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Quel médecin généraliste pour demain ?
Communiqué de l’Académie nationale de médecine[1]
30 mars 2023
Selon le Conseil national de l’Ordre des Médecins, 84 133 médecins exerçaient la médecine générale en activité régulière au début de 2022. En 50 ans, leur nombre a été multiplié par 3, quand la population n’a cru que de 17 %, mais cette croissance s’est faite au prix de grandes inégalités territoriales (moins de 70 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants dans les départements de Mayenne, Sarthe, Orne, Eure, Eure-et-Loir, Oise, Val-de-Marne, Ain et Seine-Saint-Denis, quand sept départements en ont plus de 120 pour 100 000 habitants). Elle a vu aussi près de 20 000 de ces médecins s’orienter vers une médecine à « Exercice Particulier », qui va de l’homéopathie, la naturopathie et l’acupuncture, à la mésothérapie et à la vertébrothérapie, en passant notamment par l’ostéopathie et la médecine esthétique… (1, 2).
Face à la spécialisation croissante de la médecine, résultat du progrès des techniques diagnostiques et thérapeutiques, le patient fait aujourd’hui état de la nécessité, d’une part, d’obtenir des informations médicales adaptées, d’autre part de bénéficier d’une prise en charge éclairée de sa maladie incluant la place du spécialiste. Dans le cadre de ce double besoin, parfois perturbé par un esprit consumériste, la pratique de la médecine générale est confrontée à des défis multiples qui la bouleversent et font s’interroger sur l’évolution du rôle du médecin généraliste.
Celui-ci se trouve en effet confronté à de multiples évolutions : i) technologiques : le développement de l’intelligence artificielle, qui ambitionne de révolutionner le diagnostic et l’indication thérapeutique, l’essor de la télémédecine qui permet que le médecin et le malade ne soient plus physiquement en présence l’un de l’autre ; ii) diagnostiques et thérapeutiques, aux évolutions si rapides que la mise à niveau des compétences est un véritable défi ; iii) professionnelles : l’encouragement à constituer une équipe de soins rassemblée autour du protocole de prise en charge du patient, et iv) sociétales : le patient, seul ou via un cadre associatif, accède aujourd’hui rapidement à des informations qui concernent sa santé. Ces évolutions surviennent, en outre, dans le contexte de nouveaux déterminants de la relation au travail : un goût plus prononcé pour le travail en équipe entre le médecin et les autres soignants ; une féminisation accrue du métier de médecin (65 % des médecins généralistes de moins de 40 ans sont des femmes (1)) ; une réduction souhaitée du temps consacré à la vie professionnelle ; et une rémunération peu valorisante : bien que la médecine générale soit considérée comme une spécialité, le généraliste est moins bien rémunéré que la majorité des spécialistes.
Dans ce contexte de bouleversement une Loi, récemment adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoit de permettre un accès direct des malades à certaines catégories d’infirmiers, en ouvrant à ceux-ci un droit à prescription dans un cadre précis (3). Cette Loi pose la question du rôle du médecin généraliste qui, dans l’évolution du système de soins actuel, voit son rôle de coordinateur et référent du patient devenir central dans la prise en charge du patient.
Préoccupée par l’impact que ces orientations sont susceptibles d’avoir sur le rôle du médecin généraliste, déjà confronté à des évolutions rapides et lourdes dans l’exercice de son métier, l’Académie nationale de médecine tient à rappeler (4) la place qui doit être réservée au médecin traitant dans le parcours de soins du patient :
– Il a pour mission d’exercer, au plus près du patient, des actions de prévention, la médecine de premier recours, le suivi au long cours de ses patients et la coordination des soins ;
– Le médecin généraliste doit assurer la prise en charge globale de la santé de son patient, qui est au cœur de sa mission de médecin référent ;
– L’usage des moyens diagnostiques et thérapeutiques numérisés et le transfert des tâches avec les autres personnels soignants s’imposent dans le cadre d’une collaboration étroite au sein de structures médicales et paramédicales adéquates, mais le médecin généraliste doit conserver sa place de coordonnateur et de référent personnel du patient tout au long de son parcours de soins.
Références
- Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale 2022, https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/analyse_etude/11jksb5/cnom_atlas_demographie_medicale_2022_tome_1.pdf
- Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques, 07/2022 https://drees.shinyapps.io/demographie-ps/
- Assemblée Nationale, Session Ordinaire de 2022-2023, Discussion de la proposition de loi de Mme Stéphanie Rist et plusieurs de ses collègues portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, 19 janvier 2023
- Académie nationale de médecine, Avis sur « Quels rôle et place pour le médecin généraliste dans la société française au XXIe siècle ? Du médecin traitant à l’équipe de santé référente » (rapporteur : G. Vallancien), 14 février 2023
[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.