Communication scientifique
Session of 18 mars 2003

Réanimation chirurgicale des membres supérieurs dans la tétraplégie traumatique

MOTS-CLÉS : hémiplégie, réanimation.. membre supérieur, paralysie. quadriplégie, chirurgie. transposition tendineuse
Surgical rehabilitation of the upper limbs in tetraplegia
KEY-WORDS : hemiplegia, rehabilitation.. quadriplegia, surgery. tendon transfer. upper extremity, paralysis

C. Leclercq, M.A. Lemouel, Th. Albert

Résumé

Les patients victimes d’une tétraplégie traumatique présentent une paralysie complète des membres inférieurs et partielle des membres supérieurs, cette dernière étant responsable d’une limitation fonctionnelle parfois considérable. Depuis une vingtaine d’années on a entrepris d’améliorer la fonction de leurs membres supérieurs par des interventions chirurgicales basées essentiellement sur les transferts tendineux. Les auteurs rapportent leur expérience de ce type d’intervention portant sur 69 patients tétraplégiques opérés en 12 ans, soit 188 interventions de réanimation des membres supérieurs. Cette chirurgie a valorisé la fonction des membres supérieurs opérés dans tous les cas, aucune aggravation n’a été observée, et les patients ont été dans la majorité des cas satisfaits.

Summary

Patients with a cervical spinal cord injury experience a complete paralysis of their lower limbs and a partial paralysis of their upper limbs associated with a dramatic decrease of upper limbs function. Twenty years ago, surgical rehabilitation of their upper limbs started to develop, based mainly on tendon transfer procedures. We report a consecutive series of 69 such patients operated in the past 12 years, amounting to 188 rehabilitation procedures on their upper limbs. Surgery was beneficial in all cases, there was no case of functional loss, and the patients were mostly satisfied with the procedures.

INTRODUCTION

En France 900 à 1 000 personnes sont victimes d’une lésion médullaire traumatique chaque année [1]. Parmi elles plus de 40 % sont tétraplégiques (lésion médullaire cervicale). Grâce aux progrès combinés de la réanimation médicale et de la chirurgie, la plupart de ces patients survivent à leur traumatisme.

Depuis une vingtaine d’années, et sous l’influence particulière du Pr Erik Moberg [2], on a commencé à proposer à ces patients une amélioration de la fonction de leurs membres supérieurs basée sur les transferts tendineux.

Le type d’intervention qu’on peut proposer et les résultats qu’on peut en attendre sont étroitement dépendants du niveau de la tétraplégie. Si la chirurgie de réanimation des membres supérieurs n’est pas possible pour les niveaux supérieurs à C4 on peut espérer une récupération de fonction assez rudimentaire dans les niveaux C5, et beaucoup plus élaborée dans les niveaux C6 à C8.

Une coordination exemplaire des expériences initiales [2-4] a permis la mise en place d’une classification chirurgicale internationale, dite classification de Giens [5], permettant de codifier les indications chirurgicales en fonction du niveau de la tétraplégie [6]. Cette classification prend en compte les muscles actifs au-dessous du coude, évalués à 4 ou plus dans la cotation MRC et donc éventuellement utilisables pour un transfert (Tableau 1).

Tableau 1. — Classification Internationale — 0 : aucun muscle fonctionnel au-delà du coude — 1 : + Brachioradialis (BR) = long supinateur — 2 : + Extensor carpi radialis longus (ECRL) = 1er radial — 3 : + Extensor carpi radialis brevis (ECRB) = 2ème radial — 4 : + Pronator teres (PT) = rond pronateur — 5 : + Flexor carpi radialis (FCR) = grand palmaire — 6 : + Extensor digitorum = extenseurs des doigts — 7 : +Extensor pollicis longus = long extenseur du pouce — 8 : +Flexor digitorum = fléchisseurs des doigts — 9 : manque seulement les intrinsèques — 10 : exceptions Nous rapportons ici notre expérience chirurgicale de ces interventions basée sur une série de 69 patients tétraplégiques opérés pour la plupart des deux membres supé- rieurs, et totalisant 188 interventions de réanimation fonctionnelle. Il s’agissait de
55 hommes et de 14 femmes, d’âge moyen 28 ans (extrêmes 14 à 55 ans). La tétraplégie était due à un accident de la voie publique dans 47 % des cas, un plongeon en eau peu profonde dans 19 %, une chute d’un lieu élevé ou de cheval dans 13 %, un choc direct dans 4 cas, une plaie par arme à feu dans 2 cas.

RÉANIMATION DU TRICEPS

L’extension active du coude est un préalable indispensable à ces interventions de réanimation de la main. En son absence, le patient ne peut pas éloigner sa main du corps pour saisir les objets et la nouvelle fonction de la main ne pourra s’exprimer que dans un espace très limité.

D’autre part ces interventions de réanimation de la main sont basées en premier lieu sur le transfert du brachioradialis, et le coude doit être stabilisé par un antagoniste actif, faute de quoi son effet s’épuisera dans la flexion du coude, et il sera inefficace en distal.

L’innervation motrice du triceps s’étend sur plusieurs métamères, avec une certaine variabilité selon les sujets. Son testing doit faire systématiquement partie du bilan préopératoire, et s’il est paralysé ou faible, il doit être réanimé avant la main. Deux types de transferts ont été proposés pour sa réanimation : le deltoïde postérieur [2] et le biceps [7]. Le premier a l’inconvénient de nécessiter des greffons intercalaires entre l’extrémité distale du deltoïde et le tendon terminal du triceps, le deuxième a l’inconvénient d’affaiblir la force de flexion du coude.

Nous avons réanimé l’extension du coude 36 fois chez nos patients. Nous utilisons le deltoïde chaque fois que possible (30 fois), que nous prolongeons maintenant par un greffon synthétique en dacron. Nous réservons l’utilisation du biceps (6 fois) aux cas ou le deltoïde est trop faible.

La rééducation de ces transferts a été bien codifiée par Moberg : elle doit être progressive, sous peine d’assister à une détente du transfert [8].

RÉANIMATION DE LA MAIN

Le type d’intervention réalisable dépend étroitement du niveau lésionnel, et donc des muscles disponibles pour un éventuel transfert. La classification internationale a permis de codifier ces indications de façon assez précise [6] (cf. Tableau 2).

Niveau IC 0 (2 cas opérés dans notre série)

L’absence de muscle actif au-dessous du coude empêche toute intervention de transfert tendineux, et ces patients ne pouvaient bénéficier d’aucune amélioration chirurgicale de leurs membres supérieurs, jusqu’à ce qu’en 1988 une équipe américaine [9] propose d’implanter des stimulateurs électriques au niveau des muscles

Tableau 2. — Répartition des membres supérieurs opérés en fonction des niveaux de la Classification Internationale IC 0 2 IC 1 19 IC 2 4 IC 3 21 IC 4 20 IC 5 15 IC 6 5 IC 7 5 IC 8 0 IC 9 1 IC 10 1 sous lésionnels. Cette expérience a permis de restaurer une prise utile entre le pouce et l’index. À ce jour, plus de 100 patients ont été implantés dans le monde. Malheureusement le développement de cet implant est actuellement stoppé pour des raisons commerciales.

Niveau IC 1 (19 cas opérés)

Ces patients possèdent un muscle brachioradialis efficace (coté à 4 ou plus dans la Classification MRC).

Dans la mesure où le biceps et le brachialis (brachial antérieur) sont également efficaces et permettent d’assurer la flexion du coude, on peut utiliser le brachioradialis (BR) pour une autre fonction. C’est Erik Moberg [2] qui a su, le premier, utiliser efficacement ce muscle, en s’appuyant sur la notion de ténodèse du poignet :

l’extension active du poignet provoque une flexion passive automatique des doigts et du pouce, lequel vient se placer contre l’index.

De même, la flexion du poignet permet une extension automatique des doigts et du pouce (Fig. 1). Ainsi la réanimation de l’extension du poignet permet-elle, grâce à cette ténodèse, de restaurer une prise automatique entre le pouce et l’index (« pince clé ») et une flexion globale des doigts (« grasp »). Pour renforcer la pince-clé, Moberg a proposé de lui associer une ténodèse du flexor pollicis longus (FPL, long fléchisseur du pouce) au radius.

La prise ainsi obtenue est passive, entièrement dépendante de la position du poignet.

Elle est assez faible, mais représente un gain fonctionnel considérable pour ces patients qui n’avaient aucune possibilité de préhension si ce n’est bi-manuelle. Elle leur permet de saisir et d’utiliser des objets relativement légers, tels qu’un crayon, une brosse à dents, une fourchette, …

Fig. 1. — Transfert du brachioradialis sur les muscles radiaux (D’après V.R. Hentz et C. Leclercq ‘‘ Surgical rehabilitation of the upper limb in tetraplegia ’’, 2002, p. 135).

Niveau IC 2 (4 cas opérés)

Ces patients possèdent une extension active et forte du poignet grâce à l’extensor carpi radialis longus (premier radial). Le brachioradialis peut donc être utilisé pour une autre fonction, et on l’utilise habituellement pour restaurer une pince-clé active, par transfert sur le flexor pollicis longus (FPL).

Un geste complémentaire est nécessaire pour stabiliser l’inter phalangienne du pouce, sinon elle se mettrait en flexion aiguë sous l’action du puissant brachioradialis, non contrebalancée par un extenseur actif. Moberg avait proposé une arthrodèse inter-phalangienne. On lui préfère maintenant la technique proposée par Mohamed et coll. en 1992 [10], consistant à transférer la moitié du FPLsur l’ extensor pollicis longus (EPL, long extenseur du pouce).

Cette intervention permet de restaurer une pince-clé active et forte, permettant de saisir des objets plus lourds, et surtout de manipuler des objets contre résistance (ex. : habillage, auto sondage urinaire) Niveau IC 3 (21 cas opérés)

Dans le niveau 3, il existe deux extenseurs actifs du poignet : extensor carpi radialis longus et brevis (ECRL et ECRB). On peut donc en utiliser un (ECRL) comme transfert, en plus du brachioradialis (BR). On peut alors envisager de réanimer deux fonctions différentes chez ces patients, et on choisit habituellement de restaurer une prise globale des doigts par réanimation des fléchisseurs des doigts en plus de la pince-clé.

Mais cette stratégie impose de restaurer aussi l’extension des doigts, sous peine d’obtenir une main fermée en permanence. L’intervention se déroule en deux temps, d’abord un temps d’ouverture puis deux à trois mois plus tard un temps de fermeture [11].

1er temps d’ouverture

La réanimation des extenseurs des doigts et du pouce est passive, par ténodèse au radius, comme décrit par Zancolli, un autre pionnier de cette chirurgie des membres supérieurs tétraplégiques [7]. Dans le même temps on stabilise la colonne du pouce par arthrodèse trapézo-métacarpienne, afin que le pouce soit parfaitement positionné en face de l’index lors de la pince-clé ; et on réanime la fonction des muscles interosseux, habituellement par l’intervention dite de « lasso » décrite par Zancolli (schéma 2). Ce dernier geste est indispensable pour préparer le temps de fermeture, sinon après réanimation des fléchisseurs, les doigts se fermeront en « griffe », en laissant échapper tous les objets un peu volumineux.

b c Fig. 2. — b. avant lasso. — c. après lasso.

2ème temps de fermeture

Les fléchisseurs des doigts sont réanimés par l’ECRL, et le long fléchisseur du pouce par le BR, associé au geste de stabilisation du pouce déjà décrit. Le poignet et la main sont ensuite immobilisés en flexion pour un mois, puis rééduqués pendant deux mois. L’ergothérapie est démarrée dès que possible, pour aider le patient à utiliser au mieux son nouveau potentiel fonctionnel.

Ces interventions apportent au patient, en plus des fonctions déjà mentionnées pour le groupe 2, la possibilité de saisir des objets volumineux (bouteille, téléphone portable…), des objets à manche (brosse à cheveux), des poignées (porte, sac…). Ces gestes lui apportent habituellement une autonomie souvent complète pour l’habillage, la toilette de l’hémicorps supérieur, l’alimentation et la préparation des repas.

Niveaux IC 4 et 5 (35 cas opérés)

Ces deux groupes sont envisagés ensemble, car le schéma thérapeutique est le même.

Dans le groupe 4, le pronator teres (PT, rond pronateur) est actif et disponible comme transfert, et dans le groupe 5 le flexor carpi radialis (FCR, grand palmaire) est actif, mais on ne l’utilise pas comme transfert car il joue un rôle essentiel pour la stabilisation antérieure du poignet.

Il existe donc dans ces deux groupes trois muscles transférables. On utilise habituellement le BR pour réanimer l’extension des doigts et du pouce (1er temps), puis
l’ECRL pour les fléchisseurs des doigts et le PT pour le fléchisseur du pouce (2ème temps). Les gestes associés précédemment décrits pour le groupe 3 sont aussi effectués.

Les patients récupèrent habituellement les mêmes fonctionnalités que dans le groupe 3, avec une meilleure ouverture des doigts, ce qui permet de saisir des objets plus larges, améliore l’esthétique de leur main et le contact humain (poignée de main, caresses).

Niveaux IC 6 (6 cas opérés)

Ces patients possèdent une extension active des doigts mais pas du pouce. De façon paradoxale, leurs capacités fonctionnelles sont souvent moins bonnes que celles des groupes 3, 4 et 5. En effet, le tonus isolé des extenseurs aboutit à une main plate, en extension permanente, où l’effet ténodèse s’exerce mal, et échoue à produire une pince fonctionnelle entre le pouce et l’index.

Dans un premier temps on réanime l’extension du pouce, soit par suture latérale aux extenseurs des doigts, s’ils sont assez forts, soit par ténodèse au radius. On réanime également la fonction des interosseux (lasso).

Le deuxième temps est identique à celui des groupes 4 et 5. Le brachioradialis peut être utilisé pour renforcer soit la flexion-adduction du pouce, soit les lassos.

De tous les patients opérés, ceux des groupes 6 et 7 sont ceux chez lesquels on obtient les résultats fonctionnels les plus spectaculaires, et qui sont les plus satisfaits des interventions.

Niveau IC 7 (4 cas opérés)

L’extension des doigts et du pouce est intacte chez les patients de ce groupe. On restaure en un seul temps la flexion des doigts et du pouce. Le schéma classique reste l’utilisation de l’ECRL pour les fléchisseurs des doigts, et soit le BR soit le PT pour la flexion du pouce.

Les muscles disponibles sont excédentaires, et on peut envisager de réanimer d’autres muscles permettant des prises plus fines ou plus sophistiquées.

Les résultats des interventions sont généralement très satisfaisants chez ces patients, pour les raisons mentionnées au groupe 6, et parce qu’on peut rétablir des prises plus élaborées, plus proches du « normal ».

Niveaux IC 8 et 9 (1 cas opéré)

Dans les groupes les plus bas, la paralysie des membres supérieurs s’apparente à une paralysie médio-cubitale périphérique. Elle présente le même tableau clinique, et se traite selon les mêmes modalités, bien codifiées, que nous ne détaillerons pas ici. Le problème est plutôt celui des indications chirurgicales chez ces patients qui ont déjà
une fonction assez bonne, et n’envisagent souvent qu’avec beaucoup de réticence une intervention chirurgicale.

INDICATIONS CHIRURGICALES

Délai opératoire

Les interventions ne sont pratiquées qu’après stabilisation des lésions neurologiques, en particulier de la récupération motrice. Par ailleurs le patient doit être en bon état général : stabilité respiratoire, urinaire, neurovégétative et cutanée. Enfin, le patient doit avoir compris et accepté le caractère définitif de son handicap.

En pratique, l’ensemble de ces conditions n’est réuni qu’environ un an après le traumatisme causal, parfois plus.

Contre-indications locales

Les règles habituelles de la chirurgie des transferts tendineux s’appliquent ici, en particulier les articulations intéressées par le transfert doivent être souples, ou avoir été assouplies au préalable, et le patient doit pouvoir coopérer de façon active à la rééducation.

La spasticité, souvent présente chez les patients tétraplégiques, ne doit pas être trop importante. En pratique elle est souvent modérée au niveau des membres supérieurs, sauf dans certaines tétraplégies incomplètes.

Enfin pour profiter pleinement du bénéfice apporté par la chirurgie, il faut que la main possède une certaine sensibilité, en particulier au niveau du pouce et de l’index [2]. En théorie, une anesthésie complète dans ce territoire peut remettre en cause les interventions. Mais en pratique, le niveau lésionnel sensitif suit assez fidèlement le niveau moteur, et dès le groupe IC1, il existe habituellement une certaine sensibilité discriminative dans le pouce et souvent le bord radial de l’index.

Contre-indications générales

Comme il a été mentionné plus haut, on attend la stabilisation des lésions neurologiques avant de proposer ces interventions.

Le patient doit être verticalisé dans un fauteuil roulant pendant la journée, ces interventions n’apportent pas de bénéfice à un patient alité.

Il doit également être en bon état général, sans problème respiratoire (mais la trachéotomie n’est pas une contre-indication en soi à la chirurgie), ni infection urinaire, ou escarre cutanée.

L’intervention ne doit être proposée qu’aux patients motivés, réalistes vis-à-vis de leur handicap, et bien informés des possibilités et des limites de la chirurgie. La
plupart des patients sont hospitalisés dans un centre de rééducation à cette période, et la confrontation avec d’autres patients déjà opérés leur est très utile sur ce dernier point.

Certains patients placent tous leurs espoirs dans la chirurgie médullaire, et refusent qu’on altère leur anatomie dans l’intervalle. D’autres attendent de la chirurgie qu’elle leur rende des mains normales. Tous ces patients ne sont pas de bons candidats à la chirurgie fonctionnelle.

Enfin cette chirurgie ne peut se concevoir que dans le cadre d’un centre de rééducation spécialisé, au sein d’une équipe (chirurgien, médecin de rééducation, kinésithé- rapeute, ergothérapeute, psychologue) rodée aux problèmes du patient tétraplégique en général, et aux contraintes de cette chirurgie spécialisée.

COMPLICATIONS ET RÉSULTATS

Dans notre expérience, basée sur 188 interventions, nous n’avons eu à déplorer aucun cas d’aggravation fonctionnelle, complication toujours dramatique chez ces patients qui ont un capital musculaire tellement faible.

Les complications ont été les suivantes :

— lâchage de suture (2 cas). Les deux fois, c’est un transfert de brachioradialis qui a lâché, après un effort inopiné de flexion du coude. Une meilleure éducation des patients et du personnel soignant a permis que cette complication ne se renouvelle pas ;

— détente de suture (2 cas). Ce sont dans les deux cas les fléchisseurs des doigts qui se sont détendus. Depuis la modification du matériel de suture utilisé (non résorbable tressé), cette complication ne s’est plus produite ;

— faiblesse du muscle transféré. Nous avons rencontré cette complication une fois sur un deltoïde transféré sur le triceps. Le transfert a été repris, mais sans amélioration secondaire. Le deltoïde, muscle difficile à tester, avait peut-être été initialement surévalué. Nous avons surtout rencontré cette complication 5 fois après transfert du brachioradialis sur l’extenseur commun des doigts. L’analyse de ces patients [12] a montré que dans tous ces cas d’échec, les fléchisseurs du poignet étaient faibles ou absents. Nous avons modifié nos indications en conséquence ;

— mauvais réglage de la pince pouce-index, par excès de flexion de l’IP du pouce.

Cette complication a disparu depuis que nous pratiquons systématiquement une stabilisation de l’IP dans le même temps par hémi-transfert du FPL sur l’EPL.

Les résultats fonctionnels ont été évalués dans notre série selon l’échelle MIF (Mesure de l’Indépendance Fonctionnelle) adaptée au membre supérieur. Sur l’ensemble de la série, la fonction du membre supérieur opéré a été globalement améliorée de 27 %.

Les résultats en termes de satisfaction du patient ont été mesurés sur une échelle linéaire analogique de 0 à 10 : la satisfaction globale moyenne était de 7,8 (extrêmes 3,5 à 10). Il est à noter que les plus mauvais scores correspondaient rarement aux résultats fonctionnels les plus modestes, mais le plus souvent à des espérances irréalistes de la part du patient, d’où la nécessité d’une information claire et précise au patient avant les interventions.

CONCLUSION

La chirurgie de réanimation des membres supérieurs chez les patients tétraplégiques commence, depuis une quinzaine d’années, à faire partie intégrante du traitement de ces patients dans un certain nombre de pays.

Les indications chirurgicales peuvent être globalement codifiées en fonction du niveau de la lésion médullaire, mais elles sont adaptées, cas par cas, aux besoins et aux désirs individuels de chaque patient.

Il s’agit d’une chirurgie sophistiquée, de réalisation délicate, qui demande une excellente coordination des différents intervenants, et qui ne peut se concevoir que dans le cadre d’un centre spécialisé dans la prise en charge de ces patients fragiles. À ce prix, elle donne habituellement des résultats satisfaisants, qui, s’ils sont loin de rendre une main normale, améliorent de façon conséquente les possibilités fonctionnelles du patient.

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*Institut de la Main, Clinique Jouvenet — 6 square Jouvenet — 75016 Paris. Tirés-à-part : Docteur Caroline Leclercq, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 29 octobre 2002, accepté le 2 décembre 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 3, 601-612, séance du 18 mars 2003