérarchique des divers établissements de santé dans la région.

— Le CHU doit être la structure de recours, de référence et d’innovation .

Le CHU, par son plateau technique, sera centré sur les malades les plus lourds et dont l’état requiert une mobilisation de moyens techniques et humains importants en rapport avec les besoins du bassin de population.

— Le CHU doit aussi conserver une activité de soins de proximité pour assurer l’une de ses vocations fondamentales : la formation des futurs médecins praticiens et des professions médicales, qui ont besoin pour cela d’être confrontés à toutes les pathologies.

 

L’enseignement

La formation initiale des médecins et leur formation continue sont l’une des priorités des structures hospitalo-universitaires. Le CHU doit avoir un rôle central dans l’évaluation des besoins régionaux d’enseignement et de formation pour ensemble des spécialités. Il doit pouvoir avec les structures compé- tentes (Conseil de l’Ordre, ARS…) contribuer à fixer le numerus clausus établi en accord avec les perspectives de besoins et de fonctionnement des activités de soins.

Il faut donc :

— Favoriser les périodes hospitalières critiques, durant lesquels le trio fondamental : malades-enseignants-étudiants est réuni pour assurer une véritable formation et améliorer la base de la réflexion médicale des plus jeunes.

Le compagnonnage est en médecine une forme incomparable de transmission du savoir et de l’acquisition des comportements en particulier pour la séméiologie, l’examen clinique et la thérapeutique.

— Valoriser les chefs de clinique dans leur responsabilité d’enseignant. Cette mission pédagogique doit être évaluée et prise en compte dans la promotion hospitalo-universitaire et l’accès aux fonctions médicales dans tous les établissements de soins.

— Organiser avec tous les partenaires indispensables la formation des médecins généralistes, en s’appuyant sur les Maisons Médicales et les autres organisations privées. Tout doit se faire sous la responsabilité des UFR de Médecine.

— Encourager l’implication des CHU dans le développement des structures de formation continue.

— Renforcer l’évaluation des pratiques professionnelles y compris celle de leur propre personnel et les doter de moyens modernes de diffusion de l’information.

— Rendre compatibles les moyens informatiques hospitaliers et universitaires.

La recherche

La valeur formatrice de la recherche pour tous les étudiants en médecine doit être affirmée. La recherche n’a pas pour seul but la production d’articles ou de brevets. Elle permet surtout de former les esprits à une démarche intellectuelle rigoureuse. Elle accentue l’attractivité des CHU pour les malades.

La recherche clinique a des contraintes particulières car elle est indissociable à la fois d’une action de soins et d’une liaison étroite avec la recherche fondamentale.

— Préparer les étudiants en médecine à la recherche expérimentale et clinique (la formation à la recherche, la formation par la recherche) assez tôt de leur cursus. La formation par l’école INSERM et les Masters peut être développée avec intérêt. La dimension « recherche en économie » doit être stimulée.

— Faciliter les collaborations entre les services cliniques de différents CHU entre eux et avec les structures de recherche labellisées . Ceci devrait multiplier les échanges et les programmes de recherche conjoints et accélérer les transferts des résultats de la recherche fondamentale et de la recherche clinique vers l’activité de soins. De telles relations faciliteraient le détachement de médecins hospitalo-universitaires dans des structures de recherche labellisées, sur des contrats simples ainsi que le détachement de chercheurs fondamentalistes dans les services cliniques. Créer les fonctions de praticien hospitalier praticien de recherche permettrait de valoriser la recherche clinique appliquée.

— Simplifier la gestion des PHRC (Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique) et des STIC (Soutien aux Techniques Innovantes et Coûteuses), très vite devenue trop lourde et complexe. Rendre les CIC (Centres d’Investigation Clinique) responsables de leur gestion (recrutement et prise en charge d’ARC (Attaché de Recherche Clinique), de TEC (Technicien de Recherche clinique). Ceci dynamiserait aussi la recherche clinique traditionnelle et l’évaluation des nouvelles procédures. L’évaluation des résultats constitue un principe fondamental.

— Stimuler et encourager le financement de la recherche médicale par des fonds privés, industriels ou caritatifs, ce qui nécessite de séparer les investissements dans les structures et le fonctionnement.

— Organiser la recherche à l’échelon inter-régional , à l’image de ce qui est proposé pour l’activité de soins. Les dispositifs sont en place grâce aux Directions Inter-Régionales de la Recherche. Un profit doit être tiré par les CHU des compétences originales et spécifiques d’une inter-région donnée dans les domaines industriels. Ces Directions sont les mieux placées pour le lancement de programmes de recherche trans-disciplinaire . L’évaluation périodique permettra les corrections et évitera les éventuelles dérives.

— Comprendre que l’activité de recherche est un moteur de croissance indiscutable . Il convient donc de former et de recruter dans les nouveaux métiers qu’offre la recherche clinique (TEC, ARC, statisticiens…). Il convient également de stimuler l’organisation de la propriété intellectuelle. L’aide aux transferts industriels pourrait être apportée par des structures type incubateur, avec des moyens facilement mobilisables sur des micro-projets. Ces petites sociétés industrielles doivent être réactives et souples, habilitées à souscrire facilement des contrats avec les investisseurs privés, selon les règles du droit privé. La création d’instituts de recherche intégrée pluridisciplinaire , réunissant les activités cliniques, la recherche fondamentale et la recherche technologique doit être encouragée par la simplification des procédures administratives. Ceci permettant de marier de façon contractuelle des structures privées de tout type, des associations caritatives et le service public.

— Renforcer les outils de l’évaluation des performances en recherche (SIGAPS pour Système d’Interrogation, de Gestion, d’Analyse des Publications Scientifiques, brevets….), puisque plus de liberté et de confiance doivent être données aux CHU impliqués dans des activités de recherche, sous réserve d’une évaluation et d’un contrôle.

L’Académie Nationale de médecine a déjà insisté sur ces modifications indispensables dans le rôle et l’environnement de la recherche en milieu hospitalier.

La gouvernance des CHU

La gouvernance doit être adaptée aux missions particulières des CHU. La nouvelle loi HPST prévoit que le Président de la CME soit associé à la gestion de l’hôpital au sein du Directoire : il en est statutairement le vice président. Il est essentiel que le Doyen de l’UFR soit présent dans le Directoire : c’est la seule garantie que les missions de l’UFR soient rigoureusement prises en compte par la composante administrative hospitalière du CHU. La gouvernance et l’exécutif (le Directoire) doivent être assurés par un trio de droit comportant le Directeur, le Président de la CME (Comité Médical d’Etablissement), le Doyen de l’UFR, agissant par délégation du président de l’Université au sein du CHU.

Le Service hospitalier de CHU doit rester le module de base de l’organisation médicale. Cette structure de taille humaine, est la seule qui soit bien identifiable par les usagers et les étudiants en médecine. Elle est la seule structure qui mette réellement le malade au centre du système. Le chef de service doit retrouver une autorité sur l’ensemble des personnels médicaux et non médicaux, y compris les étudiants. L’évaluation périodique de ce Chef de Service par ses pairs permet de corriger les éventuels manquements. L’organisation en Pôles ne doit pas remettre en cause l’entité Service.

L’organisation en Pôles doit répondre avant tout à une logique médicale et universitaire et doit tenir compte de l’environnement (taille de l’hôpital, localisation géographique des divers services composant le Pôle …). L’organisation en Pôles n’a de sens que si un minimum de responsabilité est délégué au Responsable de Pôle. Sa fonction ne peut se limiter à la gestion des problèmes administratifs mineurs mais il doit contribuer à l’élaboration et la mise en œuvre du projet médical. Sa responsabilité doit s’étendre à la gestion des personnels et des budgets, sur une base contractuelle. L’évaluation doit devenir la seule règle d’appréciation de l’intérêt et de l’efficacité de cette organisation.

Les médecins HU et la gouvernance. Les responsables de service et les responsables de Pôles doivent recevoir une formation aux règles administra- tives. Le médecin qui le souhaite doit pouvoir évoluer vers des activités administratives plus importantes. Il convient alors de prévoir une phase de formation spécifique. Il convient de ne pas multiplier à l’excès les différentes instances administratives, et notamment les comités transversaux. Leur réorganisation doit être conduite sans délais, par les CME.

Les statuts

Le statut des diverses catégories de médecins hospitaliers doit être précisé et reposer sur le contrat (objectifs de la mission, durée, modalités pratiques de l’exercice, rémunération, modalités de l’évaluation …) et son corollaire l’évaluation et les conditions de nomination.

— Le statut de bi-appartenant temps plein (PU-PH, MCU-PH) doit être maintenu : il représente pour tous les médecins hospitaliers une motivation.

L’accès à ce statut doit être d’une rigueur extrême, prenant en compte tout à la fois l’activité de soins mais aussi l’activité d’enseignement et de recherche. La dimension recherche clinique ne doit pas être négligée.

L’évaluation quadriennale des PU PH, prévue dans le statut, doit être effective.

— Le PH de CHU (temps plein ou temps partiel) doit être incité et intéressé à une responsabilité d’enseignement et de recherche grâce à des contrats spécifiques et précis passés avec la Faculté. La qualification des PH doit être précisée. L‘évaluation périodique des performances doit être rendue statutaire.

— L’introduction à l’Hôpital de médecins libéraux , sur des contrats de droit privé, constitue une bonne façon de rapprocher la ville de l’hôpital. Ces recrutements ne peuvent intervenir qu’à l’initiative du responsable du Service, avec l’aval du responsable de Pôle. La logique financière ne peut être exclue dans l’évaluation de l’intérêt pour le Service de tels recrutements.

La mobilité des médecins devrait être encouragée. Cette mobilité est facteur d’ouverture d’esprit. Des aménagements à tous les stades du cursus doivent être prévus. Cette mobilité peut s’exercer dans les structures de soins et de recherche privées, mais aussi à l’étranger. Les passerelles avec le privé, avec les structures de recherche publique ou privée doivent être aménagées. Faciliter l’exercice au droit existant à l’année sabbatique est souhaitable.

— Améliorer l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires est en réalité le centre du problème. Les deux éléments importants de cette attractivité, l’intérêt professionnel et l’intérêt financier doivent être pris en compte. Le premier peut être augmenté par les propositions faites précé- demment, la meilleure organisation facilitant le développement de la réflexion commune et de l’activité intellectuelle. Quant au second, l’idée d’ajouter aux émoluments hospitaliers, en fonction du statut, une part variable calculée sur l’activité, va dans le bon sens. Cependant le système doit rester souple, compréhensible et transparent. La pratique libérale à l’hôpital public doit être maintenue dans le cadre réglementaire existant car elle a fait ses preuves pour contribuer à l’attractivité des carrières hospitalières et à la diversité des recrutements de patients, doit être maintenue dans le cadre réglementaire existant.

— La prise en compte de l’activité hospitalière dans le calcul de la retraite doit être confirmée par la Loi et sa mise en place accélérée.

Ces recommandations de l’Académie nationale de médecine ont pris en compte les déclarations récentes sur le sujet des grands responsables politiques (8-10).

BIBLIOGRAPHIE [1] AMBROISE-THOMAS P., LOISANCE D. — Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour l’avenir des Centres Hospitalo-Universitaires, Bull. Acad. Natle Méd ., 2003, 187 , no 6, 1163-1168.

[2] AMBROISE-THOMAS P., LOISANCE D. — Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour la formation clinique initiale des étudiants en médecine, Bull. Acad. Natle Méd ., 2005, 189 , no 7, 1561-1564.

[3] AMBROISE-Thomas P., Aurengo A. — Organisation des études de Médecine, Pharmacie, Odontologie et Maïeutique dans le cadre du système européen LMD (Licence — Master — Doctorat), Bull. Acad. Natle Méd ., 2006, 190 , no 1, 227-231.

[4] LOISANCE D., COUTURIER D., QUENEAU P. — Communiqué de l’Académie nationale de médecine sur la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance hospitalière, Bull. Acad. Natle Méd ., 2006, 190 , no 8, 1827-1828.

[5] LOISANCE D., CHARPENTIER B. — Réflexions sur la recherche clinique en France et recommandations de l’Académie nationale de médecine, Bull. Acad. Natle Méd ., 2008, 192 , no 4, 795-803.

[6] LOISANCE D. — Contributions de l’Académie nationale de médecine à la réflexion sur la réforme de l’hôpital, Bull. Acad. Natle Méd ., 2008, 192 , sous presse.

[7] HOLLENDER L. — La désaffection pour les carrières hospitalo-universitaires.

Bull. Acad.

 

Natle Méd ., 2000, 184 , no 8, 1749-1753.

[8] Discours de Monsieur le Président de la République sur le thème de la politique de santé et de la réforme du système de soins. Bletterans, le 18 septembre 2008.

[9] Lettre de Mission de Monsieur le Président de la République au Professeur Jacques Marescaux, le 24 novembre 2008.

[10] Discours de madame Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la santé de la jeunesse, des sports et de la vie associative aux e XI Assises Hospitalo-universitaires. Lille, le 12 décembre 2008.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 17 février 2009, a adopté le texte de ce communiqué moins trois abstentions.

 

<p>** Membre de l’Académie de médecine (1) Dans la suite des présentes recommandations, l’Académie nationale de médecine s’exprime avec la terminologie actuelle .</p>