Résumé
Au cours de la dernière décennie, l’identification de plusieurs gènes responsables de formes monogéniques de maladie de Parkinson a fait grandement progresser nos connaissances sur les mécanismes physiopathologiques impliqués. Le gène de l’ α -synucléine, impliqué dans de très rares formes autosomiques dominantes, code ainsi pour une protéine qui s’est révélée être le composant majeur des corps de Lewy, stigmate histopathologique de la maladie. Le gène de la Parkine, responsable d’un nombre important de cas avec un début précoce, est une E3 ubiquitine-ligase, soulignant l’implication de la voie ubiquitine-protéasome dans la maladie de Parkinson. Enfin, des mutations du gène LRRK2, qui rendent compte d’une proportion importante de formes autosomiques dominantes, en particulier en Afrique du Nord, code pour une kinase dont les substrats sont encore inconnus. L’étude de ces gènes a déjà permis de comprendre que la formation des corps de Lewy n’est pas un événement indispensable à la dégénérescence des neurones dopaminergiques au cours de la maladie de Parkinson. Il reste à déterminer si les produits des gènes impliqués dans les formes monogéniques de maladie de Parkinson s’intègrent dans une voie métabolique commune.
Summary
During the past decade, the identification of several genes responsible for monogenic forms of Parkinson’s disease has greatly increased our knowledge of the pathophysiological mechanisms of this disease. The α -synuclein gene, involved in very rare forms with autosomal dominant transmission, encodes a protein which is a major component of Lewy bodies, the histopathological hallmark of the disease. The Parkin gene, responsible for a significant number of cases with early onset, encodes an E3 ubiquitin-ligase, supporting the involvement of the ubiquitin-proteasome pathway in Parkinson’s disease. Finally, mutations in the LRRK2 gene, which codes for a kinase with unknown substrates, accounts for a substantial fraction of autosomal dominant forms, particularly in North Africa. The study of these genes shows that the formation of Lewy bodies is not mandatory for the degeneration of dopaminergic neurons in Parkinson’s disease. It remains to be determined whether the products of the genes are implicated in the same metabolic path way.
INTRODUCTION
Décrite la première fois par James Parkinson en 1917 dans son essai par la paralysie agitante, la maladie de Parkinson (MP) est la seconde maladie neurodégénérative en fréquence après la maladie d’Alzheimer. Ainsi, sa prévalence dépasse 2 % après l’âge de 65 ans. Elle se manifeste cliniquement par la triade tremblement de repos, rigidité et bradykinésie, dont le début est asymétrique et l’évolution progressive.
Cette triade de manifestations motrices est due à une perte préférentielle des neurones dopaminergiques de la substantia nigra[1]. Cependant, il existe pendant longtemps une compensation et les symptômes n’apparaissent que lorsque plus de 50 % des neurones dopaminergiques de la substantia nigra pars compacta ont dégénéré. La dégénérescence s’accompagne d’un stigmate histopathologique, le corps de Lewy, inclusion neuronale cytoplasmique éosinophile et ubiquitinylée. Les corps de Lewy sont enrichis en α-synucléine, protéine qui s’accumule également dans les prolongements nerveux dystrophiques appelés « Lewy neurites » dans la littérature anglo-saxone[2]. Cependant, cette dégénérescence neuronale n’est pas spécifique de la substantia nigra, et d’autres systèmes dopaminergiques ou non dopaminergiques (cholinergiques et sérotoninergiques par exemple) sont également touchés. Il a été récemment montré l’existence d’un gradient de progression des corps de Lewy dans le système nerveux qui dépasse les systèmes dopaminergiques [3]. L’atteinte d’autres systèmes de neurotransmission est à l’origine de manifestations non motrices telles que dysautonomie ou troubles cognitifs, qui apparaissent au cours de l’évolution. Cependant, les neurones les plus fréquemment atteints dans la maladie de Parkinson sont ceux qui contiennent de la neuromélanine, tels que la substantia nigra, le locus coeruleus ou le noyau dorsal du X. Cette observation d’une susceptibilité particulière de ces neurones suggère le rôle du stress oxydant, puisque la neuromélanine est un produit d’oxydation. Les traitements actuels à base de précurseurs de la dopamine ou d’agonistes dopaminergiques ne parviennent qu’à compenser, et encore partiellement, la perte des neurones dopaminergiques.
La mise en évidence des corps de Lewy puis d’α-synucléine comme marqueur de ces inclusions, a conduit à rapprocher de la maladie de Parkinson en termes histopatologiques deux autres affections. Ainsi, la démence avec corps de Lewy, caractérisée par un syndrome démentiel fluctuant associé à des hallucinations et parfois des signes parkinsoniens, est associée à la présence de corps de Lewy dans l’ensemble du
cortex cérébral. Dans l’atrophie systématisée multiple qui associe des signes parkinsoniens ou cérébelleux à une dysautonomie, l’α-synucléine ne forme pas de corps de Lewy mais s’accumule dans les cellules gliales. C’est pourquoi ces trois pathologies sont parfois qualifiées d’α-synucléinopathies.
Les causes de la dégénérescence neuronale dans la maladie de Parkinson demeurent une énigme mais il est communément admis qu’elle résulte de la combinaison de facteurs génétiques et environnementaux, comme dans de nombreuses maladies communes. Au début des années 80, l’hypothèse environnementale paraissait la plus solide en raison de la variabilité géographique de l’incidence de la maladie ainsi que de l’identification de facteurs environnementaux potentiellement impliqués. Ainsi, si fumer semble protéger, et à l’inverse, l’exposition aux pesticides, comme la consommation d’eau de puits, paraissent augmenter le risque de maladie de Parkinson. Cependant, c’est la découverte en Californie d’un syndrome parkinsonien cliniquement très proche de la maladie sporadique chez des toxicomanes ayant consommé une drogue de synthèse qui renforça l’hypothèse environnementale. Ce syndrome parkinsonien est du à un contaminant, le 1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6- tétrahydropyridine (MPTP) et à son produit d’oxydation, le 1-méthyl-4-phénylpyridine (MPP+), une neurotoxine ayant une similarité structurale avec certains herbicides et capable d’inhiber le complexe 1 de la chaîne respiratoire mitochondriale[4]. Bien que déjà Gowers avait souligné la fréquence des formes familiales de maladie de Parkinson, ce n’est que très récemment que la contribution de facteurs génétiques à la pathogénie de la maladie de Parkinson a été reconnue. En effet, jusque là, seuls des arguments indirects pouvaient permettre de suspecter leur participation. Ainsi des études dans différentes populations montraient que la maladie de Parkinson est familiale avec au moins un apparenté du cas index atteint dans 10 à 30 % des cas. De plus, dans des études cas-témoins, le risque pour un apparenté de patient de développer une maladie de Parkinson est multiplié par un facteur de 2 à 5 selon les études par rapport à un apparenté de témoin. Enfin, les études de jumeaux qui avaient initialement mis en évidence des taux de concordance faible entre paires mono et dizygotes, ont montré des taux de concordance beaucoup plus élevés depuis l’utilisation de la tomographie par émission de positons (TEP).
En effet, cette technique permet de visualiser des dysfonctionnements dopaminergiques pré-cliniques chez de nombreux co-jumeaux apparemment sains. Même si le taux de concordance n’atteint pas 100 % chez les jumeaux monozygotes, il est plus important chez ceux-ci que chez les jumeaux dizygotes. Ainsi, des arguments forts en faveur du rôle de facteurs génétiques ont été apportés au cours de la dernière décennie. Cependant, c’est à partir de l’étude d’un tout petit nombre de familles dans lesquelles la maladie de Parkinson se transmet selon les lois de Mendel, que les gènes responsables des formes monogéniques maintenant connues ont été identifiés, et que leur fréquence relative a pu être étudiée. A ce jour, cinq gènes responsables de formes monogéniques de maladie de Parkinson sont connus, Parkine, DJ-1 et Pink1 dans les formes autosomiques récessives, et α-synucléine et LRRK2 dans les formes autosomiques dominantes [5]. De plus, les gènes UCH-L1 et Nurr-1 pourraient
également être impliqués, et au moins un autre locus dont le gène n’est pas encore identifié a été cartographié sur le chromosome 2 (tableau). Néanmoins, dans de nombreuses formes familiales avec maladie de Parkinson typique ou avec un phé- notype particulier, tel que le syndrome de Perry et Purdy[6], les gènes responsables sont encore inconnus.
Alpha-synucléine (PARK1) : une première clé pour comprendre la maladie de Parkinson
L’étude d’une seule famille, italo-américaine, originaire de la ville de Contursi, a conduit en 1997 à mettre en évidence la responsabilité du gène de l’α-synucléine[7].
Dans cette famille, la mutation A53T se transmet avec une maladie de Parkinson sévère, débutant en moyenne vers 45 ans, dont la progression est rapide et souvent associée à une démence. Cette mutation a également été détectée dans une quinzaine d’autres familles, toutes originaires de Grèce, pays dans lequel cette mutation a dû survenir chez un ancêtre commun à toutes ces familles. Depuis, deux autres mutations de type faux-sens, A30P et E56K, ont été décrites, chacune dans une famille[8, 9]. De façon intéressante, la mutation E56K est associée à un syndrome parkinsonien dont les caractéristiques cliniques et neuropathologiques sont très évocatrices de démence avec corps de Lewy. Plus récemment, un nouveau type de mutation, des multiplications du gène α-synucléine, fut mis en évidence dans plusieurs familles dont plusieurs françaises[10-12]. Il s’agit de duplications ou de triplications de ce gène qui font passer le nombre de copies fonctionnelles de deux à trois ou quatre.
Des mutations ponctuelles du gène de l’α-synucléine avaient conduit à identifier cette protéine comme composant majeur des corps de Lewy et à établir ainsi un lien direct entre ce gène et la maladie de Parkinson dite idiopathique[2]. Les cas avec multiplications du gène de l’α-synucléine ont mis en lumière le lien entre le nombre de copies de ce gène et le phénotype. En effet, il existe un clair effet de dosage génique puisque les duplications (trois copies du gène) sont associées à une maladie de Parkinson typique de début tardif et d’évolution lente, alors que les triplications du gène (quatre copies) sont associées à un tableau proche de la démence avec corps de Lewy qui commence précocement et d’évolution sévère. Ces résultats démontrent donc l’étroite corrélation entre le nombre de copies fonctionnelles du gène α-synucléine et la sévérité et l’étendue des lésions neuropathologies. Ces résultats amènent à postuler que des variations du taux d’expression de l’α-synucléine ou de sa demi-vie pourraient constituer des facteurs favorisants pour la survenue de la maladie de Parkinson idiopathique. De fait, une association entre des polymorphismes du gène α-synucléine et la maladie de Parkinson a été mise en évidence dans des études cas-témoins[13]. Ainsi, l’identification de ce gène dont les mutations sont rares ouvre un champ de recherches considérable sur les mécanismes physiopathologiques de la maladie de Parkinson.
L’α-synucléine est une protéine neuronale de 140 acides aminés, concentrée dans les terminaisons synaptiques et dont la fonction est loin d’être élucidée. Cependant,
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l’α-synucléine in-vivo est étroitement associée aux vésicules synaptiques et différentes données suggèrent qu’elle pourrait jouer un rôle important dans le recyclage de ces vésicules[14]. La question de la toxicité sélective de l’α-synucléine, normale ou mutée, pour les neurones dopaminergiques n’est pas élucidée mais elle pourrait être due à la fois à une perte de fonction (séquestration de l’α-synucléine dans des agrégats), et à un gain de fonction toxique (polymérisation de cette protéine sous forme oligomérisée ou fibrillaire). L’α-synucléine régule négativement l’activité de la tyrosine hydroxylase en réduisant ainsi la synthèse de dopamine dans les neurones cathécholaminergiques. Elle semble également réguler négativement la fonction du transporteur de la dopamine en contrôlant la quantité de cette protéine à la membrane. Le rôle modulateur de l’α-synucléine pourrait être partiellement perdu en raison de la formation de corps de Lewy, conduisant à une accumulation de dopamine intracellulaire à la synapse. En l’absence de compensation, ces modifications pourraient créer un environnement favorable à la production de radicaux libres toxiques. Cependant un effet toxique par gain de fonction est également postulé puisque la surexpression de l’α-synucléine normale ou mutée chez les rongeurs ou la drosophile par transgenèse ou par surexpression à l’aide de vecteurs viraux, peut conduire à une dégénérescence neuronale. Cependant, les modèles actuels ne récapitulent pas complètement les aspects cliniques et neuropathologiques de la maladie de Parkinson[15]. Contrairement aux corps de Lewy, l’α- synucléine dans les inclusions présentes dans les modèles animaux n’est pas toujours fibrillaire. Ce résultat suggère que la forme soluble ou protofibrillaire d’α-synucléine pourrait être celle qui est toxique. Ainsi, la forme soluble d’α-synucléine, normale ou mutée, pourrait prédisposer à la mort neuronale en l’absence d’inclusions. Dans cette hypothèse récemment renforcée par des observations réalisées chez la drosophile, les inclusions (corps de Lewy) ne seraient pas toxiques par elles-mêmes[16].
Différentes études des mécanismes montrent que la surexpression de l’α-synucléine altère le fonctionnement mitochondrial et favorise le stress oxydant. Ainsi, la surproduction de l’α-synucléine entraîne une augmentation de la susceptibilité aux toxines mitochondriales. Par exemple, les souris avec invalidation du gène de l’α-synucléine sont résistantes à la toxicité induite par le MPTP alors que les souris transgéniques pour l’α-synucléine sont plus sensibles à cette toxine. Les mécanismes de la toxicité induite par des mutations ou la surproduction d’α-synucléine restent spéculatifs mais un rôle clé de cette protéine dans la maladie de Parkinson a néanmoins pu être établi grâce à une étude génétique initialement menée dans une seule famille.
Le gène de la Parkine (PARK2) et l’implication de la voie ubiquitine-protéasome
C’est au Japon qu’a été décrite une entité clinique appelée syndrome parkinsonien juvénile autosomique récessif (autosomal recessive juvenile parkinsonism-ARJP) [17]. Cette entité a été distinguée de la maladie de Parkinson en raison de son âge de début précoce (avant 40 ans, souvent avant 20 ans), sa transmission autosomique récessive et quelques particularités cliniques qui se révélèrent finalement non spéci-
fiques. Une caractéristique de ce syndrome est une perte sélective des neurones dopaminergiques dans la substantia nigra et du locus coeruleus qui n’est pas associée à la présence de corps de Lewy. L’analyse des familles japonaises a conduit à cartographier le gène responsable sur le chromosome 6 puis à l’identifier. Ce gène, appelé Parkine[18], s’est avéré être fréquemment impliqué dans les formes précoces de maladie de Parkinson et être associé avec une grande variété de mutations. Le spectre des mutations est extrêmement large incluant non seulement des mutations ponctuelles variées mais aussi de très nombreux réarrangements à type de délétions et de multiplications d’un ou plusieurs exons [19]. Ces réarrangements sont probablement favorisés par la grande taille de ce gène (1,35 Mb) qui ne contient que douze exons codants. Des mutations de ce gène ont été identifiées dans toutes les populations testées, aussi bien en Asie, en Europe et en Amérique. De plus, dans les formes autosomiques récessives avec un début précoce, les mutations de la Parkine repré- sentent plus de 50 % des cas[20]. Il s’agit donc d’un gène majeur dans cette forme de syndrome parkinsonien. Plus surprenant encore, le gène Parkine est altéré chez de nombreux patients sans histoire familiale, avec une fréquence qui dépend de l’âge de début. Ainsi, ce gène rend compte des deux tiers des cas isolés avec un début avant l’âge de 20 ans, et d’1/4 entre 20 et 29 ans. Entre 30 et 45 ans, cette proportion n’atteint pas 10 % et reste négligeable au-delà [21]. Le phénotype associé est variable mais il est souvent cliniquement indistinguable de la maladie de Parkinson idiopathique, surtout pour les formes qui ne sont pas associées à un début précoce. Dans cette forme de maladie de Parkinson, les lésions sont très sélectives d’où la rareté de signes associés tels que démence et dysautonomie. L’évolution en est très lentement progressive et les patients, même parfois après plus de 50 ans d’évolution, restent toujours bons répondeurs au traitement par la lévodopa.
La découverte du gène de la Parkine a permis d’impliquer directement la voie ubiquitine-protéasome dans la maladie de Parkinson. En effet, la Parkine est une protéine ubiquitaire de 465 acides aminés, avec une structure de type RING finger.
Comme d’autres membres de cette famille de protéines, elle a une activité E3 ubiquitine ligase, c’est-à-dire qu’elle reconnaît des protéines substrats spécifiques et induit leur poly-ubiquitinylation, signal de ciblage vers la dégradation par le protéasome[22]. Dans cette affection autosomique récessive, les mutations entraînent une perte de fonction de la Parkine et il a été postulé que celle-ci entraînerait une accumulation délétère de substrats non ubiquitinylés, à l’origine de la dégénérescence neuronale[23]. De plus, l’absence de corps de Lewy chez la plupart des patients indique que la Parkine joue un rôle central dans la formation de ces inclusions ubiquitinylées. D’ailleurs, la Parkine est associée aux corps de Lewy dans la maladie de Parkinson idiopathique. L’existence d’une dégénérescence neuronale en l’absence de corps de Lewy suggère aussi que la présence de ces inclusions dans la maladie de Parkinson idiopathique pourrait n’être que le marqueur phénotypique d’un dysfonctionnement et non la cause de la mort neuronale [24].
La Parkine est exprimée dans de nombreux compartiments des neurones, où elle pourrait jouer un rôle neuroprotecteur contre différentes agressions. En accord avec
la localisation subcellulaire variée de la Parkine, ses substrats identifiés jusqu’à présent ont des rôles très divers, tels que signalisation intra-cellulaire (PaelR), contrôle du cycle cellulaire (cycline E), biosynthèse des protéines (protéine p38), dynamique du cytosquelette (α et β tubulines), fonction vésiculaire et synaptique (CDCrel-1, synaptotagmine 9, synphiline, α-synucléine O-glycosylée) [24]. La plupart de ces protéines s’agrègent lorsqu’ils sont sur-exprimés, et certains d’entre eux s’accumulent dans le cerveau de patients avec des mutations du gène de la Parkine. Cependant, lequel ou lesquels de ces substrats sont impliqués dans la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substantia nigra reste une énigme. Il est cependant tentant d’établir un lien entre α-synucléine et Parkine, puisqu’une forme α-glycosylée de synucléine est un substrat de celle-ci [25]. Un autre substrat de la Parkine, la synphiline, est une protéine qui interagit avec l’α- synucléine. Il a également été montré que la surproduction d’α-synucléine diminue l’activité du protéasome et que celle-ci peut être restaurée par l’expression de la Parkine. Il est également possible que cette interaction entre Parkine et α-synucléine joue un rôle à la synapse, où ces protéines ont des actions en partie opposées sur l’accumulation des neurotransmetteurs dans les vésicules de neurones dopaminergiques et leur libération. Plusieurs observations suggèrent que la parkine participerait à la biogenèse des corps de Lewy : absence de marqueurs histopathologiques dans la plupart des cas avec une mutation de la Parkine, accumulation de la Parkine et de ses mutants sur-exprimés dans des structures de type agrésomes, présence de Parkine dans les corps de Lewy [25]. Ainsi, la Parkine ne serait pas seulement responsable de la maladie de Parkinson avec mutations de ce gène, mais pourrait jouer un rôle plus général dans la pathogenèse de la maladie de Parkinson idiopathique.
Si une inactivation du gène de la Parkine chez la souris n’entraîne pas de dégéné- rescence neuronale [26], chez la drosophile, elle produit une pathologie mitochondriale musculaire sévère [27]. Cette observation pourrait permettre d’établir un lien avec le gène PINK1, responsable d’une forme autosomique de maladie de Parkinson et qui code pour une protéine mitochondriale [28]. La forme normale de PINK1, et non sa forme mutée, protège l’intégrité mitochondriale lors des traitements par un inhibiteur du protéasome, prévenant ainsi les cellules de l’apoptose. Ainsi, l’altération de la voie ubiqutine-protéasome et le dysfonctionnement mitochondrial, deux mécanismes qui pourraient être impliqués dans la maladie de Parkinson idiopathique, sont au centre de la fonction normale de la Parkine.
Le gène LRKK2 (PARK8) : des mutations à l’origine de phénotypes neuropathologiques variés.
Le gène le plus récemment identifié dans la maladie de Parkinson apparaît comme particulièrement intéressant. Après sa cartographie sur le chromosome 8 dans une grande famille japonaise, le gène LRRK2 fut identifié par deux équipes simultané- ment [29, 30]. Deux aspects de ce gène sont frappants : d’une part, l’existence d’une
mutation majoritaire et d’autre part, la variabilité des lésions chez les patients. A ce jour, moins d’une dizaine de mutations du gène LRRK2 ont été rapportées dans des populations diverses. Ces mutations, associées à une transmission autosomique dominante, entraînent souvent un tableau de syndrome parkinsonien typique, avec un début tardif [31]. La mutation G2019S est particulière par sa fréquence. Elle rend compte à elle seule de 3 à 17 % des formes familiales de maladie de Parkinson selon l’origine géographique, et de 1 à 2 % des cas sans histoire familiale [32-35]. Il s’agit donc probablement d’un gène important en terme de fréquence puisqu’il est même impliqué dans des formes de début tardif, de loin les plus fréquentes, et ce avec ou sans histoire familiale. L’étude des familles avec ces mutations montre que la pénétrance dépend de l’âge, et pourrait même être réduite car plusieurs individus âgés de plus de 70 ou 80 ans, sont porteurs de cette mutation sans être atteints.
L’analyse des haplotypes associés à cette mutation dans des familles des Etats-Unis, d’Europe et d’Afrique du Nord, montre qu’elle provient d’un ancêtre commun ayant probablement vécu au 13ème siècle [36]. Il s’agit donc d’un événement relativement récent et on peut s’interroger sur la rapidité de sa diffusion, particulièrement en Afrique du Nord, où 41 % des cas familiaux de maladie de Parkinson sont dus à cette mutation. L’étude de familles avec mutations du gène LRRK2 a également souligné la grande variabilité inter et intra-familiale des lésions observées chez les patients. L’examen post-mortem des patients porteurs de mutations du gène LRRK2 révèle des différences remarquables avec un point commun, la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substantia nigra [37]. Celle-ci peut être associée à des corps de Lewy dans le tronc cérébral, comme dans la maladie de Parkinson idiopathique, ou bien à des corps de Lewy plus diffus, comme dans la démence à corps de Lewy. De plus, certains patients n’ont pas de corps de Lewy mais soit une accumulation anormale de protéine Tau dans certaines structures cérébrales, soit l’absence complète de marqueurs histopathologiques habituellement associés aux maladies neurodégénératives (α-synucléine, tau, protéine amyloïde). Ces résultats soulignent qu’une même cause (la mutation du gène LRRK2) peut conduire à des stigmates histopathologiques différents, renforçant l’hypothèse que les corps de Lewy ne pourraient être qu’un simple marqueur du phénotype. Ces observations, tout comme celles faites chez les patients avec des mutations du gène de la Parkine, conduisent à remettre en cause le dogme de la maladie de Parkinson définie par la dégénérescence des neurones dopaminergiques associée à la présence de corps de Lewy. De fait, il pourrait exister différentes formes de maladie de Parkinson, éventuellement avec une même cause, mais avec des phénotypes de mort cellulaire différents.
Le gène LRRK2 code pour une protéine de 2 527 acides aminés, dont la structure suggère qu’elle joue un rôle de kinase. Il est tentant de penser, en raison des lésions neuropathologiques associées, que cette kinase pourrait avoir pour substrat les protéines α-synucléine et/ou tau. Un tel résultat permettrait d’établir un lien fonctionnel entre LRRK2 et l’α-synucléine et donc entre ce gène et la maladie de Parkinson idiopathique. Compte tenu des lésions observées chez les patients, l’éta-
blissement de modèles animaux avec des mutations de ce gène devrait s’avérer très instructif.
CONCLUSION
D’importants progrès dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie de Parkinson ont été réalisés grâce à l’identification et la caractérisation de gènes responsables de rares formes monogéniques de cette affection. Les protéines impliquées peuvent avoir un lien fonctionnel évident avec la maladie de Parkinson idiopathique, comme l’α-synucléine, ou bien qui reste à découvrir, comme pour LRRK2. Néanmoins, ces recherches nous ont appris que la formation des corps de Lewy n’est pas un événement indispensable dans le processus de dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substantia nigra. Ces études soulignent également qu’un dysfonctionnement mitochondrial constitue un lien fort entre les causes environnementales et génétiques, qui sous-tendent le développement de la maladie de Parkinson. Le futur nous dira comment les diverses protéines identifiées dans les formes familiales de maladie de Parkinson et les facteurs environnementaux rendent compte de la maladie de Parkinson, et si elles s’intègrent dans une voie biochimique commune. Déjà, l’identification de ces gènes fournit de nouvelles cibles dans la perspective de thérapeutiques neuroprotectrices.
REMERCIEMENTS
La recherche sur la maladie de Parkinson est soutenue par des financements de la Fondation de France (no 2003013796), la Communauté Européenne (LSHM-CT-2003- 503330 — APOPIS) et le National Institutes of Health (NIH).
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DISCUSSION
M. Jean-Jacques HAUW
Quel est l’âge de début qui doit faire soupçonner une anomalie génétique ? A-t-il un avantage de survie associé au développement rapide de la mutation G2019S dont vous avez signalé la grande prévalence dans certaines populations ?
Jusqu’à présent, une origine génétique était surtout suspectée dans les formes de début précoce (avant 40 ans) avec l’implication de trois gènes associés à une transmission autosomique récessive ( Parkine en premier lieu et Pink1 ou DJ-1 , plus rarement). Des études récentes étendent cette notion à des formes tardives dans certaines populations.
Par exemple la mutation G2019S du gène LRRK2 est détectée chez près de 20 % et 40 % des patients avec une maladie de Parkinson mais sans histoire familiale dans les population juive Ashkénaze et arabe d’Afrique du nord, respectivement. Dans ces cas le tableau est celui d’une maladie de Parkinson « idiopathique » avec un début tardif. La prévalence de la mutation G2019S dans certaines population n’est pas encore expliquée. Un avantage sélectif causé par la mutation serait envisageable mais il n’y a actuellement pas de piste pour en comprendre la nature. Cette hypothèse doit encore être validée par des études de génétique des populations.
M. Bernard LECHEVALIER
Doit-on envisager le diagnostic de forme familiale à transmission autosomique récessive, que vous désignez sous le nom de PARK 2, 6, 7 devant l’apparition, chez une personne de vingt-cinq ans, d’une maladie de Parkinson d’allure idiopathique sans antécédents familiaux ? A quelle tranche d’âge s’applique le mot « précoce » ? Ces formes ont-elles des particularités cliniques et évolutives, et quelles applications thérapeutiques peut avoir une étude du génome ? Qu’est devenue la maladie de l’île de Guam, associant : syndrome parkinsonien, maladie du motoneurone et démence ? D’abord considérée comme une affection génétique, elle a été ensuite attribuée à l’ingestion de graines de Cycas. Cette cause a t-elle été confirmée, comment le végétal agit-il ?
La survenue à vingt-cinq ans d’une maladie de Parkinson même sans histoire familiale est expliquée dans environ un tiers des cas par une cause génétique particulièrement les gènes Parkine (PARK2), Pink1 (PARK6) et DJ1 (PARK7). Les formes précoces sont le plus souvent définies par un début avant quarante ans (parfois avant cinquante ans). Les patients qui présentent des mutations de ces gènes ne sont pas distinguables à l’échelle individuelle des autres cas de début précoce qui sont tous de progression lente. Seule l’analyse génétique qui a des conséquences pour le conseil génétique, permet de les distinguer. Leur identification n’a pas de conséquences directes pour leur traitement.
Cependant, nous avons montré par exemple que le patients porteurs de mutations de la Parkine répondent très bien à la stimulation cérébrale profonde. La maladie de l’île de Guam n’a pas encore révélé ses secrets mais comme elle est en voie de disparition, il est possible qu’aucune explication ne soit validée. Sa disparition spontanée exclu qu’il s’agisse d’une maladie purement génétique. L’hypothèse d’une excito-toxicité due à un acide aminé excitateur contenu dans les graines de Cycas n’a jamais été démontrée de façon convaincante.
Mme Monique ADOLPHE
Pouvez-vous nous préciser le rôle des mitochondries dans la maladie de Parkinson ?
Le rôle d’un dysfonctionnement mitochondrial dans la maladie de Parkinson fait partie des hypothèses les plus en vogue et les mieux étayées. Différentes études ont montré des défauts de différentes sous unités de la chaîne respiratoire mitochondriale dans la substantia nigra ou dans des tissus périphériques de patients parkinsoniens. De plus, des facteurs environnementaux susceptibles de produire un syndrome parkinsonien chez l’homme et /ou chez l’animal tels que le MPTP ou la roténone sont des bloqueurs du complexe I de la chaîne respiratoire. Enfin, parmi les gènes impliqués dans la maladie de Parkinson, plusieurs sont localisés ( Pink1 ) dans la mitochondrie ou exercent en partie leur activité sur cet organite (
Parkine et DJ-1 ).
* INSERM U679 (anciennement U289), Département de Génétique, Cytogénétique et Embryologie, et Fédération de Neurologie — Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP et Université Pierre et Marie Curie — 47 boulevard de l’Hôpital — 75651 PARIS cedex 13. Tirés à part : Professeur Alexis BRICE, à l’adresse ci dessus. Article reçu le 19 septembre 2005, et accepté le 24 octobre 2005 .
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 485-498, séance du 28 février 2006