Rapport
Session of 24 novembre 2020

Rapport 20-06 — Interfaces cerveau-machine : essais d’applications médicales, technologie et questions éthiques

MOTS-CLÉS : Électrodes, Handicaps, Éthique, Dispositifs médicaux
Brain-machine interface: Testing of medical applications, technology and ethical issues
KEY-WORDS : Electrodes, Disabilities, Ethics, Medical devices

Académie des technologies - Académie nationale de médecine ; B. Bioulac (a, ⁎) , B. Jarry (b) , R. Ardaillou (a)

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Résumé

L’interface cerveau-machine (ICM) est une technique permettant de recueillir l’activité du cortex et de la transformer, grâce à un logiciel, en commande d’activités motrices ou sensorielles définies respectivement comme asynchrone et synchrone parce que dans ce dernier cas le cortex est stimulé par un événement extérieur alors que dans le premier il enclenche par la pensée un ordre moteur indépendant des nerfs et des muscles. Le recueil de l’activité corticale est soit extracrânien, et utilise l’électroencéphalographie, soit intracrânien avec implantation d’électrodes dans le cortex recueillant les potentiels émis. Les applications médicales de l’ICM visent à restaurer la mobilité d’un ou plusieurs membres suite à un accident ou une maladie. L.A. Benabid a mis au point une technique de commande corticale d’un exosquelette pour traiter des patients paraplégiques. G. Courtine et J. Bloch proposent de réactiver des circuits moteurs lombaires épargnés lors de l’accident. N. Jarasse et G. Morel font appel à des patrons supports constitués à partir des mouvements du tronc et de l’épaule accompagnant le mouvement voulu de la prothèse du bras amputé. A. Lecuyer a développé un logiciel « OpenViBE » appliqué au « neurofeedback » qui permet au patient visualisant les ondes de son cerveau de les ramener par entraînement à une norme afin d’améliorer déficits moteurs et troubles mentaux. Pour restaurer la vision en cas de perte des photorécepteurs, S. Picaud applique une stratégie consistant à réintroduire des informations visuelles dans le circuit neuronal en utilisant une puce électronique implantée en épi- ou sous-rétinien afin de stimuler les cellules ganglionnaires et atteindre in fine le cortex visuel. Toutes ces recherches concernent un nombre isolé de malades rarement étudiés dans des conditions de vie normale. Pour passer à l’étape industrielle, plusieurs défis doivent être affrontés : mieux connaître les réseaux neuronaux impliqués, développer la détection des signaux neuronaux avec des électrodes plus fines, plus résistantes et assemblées dans des matrices en en positionnant un très grand nombre à la surface du cortex, progresser dans le domaine de l’informatique et de l’analyse des données. Toutes ces techniques soulèvent des problèmes éthiques dont les 3 principaux sont : de préserver le caractère personnel de l’activité neuronale, de refuser toute coercition vis-à-vis du patient, et d’optimiser des dispositifs sauvegardant son pouvoir de décider. Ce rapport recommande un soutien public en faveur de la recherche académique et des start-ups, la création d’une structure de mise en réseau des unités de recherche travaillant dans le domaine, le refus d’une autocratie permise par le développement du numérique.

Summary

Brain-machine interface (BMI) is a technique which allows the activity of the cortex to be collected and transformed, by means of software, into the control of motor or sensory activities defined as asynchronous and synchronous, respectively, because in the latter case the cortex is stimulated by an external event whereas in the former it triggers by thought a motor order independent of the nerves and muscles. The collection of cortical activity is either extracranial, using electroencephalography, or intracranial with the implantation of electrodes in the cortex collecting the emitted potentials. The medical applications of the BMI aim to restore the mobility of one or more limbs following an accident or illness. L.A. Benabid developed a technique for cortical control of an exoskeleton to treat paraplegic patients. G. Courtine and J. Bloch propose another approach, which is to reactivate lumbar motor circuits spared during the accident. N. Jarasse and G. Morel support patterns made from the movements of the trunk and shoulder accompanying the desired movement of the amputated arm prosthesis. A. Lecuyer developed OpenViBE software applied to neurofeedback which allows the patient visualising the waves of his brain to bring them back to a standard by training which improves motor deficits and mental disorders. To restore vision in the event of loss of photoreceptors, S. Picaud implemented a strategy consisting of reintroducing visual information into the neuronal circuit using an electronic chip implanted in the epi- or sub-retinal to stimulate the ganglion cells and reach the visual cortex. All this research concerns an isolated number of patients rarely studied in normal living conditions. In order to move to the industrial stage, challenges must be faced: better knowledge of the neuronal networks, developing the detection of neuronal signals with thinner, more resistant electrodes assembled in matrices by positioning a very large number on the surface of the cortex, progress in computer science and data analysis. All these techniques raise ethical problems, the 3 main ones being the collection of neuronal activity which will preserve its personal character, the refusal of any coercion towards the patient, and the optimisation of the devices so that they do not get the power to decide. This report leads us to recommend public support for academic research and start-ups, the creation of a network to bring together the research units working in the field, the refusal of an autocracy made possible by the development of digital technology.

Accès sur le site Science : https://doi.org/10.1016/j.banm.2020.12.009

Accès sur le site EM Consulte

 

Annexe 3. État de l’art et Arguments sur les Interfaces cerveau-machine (ICM) au niveau international

[En ligne] Disponible sur : http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2020/12/Rapport-ICM-annexe-3.pdf

Annexe 4. Comptes rendus des 12 auditions du Groupe de travail

[En ligne] Disponible sur : https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2020/12/Rapport-ICM-annexe-4.pdf

Un rapport exprime une prise de position officielle de l’Académie nationale de médecine. L’Académie dans sa séance du mardi 24 novembre 2020 a adopté le texte de ce rapport par 120 voix, 2 voix contre, 17 abstentions. Le Comité des travaux de l’Académie des technologies l’a adopté à l’unanimité de ses membres le 15 octobre 2020.

 

(a) Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, 75006 Paris, France
(b) Le Ponant, 19, rue Leblanc, 75015 Paris, France
* Auteur correspondant.

Bull Acad Natl Med 2020;205:118-29. Doi : 10.1016/j.banm.2020.12.009