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Communiqué de l’Académie nationale de médecine
Quel consentement à la vaccination contre la Covid-19 pour les personnes âgées résidant en établissements?
24 décembre 2020
Aucun acte médical ne peut être effectué sans le consentement de la personne qui en bénéficie. Ce principe s’applique sans réserve à la vaccination : sur la base d’une information claire, loyale et accessible, délivrée par le médecin, il revient à chacun de prendre librement la décision de se faire vacciner ou non.
Selon les données les plus récentes de Santé Publique France, 31% des décès par Covid-19 sont survenus chez des personnes âgées résidant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou un établissement médico-social (EMS). Sur la base de ce constat, la Haute autorité de santé (HAS) a recommandé d’allouer les premières ressources vaccinales à cette population vulnérable, la plus exposée aux formes graves de l’infection, et de vacciner dans une première phase (janvier et février 2021) les personnes résidant en EHPAD et en unités de soins de longue durée USLD [1].
À compter du 27 décembre 2020, les équipes de terrain qui seront en charge du déploiement de cette stratégie vaccinale vont être confrontées à trois difficultés majeures :
– les vaccins à ARN messager, issus d’une nouvelle technologie, comportent encore des zones d’incertitude, notamment sur l’efficacité et l’innocuité à moyen et long termes, qui justifient l’hésitation exprimée par de nombreuses personnes âgées ;
– on estime en France que 57% des résidents des 7400 EPHAD et 70% des résidents des 600 USLD sont atteints de troubles cognitifs modérés à sévères. Parmi ces personnes, beaucoup sont isolées et n’ont pas de famille ;
– le lancement de cette première phase de vaccination en un temps très court constitue un défi logistique qui impose la mise en œuvre d’une organisation adaptée à chaque type d’établissement.
Dans les conditions particulières d’une situation épidémiologique toujours préoccupante, il faut rappeler quelques principes à observer avant de procéder à la vaccination contre le SARS-CoV-2 :
1. Nul ne saurait être vacciné contre sa volonté ; avant de vacciner une personne âgée, il convient tout d’abord d’évaluer son degré de lucidité. Si ce diagnostic n’a pas été fait antérieurement, il doit être établi collégialement par l’équipe de soins et reporté dans le dossier médical de l’intéressé.
2. Quand le degré de lucidité est jugé compatible avec la compréhension de l’offre vaccinale, il faut informer chaque personne lors d’une consultation de pré-vaccination suivie d’autres entretiens individuels si nécessaire, que son âge, et éventuellement son état de santé la rendent prioritaire pour la vaccination, compte tenu d’un rapport bénéfice/risque très favorable.
3. Un dialogue doit s’établir, utilisant des termes simples et compréhensibles, adaptés au cas par cas, afin de s’assurer que la proposition de vaccination a bien été comprise.
4. La campagne de vaccination devant débuter très prochainement, il est urgent d’entamer cette phase d’information préalable au recueil des consentements.
5. La réponse à la demande de consentement doit être mentionnée dans le dossier médical de chaque personne, mais il n’y a pas lieu de l’authentifier par sa signature, cette démarche pouvant générer de l’inquiétude et de l’anxiété, aucun autre acte médical usuel n’exigeant une telle procédure de la part des résidents. L’inscription dans le dossier médical, précisant les examens médicaux et entretiens préalables ainsi que la décision prise, suffira à établir la réalité des soins prodigués.
6. L’impossibilité d’obtenir un consentement éclairé en raison d’un défaut de lucidité est habituelle dans les établissements concernés, notamment pour la vaccination contre la grippe. Lorsqu’une personne de confiance, un tuteur ou un proche du résident a été identifié, le dialogue doit s’engager avec ces tiers, de façon claire et transparente, et mettre en valeur le rapport bénéfice/risque de la vaccination. La décision de vaccination ou de non-vaccination sera prise au terme de ce dialogue.
7. Si le résident n’a désigné aucune personne de confiance et ne dispose d’aucun proche, la décision de vaccination revient entièrement à l’équipe de soins qui appréciera son état de santé, l’existence d’éventuelles contre-indications et le bénéfice attendu. On pourra tenir compte de l’attitude antérieure de la personne vis-à-vis de la vaccination selon les propos qu’elle aurait pu tenir sur ce sujet, ou s’enquérir auprès d’une personne extérieure connaissant l’intéressé, qui interviendra comme référent pour témoigner de l’opinion du résident. Dans les situations difficiles, l’équipe de soins pourra solliciter l’avis des Espaces éthiques régionaux. L’ensemble de ces démarches et la décision finale seront soigneusement notés dans le dossier médical.
8. Les mêmes principes encadrant la mise en œuvre de la vaccination contre la Covid-19 concerneront aussi les personnes âgées dépendantes vivant à domicile, lorsqu’elles seront à leur tour ciblées par la campagne de vaccination.
Au vu de ces considérations, l’Académie nationale de médecine recommande :
– de n’exclure de la vaccination contre la Covid-19 aucune personne âgée résidant en établissements, seuls une contre-indication médicale ou un refus de l’intéressé(e) pouvant justifier l’abstention vaccinale ;
– de s’assurer qu’une information complète sur les nouveaux vaccins contre la Covid-19 et sur leur mode d’administration soit diffusée dès à présent auprès de chaque établissement accueillant des personnes âgées ;
– d’apporter aux personnes âgées, même quand leur lucidité est amoindrie, une information complète, sincère et adaptée, si possible de manière collégiale, lors de la consultation pré-vaccinale, en renouvelant le dialogue autant que nécessaire ;
– de considérer que la préservation de la lucidité des personnes âgées résidant en établissements garantit la valeur du consentement libre et éclairé. Un diagnostic médical constatant l’absence de lucidité doit conduire l’équipe soignante à consulter l‘avis d’une personne de confiance ou d’un proche, pour témoigner de la volonté de l’intéressé(e) ;
– de ne pas exiger la signature de document attestant du consentement ;
– en cas d’absence totale de lucidité constatée médicalement, de mener toutes recherches possibles pour tenter de connaitre la volonté de la personne sur la vaccination afin de prendre une décision concordante ;
– de rechercher dans le dossier médical de l’intéressé(e) tous les éléments médicaux et relationnels concernant l’acceptation ou le refus des vaccinations ;
– de veiller que chaque établissement dispose d’un système permanent de garde médicale, engageant par exemple un professionnel de santé de ville, médecin ou infirmier, constamment disponible, pour assurer le meilleur suivi des suites de la vaccination.
Référence
[1] Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2, recommandations préliminaires sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner, 27 novembre 2020